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21/11/2019 | LUXEMBOURG | N°154/19

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 21 novembre 2019, 154/19


N° 154 / 2019 du 21.11.2019.

Numéro CAS-2019-00003 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt et un novembre deux mille dix-neuf.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeu

rant à (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Anaïs BOVÉ, avocat à la Cour, en l...

N° 154 / 2019 du 21.11.2019.

Numéro CAS-2019-00003 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt et un novembre deux mille dix-neuf.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Anaïs BOVÉ, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et:

l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Ministre d’Etat, dont les bureaux sont établis à L-1341 Luxembourg, 2, place de Clairefontaine, défendeur en cassation, comparant par Maître Olivier UNSEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 12 novembre 2018 sous le numéro 2018/0290 (No. du reg.: ADEM 2018/0015) par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 7 janvier 2019 par X à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, déposé le 10 janvier 2019 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 25 janvier 2019 par l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG à X, déposé le 29 janvier 2019 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Eliane EICHER et les conclusions de l’avocat général Elisabeth EWERT ;

Sur les faits :

Selon l’arrêt attaqué, la commission spéciale de réexamen avait confirmé une décision du directeur de l’Agence pour le développement de l’emploi ayant refusé à X le bénéfice des indemnités de chômage complet au motif qu’elle n’était pas à considérer comme chômeur involontaire au-delà du 23 août 2016. Le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait, par réformation, dit que la requérante était à considérer comme chômeur involontaire au-delà du 23 août 2016. Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a réformé ce jugement après avoir retenu que l’attitude adoptée par X équivalait à un refus de travail.

Sur le premier moyen de cassation :

« tiré de la dénaturation du contenu de l'email du 30 août 2016 de Mme Y.

Madame X avait introduit un recours devant le Conseil arbitral de la sécurité sociale en date du 30 janvier 2017, à l'encontre d'une décision de la Commission Spéciale de Réexamen de l'ADEM notifiée le 28 décembre 2016.

Par cette décision, cet organisme avait déclaré non fondée la demande de Madame X tendant à vouloir être relevée du retrait définitif de ses indemnités de chômage rétroactivement au 23 août 2016.

En résumé, l'ADEM estimait que la requérante aurait délibérément saboté un entretien pour un poste proposé en invoquant des problèmes de santé inexistants. De ce fait, il y aurait eu lieu de la sanctionner sur base de l'article L. 521-12 (1) du Code du travail.

Or le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait fait droit à la demande de Madame X :

L'ADEM a interjeté appel de cette décision de première instance devant le Conseil supérieur de la sécurité sociale, qui a conclu à la réformation du jugement entrepris :

(p. 4 de l'arrêt) D'un côté, le Conseil supérieur de la sécurité sociale ignore les preuves de grande motivation de Madame X. (pièces n°11 à n°13 de la farde de pièces de Me BOVÉ).

Et d'un autre côté, le Conseil supérieur de la sécurité sociale se base sur un simple ressenti d'un employeur potentiel pour justifier de la sanction la plus grave pouvant être prise par l'ADEM, i.e. le retrait définitif des indemnités de chômage, avec effet rétroactif.

En effet, à aucun moment le Conseil supérieur de la sécurité sociale n'explique comment, concrètement, Madame X aurait eu envers Madame Y un changement d'attitude, des hésitations, des réticences, une absence de motivation et un manque de flexibilité, le tout qui pourrait prouver un refus de travail. A ce stade, il ne peut s'agir que de suppositions, d'un simple ressenti, d'éléments purement subjectifs, dans tous les cas formellement contredits par Madame X. En outre, le Conseil supérieur de la sécurité sociale s'est contenté de croire les dires de Madame Y quant à sa promesse de CDI suite au stage de professionnalisation, alors qu'il pouvait s'agir d'un simple leurre.

C'est précisément l'objet de ce premier moyen de cassation.

Un simple email et une simple déclaration d'un employeur potentiel, sur son ressenti face à une candidature, n'auraient jamais dû être pris comme seules bases des conclusions de l'arrêt, tout en ignorant les preuves contraires.

En première instance, Madame X s'est présentée au Conseil arbitral de la sécurité sociale et a donné sa version des faits, sous le serment, ce qui a probablement contribué aux conclusions du jugement.

Au contraire, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a ignoré sa version des faits, tout en se basant sur un simple email de Madame Y.

Madame X était très motivée pour son entretien, qui s'était très bien déroulé.

Le 30 août 2016, l'employeur potentiel Y lui avait proposé le poste en question, sous forme d'un stage de professionnalisation, ce qu'elle ne connaissait pas et cela l'avait perturbée. L'employeur potentiel lui avait alors proposé de s'informer, ce qu'elle a fait et l'avait rappelé le 31 août 2016 pour lui confirmer son intérêt. Néanmoins, l'employeur n'était plus d'accord pour l'embaucher.

Partant, au vu de tous ces éléments, la Cour de Cassation ne pourra que constater que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a dénaturé cet écrit, tout en ignorant les pièces positives n°11 à n°13 de la farde de pièces de Me BOVÉ. ».

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche du moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, le cas d’ouverture invoqué.

Le moyen ne précise pas le texte de loi qui aurait été violé.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

Sur le second moyen de cassation :

« tiré de la violation des articles L. 521-3 §4 et L. 521-12 (1) §5 du Code du travail.

L'article L. 521-3 du même Code dispose :

L'article L. 521-12 (1) du même Code dispose :

(1) Le droit à l'indemnité de chômage complet cesse :

(…) 4. en cas de refus non justifié d'un poste de travail approprié, ou 5. en cas de refus non justifié du chômeur de participer à des stages, cours ou travaux d'utilité publique lui assignés par ’’l'Agence pour le développement de l'emploi’’ conformément au paragraphe (3) de l'article L. 523-1. » Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a violé ces articles en confirmant la décision de l'ADEM de retirer définitivement et rétroactivement les indemnités de chômage de Madame X, alors même qu'elle n'avait jamais refusé un poste de travail approprié ou un stage assigné par l'ADEM et alors même qu'il n'y avait aucune preuve tangible d'un tel refus.

En effet, un simple ressenti d'un employeur potentiel ne saurait justifier une telle suppression des indemnités de chômage.

Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a tantôt ignoré, tantôt méconnu le contenu et le sens des documents susmentionnés.

Il a également violé les articles précités.

Tout ceci ayant abouti à un résultat grave, aussi bien juridiquement qu'humainement.

Partant, il conviendra d'accueillir les moyens de cassation. ».

Sous le couvert du grief de la violation des dispositions visées au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des éléments de preuve leur soumis, et notamment des déclarations de l’employeur avec lequel la demanderesse en cassation avait eu un entretien d’embauche, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure :

La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il n’est pas inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation les frais exposés non compris dans les dépens, de sorte que sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est également à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Olivier UNSEN, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER et du greffier Viviane PROBST.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 154/19
Date de la décision : 21/11/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2019-11-21;154.19 ?

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