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08/10/2020 | LUXEMBOURG | N°123/20

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 octobre 2020, 123/20


N° 123 / 2020 du 08.10.2020 Numéro CAS-2019-00072 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit octobre deux mille vingt.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Stéphane PISANI, conseiller à la Cour d’appel, Elisabeth EWERT, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (…), demandeur en cassation

, comparant par Maître Jean-Jacques LORANG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est é...

N° 123 / 2020 du 08.10.2020 Numéro CAS-2019-00072 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit octobre deux mille vingt.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Stéphane PISANI, conseiller à la Cour d’appel, Elisabeth EWERT, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Jean-Jacques LORANG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

1) la SOC1) (SOC1)), société d’assurance mutuelle à cotisations variables, établie et ayant son siège social à (…), représentée par ses organes d’administration, inscrite au registre du commerce sous le numéro (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2) l’ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT, établissement public, établie et ayant son siège à L-1471 Luxembourg, 125, route d’Esch, représentée par son conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J16, défenderesse en cassation.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 51/19, rendu le 13 mars 2019 sous le numéro 39084 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 28 mai 2019 par X à la SOC1) (ci-

après « la société SOC1) ») et à l’ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT, déposé le 29 mai 2019 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 12 juillet 2019 par la société SOC1) à X et à l’ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT, déposé le 17 juillet 2019 au greffe de la Cour ;

Ecartant le mémoire en réponse signifié le 9 août 2019 par X à la société SOC1) et à l’ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT, déposé le 23 août 2019 au greffe de la Cour pour ne pas répondre aux prescriptions de l’article 17, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ;

Vu la rupture du délibéré ordonnée le 11 juin 2020 pour permettre aux parties de prendre position quant à la recevabilité du pourvoi au regard de l’article 3, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ;

Vu le mémoire additionnel signifié le 26 août 2020 par la société SOC1) à X et à l’ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT, déposé le 7 septembre 2020 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Eliane EICHER et les conclusions de l’avocat général Elisabeth EWERT ;

Sur les faits :

Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait entériné le taux de l’incapacité permanente partielle fixé par l’expert médical judiciaire dont X se trouvait atteint à la suite d’un accident de la circulation, après l’avoir débouté de sa demande visant à voir désigner un nouvel expert médical ainsi qu’un expert calculateur et à voir ordonner des mesures d’instruction complémentaires.

Par un premier arrêt, la Cour d’appel a réformé ce jugement en instituant une nouvelle expertise judiciaire et en nommant un expert médical et un expert calculateur.

Par l’arrêt attaqué, la Cour d’appel a rejeté la demande de X visant à voir annuler le rapport de l’expert médical et à voir instituer une mesure d’instruction complémentaire.

Sur la recevabilité du pourvoi :

L’article 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose en ses alinéas 2 et 3 :

« Les arrêts et jugements rendus en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent également être déférés à la Cour de cassation comme les décisions qui tranchent tout le principal.

Il en est de même lorsque l’arrêt ou le jugement rendu en dernier ressort qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident de procédure met fin à l’instance. ».

En rejetant la demande d’annulation du rapport d’expertise médicale, la Cour d’appel n’a ni tranché, dans le dispositif de l’arrêt attaqué, tout le principal ou une partie du principal, ni rendu une décision qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident de procédure, a mis fin à l’instance.

Il en suit que le pourvoi est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :

Il serait inéquitable de laisser à charge de la société SOC1) l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare le pourvoi irrecevable ;

condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation SOC1) une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Jean KAUFFMAN, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence de l’avocat général Elisabeth EWERT et du greffier Viviane PROBST.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation X c. la SOC1) et l’ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT Affaire n° CAS-2019-00072 du registre

______________________

Par mémoire signifié 28 mai 2019 et déposé au greffe de la Cour le 29 mai 2019, X a introduit un pourvoi en cassation contre un arrêt n°51/19 rendu par défaut à l’égard de l’établissement public ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT (ci-après AAA) et contradictoirement à l’égard des autres parties, le 13 mars 2019, par la deuxième chambre de la Cour d’appel, siégeant en matière civile, dans la cause entre les parties citées ci-dessus et inscrite sous le numéro 39084 du rôle, arrêt signifié au demandeur en cassation en date du 2 avril 2019.

Le pourvoi en cassation formé par X a été interjeté dans les délais et formes prévus par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Il est partant recevable.

Le mémoire en réponse de la défenderesse en cassation la SOC1) (ci-après SOC1)), signifié le 12 juillet 2019 et déposé au greffe de la Cour en date du 17 juillet 2019, peut être pris en considération pour être conforme aux articles 15 et 16 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Faits et rétroactes Par jugement n°180/2012 rendu le 20 juin 2012, le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière civile, a débouté X de sa demande visant à voir désigner un expert-médecin ainsi qu’un expert calculateur aux fins de l’examiner, après que cet expert aurait pris connaissance du rapport d’expertise unilatéral établi par le docteur D) en date du 18 novembre 2008 et du rapport d’expertise judiciaire établi le 18 février 2010 par le K) ainsi que du certificat médical du docteur H) du 5 mai 2010, afin de déterminer le taux de l’incapacité permanente partielle dont il se trouve atteint après un accident de la circulation survenu le 7 mai 2008.

La demande de X tendait à mettre en doute les conclusions de l’expert judiciaire K) au motif que le taux de 2 % retenu par le docteur K) dans son expertise du 18 février 2010 apparaissait à X comme très faible par rapport aux constatations cliniques retenues par l’expert.

Après analyse du dossier, le Tribunal est arrivé à la conclusion qu’en l’absence d’élément concret au dossier, laissant présumer que l’expert K) s’est trompé dans ses constatations et dans ses conclusions, il fallait entériner le taux retenu par ce dernier et a déclaré la demande de X non fondée.

X a relevé appel de ce jugement pour voir faire droit à sa demande en nouvelle expertise.

Par arrêt n°39084 du registre rendu le 22 avril 2015, la Cour d’appel a réformé le jugement de première instance et a institué une nouvelle expertise judiciaire nommant comme expert médical le docteur S) et comme expert calculateur Maître F).

Le docteur S) déposa son rapport d’expertise en date du 13 février 2017.

X sollicita l’annulation du rapport d’expertise du docteur S) au motif que l’expert aurait manqué d’objectivité, d’impartialité et de sérénité dans l’accomplissement de sa mission et ainsi violé l’article 437 du Nouveau Code de procédure civile.

X reproche notamment à l’expert de ne pas s’être mis en contact avec le docteur H), établi à Paris et qui suite à l’accident du 7 mai 2008 était le médecin traitant de X, pour obtenir de ce dernier son dossier médical et ainsi connaître ses antécédents médicaux.

L’appelant relève que le Docteur H) aurait en date du 12 avril 2018 retenu une IPP de 5 % et qu’il y aurait lieu d’entériner les conclusions du docteur H), sinon de procéder à son audition et celle du docteur S).

Par arrêt n°51/19 du 13 mars 2019, la Cour d’appel constate que l’article 443 du Nouveau Code de procédure civile prévoit le droit de l’expert de solliciter la communication de pièces détenues par un tiers mais elle retient que cette règle cède toutefois le pas dès lors qu’il s’agit d’obtenir la communication de pièces couvertes par le secret professionnel, tel un dossier médical détenu par un médecin.

La Cour d’appel retient que le médecin français était tenu au secret médical en vertu de la loi française (article R-4127-4 du Code de la santé publique française) et que seul le patient pouvait y accéder et que partant il n’appartenait pas à l’expert S) de s’adresser directement à son homologue français.

Le Cour d’appel retient encore que c’est à juste titre que l’expert a demandé à X de lui transmettre son dossier médical se trouvant entre les mains du docteur H).

La Cour d’appel constate que malgré plusieurs demandes de l’expert S) à X en communication de son dossier médical, ce dernier n’a réservé aucune suite à ces demandes. La Cour retient que ce fait est exclusivement imputable à l’appelant et ne saurait être reproché à l’expert S).

Quant au contenu du rapport d’expertise, la Cour d’appel retient que l’expertise est complète et que le fait que l’expert a dû faire abstraction du problème rhumatologique de X en l’absence de pièces produites par celui-ci est sans incidence alors que ce fait est à attribuer à la carence de X.

La Cour conclut que le rapport de l’expert n’est partant ni nul, ni incomplet et que la demande de X tendant à voir nommer un nouvel expert est à rejeter et qu’il n’y a pas lieu à l’institution d’une mesure d’instruction complémentaire.

Le pourvoi en cassation est dirigé contre cet arrêt.

Quant aux moyens de cassation :

Quant au premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la « violation de l’article 89 de la Constitution, des articles 249 et 587 du Nouveau Code de procédure civile et de l’article 6§1 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales » en ce que les juges d’appel n’auraient pas répondu aux conclusions de X visant à dire que la législation française, notamment le décret 2002-637 du 29 avril 2002 relatif à l’accès aux informations personnelles détenues par les professionnels et les établissements de santé, autoriserait l’expert à demander un dossier médical à un confrère dans le cadre d’une expertise judiciaire.

Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de s’être fondés que sur l’article relatif au secret médical (article R-4127-4 du Code de la Santé Publique français) sans se prononcer préalablement sur le décret 2002-637 du 29 avril 2002 et sur l’article R-710-2-2 du décret français n°92-329 du 30 mars 1992 relatif au dossier médical et à l’information des personnes accueillies dans les établissements de santé publics et privés.

Le demandeur en cassation relève qu’il avait conclu de manière détaillée dans son corps de conclusions IV sur la problématique du secret professionnel et que la Cour d’appel n’a pas pris position sur ces conclusions.

Les juges d’appel auraient enfreint les articles cités au moyen en ne se prononçant pas sur les conclusions des parties ni sur l’ensemble des dispositions légales et jurisprudentielles en la matière qui leur avaient été fournies tendant à établir l’exception au secret médical, respectivement la possibilité pour un médecin de demander à son homologue un dossier médical sans violer le secret médical.

Le défaut de réponse à conclusions est une des formes du défaut de motifs.

Le défaut de motifs constituant un vice de forme, le jugement est régulier en la forme dès qu’il comporte un motif exprès ou implicite, si incomplet ou si vicieux soit-il sur le point considéré. Le défaut de motifs, dans la pureté des principes, suppose donc l’absence de toute motivation sur le point considéré1.

Votre Cour a retenu dans le même sens qu’« une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite, fût-elle incomplète ou viciée, sur le point considéré »2.

X avait en l’espèce développé dans ses conclusions IV que le secret médical ne pouvait être opposé à l’expert S) et avait à ce titre renvoyé au décret 2002-637 du 29 avril 2002 relatif à l’accès aux informations personnelles détenues par les professionnels et les établissements de santé, à l’article R-710-2-2 du décret français n°92-329 du 30 mars 1992 ainsi qu’à la jurisprudence du Conseil d’Etat français (arrêt n°270234)3.

Il avait de ces développements conclut que l’expert S) aurait valablement pu et dû demander au docteur H) son dossier médical.

Les juges d’appel constatent que l’appelant argumente que « conformément à l’article 443 du nouveau code de procédure civile, il aurait appartenu à l’expert, sans porter atteinte au secret professionnel du docteur H), de se procurer le dossier médical du patient se trouvant auprès de ce médecin »4.

La Cour d’appel retient que « concernant le droit de l’expert de solliciter la communication de pièces détenues par un tiers, il est à noter que si l’article 443 du nouveau code de procédure civile prévoit ce droit au profit de l’expert, cette règle cède toutefois le pas dès lors qu’il s’agit d’obtenir la communication de pièces couvertes par le secret professionnel, tel un dossier médical détenu par un médecin.

Dans la mesure où il s’agissait, en l’espèce, d’obtenir les données du patient se trouvant entre les mains d’un médecin français, c’est à juste titre que la société SOC1) relève que celui-ci étant tenu au secret médical en vertu de la loi française (article R-4127-4 du code de la santé publique français), seul le patient pouvait y accéder. Il n’appartenait dès lors pas à l’expert de s’adresser directement à son homologue français et c’est, partant, à bon escient que l’expert S) a demandé à X de lui transmettre le dossier médical se trouvant entre les mains du docteur H), aucun reproche n’étant à ce titre établi dans le chef de l’expert. »5.

La Cour a valablement répondu aux conclusions du demandeur en cassation en retenant que le médecin français était tenu par le secret médical et qu’il n’appartenait 1 J.Boré, La cassation en matière civile, éd. 2015, n°77.31 2 Cass. du 15 octobre 2015, n° 45/2015, n° 3533 du registre ; Cass. du 26 mars 2015, n° 26 / 15, n° 3454 du registre 3 Farde de pièces de Maître LORANG, pièce n°4, Conclusions IV, p. 3 à 7.

4 Arrêt n°51/19 de la Cour d’appel du 13 mars 2019, p. 3 5 Arrêt n°51/19 de la Cour d’appel du 13 mars 2019, p. 4 pas à l’expert S) de contacter son homologue français pour obtenir le dossier médical de X.

L’arrêt entrepris est partant formellement motivé par rapport au point invoqué.

Il s’ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation n’est pas fondé.

Quant au deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré « de la violation du décret 2002-637 du 29 avril 2002 relatif à l’accès aux informations personnelles détenues par les professionnels et les établissements de santé en application des articles L-1111-7 et L-1112-1 du Code de la Santé Publique français, et de l’article R-710-2-2 du décret français n°92-329 du 30 mars 1992 relatif au dossier médical et à l’information des personnes accueillies dans les établissements de santé publics et privés » en ce que les juges d’appel ont retenu que seule la disposition relative au secret médical, respectivement l’article R-4127-4 du Code de la Santé Publique français trouvait à s’appliquer et que donc l’expert ne pouvait pas s’adresser directement à son confrère français pour solliciter la communication du dossier médical de X.

Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir correctement appliqué les dispositions légales françaises.

Le moyen est tiré de la violation de la loi étrangère.

Or, l’interprétation et l’application de la loi étrangère constituent des questions de fait relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond et échappant au contrôle de la Cour de cassation6.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Quant au troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation est tiré de la « violation, sinon du refus d’application, de la loi en l’espèce, de l’article 446 du Nouveau Code de procédure civile qui dispose que le juge n’est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien » en ce les juges d’appel ont retenu que le fait que l’expert a dû faire abstraction du problème rhumatologique de X en l’absence de pièces produites par celui-ci est sans incidence, ce fait étant à attribuer à la carence de X alors que l’application de l’article 446 du Nouveau Code de procédure civile aurait dû amener 6 Cass. du 5 décembre 2019, n° 165 / 2019, numéro CAS-2018-00123 du registre.

les juges d’appel à retenir que le rapport d’expertise S) était incomplet puisqu’il ne tenait pas compte du problème rhumatologique de X.

Le demandeur en cassation constate que les juges d’appel ont reconnu que le rapport d’expertise du docteur S) ne tenait pas compte du problème rhumatologique de X, respectivement du rapport du docteur H) du 12 avril 2018, versé en cause après le dépôt du rapport d’expertise du docteur S), et que donc le rapport d’expertise était incomplet.

X fait grief aux juges d’appel d’avoir entériné le rapport d’expertise S) malgré le fait qu’ils reconnaissaient, de façon implicite mais certaine, qu’il était incomplet et d’avoir ainsi enfreint l’article 446 du Nouveau Code de procédure civile.

Sous le couvert du grief de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, du rapport d’expertise S), appréciation en fait qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de Votre Cour7.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Quant au quatrième moyen de cassation :

Le quatrième moyen de cassation est tiré de la « violation de l’article 89 de la Constitution, des articles 249 et 587 du Nouveau Code de procédure civile et de l’article 6§1 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales » en ce que les juges d’appel se sont contredits dans leur motivation en retenant d’une part que le rapport d’expertise S) ne tenait pas compte du problème rhumatologique de X et d’autre part que le fait que l’expert a dû faire abstraction du problème rhumatologique de X était sans incidence alors que ce fait serait à attribuer à la carence de X.

La Cour d’appel a retenu dans son arrêt n°51/19 que « concernant le contenu du rapport d’expertise, il s’en dégage que l’expert S) avait informé X que le rapport serait disponible pour la mi-novembre 2016 et que, confronté à l’absence de production des pièces sollicitées, il a dressé son rapport sur base des documents s’étant trouvés à sa disposition, dont notamment le rapport du docteur H) du 12 mai 2009.

L’expert ayant en outre tenu compte des antécédents du patient en rapport avec l’analyse médico-légale, ainsi que de ses doléances et ayant conclu du point de vue médical après un examen clinique du patient, son rapport est à considérer comme complet. Le fait que l’expert a dû faire abstraction du problème rhumatologique de 7 Cass. du 6 juin 2019, n° 94/2019, numéro CAS-2018-00061 du registre ; Cass. du 6 février 2020, n° 23 / 2020, numéro CAS-2019-00026 du registre X en l’absence de pièces produites par celui-ci est sans incidence alors que ce fait est à attribuer à la carence de X. ».

Sous le couvert du grief d’une contradiction de motifs valant défaut de motifs le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges d’appel, des éléments de fait du dossier et notamment l’appréciation des juges d’appels du contenu du rapport d’expertise S), appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de Votre Cour.

Le moyen ne saurait partant être accueilli.

A titre subsidiaire, quant au fond, il y a lieu de relever que la contradiction de motifs ne vicie l’arrêt que si elle est réelle et profonde, c’est-à-dire s’il existe entre les deux motifs incriminés une véritable incompatibilité 8.

Il n’existe en l’espèce pas de contradiction entre le constat des juges d’appel que l’expert n’a pas pu prendre connaissance du dossier médical se trouvant entre les mains du docteur H) et l’appréciation des juges que cette lacune est imputable à X et ne saurait dès lors être reprochée à l’expert qui a fourni un rapport complet au vu des éléments lui transmis.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Quant au cinquième moyen de cassation :

Le cinquième moyen de cassation est tiré de la « violation de l’article 89 de la Constitution, des articles 249 et 587 du Nouveau Code de procédure civile et de l’article 6§1 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales » en ce que les juges ne se sont pas prononcés sur le rapport médical du docteur H) du 12 avril 2018 relatif au problème rhumatologique de X alors même que le demandeur en cassation avait versé ce rapport en instance d’appel comme pièce et qu’il avait conclu sur ledit rapport.

Le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel un défaut de réponse aux conclusions, une forme du défaut de motifs, partant un vice de forme, pour ne pas s’être prononcés sur la pertinence du rapport H) du 12 avril 2018 pour l’établissement du rapport d’expertise S).

En l’espèce, il s’agissait pour la Cour d’appel d’analyser si l’expert S) avait rempli sa mission en respectant les règles du Nouveau Code de procédure civile.

Le demandeur en cassation pour prouver le caractère incomplet de l’expertise S) verse le certificat médical établit par le docteur H) en date du 12 avril 2018.

8 Cass. du 31 octobre 2019, n° 139 / 2019, numéro CAS-2018-00101 du registre Le docteur H) retient dans le prédit certificat médical qu’« il m’est difficile d’établir une estimation chiffrée du préjudicie enduré, mais je considère que le chiffre de 5% est un minimum raisonnable »9.

Les juges d’appel après avoir analysé les éléments de la cause, sont arrivés à la conclusion que le rapport S) était complet.

Une décision judiciaire est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

En retenant que l’expert S) « a dressé son rapport sur base des documents s’étant trouvés à sa disposition, dont notamment le rapport du docteur H) du 12 mai 2009.

L’expert ayant en outre tenu compte des antécédents du patient en rapport avec l’analyse médico-légale, ainsi que de ses doléances et ayant conclu du point de vue médical après un examen clinique du patient, son rapport est à considérer comme complet. », les juges d’appel ont rejeté les conclusions du demandeur en cassation tendant à voir déclarer le rapport S) incomplet notamment au regard du certificat médical du docteur H) du 12 avril 2018.

Les juges d’appel ont partant répondu aux conclusions du demandeur en cassation.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Conclusion - Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Elisabeth EWERT 9 Farde de pièces de Maître LORANG, pièce n°10, certificat médical du docteur HAYEM du 12 avril 2018 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation X c. la SOC1) et l’ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT Affaire n° CAS-2019-00072 du registre

______________________

Vu la rupture du délibéré ordonnée en date du 11 juin 2020 par la Cour de cassation pour permettre aux parties de prendre position quant à la recevabilité du pourvoi au regard de l’article 3, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation.

L’article 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 précitée dispose en son deuxième alinéa ce qui suit :

Les arrêts et jugements rendus en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent également être déférés à la Cour de cassation comme les décisions qui tranchent tout le principal.

En l’espèce, l’arrêt entrepris est rendu en dernier ressort alors qu’il statue sur l’appel du jugement n°180/2012 rendu par le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg en date du 20 juin 2012 rejetant la demande de X visant à voir ordonner une contre-

expertise. Le pourvoi est partant recevable en ce qu’il est dirigé contre un arrêt rendu en dernier ressort en matière civile.

L’arrêt n°51/19 qui fait l’objet du présent recours en cassation constitue, pour avoir statué sur une mesure d’instruction, une décision visée par l’article 355 du Nouveau code de procédure civile qui dispose que « La décision qui ordonne ou modifie une mesure d’instruction (…) ne peut être frappée (…) de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi. Il en est de même de la décision qui refuse d’ordonner ou de modifier une mesure.».

Conformément à l’article 3, deuxième alinéa, de la loi modifiée du 18 février 1885, une décision portant sur une mesure d’instruction, donc provisoire, peut être entrepris par voie de cassation pour autant que l’arrêt tranche au moins une partie du principal.

Force est de constater que l’arrêt entrepris ne tranche pas le principal, ni même une partie du principal mais porte sur une question d’avant-dire droit au fond.

Il en suit que le pourvoi est irrecevable sur le fondement de l’article 3, alinéa 2 de la loi modifiée du 18 février 1885.

A titre subsidiaire, et pour autant que Votre Cour conclue à la recevabilité du pourvoi, la soussignée se rapporte à ses conclusions du 27 février 2020 et conclut au rejet du pourvoi quant au fond.

Conclusion - Principalement, le pourvoi est irrecevable, - subsidiairement, le pourvoi est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Elisabeth EWERT 13



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 08/10/2020
Date de l'import : 13/10/2020

Numérotation
Numéro d'arrêt : 123/20
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2020-10-08;123.20 ?

Source

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