La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2018 | LUXEMBOURG | N°71/18

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 28 juin 2018, 71/18


N° 71 / 2018 pénal.

du 28.06.2018.

Not. 17144/14/CD Numéro 4032 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-huit juin deux mille dix-huit, sur le pourvoi de :

A), né le (…) à (…), demeurant à (…), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de :

1) B), demeura

nt à (…), 2) C), demeurant à (…), 3) D), né le (…) à (…), demeurant à (…), demandeurs au civil, défende...

N° 71 / 2018 pénal.

du 28.06.2018.

Not. 17144/14/CD Numéro 4032 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-huit juin deux mille dix-huit, sur le pourvoi de :

A), né le (…) à (…), demeurant à (…), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de :

1) B), demeurant à (…), 2) C), demeurant à (…), 3) D), né le (…) à (…), demeurant à (…), demandeurs au civil, défendeurs en cassation, comparant par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, l’arrêt qui suit :

=======================================================

LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 28 novembre 2017 sous le numéro 49/17 Ch.

Crim. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, chambre criminelle ;

Vu le pourvoi en cassation, au pénal et au civil, formé par Maître Virginie MERTZ, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, avocats à la Cour, pour et au nom d’A), suivant déclaration du 28 novembre 2017 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 21 décembre 2017 par A) à B), C) et D), déposé au greffe de la Cour le 27 décembre 2017 ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 17 janvier 2018 par B), C) et D) à A), déposé au greffe de la Cour le 18 janvier 2018 ;

Sur le rapport du conseiller Nico EDON et sur les conclusions de l’avocat général Marc HARPES ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, chambre criminelle, saisi d’une poursuite pénale contre A) du chef de viol, avait acquitté ce dernier de la prévention mise à sa charge ; que les juges de première instance s’étaient déclarés incompétents pour connaître des demandes civiles dirigées contre A) ; que sur appel du Ministère public et des parties civiles, la chambre criminelle de la Cour d’appel a réformé le jugement de première instance et a retenu A) dans les liens de la prévention de viol pour avoir abusé d’une personne hors d’état de donner un consentement libre et d’opposer de la résistance, avec la circonstance aggravante qu’A) avait autorité sur cette personne, a condamné A) à une peine de réclusion, assortie du sursis à l’exécution de cette peine, et aux peines accessoires prévues en matière criminelle, et a alloué aux parties civiles constituées en cause différents montants indemnitaires ;

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon de la fausse application, sinon du refus de l'application stricte de la loi pénale in specie de l'article 375 du Code pénal tel qu'issu de la loi du 10 août 1992 applicable en l'espèce, ainsi que les dispositions relatives à l'article 14 de la Constitution et au principe plus général de la légalité des peines ;

en ce que la décision attaquée a violé l'article 375 ancien du Code pénal d'une part en admettant la preuve de l'absence de consentement par tout moyen (première branche), d'autre part a motivé sa décision sur base de dispositions et décisions étrangères inexistantes en droit luxembourgeois (deuxième branche) ;

aux motifs que à la lumière du texte luxembourgeois dont la formulation est plus large sur le point de l'absence de consentement que le texte français. En effet, le texte français relatif 2 au viol ne comprend pas de formulation générale relative à l'absence de consentement ; celle-ci doit limitativement résulter de l'emploi par l'auteur de violence, de contrainte, de menace ou de surprise. » prendre en considération l'autorité exercée par le prévenu sur la victime et la différence d'âge existant entre les deux en tant qu'éléments parmi d'autres pouvant caractériser la contrainte, rien ne s'oppose à ce que la Cour d'appel tienne compte desdits éléments pour rechercher s'il y a eu dans le chef de la victime absence de consentement libre ou impossibilité d'opposer la résistance » ;

alors que par principe la loi pénale est d’application stricte, que face à un texte clair, le juge ne peut ni ajouter des dispositions que la loi ne contient pas ni raisonner par analogie anachronique ;

de telle sorte qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé l’article 375 du Code pénal ainsi que les dispositions relatives à l’article 14 de la Constitution et au principe plus général de la légalité des peines. » ;

Attendu qu’en sa première branche, le moyen fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu le demandeur en cassation dans les liens de la prévention d’infraction à l’article 375, alinéa 1, du Code pénal, dans la teneur issue de la loi du 10 août 1992 applicable au moment des faits, en raison de l’absence de consentement de la victime, dont la preuve serait susceptible d’être rapportée par tout moyen, procédant ainsi à une interprétation extensive de l’incrimination légale ;

Attendu que les juges d’appel ont déclaré établie à charge du demandeur en cassation la prévention de viol en retenant que le demandeur en cassation avait abusé d’une personne hors d’état de donner un consentement libre et d’opposer de la résistance ;

Qu’ils ont dès lors constaté l’absence de consentement de la victime au regard des circonstances constitutives de l’infraction prévue à l’article 375, alinéa 1, du Code pénal, et dans les termes de l’incrimination, telle qu’elle était applicable au moment des faits ;

Qu’il en suit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé ;

Attendu qu’en sa seconde branche, le moyen procède d’une reproduction incomplète et d’une analyse incorrecte de l’arrêt attaqué ;

Que les juges d’appel n’ont pas déclaré le demandeur en cassation coupable de viol, en raison de la contrainte résultant de l’autorité exercée par le demandeur en cassation sur la victime, par analogie avec des jurisprudences étrangères rendues à propos de textes d’incrimination étrangers ;

Que la culpabilité du demandeur en cassation a été déclarée établie sur base des seuls éléments constitutifs définis par l’article 375, alinéa 1, du Code pénal, dans sa version applicable au moment des faits ;

Qu’il en suit que le moyen, pris en sa seconde branche, manque en fait ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon de la fausse application, sinon du refus d'application, sinon de la fausse interprétation des articles 375 et 377 du Code pénal tels qu'issus de la loi du 10 août 1992 applicable en l'espèce ;

en ce que la décision attaquée a retenu que l'autorité, circonstance aggravante prévue légalement par l'ancien article 377, était un élément constitutif de l'infraction prévue par l'ancien article 375 du Code pénal ;

aux motifs que française cité par la chambre criminelle est intervenu à propos de faits susceptibles de tomber sous l'article 222-22 : ’’constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise’’ et l'article 222-23 ’’tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol’’ du Code pénal français en vigueur en 2001. Sous l'empire de ces versions, les juges devaient à chaque fois caractériser en quoi les atteintes sexuelles dénoncées avaient été commises avec violence, contrainte, menace ou surprise pour qualifier l'infraction de viol et c'est ainsi que la Cour de cassation a estimé que l'atteinte sexuelle imputée à une personne abusant de son autorité sur la victime ne saurait à elle seule justifier la qualification d'agression sexuelle au titre de contrainte constitutive de la matérialité de l'agression sanctionnée. Cet arrêt n'est cependant pas transposable tel quel au cas d'espèce, puisque les articles français précités, pris aussi bien dans leur version qui serait applicable aux faits que dans leur version actuelle, ne prévoient pas l'hypothèse prévue en droit luxembourgeois, que l'absence de consentement dans le chef de la victime peut également résulter du fait que celle-ci était hors d'état de donner un consentement libre ou d'opposer de la résistance à une relation sexuelle… S'il est exact, et la chambre criminelle du tribunal l'a rappelé à juste titre, que pareille disposition spécifique n'existe pas en droit luxembourgeois et qu'il n'y a pas lieu de mélanger circonstance aggravante et élément constitutif d'une infraction, toujours est-il que la qualité de curé et la situation d’autorité spirituelle, naturelle et morale constituent des éléments de fait qui peuvent influer sur la question de savoir s'il y a eu ou non absence de consentement libre ou impossibilité d'opposer une résistance dans le chef de la victime, indépendamment de la question de savoir si la circonstance aggravante de l'article 377 du Code pénal est remplie.

Si, d'après le conseil constitutionnel, il est permis au juge français de prendre en considération l'autorité exercée par le prévenu sur la victime et la différence d'âge existant entre les deux en tant qu'éléments parmi d'autres pouvant caractériser la contrainte, rien ne s'oppose à ce que la Cour d'appel tienne compte desdits éléments pour rechercher s'il y a eu dans le chef de la victime absence de consentement libre ou impossibilité d'opposer la résistance. » ;

4 alors qu'en se fondant pour caractériser l'absence de consentement sur la qualité de personne ayant autorité, cet élément ne constituant qu'une des circonstances aggravantes du crime de viol, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

de sorte que la Cour a violé ensemble les articles 375 et 377 anciens du Code pénal. » ;

Attendu que le moyen repose sur une lecture et une analyse erronées de l’arrêt attaqué ;

Que la décision attaquée n’a pas retenu que « l’autorité, circonstance aggravante prévue légalement par l’ancien article 377, était un élément constitutif de l’infraction prévue par l’ancien article 375 du Code pénal » ;

Qu’il en suit que le moyen manque en fait ;

Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon de la fausse application, sinon du refus d'application, sinon de la fausse interprétation de la loi in specie de l'article 375 du Code pénal tel qu'issu de la loi du 10 août 1992, par dénaturation des faits, sinon absence de motivation, sinon motivation insuffisante ;

en ce que la décision attaquée a décidé que les éléments constitutifs de l'infraction de viol étaient réunis sans pourtant qualifier le consentement de la victime ;

aux motifs que manifestée par le conditionnement opéré qui a consisté pour A), par une démarche ciblée et non équivoque, à se présenter, une fois retiré avec l'enfant dans la chambre, nu devant lui, l'embrassant sur la bouche et dirigeant la main de D) vers son organe génital » et ;

alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction réprimée, que pour condamner Monsieur A) de viol, la Cour devait caractériser l'absence de consentement de la victime, ce qu'elle n'a pas fait ;

de sorte que la Cour d'appel a violé l'article 375 ancien du Code pénal » ;

Attendu qu’en tant que tiré d’une prétendue dénaturation des faits, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation des faits de la cause sur base de laquelle les juges d’appel ont retenu que le demandeur en cassation s’était rendu coupable de viol en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre et d’opposer de la résistance ;

Que cette appréciation des faits relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe au contrôle de la Cour de cassation ;

Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen ne saurait être accueilli ;

Attendu qu’en tant qu’il est tiré d’un défaut de motifs, le moyen fait valoir un vice de forme ;

Qu’une décision judiciaire est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que les juges d’appel, outre les motifs reproduits au moyen, ont retenu que la fellation faite au demandeur en cassation, « s’est inscrite dans un enchaînement d’actes et de gestes sans équivoque émanant du prévenu, qui ne pouvait et qui n’a pas ignoré, que le garçon, de par sa personnalité et ses traits de caractère, allait se livrer à lui, prêt à assouvir ses besoins sexuels sans être capable d’opposer une résistance » ;

Que la décision attaquée est partant motivée sur le point considéré ;

Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen n’est pas fondé ;

Attendu que le moyen fait encore valoir une motivation insuffisante, partant un défaut de base légale au regard des éléments constitutifs exigés au titre de l’incrimination légale appliquée en l’espèce ;

Attendu que les juges d’appel ont retenu le demandeur en cassation dans les liens de la prévention de viol, pour avoir abusé d’une personne hors d’état de donner un consentement libre et d’opposer de la résistance, sur base d’un exposé des circonstances factuelles de l’espèce, incluant l’ascendant exercé par le demandeur en cassation sur la victime, les traits de caractère du mineur, tels qu’ils étaient décrits par les témoignages recueillis et l’expertise psychologique réalisée, le contexte dans lequel les faits se sont déroulés et l’attirance sexuelle qu’éprouvait le demandeur en cassation à l’égard du mineur ;

Qu’en considérant que le demandeur en cassation « ne pouvait pas ignorer et n’ignorait pas que le garçon, de par sa personnalité et ses traits de caractère, allait se livrer à lui, prêt à assouvir ses besoins sexuels sans être capable d’opposer une résistance », et en énonçant que le demandeur en cassation, « par le fait de recevoir une fellation (…), avait parfaitement conscience, au vu de ses agissements, du contexte particulier, du conditionnement opéré, y compris la personnalité et les traits de caractère de cet adolescent, qu’il est allé à l’encontre de la volonté de celui-

ci », les juges d’appel ont caractérisé, sans insuffisance, l’élément constitutif de l’incrimination appliquée, en l’occurrence l’abus, par le demandeur en cassation, d’une personne hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer de la résistance ;

Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen n’est pas non plus fondé ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 10 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-huit juin deux mille dix-huit, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Yola SCHMIT, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier Viviane PROBST.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Monsieur John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 71/18
Date de la décision : 28/06/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2018-06-28;71.18 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award