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05/07/2018 | LUXEMBOURG | N°75/18

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 05 juillet 2018, 75/18


N° 75 / 2018 du 05.07.2018.

Numéro 4001 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, cinq juillet deux mille dix-huit.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, président de chambre à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (…),

demanderesse en cassation, comparant initialement par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, en l’é...

N° 75 / 2018 du 05.07.2018.

Numéro 4001 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, cinq juillet deux mille dix-huit.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, président de chambre à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (…), demanderesse en cassation, comparant initialement par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile a été élu, actuellement par Maître Laurent HARGARTEN, avocat à la Cour, demeurant à Esch-sur-Alzette, et:

1) l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, pris en sa qualité d’employeur de la partie demanderesse en cassation, représenté par le Ministre d’Etat, dont les bureaux sont établis à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, défendeur en cassation, comparant par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2) l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, pris en sa qualité de gestionnaire du Fonds pour l’emploi, représenté par le Ministre d’Etat, dont les bureaux sont établis à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, défendeur en cassation.

LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué, numéro 63/17, rendu le 1er juin 2017 sous le numéro 44024 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 3 août 2017 par X à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG en sa qualité d’employeur ainsi qu’en sa qualité de gestionnaire du Fonds pour l’emploi, déposé le 22 août 2017 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 14 septembre 2017 par l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, en sa qualité d’employeur, à X, déposé le 22 septembre 2017 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY et sur les conclusions de l’avocat général Elisabeth EWERT ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal du travail de Luxembourg avait déclaré non fondée une demande en paiement de diverses indemnités pour licenciement avec effet immédiat abusif introduite par X contre l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG et avait condamné la requérante au remboursement des indemnités de chômage indûment perçues à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, agissant en sa qualité de gestionnaire du Fonds pour l’emploi ; que la Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris, sauf à allouer, par réformation, à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG les intérêts légaux sur le montant lui alloué en première instance ;

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « d'une violation de l'article L.121-6 du Code du travail, sinon fausse application, sinon encore fausse interprétation de cet article, lequel était, au jour du licenciement, formulé comme suit :

ou d'accident est obligé, le jour même de l'empêchement, d'en avertir personnellement ou par personne interposée l'employeur ou le représentant de celui-

ci. L'avertissement visé à l'alinéa qui précède peut être effectué oralement ou par écrit.

(2) Le troisième jour de son absence au plus tard, le salarié est obligé de soumettre à l'employeur un certificat médical attestant son incapacité de travail et sa durée prévisible.

(3) L'employeur averti conformément au paragraphe (1) ou en possession du certificat médical visé au paragraphe (2) n'est pas autorisé, même pour motif grave, à notifier au salarié la résiliation de son contrat de travail, ou, le cas échéant, la convocation à l'entretien préalable visé à l'article L. 124-2 pour une période de vingt-

six semaines au plus à partir du jour de la survenance de l'incapacité de travail.

L'employé privé a droit, pour la fraction du mois de la survenance de l'incapacité de travail et les trois mois subséquents, au maintien intégral de son traitement et des autres avantages résultant de son contrat de travail. Dans le cas d'incapacités de travail successives entrecoupées par des journées ou périodes de reprise du travail, ce droit au maintien du traitement et des autres avantages résultant du contrat de travail ne peut être inférieur à treize semaines au cours d'une période de douze mois.

Les dispositions des alinéas 1 et 2 cessent d'être applicables à l'égard de l'employeur si la présentation du certificat médical n'est pas effectuée avant l'expiration du troisième jour d'absence du salarié.

La résiliation du contrat effectuée en violation des dispositions du présent paragraphe est abusive ».

En ce que la Cour d'appel, dans l'arrêt attaqué, a déclaré ce qui suit :

que la salariée avait informé son employeur dès le premier jour de son absence de son incapacité de travail, ni d'ailleurs, que le 12 octobre 2006 son employeur était effectivement en possession du certificat établi le même jour avant d'avoir expédié la lettre de licenciement.

Elle ne remplit donc pas les conditions pour pouvoir se prévaloir de la protection prévue par l'article L.121-6 (3) du Code du travail ».

Alors qu'aux termes de l'article L.121-6. du Code du travail, (1) le salarié absent dispose d'un délai jusqu'à la fin du premier jour d'absence pour informer son employeur, (2) l'employeur averti de la maladie n'est pas autorisé à notifier à son salarié la résiliation du contrat de travail, et (3) la résiliation du contrat effectuée nonobstant l'avertissement donné par le salarié est abusive de plein droit. Il découle de ce qui précède que le salarié absent bénéficie de la protection contre le licenciement durant toute sa première journée d'absence, et que le licenciement intervenant par un courrier envoyé au salarié absent avant l'expiration de cette première journée est abusif de plein droit. Dès lors, la Cour d'appel, en retenant que la demanderesse n'aurait pas rempli les conditions pour se prévaloir de la protection prévue par l'article L.121-6 du Code du travail, et en ne faisant pas droit aux conclusions de celles-ci visant à voir déclarer le licenciement abusif pour avoir été notifié par courrier envoyé avant l'expiration du délai qui lui était donné par la loi pour prévenir de sa maladie, a violé, sinon donné une fausse application, sinon encore une fausse interprétation à cet article L.121-6 du code du travail. Son arrêt encourt dès lors la cassation. » ;

Attendu que le moyen suivant lequel le licenciement serait abusif de plein droit pour être intervenu avant la fin du premier jour d’absence de la salariée n’avait pas été soulevé devant la Cour d’appel ;

Qu’il en suit que le moyen est nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de la cause, mélangé de fait et de droit et partant irrecevable ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « d'une violation de l'article L.124-10 du Code du travail, sinon fausse application, sinon encore fausse interprétation de cet article, lequel est formulé comme suit :

effectuée au moyen d'une lettre recommandée à la poste énonçant avec précision le ou les faits reprochés au salarié et les circonstances qui sont de nature à leur attribuer le caractère d'un motif grave. Toutefois, la signature apposée par le salarié sur le double de la lettre de licenciement vaut accusé de réception de la notification.

A défaut de motivation écrite le licenciement est abusif ».

En ce que la Cour d'appel, dans l'arrêt attaqué, a déclaré ce qui suit :

un montant de 3.925 euros a été viré du compte d'A), pensionnaire au CIPA Pfaffenthal, sur le compte personnel d'épargne de la salariée auprès de la SOC1), sans que celle-ci ait eu une instruction ou l'accord de la pensionnaire pour effectuer cette opération. Il s'ensuit que l'employeur reproche à l'appelante d'avoir été à l'origine du virement litigieux. L'employeur a également précisé que pour lui ce fait constitue un abus de confiance, partant une faute grave justifiant une résiliation du contrat de travail avec effet immédiat ».

Alors qu'au sens de l'article L.124-10 du Code du travail, c'est à l'employeur qu'il appartient d'indiquer dans sa lettre de licenciement les reproches qui selon lui justifient le licenciement, et les juges qui sont amenés par la suite à vérifier la régularité dudit licenciement ne peuvent en aucun cas ajouter ou préciser le reproche ainsi formulé. Dès lors, la Cour d'appel, en retenant que nonobstant le fait que ce reproche n'est pas formulé dans la lettre de licenciement, pour ensuite dire que les motifs sont énoncés avec une précision suffisante, et refuser de déclarer ledit licenciement abusif, a violé, sinon donné une fausse application, sinon encore une fausse interprétation à cet article L.124-10 du Code du travail. Son arrêt encourt dès lors la cassation. » ;

Attendu que sous le couvert du grief de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, du sens et de la portée des énonciations de la lettre de licenciement, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation ;

Qu’il en suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « d'une violation de l'article L.124-11 du Code du travail, sinon fausse application, sinon encore fausse interprétation de cet article, lequel est formulé comme suit :

caractère réel et sérieux des motifs incombe à l'employeur ».

En ce que la Cour d'appel, dans l'arrêt attaqué, après avoir retenu que la demanderesse contestait les motifs de licenciement, s'est exprimée comme suit :

l'appelante s'est par ailleurs limitée à parler d'une confusion, sinon d'une erreur sans expliquer celle-ci, alors que pourtant A) n'avait pas acheté de meubles, qu'un numéro fictif de facture avait été indiqué sur le paiement et qu'elle-même avait été bénéficiaire de l'argent débité du compte de la pensionnaire du CIPA. Or, les chiffres des comptes bancaires du magasin de meubles C) et de X sont fondamentalement différents, de sorte qu'une erreur à cet égard est à écarter.

Ces constatations ne sont ni énervées par le fait que suivant l'époux de X les écritures sur le virement litigieux ne seraient pas celles de l'appelante ni par le fait que B) a confirmé qu'elle avait été informée par l'appelante qu'elle avait une somme d'argent d'A) sur son compte qui ne lui appartenait pas, d'autant plus que cette déclaration vague ne permet pas de retenir si cette affirmation a été faite avant que la victime eut contacté les responsables du CIPA.

Finalement, et à supposer qu'un classeur contenant les coordonnées bancaires de l'appelante se trouvait également dans la chambre d'A), ce qui ne résulte pas des déclarations générales et vagues de B), aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'une personne non autrement définie ayant accès à cette chambre ait fait le virement litigieux en faveur de l'appelante à son insu, alors que seule X avait intérêt à voir créditer son compte.

Au vu des développements qui précèdent, l'Etat a établi à suffisance de droit par les pièces versées au dossier que X est à l'origine du transfert du montant de 3.9125 euros (sic) sur son propre compte qui a été fait sans instruction et sans accord de la pensionnaire du CIPA ».

Alors que suivant la loi, il appartenait à l'Etat, pris en sa qualité d'employeur, de prouver les motifs allégués du licenciement, et non pas à la demanderesse d'apporter la preuve de l'inexistence du reproche. Dès lors, c'est en violation de l'article L.124-11 du Code du travail que la Cour d'appel, sans constater au préalable une quelconque preuve tangible des motifs, a considéré que la demanderesse , que les allégations de l'employeur , ou encore qu' retenir qu'une personne non autrement définie ayant accès à cette chambre ait fait le virement litigieux en faveur de l'appelante à son insu ». » ;

Attendu que la demanderesse en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir violé la disposition visée au moyen par un renversement de la charge de la preuve ;

Attendu que le moyen procède d’une lecture tronquée de l’arrêt attaqué dans lequel la Cour a exposé, avant les motifs cités au moyen, que :

« Il résulte (…) d'un écrit du 8 septembre 2006, établi suivant les affirmations de la victime et signé par cette dernière, qu'A) s'est rendu compte à la réception de l'extrait de compte 016/001-2006 de la SOC1) que la somme de 3.925 euros a été débitée de son compte et virée sur un prétendu compte du magasin de meubles C) alors qu'elle n'avait ni commandé ni acheté des meubles. Renseignement pris auprès du magasin de meubles, il s'est avéré que la facture de référence n'a pas été établie par le magasin et que le numéro de compte sur lequel l'argent a été viré n'appartenait pas non plus à C).

Il résulte, en outre, du procès-verbal no 10348 du 8 septembre 2006, établi par la Police grand-ducale, circonscription régionale Diekirch, centre d'intervention Diekirch, que suivant les recherches effectuées par les agents verbalisateurs suite à la plainte d'A) que le compte bancaire sur lequel le montant de 3.925 euros a été viré est un compte appartenant à X.

A) a, en outre, précisé aux agents verbalisateurs que pendant son séjour au CIPA Pfaffenthal, X l'a aidée à remplir ses formulaires de virement et qu'elle a même signé une fois un virement en blanc à la demande de l'appelante. B) a également confirmé que l'appelante avait aidé A) à remplir ses formulaires de virement.

A cela s'ajoute que l'appelante a contacté A) dès que celle-ci s'était renseignée auprès des responsables du CIPA Pfaffenthal si des meubles avaient été commandés pour son compte et elle a informé la victime qu'elle allait rembourser le montant débité du compte. » ;

Attendu que la Cour d’appel a ainsi retenu, sur base des éléments de preuve apportés par l’employeur et dont elle a souverainement apprécié la pertinence au regard des contestations de la salariée, que l’employeur avait établi le fait qu’il reprochait à sa salariée ;

Que loin d’opérer un renversement de la charge de la preuve, elle a partant fait l’exacte application de l’article L. 124-11, paragraphe 3, du Code du travail ;

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure :

Attendu que la demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter ;

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à charge de l’ETAT DU GRAND-

DUCHE DE LUXEMBOURG, agissant en sa qualité d’employeur de la demanderesse en cassation, l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ;

rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse en cassation à payer à l’ETAT DU GRAND-

DUCHE DE LUXEMBOURG une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Georges PIERRET, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Madame Marie-

Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 75/18
Date de la décision : 05/07/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2018-07-05;75.18 ?

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