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31/01/2019 | LUXEMBOURG | N°19/19

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 31 janvier 2019, 19/19


N° 19 / 2019 pénal. du 31.01.2019. Not. 115/16/DD Numéro 3937 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, trente et un janvier deux mille dix-neuf,

sur le pourvoi de :
X, né le (…) à (…), demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu,
en présence du Ministère public,

l’arrêt qui suit : =======================================================

LA COUR DE CASSATION :
Vu l’arrêt de la

Cour du 8 mars 2018 qui a écarté les trois premiers moyens de cassation présentés par le demandeur en ca...

N° 19 / 2019 pénal. du 31.01.2019. Not. 115/16/DD Numéro 3937 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, trente et un janvier deux mille dix-neuf,

sur le pourvoi de :
X, né le (…) à (…), demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu,
en présence du Ministère public,

l’arrêt qui suit : =======================================================

LA COUR DE CASSATION :
Vu l’arrêt de la Cour du 8 mars 2018 qui a écarté les trois premiers moyens de cassation présentés par le demandeur en cassation ;
Sur le quatrième moyen de cassation : Attendu que, statuant sur le quatrième moyen de cassation tiré de la
violation de l’article 14 de la Constitution, la Cour, après avoir relevé que « le principe de la légalité de la peine implique la nécessité de définir les infractions en des termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire et permettre aux intéressés de mesurer exactement la nature et le type des agissements sanctionnés ; que le principe de la spécification de l’incrimination est partant le corollaire de celui de la légalité de la peine consacré par l’article 14 de la Constitution », a saisi la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle suivante :
« L’article 17 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 relative à la protection de
la nature et des ressources naturelles est-il conforme à l’article 14 de la Constitution en ce qu’il ne définit pas le terme de << biotope >>, mais se limite à en illustrer la portée par une liste non limitative d’exemples ? >> ;

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Vu l’article 14 de la Constitution ; Vu l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 6 juin 2018 qui a dit que « par
rapport à la question préjudicielle posée, l’article 17, alinéa 1er, première phrase de la loi modifiée du 19 janvier 2004 est contraire à l’article 14 de la Constitution pour les lieux de vie y non énumérés en tant qu’exemples de biotope » ;
Attendu qu’il se dégage de cette réponse que le principe de la légalité des
peines n’a pas été respecté en l’espèce en ce que le concept de « biotope » a été appliqué à un arbre;
Qu’il en suit que le moyen est fondé et que l’arrêt encourt la cassation de ce
chef ; Sur le cinquième moyen de cassation : tiré « de la violation du principe << actori incumbit probatio >>, en ce que le tribunal condamne la partie demanderesse en cassation pour
avoir abattu un habitat d'espèce sans pour autant fournir la moindre preuve légale que l'arbre en question constituait un habitat de chauves-souris protégé par l'article 17 de la loi du 19 janvier 2004,
alors que ce faisant, le jugement attaqué viole le principe susvisé alors que
faute de preuve probante, le tribunal aurait dû prononcer l'acquittement de la partie demanderesse en cassation du chef d'avoir abattu un habitat d'espèce protégé, l'habitat d'espèce n'étant pas autrement défini. » ;
Attendu que sous le couvert du grief de la violation du principe général du
droit « actori incumbit probatio », consacré par l’article 6, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des faits et éléments de preuve de la cause soumis à la libre contradiction, en l’occurrence, la question de savoir si l’arbre abattu constituait un habitat pour chauves-souris, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
Qu’il en suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Sur le sixième moyen de cassation : tiré « de la violation du principe << in dubio pro reo >>, en ce que le tribunal a condamné la partie demanderesse en cassation
d'avoir, sans disposer d'une dérogation du Ministre compétent - détruit ou détérioré un habitat de l'espèce visé à l'annexe 2 de la loi du 19 janvier 2004, en se basant sur des suppositions, des suggestions et des annotations douteuses résultant du PAG de la commune de Consdorf,

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alors que ce faisant, le tribunal a violé le principe selon lequel le doute doit profiter à l'accusé. » ;
Attendu que sous le couvert du grief de la violation du principe général du
droit « in dubio pro reo », déduit par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme des dispositions de l’article 6, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des faits et éléments de preuve de la cause soumis à la libre contradiction, en l’occurrence, la question de savoir si l’arbre abattu constituait un habitat pour chauves-souris, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
Qu’il en suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Sur le septième moyen de cassation : tiré « de la violation l'article 14 de la Constitution qui dispose que <<Nulle
peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi. >>, en ce que le tribunal a ordonné le rétablissement des lieux en leur état
antérieur en y plantant un arbre noyer (juglans regia), en ce faisant, le tribunal a violé le principe susvisé et notamment les
dispositions de l'article 65 (6) de la loi du 19.01.2004 sur la protection de la nature et des ressources naturelles alors que la plantation d'un arbre, sans précision de lieu ou de mode exact, ne constitue guère un rétablissement des lieux au sens propre du terme et représente dès lors une peine illégale prévue par aucun texte.
Il y a dès lors lieu de casser le jugement attaqué. » ; Attendu que la disposition constitutionnelle visée au moyen est étrangère au
grief invoqué par le demandeur en cassation critiquant la décision du tribunal d’ordonner le rétablissement des lieux qui ne constitue pas une peine, mais un mode particulier de réparation ou de restitution à caractère civil destiné à mettre fin à une situation contraire à la loi résultant d’une infraction et nuisant à l’intérêt public ;
Qu’il en suit que le moyen est irrecevable; Sur le huitième moyen de cassation : tiré « de la violation du principe << ad impossibilia nemo tenetur >>, en ce que le tribunal a ordonné le rétablissement des lieux en leur état
antérieur en y plantant un arbre noyer (juglans regia) d'un diamètre au collet de vingt centimètres et d'une hauteur minimale de six mètres,

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alors que ce faisant, le tribunal a violé le principe ci-avant mentionné alors que personne ne peut être tenu à la réalisation d'un acte si celui-ci n'est pas réalisable, respectivement impossible » ;
Attendu que la violation d’un principe général ne donne ouverture à
cassation que s’il trouve son expression dans un texte de loi ou s’il est consacré par une juridiction supranationale ;
Attendu que la demanderesse en cassation n’invoque pas de texte de loi qui
exprimerait le principe énoncé au moyen, ni une jurisprudence d’une juridiction supranationale qui consacrerait ce principe ;
Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;
Par ces motifs,
casse et annule, dans la limite du quatrième moyen de cassation, le jugement numéro 136/2017, rendu le 2 mars 2017 par le tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en instance d’appel en matière de police ;
déclare, dans cette mesure, nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et
les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant le jugement cassé et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’arrondissement de Diekirch, autrement composé ;
rejette le pourvoi pour le surplus ; laisse les frais de l’instance en cassation à charge de l’Etat ; ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera
transcrit sur le registre du tribunal d’arrondissement de Diekirch et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt sera consignée en marge de la minute du jugement annulé.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, trente et un janvier deux mille dix-neuf, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de : Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Henri BECKER, conseiller à la Cour d’appel, Yannick DIDLINGER, conseiller à la Cour d’appel,
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qui ont signé le présent arrêt avec le greffier Viviane PROBST.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Madame Isabelle JUNG, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 31/01/2019
Date de l'import : 11/06/2019

Fonds documentaire ?: Legilux


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19/19
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2019-01-31;19.19 ?

Source

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