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21/11/2019 | LUXEMBOURG | N°156/19

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 21 novembre 2019, 156/19


N° 156 / 2019 du 21.11.2019.

Numéro CAS-2018-00110 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt et un novembre deux mille dix-neuf.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeu

rant à (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Marisa ROBERTO, avocat à la Cour, ...

N° 156 / 2019 du 21.11.2019.

Numéro CAS-2018-00110 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt et un novembre deux mille dix-neuf.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Marisa ROBERTO, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et:

Y, demeurant à (…), défendeur en cassation, comparant par Maître Joëlle CHRISTEN, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, en présence :

1) de Maître Nathalie BARTHELEMY, avocat à la Cour, demeurant à L-1930 Luxembourg, 68, avenue de la Liberté, désignée comme avocat de la mineure A), 2) du Ministère public, pris en la personne du Procureur général d’Etat, dont les bureaux sont établis à L-2080 Luxembourg, Cité Judiciaire.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 147/18, rendu le 3 octobre 2018 sous le numéro CAL-2018-00734 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière d’appel contre les décisions du juge des tutelles ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 27 novembre 2018 par X à Y, à Maître Nathalie BARTHELEMY et au Ministère public, déposé le 29 novembre 2018 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 24 janvier 2019 par Y à X, à Maître Nathalie BARTHELEMY et au Ministère public, déposé le 25 janvier 2019 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Eliane EICHER et les conclusions de l’avocat général Monique SCHMITZ ;

Sur les faits :

Selon l’arrêt attaqué, le juge des tutelles près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait dit qu’en l’état actuel, il n’y avait pas lieu d’autoriser X à s’installer avec l’enfant mineure A) en Afrique du Sud et avait accordé au père Y un droit de visite et d’hébergement. La Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris quant au rejet de la demande de X et a, par réformation, fait droit à la demande de Y en obtention d’un droit de visite et d’hébergement élargi.

Sur le premier moyen de cassation :

« tiré de la violation de l'article 380 du Code civil, pour défaut de base légale ;

En ce que la Cour d'appel a rejeté l'appel principal de la mère, tenant à être autorisée à partir vivre en Afrique du Sud avec l'enfant commun, en considérant qu'un départ serait défavorable à la relation père-fille, sans pour autant se prononcer sur les risques par rapport à la relation mère-fille ;

Alors qu'il incombe aux juges du fond de donner une exposition complète des faits pour qu'ils puissent être correctement mis en équilibre ;

De sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, sans préciser et sans prendre en considération l'intégralité des éléments de fait nécessaires à la détermination de l'intérêt supérieur de l'enfant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale en violation de l'article 380 du Code civil. ».

Sous le couvert du grief du défaut de base légale, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de l’intérêt de l’enfant, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le deuxième moyen de cassation :

« tiré de la violation de l'article 2 du protocole additionnel n° 4 à la Convention européenne des droits de l'Homme ;

En ce que la Cour d'appel a considéré qu'il serait actuellement prématuré de permettre à X de transférer sa résidence en Afrique du Sud et d'éloigner, en conséquence, l'enfant A), dont la résidence est fixée auprès de sa mère, de son père ;

Alors qu’il résulte de l'article ci-dessus que toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien, et de choisir librement sa résidence sur le territoire d'un Etat sur lequel elle se trouve régulièrement ;

De sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 2 du protocole additionnel n° 4 à la Convention européenne des droits de l'Homme. ».

L’article 2 du Protocole n° 4 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales reconnaissant certains droits et libertés autres que ceux figurant déjà dans la Convention et dans le premier Protocole additionnel à la Convention, tel qu’amendé par le Protocole n° 11, dispose :

« 1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.

2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.

3. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ».

Il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni des pièces versées en cause que X se soit prévalue en instance d’appel d’une violation de la disposition visée au moyen, relative à la liberté de quitter le pays.

L’arrêt attaqué ne fait pas interdiction à la demanderesse en cassation de quitter le Luxembourg, mais il vise son éloignement avec l’enfant commune mineure, et ce dans le but de préserver le maintien d’un lien régulier entre celle-ci et le père.

La liberté inscrite à l’article 2, alinéa 2, du Protocole n° 4 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont se prévaut la demanderesse en cassation, peut faire l’objet des restrictions énumérées à l’article 2, alinéa 3, dudit Protocole, restrictions parmi lesquelles figurent les mesures nécessaires à la protection des droits et libertés d’autrui.

Le moyen est nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen du caractère nécessaire, au regard des circonstances de la cause, d’une telle mesure restrictive, mélangé de fait et de droit.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

Sur le troisième moyen de cassation :

« tiré de la violation de l'article 89 de la Constitution et de l'article 249 du Nouveau code de procédure civile, pour défaut de motifs;

En ce que la Cour d'appel a déclaré l'appel incident du père fondé, sans aucunement motiver en quoi cet appel incident serait fondé ;

Alors qu'il appartient cependant aux juges du fond de motiver leur décision ;

De sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, violant ainsi l'article 89 de la Constitution et l'article 249 du Nouveau code de procédure civile. ».

En tant que tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et 249 du Nouveau code de procédure civile, le moyen vise le défaut de motifs, qui est un vice de forme.

Une décision est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

En retenant que, pour statuer dans les différends entre parents concernant les enfants communs mineurs, il convient de prendre en compte uniquement l’intérêt de l’enfant et non pas d’autres considérations comme les désirs, contrariétés ou convenances personnelles des parents, que l’appel incident de Y tend à l’obtention d’un droit plus étendu, tout en respectant la nécessité de progresser par étapes afin de ne pas brusquer l’enfant et que X ne s’est pas opposée à l’appel incident, les juges d’appel ont motivé leur décision.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :

Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Joëlle CHRISTEN, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER et du greffier Viviane PROBST.



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 21/11/2019
Date de l'import : 23/09/2020

Numérotation
Numéro d'arrêt : 156/19
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2019-11-21;156.19 ?

Source

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