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28/06/2018 | LUXEMBOURG | N°41249

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 28 juin 2018, 41249


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 41329C Inscrit le 20 juin 2018 Audience publique du 28 juin 2018 Appel formé par Monsieur …, Findel, contre un jugement du tribunal administratif du 15 juin 2018 (n° 41249 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 41329C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 20 juin 2018 par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 41329C Inscrit le 20 juin 2018 Audience publique du 28 juin 2018 Appel formé par Monsieur …, Findel, contre un jugement du tribunal administratif du 15 juin 2018 (n° 41249 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 41329C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 20 juin 2018 par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Libye), de nationalité tunisienne, retenu au Centre de rétention au Findel, dirigé contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 15 juin 2018 l’ayant débouté de son recours en réformation sinon en annulation introduit contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 mai 2018 ordonnant la prorogation de son placement audit Centre de rétention pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de la décision ministérielle en question ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 21 juin 2018 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nour E. HELLAL et Madame le délégué du gouvernement Nancy CARIER en leurs plaidoiries à l’audience publique de ce jour.

Par une décision du 6 septembre 2017, le ministre de l’Immigration et l’Asile, ci-après « le ministre », refusa de faire droit à la demande en obtention d’une protection internationale introduite par Monsieur … en date du 6 mai 2015 et lui ordonna de quitter le territoire.

En date du 1er mars 2018, le ministre prononça une interdiction d’entrée sur le territoire à l’encontre de Monsieur … pour une durée de cinq ans en considération du fait que l’intéressé s’est maintenu sur le territoire luxembourgeois malgré la décision de retour du 6 septembre 2017 et au vu des antécédents judiciaires de celui-ci.

1 Par un arrêté du même jour, notifié à l’intéressé le 2 mars 2018, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Vu mon interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans du 1er mars 2018 ;

Attendu que l'intéressé est dépourvu de tout document de voyage valable ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'identification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par un arrêté du 29 mars 2018, notifié à l’intéressé le 30 mars 2018, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification.

Le placement en rétention fut encore une fois prolongé par un arrêté du 25 avril 2018, notifié à l’intéressé le 30 avril 2018.

Par un arrêté du 28 mai 2018, notifié à l’intéressé le 30 mai 2018, le placement en rétention fut prorogé pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 1er mars, 29 mars et 25 avril 2018, notifiés le 2 mars, le 30 mars et le 30 avril 2018, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 1er mars 2018 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée le 7 juin 2018 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du 28 mai 2018.

2Par jugement du 15 juin 2018, le tribunal déclara le recours en réformation recevable mais non fondé, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, et condamna le demandeur aux frais.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 20 juin 2018, Monsieur … a fait régulièrement entreprendre le jugement précité du 15 juin 2018.

A l’appui de son appel, il fait valoir qu’une mesure de placement ne pourrait être prise qu’à la condition qu’il existe dans le chef de l’étranger un risque de fuite ou si ce dernier évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement, mais encore que la mesure d’éloignement du territoire puisse concrètement aboutir. Il soutient encore qu'une mesure de rétention serait indissociable de l'attente de l'exécution de l'éloignement d'un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois et qu’il incomberait au ministre d'engager des démarches, de faire état et de documenter les démarches qu'il estimerait requises et qu'il serait en train d'exécuter afin d'écourter au maximum la privation de liberté d’une personne placée en rétention. L’appelant estime ensuite que son dossier n’avancerait pas et qu’il semblerait « certain que se profile une rétention maximale sans perspective finale ». Or, si l’administration n’arrivait pas à éloigner un étranger dans la période prévue par la loi, celui-ci devrait être remis en liberté, même si sa situation administrative n’est pas régularisée. Le délai maximal prévu par le législateur pour procéder à l'éloignement d'une personne en situation irrégulière serait à considérer comme un délai limite. Il conclut que les conditions posées par l'article 120, paragraphes (1) et (3), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après la « loi du 29 août 2008 », ne seraient plus réunies dans son chef, aucune démarche efficace n’ayant été entreprise pour permettre son éloignement rapide, de sorte que la nécessité de la rétention ferait défaut et qu’il devrait partant être remis en liberté.

En dernier lieu, l’appelant signale encore qu’il vient d’accomplir une peine privative de liberté de douze mois.

L’Etat conclut à la confirmation du jugement dont appel par confirmation des conclusions du tribunal.

En ce qui concerne le moyen tiré d’un défaut de diligences suffisantes en vue de l’exécution de l’éloignement de l’appelant, c’est à bon escient que les premiers juges ont retenu que l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Ils ont encore relevé à juste titre que la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement, que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé et que c’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut par la suite être prorogée.

3 C’est également à bon droit que les premiers juges ont rappelé qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention est conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais, la rétention pouvant plus particulièrement être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions initiales du placement en rétention sont toujours réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Les premiers juges ont dégagé à juste titre des éléments de la cause l’existence dans le chef de Monsieur … d’un risque de fuite, légalement présumé par l’article 111, paragraphe (3), point c), de la loi du 29 août 2008, si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, dès lors que l’intéressé ne justifie pas de la possession de documents d’identité ou de voyage, d’une part, et qu’en date du 6 septembre 2017, il a fait l’objet d’une décision de retour, ainsi qu’en date du 1er mars 2018 d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans, d’autre part.

En ce qui concerne l’organisation de l’éloignement de l’appelant et, plus particulièrement, les démarches concrètement entreprises par le ministre pour y parvenir, la Cour est amenée à rejoindre les premiers juges en ce qu’ils ont dégagé, sur base d’un examen détaillé des démarches concrètement accomplies en vue de l’identification de l’appelant et de l’obtention de documents de voyage, telles qu’elles se dégagent du dossier administratif, que l’organisation de l’éloignement de l’appelant est en cours et est exécutée avec toute la diligence requise.

En effet, il ressort des pièces du dossier administratif que par un courrier du 2 mars 2018, soit le jour même du placement de Monsieur … en rétention, les services du ministre ont saisi le consulat général de Tunisie d’une demande en vue de l’identification de l’intéressé en vue de la délivrance d’un laissez-passer, demande ayant été rappelée par un courrier du 23 mars 2018 et que par six courriers des 10 et 25 avril, 9 et 23 mai, 6 juin et 20 juin 2018, les services du ministre ont encore relancé les autorités consulaires de Tunisie afin de les renseigner sur l’état d’avancement du dossier. Partant, les diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire à cet égard de la collaboration des autorités tunisiennes, doivent être considérées, à ce stade, comme suffisantes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce.

Le moyen tiré d’un défaut de diligences suffisantes entreprises par le ministre laisse partant d’être fondé.

Aucun autre moyen n’ayant été invoqué, l’appel n’est dès lors pas fondé et il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, 4 la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel du 20 juin 2018 recevable en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute l’appelant ;

partant, confirme le jugement du 15 juin 2018 ;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour Vanessa SOARES.

s.SOARES S.SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28 juin 2018 Le greffier de la Cour administrative 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 41249
Date de la décision : 28/06/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2018-06-28;41249 ?

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