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16/02/2021 | LUXEMBOURG | N°45546

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 16 février 2021, 45546


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 45619C Inscrit le 8 février 2021 Audience publique du 16 février 2021 Appel formé par Monsieur …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 3 février 2021 (n° 45546 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.08.2008) Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 45619C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 8 février 2021 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour

, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 45619C Inscrit le 8 février 2021 Audience publique du 16 février 2021 Appel formé par Monsieur …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 3 février 2021 (n° 45546 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.08.2008) Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 45619C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 8 février 2021 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Somalie) et être de nationalité somalienne, actuellement retenu au Centre de rétention au …, dirigée contre le jugement du 3 février 2021 (n° 45546 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg a déclaré non fondé son recours en réformation dirigé contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 11 janvier 2021 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 17 janvier 2021 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 12 février 2021 par Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique de ce jour.

Le 9 octobre 2019, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par décision du 24 novembre 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le 1ministre », rejeta ladite demande dans le cadre d’une procédure accélérée, cette décision comportant encore un ordre de quitter le territoire sans délai à l’égard de Monsieur ….

Par arrêté du 3 décembre 2020, notifié à l’intéressé le 9 décembre 2020, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée maximum de trois mois à compter de la notification, sur base des dispositions de l’article 22, paragraphe (2), point c), de la loi du 18 décembre 2015.

Par arrêté du 17 décembre 2020, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna, d’une part, la mainlevée de l’arrêté de placement en rétention du 3 décembre 2020 et, d’autre part, le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à compter de la notification, sur base des motifs et considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport de police n° … du 19 octobre 2019 ;

Vu le rapport de police n° … du 13 mai 2020 ;

Vu le rapport de police n° … du 14 mai 2020 ;

Vu le rapport de police n° … du 14 mai 2020 ;

Vu le rapport de police n° … du 9 juin 2020 ;

Vu le rapport de police n° … du 2 juillet 2020 ;

Vu le rapport de police n° … du 29 juillet 2020 ;

Vu le rapport de police n° … du 31 août 2020 ;

Vu le rapport de police n° … du 4 septembre 2020 ;

Vu le rapport de police n° … du 29 septembre 2020 ;

Vu le rapport de police n° … du 17 octobre 2020 ;

Vu la décision de retour sans délai du 24 novembre 2020 lui notifiée le 30 novembre 2020 ;

Vu l’arrêté de placement en rétention du 3 décembre 2020 lui notifié le 9 décembre 2020 ;

Vu la décision de rejet du 24 novembre 2020, lui notifiée le 1 décembre 2020 suite à une demande de protection internationale au Luxembourg introduite par l’intéressé en date du 9 octobre 2020 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu que l’intéressé met à jour un comportement inadmissible et est connu par les autorités pour être impliqué dans environ soixante-dix incidents ayant nécessité l’intervention des forces de l’ordre ;

Attendu que l’intéressé trouble de manière récurrente l’ordre public en proférant entre autres des menaces de mort, des propos racistes et sexistes et est impliqué dans des bagarres et altercations ;

Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées ;

2Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 janvier 2021 (n° 45496 du rôle), Monsieur … introduisit un recours contentieux à l’encontre dudit arrêté ministériel du 17 décembre 2020, recours dont il se désista le 18 janvier 2021.

Par arrêté du 11 janvier 2021, le ministre prorogea la mesure de placement en rétention de Monsieur … pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 17 janvier 2021, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 17 décembre 2020, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 17 décembre 2020 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 janvier 2021(n° 45546 du rôle), Monsieur … introduisit un recours tendant à la réformation dudit arrêté ministériel du 11 janvier 2021.

Par jugement du 3 février 2021, le tribunal administratif le débouta de ce recours pour manquer de fondement.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 8 février 2021, Monsieur … a fait régulièrement entreprendre le jugement précité du 3 février 2021 dont il sollicite la réformation afin de voir ordonner sa libération immédiate.

Monsieur … reproche à la décision ministérielle entreprise de contrevenir à l'article 120 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après « la loi du 29 août 2008 », au motif qu’il n’existerait aucune perspective raisonnable d’exécuter son éloignement vers la Somalie. Ainsi, les autorités luxembourgeoises n’arriveraient même pas à joindre leurs homologues somaliens à l’ambassade de Somalie à Bruxelles et l’idée tendant à organiser une vidéoconférence en vue de son identification resterait tout simplement inopérante.

D’après l’appelant, l’autorité ministérielle devrait s’assurer que les démarches entreprises sont efficaces et de nature à donner lieu à l’exécution de la mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et ce pour éviter son maintien injustifié au Centre de rétention. Il estime dès lors que 3l’autorité ministérielle resterait en défaut de rapporter la preuve que toutes les diligences auraient été entreprises pour mener à bien son éloignement, ce d’autant plus que dans le contexte de la crise sanitaire, les frontières seraient fermées.

Le délégué du gouvernement conclut en substance au rejet de l’appel pour manquer de fondement.

Le litige sous examen est légalement cadré par l’article 120 de la loi du 29 août 2008, en ce qu’il dispose en son paragraphe 1er qu’« afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) », précisant en son troisième paragraphe que « la durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. (…) ».

C’est à bon droit que les premiers juges en ont déduit que la loi permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé, s’il ne dispose pas de documents d’identité valables, et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

Le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Si, en l’espèce, la situation de séjour illégal de l’appelant est constante, de même que l’absence de documents d’identité et de voyage valables, ou d’un quelconque titre de séjour, de sorte qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), de la loi du 29 août 2008, un risque de fuite est présumé dans son chef, l’appelant invoque un défaut de diligences de la part des autorités luxembourgeoises et il s’empare de la crise sanitaire du Covid-19 pour soutenir que la procédure 4d'éloignement ne pourrait tout simplement pas être menée à son terme, respectivement que sa rétention dégénérait en une peine privative de liberté.

Concernant les diligences concrètement déployées par les autorités luxembourgeoises, il convient de relever que dès le 24 décembre 2020, les autorités luxembourgeoises ont contacté l’ambassade de la Somalie à Bruxelles en vue de l’identification du demandeur, tout en proposant l’organisation d’une vidéoconférence dans les locaux de la Représentation Permanente du Luxembourg auprès de l’Union Européenne à Bruxelles. Pour le surplus, il se dégage d’une note au dossier datée au 7 janvier 2021 qu’à cette date, l’agent en charge du dossier du demandeur a, à trois reprises, essayé de contacter les services de ladite ambassade par téléphone, ces derniers n’ayant cependant pas pu être joints. Par courriers des 13 et 25 janvier 2021, les autorités luxembourgeoises ont encore une fois relancé leurs homologues somaliens et, toujours d’après une note au dossier, à cette dernière date du 25 janvier 2021, les services de l’ambassade de la Somalie à Bruxelles n’ont, à nouveau, pas pu être joints au téléphone. Finalement, une nouvelle relance a été adressée par l’autorité ministérielle à l’ambassade de Somalie suivant courrier du 8 février 2021.

Il s’ensuit que le fait que l’éloignement de l’appelant n’a pas encore abouti n’est, à l’heure actuelle, pas dû à la crise sanitaire internationale mais au fait que son identification est toujours en cours, de sorte que Monsieur …, qui de surcroît constitue une menace constante pour l’ordre public, est malvenu à reprocher à l’heure actuelle au ministre de ne pas exécuter le dispositif d’éloignement avec toutes les diligences requises, respectivement d’avoir pris à son encontre une mesure privative de liberté disproportionnée.

Au vu de ce qui précède, la Cour est amenée à conclure que les diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration des autorités somaliennes, doivent être considérées comme suffisantes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce.

Partant, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l’organisation de l’éloignement de Monsieur … est exécutée avec toutes les diligences requises.

Finalement, à titre subsidiaire, quant à l’affirmation de l’appelant que les frontières seraient fermées en raison de la situation sanitaire due à la propagation du Covid-19 empêchent son rapatriement vers la Somalie, la Cour se doit de relever que si bon nombre de vols internationaux sont temporairement suspendus, cela ne signifie pas qu’il faille en dégager la preuve de ce qu’aucune perspective d’éloignement d’un étranger en séjour irrégulier n’existe plus. Ces suspensions, à vérifier au cas par cas, sont éminemment temporaires et ont vocation à être levées, de sorte qu’à ce stade et en l’état actuel du dossier, il n’est point exclu que le rapatriement de l’appelant, une fois identifié, puisse être mené à bon terme dans le délai maximum légalement autorisé.

Dans ce contexte, il convient encore de noter, d’une part, que les frontières avec la Somalie ne sont pas fermées, tel que relevé à bon escient par le délégué du gouvernement, et, d’autre part, que les éventuelles restrictions concernant les vols internationaux en raisons de la pandémie due au Covid-19 n’ont pas encore d’impact concret sur l’avancement de l’organisation de l’éloignement 5de Monsieur …, la procédure d’éloignement de celui-ci se trouvant encore au stade de l’identification de l’intéressé.

Il s’ensuit que l’appel sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 8 février 2021 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

partant, confirme le jugement entrepris du 3 février 2021 ;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 février 2021 Le greffier de la Cour administrative 6



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 16/02/2021
Date de l'import : 24/02/2021

Numérotation
Numéro d'arrêt : 45546
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-02-16;45546 ?

Source

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