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05/07/2018 | LUXEMBOURG | N°76/18

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 05 juillet 2018, 76/18


N° 76 / 2018 du 05.07.2018.

Numéro 3985 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, cinq juillet deux mille dix-huit.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, président de chambre à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme de

droit suisse SOC1), en liquidation, établie et ayant son siège social à (…), représentée par son l...

N° 76 / 2018 du 05.07.2018.

Numéro 3985 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, cinq juillet deux mille dix-huit.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, président de chambre à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme de droit suisse SOC1), en liquidation, établie et ayant son siège social à (…), représentée par son liquidateur, inscrite au registre de commerce du canton de A) sous le numéro (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Virginie BROUNS, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et:

Maître X, avocat à la Cour, agissant en sa qualité de liquidateur de la société anonyme de droit luxembourgeois SOC2), établie et ayant son siège social à (…), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), déclarée en état de liquidation judiciaire par jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du (…), défendeur en cassation, comparant par Maître X, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

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LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué, numéro 78/17, rendu le 3 mai 2017 sous le numéro 43733 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 26 juillet 2017 par la société anonyme de droit suisse SOC1), en liquidation, (ci-après « la société SOC1) ») à Maître X, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société anonyme de droit luxembourgeois SOC2) (ci-après « la société SOC2) »), déposé le 28 juillet 2017 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 26 septembre 2017 par Maître X à la société SOC1), déposé le même jour au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Carlo HEYARD et sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER ;

Sur les faits :

Attendu que la société SOC1) avait cédé le 1er décembre 1989 à la société SOC2) des parts sociales d’une tierce société ; que par jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, la demande en paiement du prix de ces parts sociales dirigée par la société SOC1) contre Maître X, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SOC2), avait été déclarée prescrite ; que la Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris ;

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de la violation de la loi, sinon d'une application erronée, sinon d'une fausse interprétation de la loi, in specie de l'article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, sinon de l'article 4 du règlement européen dit n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;

en ce que, dans l'arrêt attaqué du 3 mai 2017, la Cour a déclaré autre élément du dossier ne permettant de détecter la volonté des parties au contrat de lui voir appliquer la loi d'un Etat spécifique, c'est à bon droit que les premiers juges ont fait application de l'article 4 de la Convention de Rome pour dire que c'est la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a son administration principale qui doit s'appliquer. C'est encore à bon droit qu'ils ont retenu que dans un contrat de vente la prestation caractéristique est celle du vendeur.

Ils ont partant valablement pu conclure que c'est la loi suisse qui est applicable » (page 8 de l'arrêt) en ce que la Cour a néanmoins appliqué l'article 1328 du Code civil luxembourgeois suite au moyen de défense soulevé par Maître X sur la question de la date certaine des deux conventions de cession signées les 21 et 31 décembre 2012 pour dire que les deux conventions n'avaient pas date certaine et conclure que les conventions de cession ne lui étaient pas opposables ;

aux motifs qu’SOC1) ne verse pas la preuve du contenu de la loi suisse sur la question de la date certaine des deux conventions de cessions et poursuit sur cette même base légale du Code civil luxembourgeois pour déclarer que SOC1) n'établit pas l'existence d'un usage quant à la question de l'enregistrement des transactions commerciales allant à l'encontre dudit article 1328 du Code civil luxembourgeois ;

alors qu'en application des dispositions de la Convention de Rome et de celles du règlement européen dit n° 593/2008 du 17 juin 2008, de même que la clause de droit applicable desdites conventions la loi suisse trouve à s'appliquer ;

alors que le droit suisse ne prévoit pas de sanction d'inopposabilité à défaut d'enregistrement d'une convention ;

de sorte que la Cour aurait dû faire application de la loi suisse ou à tout le moins ne pas appliquer l'article 1328 du Code civil luxembourgeois quant à la question de la date certaine des conventions de cessions litigieuses » ;

Attendu que la Cour d’appel, confirmant le jugement entrepris, a, sur base de la règle de conflit de lois inscrite à l’article 4 de la Convention de Rome du 18 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, déclaré le droit suisse applicable au contrat du 1er décembre 1989 et à la prescription ; que la société SOC1), pour dire qu’il n’y avait pas eu prescription, avait invoqué deux conventions de cession entre parties signées les 21 et 31 décembre 2012 ; que la Cour d’appel, toujours par confirmation du jugement entrepris, a, face au soutènement du liquidateur que ces deux conventions lui seraient inopposables faute de date certaine, soumis la question de la date certaine à la loi luxembourgeoise au motif que la société SOC1), à qui incombait la preuve de la loi étrangère, n’avait pas établi le contenu de la loi suisse sur cette question ;

Attendu que la Convention de Rome du 19 juin 1980 détermine la loi applicable aux obligations contractuelles en cas de conflit de lois ; qu’elle est muette quant à la preuve et à la charge de la preuve du contenu de la loi étrangère applicable ;

Attendu que l’article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 est dès lors étranger au grief invoqué ;

Attendu que le règlement européen, dit « Rome I », n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, invoqué, qui remplace la Convention de Rome, s’appliquant seulement aux contrats conclus après le 17 décembre 2009, l’article 4 de ce règlement est également étranger au grief invoqué ;

Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « de la violation de la loi, sinon d'une application erronée, sinon d'une fausse interprétation de la loi, in specie de l'article 89 de la Constitution et de l'article 249 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile ;

que les conseillers d'appel se sont contredits au sein même de la motivation de l'arrêt ;

en ce que, dans l'arrêt attaqué du 3 mai 2017, la Cour a déclaré que c'est à bon droit que les premiers juges ont fait application de l'article 4 de la Convention de Rome et ont pu valablement conclure à l'application de la loi suisse, mais a déclaré que la loi luxembourgeoise, respectivement l'article 1328 du Code civil luxembourgeois, avait vocation à s'appliquer sur la question de la date certaine et de l'opposabilité des deux conventions de cession signées les 21 et 31 décembre 2012 comme étant la loi du for ;

alors cependant que la Cour aurait dû faire application de la loi suisse également sur la question de la date certaine des deux conventions de cession signées les 21 et 31 décembre 2012 et leur opposabilité ou à tout le moins ne pas appliquer l'article 1328 du Code civil luxembourgeois » ;

Attendu qu’il n’y a pas de contradiction entre le fait de conclure à l’application de la loi suisse et le fait d’écarter, en ce qui concerne la question de la date certaine, celle-ci au profit de la loi luxembourgeoise, au motif que la société SOC1) n’avait pas versé la preuve du contenu de la loi suisse sur cette question ;

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « de la violation de la loi, sinon d'une application erronée, sinon d'une fausse interprétation de la loi, in specie des articles 1315 et 6 du Code civil luxembourgeois et du principe général de droit de l'ordre public ;

en ce que, dans l'arrêt attaqué du 3 mai 2017, la Cour a déclaré que c'est à bon droit que les premiers juges ont fait application de l'article 4 de la Convention de Rome et ont pu valablement conclure à l'application de la loi suisse, mais a déclaré que la loi luxembourgeoise avait vocation à s'appliquer sur le moyen de défense soulevé par Maitre X qui contestait la date certaine des deux conventions de cession signées les 21 et 31 décembre 2012 comme étant la loi du for et a qualifié le liquidateur de tiers par rapport à la société en liquidation en lui permettant de se prévaloir et en faisant application de l'article 1328 du Code civil luxembourgeois pour dire que les deux conventions de cession étaient inopposables au liquidateur ;

aux motifs que SOC1) ne verse pas la preuve du contenu de la loi suisse sur la question de la date certaine des deux conventions de cessions et poursuit sur cette même base légale du Code civil luxembourgeois pour déclarer qu’SOC1) n'établit ni l'existence d'un usage quant à la question de l'enregistrement des transactions commerciales allant à l'encontre dudit article 1328 du Code civil luxembourgeois ;

alors cependant qu'en application de l'article 1315 du Code civil luxembourgeois traitant de la charge de la preuve, la Cour aurait dû faire peser la charge de la preuve du contenu du droit suisse sur SOC2) S.A. quant à la question de la date certaine des conventions de cessions litigieuses » ;

Attendu qu’aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture ;

Attendu que le moyen articule, d’une part, une violation de l’article 1315 du Code civil, relatif à la charge de la preuve, et, d’autre part, une violation de l’article 6 du Code civil luxembourgeois combiné à un prétendu principe général de droit de l’ordre public, relatif à l’interdiction de déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public, partant deux cas d’ouverture distincts ;

Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Madame Marie-

Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 76/18
Date de la décision : 05/07/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2018-07-05;76.18 ?

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