La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2021 | LUXEMBOURG | N°42799

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 février 2021, 42799


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 45229C Inscrit le 16 novembre 2020 Audience publique du 4 février 2021 Appel formé par Madame …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 19 octobre 2020 (n° 42799 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 45229C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 16 novembre 2020 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, déclarant être née le « … » à

(Guinée) et être de nationalité guinéenne, demeurant à L-… …, …, …, dirigé contr...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 45229C Inscrit le 16 novembre 2020 Audience publique du 4 février 2021 Appel formé par Madame …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 19 octobre 2020 (n° 42799 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 45229C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 16 novembre 2020 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, déclarant être née le « … » à … (Guinée) et être de nationalité guinéenne, demeurant à L-… …, …, …, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 19 octobre 2020 (n° 42799 du rôle), l’ayant déboutée de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du … 2019 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 14 décembre 2020 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Shirley FREYERMUTH, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries à l’audience publique du 21 janvier 2021.

Le 23 janvier 2018, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

1Les déclarations de Madame … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du 24 janvier 2018.

Les 4 avril et 11 juin 2018, Madame … fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du … 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », résuma les déclarations de Madame … auprès du service de police judiciaire et de la direction de l’Immigration comme suit :

« (…) En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 24 janvier 2018, le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 4 avril et 11 juin 2018 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale ainsi que le document versé à l’appui de votre demande de protection internationale.

Vous mentionnez avoir quitté la Guinée en raison du fait que vous auriez été mariée de force, excisée, violée, menacée de mort et victime de violences domestiques. Vous déclarez avoir dénoncé les violences subies de la part de votre mari auprès du commissariat de police de … mais n’auriez en revanche pas obtenu d’aide.

Vous indiquez également qu’un dénommé « … », qui habiterait au Luxembourg en visite dans votre village, vous aurait proposé de vous aider à quitter la Guinée. D’après vos dires, ce dernier vous aurait fourni un passeport mentionnant comme date de naissance le … alors que vous prétendez être née le …. Afin de préparer votre départ en Europe et pour demander des visas, vous expliquez que vous vous seriez déplacée en 2014 et en 2015 au Sénégal.

Vous indiquez avoir formulé deux demandes de visa, toutes deux refusées en 2014 respectivement 2015. Après votre retour du Sénégal les violences subies de la part de votre mari auraient cessé en raison d’une intervention de membres de votre famille du Sénégal.

Après un séjour de deux ans en Guinée vous auriez finalement décidé de quitter votre pays d’origine en avril 2017.

En ce qui concerne votre départ définitif de Guinée, vous indiquez que vous auriez rejoint le Sénégal où vous auriez travaillé dans la restauration pendant 6 mois avant de poursuivre votre chemin à … au Maroc d’où vous auriez, après un séjour de deux mois, traversé la Méditerranée. Le 4 décembre 2017, vous seriez arrivée à … d’où vous auriez poursuivi votre chemin jusqu’en Allemagne et auriez pris un train pour rejoindre le Luxembourg. (…) ».

Le ministre informa ensuite Madame … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Pour justifier son refus de lui octroyer une protection internationale, le ministre retint que les raisons ayant amené Madame … à quitter la Guinée ne constitueraient pas une persécution au sens de la la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après « la Convention de Genève », au motif qu’elles ne seraient pas liées à sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social ou ses opinions politiques. Elles seraient, au contraire, à qualifier d’infractions de droit commun commises par une ou des personnes privées du ressort des autorités de son pays d’origine et punissables en vertu de la 2législation guinéenne.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2019, Madame … fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du … 2019 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 19 octobre 2020, le tribunal administratif reçut le recours en réformation en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta la demanderesse, tout en la condamnant aux frais de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 16 novembre 2020, Madame … a régulièrement relevé appel de ce jugement.

A l’appui de son appel, elle renvoie à l’exposé des faits figurant dans sa requête introductive de première instance. Elle expose en substance qu’elle serait de nationalité guinéenne, d’origine ethnique peule et de confession musulmane et qu’elle aurait dû contracter un mariage forcé à l’âge de … ans et subir une excision contre sa volonté avant ce mariage, comme l’exigerait la tradition. Elle aurait ensuite été victime durant six années de violences domestiques, tant physiques que psychiques, de la part de son mari, sans pouvoir prétendre à une protection des autorités guinéennes ou fuir, par crainte de représailles de la part de son époux ou de sa belle-mère. Elle précise avoir tenté à deux reprises de fuir légalement la Guinée en se rendant au Sénégal pour demander un visa Schengen. Après chaque tentative, elle aurait dû retourner auprès de son mari et subir de nouvelles violences. En 2017, elle aurait finalement pu quitter son pays d’origine.

En droit, l’appelante déclare tout d’abord vouloir maintenir l’intégralité des moyens qu’elle a développés en première instance.

Elle reproche en substance aux premiers juges d’avoir fait une appréciation erronée des circonstances de fait de la cause. Elle critique ainsi les premiers juges pour avoir retenu qu’elle n’aurait pas fait l’objet de persécutions à cause de son appartenance à un certain groupe social.

Ce serait à tort que les premiers juges auraient uniquement retenu le volet des violences domestiques, estimant au contraire que le fait qu’elle aurait dû subir un mariage forcé et une excision, tout comme son opposition à ces pratiques ancestrales guinéennes, par ailleurs tolérées par les autorités, relèveraient du champ d’application de la Convention de Genève.

L’appelante critique ensuite les premiers juges pour ne pas avoir tiré des conclusions juridiques des dispositions invoquées de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ratifiée par le Luxembourg par la loi du 20 juillet 2018, ci-après dénommée « la Convention d’Istanbul », et notamment de son article 60 relatif aux demandes de protection internationale fondées sur le genre, ainsi que d’autres dispositions de ce texte.

Elle estime que c’est à tort que les premiers juges ont fait abstraction de son vécu, en retenant qu’elle était entre-temps devenue majeure et qu’elle n’était pas obligée de retourner dans sa famille. Cela serait méconnaître la réalité de la vie en Guinée, pays qui ne reconnaîtrait pas les droits des femmes et où il serait très malvu et difficile, voire impossible pour une femme de vivre seule, de trouver un logement ou un emploi. Elle ajoute que si elle demandait le divorce, cela serait une source de déshonneur pour son époux, ce qui allait certainement 3l’exposer à des représailles de la part de ce dernier, de manière à exclure également toute possibilité de fuite interne dans son chef.

Elle souligne en outre qu’elle ne pourrait pas compter sur la protection de ses autorités nationales conformément à l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015.

L’appelante soutient encore que les diverses violences physiques, sexuelles et psychiques dont elle aurait été victime, par leur gravité, leur caractère répété et leur accumulation, devraient être qualifiées comme des persécutions, conformément aux dispositions de l’article 42, paragraphe (1), points a) et b), de la loi du 18 mai 2015.

De même, elle fait plaider que ces actes auraient pris différentes formes et constitueraient partant des actes de persécution conformément aux dispositions de l’article 42, paragraphe (2), points a) et f), de la loi du 18 mai 2015.

Elle ajoute que les actes de violence subis constitueraient également des traitements inhumains et dégradants au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après la « CEDH », et des articles 3 et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après la « Charte ».

Dans ce contexte, elle se prévaut encore de l’application dans son chef de la présomption prévue par l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, au regard des persécutions d’ores et déjà subies dans son pays d’origine.

En ordre subsidiaire, l’appelante sollicite l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire. Elle affirme courir, en cas de retour dans son pays d’origine, pour les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir des traitements inhumains ou dégradants, puisque les faits qu’elle aurait subis répondraient à la qualification d’atteintes graves, plus particulièrement au regard des dispositions de l’article 3 de la CEDH et de l’interprétation qui en est faite par la Cour européenne des droits de l’homme.

L’Etat conclut en substance à la confirmation du jugement dont appel.

La Cour se doit de préciser itérativement que le fait pour un appelant de renvoyer, de manière générale, à ses moyens en droit exposés en première instance ne saurait suffire pour que la Cour soit appelée à réexaminer l’ensemble des conclusions de première instance, étant précisé que l’appel est nécessairement dirigé contre un jugement et les conclusions de première instance prises à l’encontre de la décision ministérielle au fond ne sauraient valoir ipso facto et ipso jure, par référence, comme moyens d’appel, étant donné que par essence elles ne sont pas formulées par rapport au jugement de première instance non encore intervenu au moment où elles ont été prises. Partant, la Cour limitera son examen aux moyens développés dans la requête d’appel.

Concernant la demande du statut de réfugié, il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une 4gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de ladite loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Ceci dit, sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour arrive à la conclusion que les premiers juges les ont appréciés à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

L’appelante se prévaut en substance du fait d’avoir été mariée de force à l’âge de … ans, d’avoir subi une mutilation génitale (excision de type I) au même âge et d’avoir été victime de violences conjugales.

La Cour est amenée à constater, à l’instar des premiers juges, que si une femme fuyant le mariage forcé, respectivement une excision peut, le cas échéant, être considérée comme appartenant à un certain groupe social au sens de l’article 1er, section A, § 2, de la Convention de Genève et de l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015, la situation de l’appelante est différente dans le sens où elle a déjà été victime d’un mariage forcé, de même qu’elle a subi une excision, les craintes exprimées actuellement par elle ne se conjuguent pas autour de la perspective d’un mariage forcé ou d’une excision à laquelle elle voudrait échapper, mais elle dit craindre, en cas de retour en Guinée, d’être à nouveau victime de violences conjugales, voire d’être tuée par son époux si elle demandait le divorce.

Au-delà, si l’excision est incontestablement une atteinte physique particulièrement grave dont les conséquences sur le plan physique ou psychologique peuvent perdurer durant toute la vie, elle ne risque cependant pas, en l’occurrence, de se reproduire. En outre, il convient de relever à ce sujet que la protection internationale a pour objectif de fournir à un demandeur une protection contre de possibles persécutions ou d’atteintes graves, et non pas de permettre la réparation des dommages causés par une persécution ou une atteinte grave antérieurement subie.

Il est néanmoins possible de reconnaître une protection internationale en dépit du fait que la crainte ou le risque pour le futur est objectivement inexistant, si en raison du caractère particulièrement grave de la persécution subie, eu égard aux circonstances dans lesquelles elle s’est déroulée et à l’importance des séquelles psychologiques et physiques causées, la crainte de la victime est exacerbée à un point tel qu’un retour dans le pays d’origine devient inenvisageable.

Or, en l’espèce, l’appelante, à qui incombe la charge de la preuve, reste en défaut de démontrer un état de crainte liée à son excision d’une ampleur telle qu’elle fait obstacle à toute perspective raisonnable de retour dans son pays.

5Quant au mariage forcé dont l’appelante aurait été victime à l’âge de … ans, il ne risque pas non plus de se reproduire, dès lors que l’appelante est désormais majeure.

En ce qui concerne la crainte exprimée d’avoir à nouveau à subir des violences conjugales en cas de retour en Guinée, la Cour partage la conclusion des premiers juges que cette crainte n’est pas liée à l’un des critères de rattachement, tels que prévus par la Convention de Genève et par la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la nationalité, la religion, les opinions politiques ou l’appartenance à un groupe social, de sorte qu’elle ne saurait justifier l’octroi du statut de réfugié.

Pour le surplus, la Cour rejoint les premiers juges en leur constat que l’appelante, qui est entre-temps majeure, n’est pas obligée de retourner auprès de son époux.

S’agissant des documents et rapports internationaux sur la situation des droits de la femme dans la société guinéenne, auxquelles renvoie la requête, et, en particulier, la problématique des mutilations génitales, le mariage forcé et les violences à l’égard des femmes, la Cour rappelle que la simple invocation de rapports faisant état, de manière générale, de violations des droits de l’homme, et notamment ceux de la femme dans un pays, ne suffit pas à établir que toute femme encourt un risque d’être soumise à des persécutions ou à des traitements inhumains ou dégradants. Il incombe au demandeur de protection internationale de démontrer in concreto qu’il a personnellement des raisons de craindre d’être persécuté au regard des informations disponibles sur son pays. Or, en l’espèce, l’appelante ne formule aucun moyen accréditant une telle conclusion.

Concernant l’invocation des dispositions de la Convention d’Istanbul qui incriminent la violence physique, l’excision et le mariage forcé à l’encontre des femmes, et à travers laquelle les Etats signataires se sont engagés à adopter un cadre légal susceptible de prendre en compte la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre comme forme de persécution, respectivement comme préjudice grave donnant lieu à une protection subsidiaire, les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont retenu que cette convention ne confère pas un droit autonome et automatique à l’obtention du statut de réfugié à toute femme se prévalant de violences domestiques, mais il appartient en tout état de cause au ministre et par la suite au juge administratif de procéder à une analyse au cas par cas et ce au regard des conditions de la Convention de Genève.

Or, dans la mesure où les craintes de persécution invoquées par l’appelante ont été examinées à la lumière des conditions fixées par la Convention de Genève et par la loi du 18 décembre 2015 et retenues comme non fondées, il n’est pas nécessaire d’examiner la demande de l’appelante encore sous l’angle des dispositions de la Convention d’Istanbul.

Quant à l’invocation de l’article 3 de la CEDH et des articles 3 et 4 de la Charte, la Cour rappelle que le champ d’application de l’article 1er, section A, § 2, de la Convention de Genève, et de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 est couvert par les dispositions précitées de la CEDH et de la Charte, de sorte que ce moyen n’appelle pas de développement séparé.

C’est partant à bon droit que le ministre d’abord et ensuite les premiers juges ont rejeté la demande de reconnaissance du statut de réfugié de l’appelante.

Quant à l’octroi de la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 sub g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout 6ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L’appelante invoque à l’appui de sa demande du statut conféré par la protection subsidiaire les mêmes faits que ceux invoqués à l’appui de sa demande du statut de réfugié.

Il échet de prime abord de constater que les éléments d’appréciation fournis en cause ne permettent pas de retenir que la situation, qui prévaut actuellement en Guinée, puisse s’analyser comme une situation de violence aveugle en cas de conflit armé au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

L’appelante n’alléguant pas non plus risquer la peine de mort ou l’exécution dans son pays d’origine, il convient de vérifier si les difficultés dont elle fait état sont de nature à établir dans son chef l’existence d’un risque réel d’être victimes de tortures ou de traitements ou sanctions inhumains ou dégradants au sens de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015.

Or, comme il a été retenu ci-avant, les traitements inhumains et dégradants dont l’appelante a déjà été victime, à savoir le mariage forcé et l’excision, ne risquent pas de se reproduire en cas de retour en Guinée. En ce qui concerne les violences conjugales, l’appelante n’est actuellement plus mineure, de sorte qu’en cas de retour en Guinée, elle ne se trouve plus dans la même situation de dépendance vis-à-vis de son époux et elle n’est pas contrainte de retourner au sein de la famille de son époux.

Au-delà, rien n’empêche l’appelante de demander le divorce, dès lors qu’il se dégage des explications de la partie étatique, de même que des sources internationales produites en cause, que les violences conjugales sont un motif légal pour divorcer en Guinée. Cette conclusion n’est pas utilement énervée par les arguments de l’appelante qu’en tant que femme seule, elle ne pourrait pas survivre en Guinée, étant encore relevé que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont retenu que l’intéressée, qui est aujourd’hui une jeune femme, aurait pu s’installer auprès de sa mère biologique à …, village situé à 100 kilomètres de son village d’origine ou bien dans la capitale de la Guinée située à 300 kilomètres de son village d’origine, au lieu de quitter la Guinée en direction de l’Europe, la seule affirmation de l’appelante que son époux pourrait la retrouver si elle le quittait et s’installait dans une autre ville ou région de Guinée n’étant pas suffisante pour invalider ce constat.

7Il s’ensuit qu’il y a également lieu de déclarer non fondée la demande de protection subsidiaire de l’appelante.

Quant à la violation alléguée de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015, telle que reprise exclusivement au niveau du dispositif de la requête d’appel, force est de constater que l’appelante n’a pas autrement développé ce moyen, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour manquer de précision.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet et que le jugement est à confirmer sous ce rapport.

Quant à l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de la protection internationale, dans la mesure où le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelante le statut de protection internationale – statut de réfugié et protection subsidiaire – et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande d’annulation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelante et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, partant, confirme le jugement entrepris du 19 octobre 2020, condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 février 2021 Le greffier de la Cour administrative 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 42799
Date de la décision : 04/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-02-04;42799 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award