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10/07/2018 | LUXEMBOURG | N°80/18

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 10 juillet 2018, 80/18


N° 80 / 2018 du 10.07.2018.

Numéro 3991 du registre.

Audience publique extraordinaire de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du mardi, dix juillet deux mille dix-huit.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, président de chambre à la Cour d’appel, Simone FLAMMANG, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (

…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, en l’étude duque...

N° 80 / 2018 du 10.07.2018.

Numéro 3991 du registre.

Audience publique extraordinaire de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du mardi, dix juillet deux mille dix-huit.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, président de chambre à la Cour d’appel, Simone FLAMMANG, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Ministre d’Etat, ayant ses bureaux à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, défendeur en cassation, comparant par Maître Christian JUNGERS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

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LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 1er juin 2017 sous le numéro 2017/0197 (No. du reg. COMIX 2016/0261) par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 1er août 2017 par X à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG (ci-après « l’ETAT »), déposé au greffe de la Cour le 7 août 2017 ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 22 septembre 2017 par l’ETAT à X, déposé au greffe de la Cour le 28 septembre 2017 ;

Sur le rapport du conseiller Nico EDON et sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le conseil arbitral de la sécurité sociale avait déclaré non fondé le recours exercé par X contre une décision de la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail, qui avait retenu que X n’était pas éligible à un reclassement professionnel, au motif qu’elle avait occupé son dernier poste de travail depuis moins de 3 ans et qu’elle n’était pas en possession d’un certificat d’aptitude au poste de travail établi par le médecin du travail ; que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a confirmé le jugement entrepris ;

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de l'insuffisance de motifs valant absence de motifs (article 89 de la Constitution et article 249, en combinaison avec l'article 587 du Nouveau code de procédure civile) au regard de l'article L.551-1 (1) du Code du Travail en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré l'appel de la demanderesse en cassation non fondé et confirmé le jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale du 25 novembre 2016, ayant à son tour confirmé la décision de la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail (ci-après la COMIX) qui a déclaré irrecevable le dossier de la demanderesse en cassation contenant sa demande de reclassement externe aux motifs que l'affirmation de la demanderesse en cassation selon laquelle la société Soc1) sàrl, ayant son siège social au Luxembourg (où elle a travaillé à partir du 3 juin 2013 comme boulangère), d'une part, et la société Soc1) sprl, ayant son siège social en Belgique (où elle a travaillé à partir du 17 juillet 2007, toujours comme boulangère) auraient été exploitées par les mêmes personnes, lesdites sociétés » et que tout en ajoutant alors que l'article L.551-1 (1) du Code du travail rend éligible au reclassement professionnel (interne ou externe) toute personne ayant occupé depuis plus de trois ans, qu'il était acquis en cause que la demanderesse en cassation a travaillé en tant que boulangère auprès de diverses sociétés (de droit belge, luxembourgeois voire français) portant toujours la même dénomination sociale et que son ancienneté à partir de la date de son engagement (17 juillet 2007) auprès de la société de droit belge figurait sur sa fiche de salaire établie par la société de droit luxembourgeois du même nom, qu’en se limitant à faire état des , à savoir les statuts de la société Soc1) sàrl, pour en déduire sans autre précision que celles-ci ne contiendraient (Soc1) sàrl et Soc1) sprl) et que la demanderesse en cassation n'avait pas rapporté la preuve de son occupation dudit poste auprès du , sans préciser pour autant dans quelle mesure les preuves soumises apportées par la demanderesse en cassation n'établissaient pas cette occupation de plus de trois ans auprès du , le Conseil supérieur de la sécurité sociale a motivé sa décision de manière insuffisante, cette insuffisance valant absence de motifs et encourant la cassation, étant donné que l'obligation de motiver les jugements et arrêts constitue une obligation tant constitutionnelle que légale. » ;

Attendu qu’en tant qu’il est tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 du Nouveau code de procédure civile, en combinaison avec l’article 587 du même code, le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme ;

Attendu qu’une décision judiciaire est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré ;

Attendu qu’il résulte de l’énoncé même du moyen que l’arrêt attaqué comporte une motivation sur le point considéré de l’éligibilité au reclassement professionnel interne ou externe de la demanderesse en cassation ;

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « du défaut de base légale au regard de l'article L.551-1 (1) du Code du travail rendant éligible au reclassement professionnel (interne ou externe) toute personne ayant occupé depuis plus de trois ans, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré l'appel de la demanderesse en cassation non fondé et confirmé le jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale du 25 novembre 2016, ayant à son tour confirmé la décision de la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail (ci-après la COMIX) qui a déclaré irrecevable le dossier de la demanderesse en cassation contenant sa demande de reclassement externe aux motifs que l'affirmation de la demanderesse en cassation selon laquelle la société Soc1) sàrl, ayant son siège social au Luxembourg (où elle a travaillé à partir du 3 juin 2013 comme boulangère), d'une part, et la société Soc1) sprl, ayant son siège social en Belgique (où elle a travaillé à partir du 17 juillet 2007, toujours comme boulangère) auraient été exploitées par les mêmes personnes, et que tout en ajoutant alors que l'article L.551-1 (1) du Code du travail rend éligible au reclassement professionnel (interne ou externe) toute personne ayant occupé depuis plus de trois ans, qu'il était acquis en cause que la demanderesse en cassation a travaillé en tant que boulangère auprès de diverses sociétés (de droit belge, luxembourgeois voire français) portant toujours la même dénomination sociale et que son ancienneté à partir de la date de son engagement (17 juillet 2007) auprès de la société de droit belge figurait sur sa fiche de salaire établie par la société de droit luxembourgeois du même nom, qu’en s'arrêtant à la constatation d'une entre les différentes sociétés portant la même dénomination sociale sans avoir examiné si les parts sociales desdites sociétés ne sont pas, du moins partiellement, détenues par les mêmes personnes physiques ou morales, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 551-1 (1) du Code du travail et n'a pas permis à la Cour de cassation d'exercer son contrôle. » ;

Vu l’article L. 551-1, paragraphe 1, du Code du travail qui dispose que :

« Le salarié qui n’est pas à considérer comme invalide au sens de l’article 187 du Code de la sécurité sociale, mais qui par suite de maladie ou d’infirmité présente une incapacité pour exécuter les tâches correspondant à son dernier poste de travail, peut bénéficier, dans les conditions prévues au présent Titre, d’un reclassement professionnel interne ou d’un reclassement professionnel externe, ainsi que du statut de personne en reclassement professionnel.

Les salariés qui occupent leur dernier poste de travail depuis moins de trois ans ne sont éligibles pour le reclassement professionnel que sous condition qu’ils soient en possession d’un certificat d’aptitude au poste de travail, établi par le médecin du travail compétent lors de l’embauche à ce dernier poste de travail.

(…) .» ;

Attendu qu’en son alinéa 2, l’article L. 551-1, paragraphe 1, du Code du travail subordonne l’éligibilité au reclassement à une continuité des relations de travail avant qu’il soit constaté que le salarié présente une incapacité pour exécuter les tâches correspondant à son dernier poste de travail ;

Qu’ainsi le salarié qui occupe son dernier poste de travail depuis moins de 3 ans doit être en possession d’un certificat d’aptitude au poste de travail établi par le médecin du travail compétent lors de l’embauche à ce dernier poste de travail ;

Attendu que l’arrêt attaqué retient que « suivant contrats de travail versés en cause, X était engagée à partir du 17 juillet 2007 par la société Soc1) sprl, sise en Belgique et à partir du 3 juin 2013 par la société Soc1) sàrl, sise au Luxembourg », et que les fiches de salaire établies par Soc1) sàrl renseignent une ancienneté de service de la demanderesse en cassation à partir du 17 juillet 2007 ;

Qu’il résulte encore implicitement des constatations en fait opérées par les juges d’appel que la demanderesse en cassation a toujours occupé le même poste de travail ;

Attendu qu’en l’état de ces constatations, desquelles il résulte que la demanderesse en cassation a travaillé de manière continue au même poste de travail depuis 2007 pour des employeurs successifs, constitués certes sous forme de sociétés distinctes relevant de législations différentes, mais avec à chaque fois une dénomination sociale identique, et avec prise en compte, en termes d’ancienneté de service, du travail accompli depuis 2007, l’arrêt attaqué, pour apprécier si la demanderesse en cassation occupait son dernier poste de travail depuis plus ou moins de trois ans, ne pouvait se limiter à faire état des seuls «statuts de la société Soc1) sàrl, qui est son dernier employeur, ne contenant aucun élément permettant de conclure à l’existence d’un lien » entre les sociétés, employeurs successifs, de la demanderesse en cassation ;

Attendu qu’il en suit qu’en statuant comme ils l’ont fait, les juges d’appel n’ont pas donné de base légale à leur décision ;

Que l’arrêt attaqué encourt la cassation ;

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure :

Attendu que la partie défenderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter ;

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à charge de la demanderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 1.500 euros ;

Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les troisième, quatrième et cinquième moyens de cassation, casse et annule l’arrêt rendu le 1er juin 2017 sous le numéro 2017/0197 (No.

du reg. COMIX 2016/0261) par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et, pour être fait droit, les renvoie devant le Conseil supérieur de la sécurité sociale autrement composé ;

rejette la demande de la partie défenderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la partie défenderesse en cassation à payer à la demanderesse en cassation une indemnité de procédure de 1.500 euros ;

condamne la partie défenderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Guy THOMAS, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre du Conseil supérieur de la sécurité sociale et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt sera consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Madame Simone FLAMMANG, premier avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 10/07/2018
Date de l'import : 09/12/2019

Fonds documentaire ?: Legilux


Numérotation
Numéro d'arrêt : 80/18
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2018-07-10;80.18 ?

Source

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