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22/10/2020 | LUXEMBOURG | N°133/20

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 22 octobre 2020, 133/20


N° 133 / 2020 du 22.10.2020 Numéro CAS-2019-00152 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-deux octobre deux mille vingt.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Stéphane PISANI, conseiller à la Cour d’appel, Martine SOLOVIEFF, procureur général d’Etat, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (…), demandeur

en cassation, comparant par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, en l’étude duq...

N° 133 / 2020 du 22.10.2020 Numéro CAS-2019-00152 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-deux octobre deux mille vingt.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Stéphane PISANI, conseiller à la Cour d’appel, Martine SOLOVIEFF, procureur général d’Etat, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

Y, demeurant à (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Karine BICARD, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 159/19, rendu le 12 juillet 2019 sous le numéro CAL-2019-00304 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 27 septembre 2019 par X à Y, déposé le 30 septembre 2019 au greffe de la Cour ;Vu le mémoire en réponse signifié le 23 octobre 2019 par Y à X, déposé le 30 octobre 2019 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Michel REIFFERS et les conclusions de l’avocat général Isabelle JUNG ;

Sur les faits :

Selon l’arrêt attaqué, le juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait prononcé le divorce entre X et Y et dit qu’il sera procédé à la liquidation et au partage de la communauté de biens ayant existé entre parties. La Cour d’appel a dit partiellement fondé l’appel relevé par Y, ordonné la licitation d’un immeuble commun, fixé la date des effets du divorce en ce qui concerne les biens communs des parties et sursis à statuer sur la demande de Y en allocation d’un secours alimentaire à titre personnel après divorce dans l’attente du résultat d’une mesure d’instruction.

Sur la recevabilité du pourvoi :

L’article 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose en ses alinéas 2 et 3 :

« Les arrêts et jugements rendus en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent également être déférés à la Cour de cassation comme les décisions qui tranchent tout le principal.

Il en est de même lorsque l’arrêt ou le jugement rendu en dernier ressort qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident de procédure met fin à l’instance. ».

L’arrêt attaqué tranche dans son dispositif une partie du principal et sursoit à statuer sur une demande en allocation d’un secours alimentaire à titre personnel après divorce en attendant le résultat d’une mesure d’instruction.

Le pourvoi est dirigé non contre le dispositif de l’arrêt attaqué en ce qu’il a tranché une partie du principal, mais contre le dispositif de l’arrêt en ce qu’il a sursis à statuer sur une demande de la défenderesse en cassation.

Il en suit que le pourvoi est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :

Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare le pourvoi irrecevable ;

condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Karine BICARD, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du procureur général d’Etat Martine SOLOVIEFF et du greffier Viviane PROBST.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation Monsieur X c/ Madame Y (affaire n° CAS 2019-000152 du registre) Par mémoire signifié le 27 septembre 2019 et déposé le 30 septembre 2019 au greffe de Votre Cour, Monsieur X, a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt n° 159/19 rendu le 12 juillet 2019 par la Cour d’appel, 1ère chambre, siégeant en matière civile et en instance d’appel, sous le numéro CAL-2019-00304 du rôle.

L’arrêt en question a été signifié par Madame Y à Monsieur X en date du 1er août 2019.

Faits et rétroactes Suite à la requête d’X déposée le 28 novembre 2018, le juge aux affaires familiales, par jugement réputé contradictoire du 8 février 2019, a dit la demande en divorce recevable et fondée, a prononcé le divorce entre X et Y pour rupture irrémédiable des relations conjugales, a dit qu'il sera procédé à la liquidation et au partage de la communauté de biens ayant existé entre parties, ainsi qu'à la liquidation de leurs reprises éventuelles, a ordonné, pour autant que de besoin, la licitation de l'immeuble commun sis à (…), a donné acte à X que les parties entendent préalablement tenter de réaliser une vente de gré à gré, a commis Maître Martine SCHAEFFER, notaire de résidence à Luxembourg, a fait remonter entre parties les effets du divorce quant à leurs biens au 9 octobre 2016, a dit non fondée la demande d'X en allocation d'une indemnité de procédure et a condamné Y aux frais et dépens de l'instance.

De ce jugement, signifié le 18 février 2019, Y a régulièrement relevé appel par requête déposée le 28 mars 2019 et signifiée à X par exploit d’huissier de justice du 23 avril 2019.

Par décision du 12 juillet 2019, la Cour d’appel, 1ère chambre siégeant en matière civile, a dit l’appel de Y partiellement fondé, en ordonnant, par réformation, la licitation de l’immeuble commun situé au Portugal, en fixant la date des effets du divorce entre époux en ce qui concerne leurs biens au 26 janvier 2017 et en confirmant le jugement entrepris pour le surplus.

En outre, les juges de la 1ère chambre de la Cour d’appel ont notamment dit irrecevables les demandes de Y formulées en instance d’appel et tendant à la fixation de mesures provisoires pendant l’instance en divorce et à l’allocation de dommages et intérêts, ont dit recevables les autres demandes de Y tendant au versement d’un secours alimentaire après divorce et à la reconnaissance d’une créance relative aux droits de pension formulées en instance d’appel, ont prononcé un sursis à statuer au sujet de la demande de Y en allocation d’un secours alimentaire à titre personnel après divorce dans l’attente « de la prise de position circonstanciée des parties par rapport aux critères légaux définis aux articles 246 et 247 du Code civil » et « de la production d’un descriptif détaillé et actuel des situations financières des parties respectives tant en revenus provenant d’activités rémunérées qu’en capitaux, ainsi qu’en dépenses mensuelles incompressibles », mais également au sujet de la demande de Y en reconnaissance d’une créance relative aux droits de pension dans l’attente « des pièces et informations visées par l’article 252 du Code civil », « des explications de Y par rapport au courrier du 27 juillet 2017 émanant du Centre Commun de la Sécurité Sociale » et « de la prise de position circonstanciée d’X », et ont refixé l’affaire au mercredi, 9 octobre 2019 pour continuation des débats.

Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est recevable en ce qui concerne le délai et la forme.

L’article 3, deuxième alinéa, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose à ce sujet que « les arrêts et jugements rendus en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent également être déférés à la Cour de cassation comme les décisions qui tranchent tout le principal ».

Le dispositif de l’arrêt attaqué du 12 juillet 2019 de la 1ère chambre de la Cour d’appel se lit comme suit :

« Par ces motifs la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme, dit l’appel partiellement fondé ;

réformant, ordonne la licitation de l’immeuble commun situé au (…), dans la commune de (…) ;

dit que les effets du divorce entre époux en ce qui concerne leurs biens remontent au 26 janvier 2017 ;

confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

dit irrecevables les demandes de Y formulées en instance d’appel et tendant à la fixation de mesures provisoires pendant l’instance en divorce et à l’allocation de dommages et intérêts, reçoit les autres demandes de Y formulées en instance d’appel ;

dit irrecevable la demande d’X en communication forcée de pièces par Y ;

sursoit à statuer au sujet de la demande de Y en allocation d’un secours alimentaire à titre personnel après divorce dans l’attente :

- de la prise de position circonstanciée des parties par rapport aux critères légaux définis aux articles 246 et 247 du Code civil ;

- de la production d’un descriptif détaillé et actuel des situations financières des parties respectives tant en revenus provenant d’activités rémunérées qu’en capitaux, ainsi qu’en dépenses mensuelles incompressibles ;

sursoit à statuer au sujet de la demande de Y en reconnaissance d’une créance relative aux droits de pension dans l’attente :

- des pièces et informations visées par l’article 252 du Code civil ;

- des explications de Y par rapport au courrier du 27 juillet 2017 émanant du Centre Commun de la Sécurité Sociale ;

- de la prise de position circonstanciée d’X ;

réserve les frais et dépens des deux instances et la demande de Y en allocation d’une indemnité de procédure ;

refixe l’affaire à l’audience publique du mercredi, 9 octobre 2019 à 10.00 heures, en la salle CR 0.19, deuxième étage, bâtiment de la Cour d’appel à L-2080 Luxembourg, Plateau du Saint Esprit, pour continuation des débats. » L’arrêt tranche ainsi dans son dispositif une partie du principal en ordonnant, par réformation, la licitation de l’immeuble commun situé au Portugal et en fixant les effets du divorce entre époux en ce qui concerne leurs biens au 26 janvier 2017. Par ailleurs, les juges d’appel confirment le prononcé du divorce sur base des dispositions de l’article 232 du Code civil et 1000-24 du Nouveau Code de procédure civile.

Outre ces points, les juges d’appel prennent position concernant des demandes formulées par Y dans son acte d’appel et plus particulièrement, en déclarant les demandes en allocation d’un secours alimentaire à titre personnel ainsi qu’en reconnaissance d’une créance relative aux droits de pension, recevables. Toutefois, le dispositif ne tranche pas le bien-fondé de ses demandes mais il sursoit à statuer en attendant des pièces et explications précises à fournir par Y et X.

L’arrêt constitue dès lors un arrêt « mixte », donc un arrêt qui, à la fois, tranche une partie du principal et ordonne une mesure d’instruction.

Toutefois, le pourvoi est, en l’espèce, particulier en ce qu’il est dirigé non pas contre la partie tranchant le principal mais uniquement contre la partie du dispositif dans lequel des mesures d’instruction sont ordonnées.

Votre Cour, dans un arrêt numéro numéro 54/2017 du 1er juin 2017, numéro 3800 du registre, s’est prononcée sur un pourvoi en cassation dirigé contre une partie d’un arrêt ayant tranché le principal mais aussi contre des prétentions énoncées mais non tranchées dans le dispositif. Il a été décidé que le pourvoi était recevable pour en ce qu’il était dirigé contre une disposition de l’arrêt d’appel attaqué ayant tranché le principal. En revanche, le pourvoi, en ce que certains moyens étaient dirigés contre des demandes évoquées mais non tranchées dans le dispositif de l’arrêt, était irrecevable.

Ainsi, étant donné que le pourvoi du demandeur en cassation ne contient qu’un seul moyen de cassation dirigé exclusivement contre la partie de l’arrêt du 12 juillet 2019 ayant déclaré une partie des demandes accessoires au divorce de Y recevables mais ayant prononcé une surséance à statuer sur le bien-fondé de ces demandes afin que les parties verse des pièces et donnent de plus amples explications, il est principalement, à déclarer irrecevable.

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où Votre Cour devait déclarer le pourvoir recevable, il y a lieu de considérer que selon la doctrine et le jurisprudence française, si le pourvoi immédiat dirigé contre un arrêt qui tranche une partie du principal et ordonne une mesure d’instruction est recevable, les moyens de cassation qui critiquent la disposition ordonnant la mesure d’instruction sont, en revanche, irrecevables1. A fortiori, si le pourvoi est uniquement dirigé contre une partie de la décision d’appel qui ordonne une mesure d’instruction, le ou les moyens de cassation s’y rattachant devraient également être déclarés irrecevables.

Aux fins de déterminer la recevabilité du pourvoi immédiat et des moyens de cassation dirigés contre un arrêt « mixte », seul le dispositif de la décision doit être pris en considération, de sorte que toute référence à des motifs décisoires est à écarter2.

Dans le cas d’espèce, l’unique moyen de cassation est dirigé contre les motifs fondant le dispositif ordonnant la mesure d’instruction. Il est partant irrecevable.

Conclusion Principalement, le pourvoi est irrecevable.

Subsidiairement, l’unique moyen de cassation est irrecevable.

Pour le Procureur général d’État L’avocat général Isabelle JUNG 1 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, 5ème édition, 2015, n° 34.23, pages 110-

111 2 BORÉ, précité, n° 34.12, page 109 7



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 22/10/2020
Date de l'import : 24/10/2020

Numérotation
Numéro d'arrêt : 133/20
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2020-10-22;133.20 ?

Source

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