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04/02/2021 | LUXEMBOURG | N°21/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 février 2021, 21/21


N° 21 / 2021 du 04.02.2021 Numéro CAS-2020-00029 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre février deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Vincent FRANCK, conseiller à la Cour d’appel, Anne-Françoise GREMLING, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

1) V), et son épous

e 2) D), demandeurs en cassation, comparant par Maître Moustapha NOUASSI, avocat à la Cou...

N° 21 / 2021 du 04.02.2021 Numéro CAS-2020-00029 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre février deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Vincent FRANCK, conseiller à la Cour d’appel, Anne-Françoise GREMLING, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

1) V), et son épouse 2) D), demandeurs en cassation, comparant par Maître Moustapha NOUASSI, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

1) Maître Yvette HAMILIUS, avocat à la Cour, demeurant professionnellement à L-2229 Luxembourg, 2, rue du Nord, prise en sa qualité de liquidateur de la société anonyme X), , 2) la société anonyme X), en liquidation, déclarée en état de liquidation en date du 12 décembre 2008, représentée par son liquidateur, Maître Yvette HAMILIUS, défenderesses en cassation, comparant par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Philippe DUPONT, avocat à la Cour.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 12/18, rendu le 31 janvier 2018 sous le numéro 37087 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 6 janvier 2020 par V) et D) à Maître Yvette HAMILIUS et à la société anonyme X), en liquidation judiciaire, déposé le 25 février 2020 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 5 mars 2020 par Maître Yvette HAMILIUS et la société X), en liquidation judiciaire, à V) et à D), déposé le 6 mars 2020 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Lotty PRUSSEN et les conclusions de l’avocat général Sandra KERSCH ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, statuant sur la demande de V) et de D) tendant à l'admission de leur créance au passif de la liquidation de la société X) et sur la demande reconventionnelle du liquidateur, Maître Yvette HAMILIUS, en condamnation des époux V) au paiement du solde de prêts redû à la banque, avait rejeté la déclaration de créance des époux V), avait déclaré non fondée la demande reconventionnelle en ce qu’elle était dirigée contre V), l’avait déclarée fondée en ce qu’elle était dirigée contre D) et avait condamné cette dernière à payer un certain montant à la société en liquidation.

La Cour d’appel avait déclaré irrecevables pour être nouvelles en appel la demande en nullité des contrats et investissements litigieux et la demande en responsabilité de la banque pour tout ce qui ne concernait pas les investissements litigieux K) et X) et avait confirmé pour le surplus le jugement de première instance.

La Cour de cassation avait cassé l’arrêt en ce qu’il avait déclaré irrecevables la demande en nullité des contrats et investissements litigieux et la demande en responsabilité de la société anonyme X).

Statuant au rescisoire, la Cour d’appel a rejeté les moyens des demandeurs en cassation tirés du défaut d’intérêt et de qualité à agir dans le chef du liquidateur de la société X), a déclaré irrecevables les demandes de D) tendant à voir prononcer la nullité, sinon la résolution des contrats conclus avec la société X) avec allocation de dommages-intérêts, a dit non fondée la demande de D) tendant à voir déclarer nul et non avenu l’article 9 des contrats de prêt et a confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait condamné D) à payer un certain montant à la société X).

Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée Les défenderesses en cassation concluent à l’irrecevabilité du pourvoi pour tardiveté.

Aux termes de l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, le délai pour l’introduction du pourvoi en cassation, qui court contre les arrêts contradictoires du jour de la signification ou de la notification à personne ou à domicile, est de deux mois pour le demandeur en cassation qui demeure dans le Grand-Duché.

Celui qui demeure hors du Grand-Duché a, pour introduire le recours en cassation, outre ce délai de deux mois, le délai prévu à l’article 167 du Nouveau code de procédure civile.

Les demandeurs en cassation étant établis en France, le délai de l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1885, précitée, est augmenté de 15 jours.

Dans le cadre de la liquidation de la société X), les demandeurs en cassation avaient, dans leur déclaration de créance, élu domicile en l’étude d’un avocat.

Par jugement du 29 juin 2009, complétant le mode de liquidation judiciaire de la société X), le tribunal d’arrondissement avait déclaré « applicable l’alinéa 1 de l’article 499 du Code de commerce suivant lequel la déclaration de créance contiendra pour tout créancier non domicilié dans la commune où siège le tribunal élection de domicile dans cette commune et que le liquidateur pourra valablement faire procéder à toutes significations au domicile élu et non au domicile réel des créanciers produisants ».

L’arrêt attaqué a été signifié le 9 février 2018 par le liquidateur de la société X), non au domicile élu en l’étude de l’avocat désigné dans la déclaration de créance, mais en l’étude du mandataire ayant occupé pour les demandeurs en cassation en instance d’appel, la constitution d’avocat emportant élection de domicile en son étude.

Le remplacement du mandataire a impliqué le transfert du mandat avec, en conséquence, la continuation de l’élection de domicile, contenue dans la déclaration de créance aux fins de satisfaire à l’exigence posée par l’article 499, alinéa 1, du Code de commerce pour toutes les significations à intervenir au cours des procédures subséquentes, en l’étude du mandataire nouvellement constitué.

La date du 9 février 2018 est partant à retenir comme étant la date de la signification ayant fait courir le délai endéans lequel les demandeurs en cassation devaient introduire leur pourvoi en cassation. Par conséquent, le pourvoi introduit par un mémoire signifié le 6 janvier 2020 et déposé au greffe de la Cour le 25 février 2020, l’a été en dehors du délai légal.

Il en suit que le pourvoi est irrecevable.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Les demandeurs en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, leur demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge des défenderesses en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient d’allouer à chacune d’elles une indemnité de procédure de 1.250 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare le pourvoi irrecevable ;

rejette la demande des demandeurs en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne les demandeurs en cassation in solidum à payer à chacune des défenderesses en cassation une indemnité de procédure de 1.250 euros ;

les condamne aux dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du premier avocat général Marie-

Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation V) et D)-V) contre Maître Yvette HAMILIUS en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société anonyme X) s.a. et la société anonyme X) s.a. en liquidation judiciaire (n° CAS-2020-00029 du registre) Par mémoire signifié le 6 janvier 2020 et déposé le 25 février 2020, au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Moustapha NOUASSI, avocat à la Cour, a formé, au nom et pour le compte de V) et de D)-V), un pourvoi en cassation contre un arrêt no 12/18 IV-COM, rendu le 31 janvier 2018 par la Cour d’appel, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale, statuant contradictoirement.

Maître Philippe DUPONT, représentant la société anonyme Arendt & Medernach, en sa qualité de mandataire de Maître Yvette HAMILIUS, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société anonyme X) s.a. et de la société anonyme X) s.a. en liquidation judiciaire a fait signifier un mémoire en réponse en date du 5 mars 2020 et l’a déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 6 mars 2020.

Procédure et rétroactes Le 31 mars 2009 V) et D) ont déclaré être créanciers de la société anonyme X), déclarée en état de liquidation par jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 12 décembre 2008 et ont demandé l’admission de leur créance au passif de la liquidation.

Ils ont élu domicile en l’étude de Maître Luc SCHANEN, avocat à la Cour1.

1 Pièce 3 de la farde de pièces de Maître Philippe DUPONT Par décision du liquidateur du 9 mars 2010, la déclaration de créance a été rejetée dans son intégralité2.

V) et D) ont dès lors, par acte d’huissier de justice du 19 mars 2010, fait donner assignation à Maître Yvette HAMILIUS, en sa qualité de liquidateur de la société anonyme X), à comparaître devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, aux fins de voir admettre leur créance de 1.089.644,18 € au passif de la liquidation.

Le liquidateur s’est porté demandeur sur reconvention et a conclu, sur base des conventions signées entre parties, à la condamnation des demandeurs au paiement de la somme de 1.318.408,63 € avec les intérêts conventionnels sur le montant de 1.279.702,86 € à partir du 1er novembre 2010 jusqu’à solde.

Par jugement contradictoire du 5 janvier 2011, le tribunal a rejeté la demande principale, a dit fondée la demande reconventionnelle, mais uniquement à l’égard de D)-V), seule signataire des contrats de prêt, et a condamné celle-ci à payer à la société anonyme X) en liquidation le montant réclamé et condamné les demandeurs au principal aux frais et dépens de l’instance.

Suite à l’appel interjeté le 9 février 2011 par les époux V) la Cour d’appel a, par arrêt du 8 mai 2013, dit irrecevables comme étant nouvelles en appel les demandes tendant à voir prononcer la nullité des contrats conclus entre parties (prêts, gage et affectation hypothécaire), la nullité des investissements litigieux et celle en responsabilité de la société anonyme X) s.a. pour tout ce qui ne concerne pas les investissements litigieux K) et X).

La Cour d’appel a encore déclaré irrecevables comme étant des demandes nouvelles, la demande en résolution des contrats de prêt ainsi que la demande en annulation des investissements en obligations X) pour la somme de 233.395,50 €. Elle a dit non fondée la demande tendant à voir prononcer une surséance à statuer et a pour le surplus confirmé le jugement de première instance.

Sur pourvoi en cassation relevé par les époux V) contre l’arrêt précité, la Cour de cassation a, par un arrêt du 30 janvier 2014, cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel du 8 mai 2013 en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes en nullité des contrats et des investissements litigieux et en responsabilité de la société anonyme X), au motif que ces demandes étaient formées en défense à la demande reconventionnelle du liquidateur et étaient en tant que telles recevables en instance d'appel.

Par arrêt no 12/2018 IV-COM du 31 janvier 2018, la Cour d’appel, statuant au rescisoire suite à l’arrêt de la Cour de cassation du 30 janvier 2014, a rejeté les moyens de défense opposés par les époux V) à la demande reconventionnelle du liquidateur, tendant à voir condamner D)-V) à lui payer la somme de 1.318.408,63 € avec les intérêts conventionnels sur le montant de 1.279.702,86 € à dater du 1er novembre 2010 jusqu’à 2 Pièce 4 de la farde de pièces de Maître Philippe DUPONT solde, dit non fondé l’appel en ce qu’il vise la disposition du jugement du 5 janvier 2011 du tribunal d’arrondissement de Luxembourg qui a condamné D)-V) à payer à la société X) en liquidation la somme de 1.318.408,63 € avec les intérêts conventionnels sur le montant de 1.279.702,86 € à partir du 1er novembre 2010 jusqu’à solde et confirmé le jugement entrepris de ce chef, Le pourvoi en cassation est dirigé contre cet arrêt du 31 janvier 2018, signifié le 8 avril 2018 au domicile élu des parties demanderesses en cassation.

Quant à la recevabilité du pourvoi en cassation Les parties demanderesses en cassation soutiennent que la signification de l’arrêt entrepris serait régie par le Règlement (CE) no 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale et de ce fait soumise au droit français. En l’absence de précision des voies de recours dans l’acte de signification, la signification serait viciée, voire irrégulière pour être contraire à l’article 680 du Code de procédure civile français. Aucun délai de recours n’aurait dès lors commencé à courir.

A titre subsidiaire, elles estiment, qu’au regard du droit français applicable à la signification de l’arrêt entrepris, l’absence d’élection de domicile spéciale aux fins de signification de l’arrêt dont pourvoi par leur ancien mandataire et de signification de la décision de justice à leur personne, la signification à domicile élu ne ferait pas courir le délai prévu à l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, de sorte que leur pourvoi serait à déclarer recevable.

Les parties défenderesses soulèvent l’irrecevabilité du pourvoi pour cause de tardiveté au vu de la signification régulière de l’arrêt du 31 janvier 2018 sur base de l’article 499, alinéa 1, du Code de commerce.

L’article 499 du Code de commerce, figurant parmi les règles relatives à la liquidation de la faillite, a vocation à s’appliquer en l’espèce, étant donné que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, qui avait déclaré la société X) en liquidation en date du 12 décembre 2008, a par jugement du 29 juin 2009, complété le mode de liquidation en déclarant entre autres applicable l’alinéa 1 de l’article 499 du Code de commerce suivant lequel« la déclaration de créance contiendra, pour tout créancier non domicilié dans la commune où siège le tribunal élection du domicile dans cette commune et que le liquidateur pourra valablement faire procéder à toutes significations au domicile élu et non au domicile réel des créanciers produisants. 3».

3 Extrait du dispositif du jugement no 626/09, rendu le 29 juin 2009, par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, XVème chambre, siégeant en matière commerciale, pièce 2 de la farde de pièces de Maître Philippe DUPONT A noter que, même si les parties demanderesses en cassation ont en date du 31 mars 2009, donc antérieurement au jugement du 29 juin 2009, produit au passif de la société anonyme X) en liquidation, leur déclaration de créance contient certes une élection de domicile en l’étude de Maître Luc SCHANEN, avocat à la Cour4, qui n’a cependant pas eu spécifiquement pour objet la réception de toutes les significations en relation avec ladite déclaration de créance.

Dans sa décision de rejet du 9 mars 2010, le liquidateur a informé les déclarants qu’en cas de remise en question par voie d’assignation de cette décision de rejet de la créance au passif de la liquidation, ils doivent procéder, soit dans l’acte d’assignation, soit dans un acte ultérieur, à une élection de domicile dans la commune de Luxembourg, sous peine de se voir appliquer l’article 499 alinéa 2 du Code de commerce.

Même si les actes y afférents ne sont pas versés, il n’est pas contesté qu’une élection de domicile a eu lieu dans le cadre de la procédure subséquente devant les juridictions respectives, et plus particulièrement dans le cadre de la procédure d’appel en l’étude de Maître Frank GREFF, avocat à la Cour. Il n’est pas non plus contesté que cette élection de domicile est régie par l’article 499 du Code de commerce.

L’article 499 a été inséré au Code de commerce par la loi du 2 juillet 1870 portant révision de la législation sur les faillites, banqueroute et sursis. Il est repris de l’article 499 du Code de commerce belge, tel que ce dernier y a été inséré par la loi belge du 18 avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis5. Il s’inspire de l’article 828 du Code de commerce hollandais6. Son objet est d’éviter toute prolongation de délai et tout retard en raison des distances7. La loi veut épargner au curateur les complications résultant de l’éloignement des créanciers8.

La Cour de cassation de Belgique en a déduit dès 1876 :

« Attendu qu’aux termes de l’article 499 de la loi sur les faillites, la déclaration de créance doit contenir de la part du créancier non domicilié dans la commune où siège le tribunal, l’élection d’un domicile, où toutes significations et toutes informations peuvent lui être faites ;

Que cette disposition a pour but d’éviter tous retards à raison des distances ;

4 Pièce 3 de la farde de pièces de Maître Philippe DUPONT 5 MAERTENS, Commentaire de la loi du 18 avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis, Bruxelles, Librairie Polytechnique, 1851, pages 436 à 438 ; RENOUARD, par BEVING, Traité des faillites et banqueroutes, Bruxelles, Librairie du Panthéon, 1851, page 259. L’article a été abrogé en Belgique par la loi du 8 août 1997 sur les faillites et remplacé par l’article 64 de cette loi.

6 MAERTENS, précité, page 437.

7 RENOUARD, par BEVING, précité, Article 499, n° 341, page 261.

8 NOVELLES, Droit commercial, Tome IV, par André CLOQUET, Bruxelles, Larcier, 3e édition, 1985, n° 2313, page 672.

Que, dès lors, d’après son texte et d’après son esprit, elle embrasse dans sa généralité la signification des jugements ;

Attendu qu’une signification de jugement valablement faite a pour effet naturel de servir de point de départ au délai d’appel. »9.

La signification au domicile élu serait donc valable et ferait courir les délais de recours, tel le délai de cassation.

Ce dernier court, ainsi qu’il est prévu par l’article 7 de la loi précitée de 1885, pour les arrêts contradictoires du jour de la signification à personne ou à domicile. L’article 155 du Nouveau code de procédure civile dispose dans son paragraphe (2), dernière phrase, qu’une signification à domicile élu au mandataire du destinataire est une signification faite à personne. La signification a donc en l’espèce été faite à personne sur base de l’article 499 du Code de commerce et de l’article 155, paragraphe (2), dernière phrase, du Nouveau Code de procédure civile. Elle ferait dès lors courir le délai du pourvoi de deux mois.

Etant donné que le domicile légal des époux V)-D) se trouve en France, les demandeurs en cassation profitent en application de l’article 7 alinéa 2 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, du délai de distance édicté par l’article 167 du Nouveau code de procédure civile, soit de 15 jours supplémentaires.

Le mémoire en cassation ayant été déposé 25 février 2020, le délai pour l’introduction du recours en cassation n’aurait pas été respecté, à le supposer courir à partir de la signification du 8 février 2018.

Le pourvoi serait dès lors irrecevable, à supposer l’article 499 applicable.

La partie demanderesse en cassation affirme en effet, sans pour autant expliciter les fondements de cette affirmation, que la signification de l’arrêt dont pourvoi serait régie par le Règlement CE n° 1393/2007 du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, ci-après « le Règlement ».

Selon l’article 1er, le Règlement est applicable « en matière civile et commerciale, lorsqu’un acte judiciaire ou extrajudiciaire doit être transmis d’un État membre à un autre pour y être signifié ou notifié. Il ne couvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives, ni la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique («acta jure imperii»). » Selon le paragraphe 2 du même article le Règlement « ne s’applique pas lorsque l’adresse du destinataire de l’acte n’est pas connue. ».

9 Cour de cassation de Belgique, 13 janvier 1876, Pas. belge, 1876, I, page 77.

Si l’article 1er paragraphe 1 du Règlement est certes ambigu, puisqu’il n’indique pas dans quels cas un acte judiciaire ou extrajudiciaire « doit » être transmis d’un Etat membre à un autre pour être signifié ou notifié, cette disposition doit être lue en combinaison avec l’article 1er, paragraphe 2 du Règlement, qui précise qu’il ne s’applique pas lorsque l’adresse du destinataire de l’acte n’est pas connue. L’absence de domicile connu du destinataire étant le seul cas dans lequel l’application du Règlement est expressément exclue, il est possible d’en déduire à a contrario, que le Règlement s’applique dans tous les cas où le destinataire a une adresse connue située dans un autre Etat membre10.

Une deuxième exception pourrait être déduite du considérant 8 du Règlement, qui se lit comme suit : « Le présent règlement ne devrait pas s’appliquer à la signification et à la notification d’un acte au représentant mandaté d’une partie dans l’État membre où l’instance a lieu, quel que soit le lieu de résidence de cette partie. », qui n’a cependant ni été repris ni explicité dans un article.

Dans le seul arrêt où la Cour de justice de l’Union européenne a jusqu’à présent été amenée à analyser le champ d’application matériel du Règlement, elle retient de manière tranchée qu’il « ressort ainsi de l’interprétation systématique du Règlement en question que celui-ci prévoit seulement deux circonstances dans les quelles la signification et la notification d’un acte judiciaire entre les Etats membres sont soustraites à son champ d’application, à savoir d’une part lorsque le domicile ou le lieu de séjour habituel du destinataire est inconnu et , d’autre part lorsque ce dernier a nommé un représentant mandaté dans l’Etat où se déroule la procédure juridictionnelle11 ».

Il y a lieu de noter que le considérant 8 du Règlement a été ajouté en raison d’une spécificité du droit néerlandais. Selon ce droit, dans certaines hypothèses, alors même que le destinataire a une adresse à l’étranger, la notification doit être faite au représentant de la partie aux Pays-Bas et non à la partie à l’étranger. Les membres du groupe de travail et les représentants de la Commission étaient d’avis que le Règlement ne s’y applique pas pour la simple raison qu’il ne s’agit pas d’une transmission d’un acte d’un Etat membre à un autre Etat membre. Afin d’exprimer cette idée, et par rapport à la situation néerlandaise particulière, le considérant 8, nommé considérant « fantôme » a été rédigé12. Dans l’arrêt précité la Cour semble cependant lui donner une importance bien plus grande que les rédacteurs ont souhaité lui donner13.

Que l’on procède à une lecture littérale de l’article 1er du Règlement ou à une interprétation conjointe de l’article 1er et du considérant 8 du Règlement, la solution 10 Cour de justice de l’Union européenne, première chambre, 19 décembre 2012, affaire C-325/11, Krystyna ADLER, Ewald ADLER contre Sabina ORLOWSKA, Czeslaw ORLOWSKI, point 51 des conclusions de M.

l’avocat général Yves BOT présentées le 20 septembre 2012 11Cour de justice de l’Union européenne, première chambre, 19 décembre 2012, affaire C-325/11, Krystyna ADLER, Ewald ADLER contre Sabina ORLOWSKA, Czeslaw ORLOWSKI, point no 24 12 La jurisprudence du code judiciaire commentée, volume V, Droit judiciaire européen et international, LGDJ 2016, Page 372 13 Cour de justice de l’Union européenne, première chambre, 19 décembre 2012, Affaire C-325/11, Alder ; Revue critique de droit international privé, 2013, page 700, note Fanny CORNETTE. infra I reste en l’espèce toujours la même : la signification à un mandataire ad litem, désigné sur base de l’article 499 du Code de commerce, d’un acte judiciaire destiné à une personne domiciliée ou résidant dans un autre Etat membre de l’Union européenne n’entre pas dans le champ d’application du Règlement.

La signification de l’arrêt dont pourvoi au domicile élu sur base de l’article 499 du Code de commerce a dès lors valablement fait courir le délai pour l’introduction du recours en cassation.

Il s’ensuit que les délais prévus par l’article 7 de la loi de 1885 n’ont pas été respectés.

Or, ainsi que le dispose le dernier alinéa de cet article, « ces délais devront être observées à peine de déchéance ».

Les parties demanderesses en cassation sont partant déchues de leur pourvoi.

A titre subsidiaire, quant aux cinq moyens réunis Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, le cas d’ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi la décision attaquée encourt le reproche allégué.

Les parties demanderesses en cassation font état de cinq moyens de cassation formulés dans des termes les plus généraux. Les moyens ne comportent pas d’énoncé à proprement dire, mais uniquement un intitulé et des développements très succincts du sujet, qui ne sauraient être qualifiés de discussion.

Aucun cas d’ouverture n’est indiqué. Le premier, deuxième et quatrième moyen ne se réfèrent à aucun texte de loi, dont la violation est alléguée. Le troisième et le cinquième moyen mentionnent certes des textes légaux, à savoir l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et l’article 3 de la Directive 93/13, prétendument violés, sans pour autant indiquer en quoi consisterait la violation de ces textes et quelle aurait dû être la solution à retenir.

Il est de jurisprudence constante que les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 du même article 10, peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent pas suppléer à la carence originaire de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.14 Au vu de ce qui précède, aucun des cinq moyens de cassation ne répond aux exigences de précision requises par la loi, de sorte qu’ils sont tous à déclarer irrecevables.

14 A titre d’exemple dans ce sens : cassation, arrêt no 01/2019, rendu le 10 janvier 2019, numéro 4059 du registre, cassation arrêt no 24/2019, rendu le 7 février 2019, numéro 4089 du registre, cassation, arrêt no 101/2019, rendu le 6 juin 2019, numéro CAS-2018-00059 du registre.

Conclusion Les parties demanderesses sont à déclarer déchues de leur pourvoi.

A titre subsidiaire, le pourvoi est à déclarer recevable, mais est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Sandra KERSCH 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 21/21
Date de la décision : 04/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-02-04;21.21 ?

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