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09/02/2021 | LUXEMBOURG | N°45347C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 09 février 2021, 45347C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 45347C du rôle Inscrit le 11 décembre 2020

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Audience publique du 9 février 2021 Appel formé par Monsieur …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 9 novembre 2020 (n° 43934 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 45347C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 11 décembre 2020 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre de

s avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Cameroun), de national...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 45347C du rôle Inscrit le 11 décembre 2020

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Audience publique du 9 février 2021 Appel formé par Monsieur …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 9 novembre 2020 (n° 43934 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 45347C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 11 décembre 2020 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant actuellement à L-… …, …, …, dirigée contre le jugement rendu le 9 novembre 2020 (n° 43934 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 26 novembre 2019 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 8 janvier 2021;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 28 janvier 2021.

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Le 29 août 2018, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

1 Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Le 30 avril 2019, il fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 26 novembre 2019, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », l’informa que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée. La décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à son égard, est libellée de la façon suivante :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 29 août 2018 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 29 août 2018, le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 30 avril 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que votre acte de naissance versé à l’appui de votre demande de protection internationale.

Il résulte de vos déclarations que vous auriez vécu avec votre mère à … au Cameroun jusqu’à son décès en 2004. Vous auriez par la suite habité chez votre tante à …. Après le décès de celle-ci en 2008, vous auriez travaillé dans … d’un voisin jusqu’à votre départ de votre pays d’origine.

Vous déclarez avoir quitté votre pays d’origine car vous auriez à quatre reprises participé à la « grève pour les droits de l’homme » (p.4/12 du rapport d’entretien) en 2017.

Vous expliquez que pendant la dernière manifestation, vous auriez eu une bagarre avec un gendarme à qui vous auriez assené des coups car les gendarmes auraient lancé des bombes lacrymogènes sur les manifestants. Vous auriez perdu une dent et auriez eu des coups de matraque. Suite à ces manifestations non autorisées, la police aurait lancé un mandat d’arrêt contre « notre groupe du quartier », dont les membres auraient été dénoncés par des indics.

Afin d’éviter d’être emprisonné, vous auriez décidé de quitter … une semaine plus tard et vous seriez allé chez vos « voisins et proches » (p.6/12 du rapport d’entretien) à …. Vous y seriez resté pendant un mois avant de retourner à … pour récupérer votre argent avant de quitter le Cameroun en novembre 2017.

Vous indiquez avoir quitté le Cameroun le … 2017 en direction du Niger, où vous seriez resté pendant un mois. Vous auriez par la suite vécu pendant environ sept mois au Maroc et en Algérie où vous auriez travaillé dans un …. Arrivé en Espagne, vous n’auriez pas voulu 2 introduire une demande de protection internationale, parce que « L’Espagne ne me plaisait pas en tant que tel » (p.8/12 du rapport d’entretien).

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, concernant vos problèmes relatifs à votre participation à des manifestations illégales et non autorisées pour des « écoles gratuites, des routes, une éducation, de l’électricité et de l’eau » (p.8/12 du rapport d’entretien), notons qu’ils entrent dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Votre crainte d’être recherché [pour] avoir participé à des manifestations illégales constitue une crainte hypothétique. Or, des craintes purement hypothétiques ne constituent pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention.

Le seul risque d’être recherché par les forces de l’ordre pour vous être bagarré avec un gendarme ne saurait justifier l’octroi d’une protection internationale. En effet, vous vous êtes rendu coupable d’une infraction en agressant ce gendarme et une procédure de protection internationale ne saurait avoir comme but de vous aider à vous soustraire aux autorités de votre pays d’origine.

Vous n’êtes manifestement pas soumis à un risque de persécution. Ceci est d’autant plus vrai que vous indiquez avoir délibérément décidé de ne pas introduire une demande de protection internationale en Espagne [ce qui] confirme que vous n’êtes nullement victime d’une persécution dans votre pays d’origine. Vous indiquez que vous n’auriez pas introduit une demande de protection internationale parce que « L’Espagne ne me plaisait pas en tant que 3 tel », vous êtes venu au Luxembourg car « Le Luxembourg c’est cool […] c’est sympa » (p.8/12 du rapport d’entretien). Or, un demandeur de protection internationale ne saurait choisir le pays où il introduit une demande de protection internationale pour des seules considérations de convenance personnelle. A cela s’ajoute qu’on est en droit d’attendre qu’une personne persécutée dans son pays d’origine demande une protection dans le premier pays sûr traversé ce qui n’a manifestement pas été le cas en l’espèce.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d’être persécuté respectivement que vous risquez d’être persécuté en cas de retour dans votre pays d’origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément crédible de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Cameroun, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

4 Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2019, Monsieur … fit introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 26 novembre 2019 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 9 novembre 2020, le tribunal administratif reçut ce recours en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta le demandeur, tout en le condamnant aux frais de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 11 décembre 2020, Monsieur … a régulièrement fait entreprendre le jugement du 9 novembre 2020.

A l’appui de son appel, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir reconnu le caractère de gravité des risques de persécutions invoqués par lui en rapport avec son risque d'être incarcéré du fait de sa participation à une manifestation « lors de laquelle des violences se sont exprimées principalement du fait des forces de l'ordre qui à cette occasion ont réprimé de manière disproportionnée ses participants ».

L’appelant soutient qu'au contraire, en cas de retour dans son pays d'origine il existerait un risque suffisamment réel de ce qu’il se voit arrêter par les forces de sécurité « qui actuellement mettent une pression particulièrement importante sur les opposants et manifestants » et de se voir incarcérer pour avoir participé à une réunion revendiquant plus de droits.

Il se réfère à des articles de presse ou informations qui confirmeraient qu’au Cameroun, les chefs de l'opposition et leurs partisans seraient détenus et que les forces de sécurité camerounaises se rendraient régulièrement responsables d’exactions et d’arrestations arbitraires et soutient que les abus commis sur les personnes arrêtées par les forces de l'ordre seraient confirmés par le Département d'Etat américain dans son rapport intitulé « CAMEROON 2019 Human Rights Report » et reconnus par le Parlement européen et les ONG Human Rights Watch et Amnesty International.

Ainsi, la situation actuelle au Cameroun permettrait de retenir qu’il y a un risque réel pour lui de faire l'objet d'une arrestation pour avoir participé à une manifestation, raison pour laquelle il serait actuellement recherché. Or, son arrestation mettrait sa vie en danger, au regard des conditions de détention et des actes de tortures pratiqués par les autorités à l'égard des opposants ou personnes y assimilées.

L’Etat conclut à la confirmation du jugement dont appel.

Concernant le statut de réfugié, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

5 Il se dégage par ailleurs de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Quant à l’octroi de la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 sub g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

La Cour relève encore liminairement que l’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Concernant tout d’abord la situation générale régnant au Cameroun, la Cour considère, à l’instar des premiers juges, que s’il se dégage certes des éléments d’appréciation soumis en cause que le Cameroun a été et reste le théâtre d’opérations militaires ayant généré des exactions, d’opérations militaires déployées dans le but de lutter contre une insurrection sécessionniste dans les régions anglophones du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, d’attaques commises par le groupe islamiste « Boko Haram » dans l’Extrême-Nord et d’une aggravation de la crise humanitaire, il n’en ressort néanmoins pas que la situation générale serait telle que tout ressortissant du Cameroun courrait un risque réel de subir des actes de persécution ou des atteintes graves du seul fait de sa présence sur le territoire camerounais, étant encore précisé que l’appelant n’est originaire ni des susdites régions anglophones, ni de l’Extrême-Nord.

6 Les premiers juges sont par ailleurs à entériner en ce qu’ils ont dégagé à bon droit des éléments de la cause que si les forces de l’ordre camerounaises ont à différentes reprises fait un usage excessif de la force pour disperser des manifestants et que certains participants à des manifestations ont fait l’objet d’exactions, il ne s’en dégage cependant pas qu’au Cameroun, toute personne ayant participé à des manifestations courrait, du seul fait de cette participation et indépendamment de sa situation personnelle, un risque réel de subir des actes de persécution ou des atteintes graves.

Ceci dit, il convient encore de relever à propos des éléments non remis en discussion en instance d’appel par l’appelant, à savoir le fait antérieurement invoqué d’avoir dû subir des actes de violence de la part de gendarmes à l’occasion de la dernière manifestation à laquelle il aurait participé, que les premiers juges, sur base d’une analyse non ébranlée par l’appelant, à laquelle la Cour renvoie, ont conclu que les faits invoqués en rapport avec sa participation à une manifestation non autorisée et violente ne sont pas d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés d’actes de persécution ou d’atteintes graves dans son chef.

Concernant le risque d’être incarcéré et torturé en cas de retour au Cameroun, sur lequel l’appelant se concentre essentiellement en instance d’appel, il convient encore de rejoindre et d’entériner les premiers juges en ce qu’ils ont conclu que même à admettre que l’appelant soit personnellement recherché par les autorités camerounaises en raison de ses agissements personnels lors de ladite manifestation, le fait est qu’une arrestation ou une sanction, même d’emprisonnement, soit du chef de la commission d’actes de violence à l’égard d’un représentant de l’ordre, soit en raison de la commission d’une infraction pénale ne saurait être considérée comme étant illégitime, étant entendu qu’il ne se dégage pas à suffisance des éléments de la cause que la peine encourue risque être d’une sévérité disproportionnée. Si, à travers les rapports et articles produits en cause, l’appelant documente que des citoyens camerounais ont pu y être privés de liberté ou pu y être victimes d’exactions, voire que les conditions de vie dans les établissements pénitentiaires ont été et sont très mauvaises, il n’en reste pas moins qu’il n’a pas été documenté à suffisance que toute personne détenue ou emprisonnée au Cameroun court, indépendamment de sa situation personnelle, un risque réel de subir des actes d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés d’actes de persécution ou d’atteintes graves. Dans ce contexte, les premiers juges ont pu insister à bon droit sur le fait que l’appelant n’a pas fait état de circonstances l’exposant particulièrement à de tels actes.

Ainsi, il n’est pas démontré dans le chef de l‘appelant une crainte fondée de persécution pour les motifs énumérés à l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015, respectivement qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’il encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Il suit de ce qui précède que c’est à bon droit que le ministre d’abord, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

7 Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel du 11 décembre 2020 en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant;

partant, confirme le jugement entrepris du 9 novembre 2020;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….

s. … s. CAMPILL 8



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 09/02/2021
Date de l'import : 17/02/2021

Numérotation
Numéro d'arrêt : 45347C
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-02-09;45347c ?

Source

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