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06/03/2018 | LUXEMBOURG | N°40634C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mars 2018, 40634C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 40634C du rôle Inscrit le 15 janvier 2018 Audience publique du 6 mars 2018 Appel formé par Monsieur …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 13 décembre 2017 (n° 40098 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d'appel, inscrit sous le numéro 40634C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 15 janvier 2018 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie), de nationalité albana

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 40634C du rôle Inscrit le 15 janvier 2018 Audience publique du 6 mars 2018 Appel formé par Monsieur …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 13 décembre 2017 (n° 40098 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d'appel, inscrit sous le numéro 40634C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 15 janvier 2018 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant à L-…, …, …, dirigé contre le jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 13 décembre 2017 (no 40098 du rôle), par lequel il a été débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 juillet 2017 portant rejet de sa demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 31 janvier 2018 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en leurs plaidoiries à l’audience publique du 1er mars 2018.

Le 7 janvier 2016, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Après avoir, à plusieurs reprises, été convoqué à des entretiens auprès du ministère, sans avoir pu être auditionné en raison d’un syndrome de stress post-traumatique se dégageant plusieurs certificats médicaux, Monsieur … se présenta le 28 mars 2017 auprès d’un agent du ministère et prononça le souhait de ne pas s’exprimer oralement en raison de son état de santé psychique. Sur ce, l’agent du ministère en charge du dossier lui accorda un délai de trois semaines afin de 1 communiquer par écrit les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale. Le 18 avril 2017, Monsieur … déposa au ministère un écrit daté du même jour dans lequel il exposa sur 16 pages sa situation et les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 24 juillet 2017, expédiée à l’intéressé par lettre recommandée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », résuma les déclarations de Monsieur … comme suit :

« (…) Monsieur, il se dégage de votre entretien que vous avez déclaré ne pas pouvoir être auditionné en raison de troubles psychiques.

En mains la traduction de vos motifs écrits, déposée le …, sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande.

Monsieur il ressort de vos écrits que vous auriez quitté l'Albanie en raison d'une prétendue dette de sang.

En effet, le 27 décembre 2002, votre oncle paternel, … aurait tué son voisin, Monsieur … car celui-ci lui aurait coupé l'électricité. Suite à ce meurtre, votre oncle se serait volontairement rendu aux autorités et aurait été condamné à une peine de prison.

Votre cousin … vous aurait informé de ce meurtre et vous aurait conduit chez lui car votre [qu]artier aurait été « compl[é]tement bloqué » (page 2/9 de la traduction de vos moti[f]s écrits) et les voitures auraient été contrôlées. Votre famille ainsi qu'un autre oncle, … se seraient installés chez votre cousin car « on avait peur d'une éventuelle vengeance » (page 2/9 de la traduction de vos moti[f]s écrits). Quelque temps plus tard, sur demande de votre père et de votre oncle, votre famille se serait rendue au commissariat de police pour y faire une déposition.

Vous auriez alors pu rentrer chez vous car vous auriez reçu la protection de la police qui aurait posté deux fourgons près de chez vous durant une nuit.

Votre famille aurait décidé d'envoyer « des gens » (page 2/9 de la traduction de vos moti[f]s écrits) dans la famille du défunt afin de demander la « Besa », mais elle aurait refusé.

Vous auriez alors quitté … pour vous installer avec votre frère, votre père et votre oncle dans le nord de l'Albanie, à …, chez l'oncle de votre père. Votre mère et votre sœur seraient restées à … car « intouchables » (page 2/9 de la traduction de vos moti[f]s écrits) d'après la tradition.

Après que vous seriez resté dans cette maison un certain temps, votre oncle serait revenu à … pour travailler, mais aurait été obligé de tirer en l'air avec son arme car une personne non autrement identifiée l'aurait surveillé. Il aurait alors pris la décision tout d'abord de revenir à … et ensuite de quitter définitivement l'Albanie accompagné de sa famille. Il se trouverait aujourd'hui en Italie.

2 Suite au départ de votre oncle, votre père « était la seule cible » (page 3/9 de la traduction de vos moti[f]s écrits) potentielle d'une possible vengeance car vous et votre frère étiez encore jeunes.

Quelques mois plus tard, vous auriez décidé de retourner à … où vous vous seriez installé dans le quartier « … » (page 3/9 de la traduction de vos moti[f]s écrits). Votre mère et votre sœur auraient alors pu vous rendre visite, mais un jour, votre mère ne serait pas venue vous rendre visite car elle aurait remarqué que « des personnes qu'elle ne connaît pas l'ont suivie » (page 3/9 de la traduction de vos moti[f]s écrits). Vos parents auraient dès lors décidé que votre père, votre frère et vous devriez retourner à …..

Après quelques mois, vous seriez de nouveau retourné à … où votre mère aurait loué une maison afin que vous puissiez tous vivre ensemble en famille. Entretemps, votre père aurait perdu son travail de policier et votre mère et votre sœur auraient subvenu aux besoins de votre famille.

Votre père aurait demandé de l'aide auprès de plusieurs officiels comme le Président, le Premier Ministre, le Ministre de l'intérieur, L’Ombudsman, l'Ambassade britannique, l'Ambassade allemande ainsi que des médiateurs et l'organisation de réconciliation des dettes de sang. En jui[l]let 2005, un nouveau gouvernement aurait été élu et votre père aurait de nouveau contacté différents ministres et autres officiels. Seul le directeur de l'organisation de réconciliation des dettes de sang, …. se serait intéressé à votre histoire et aurait envoyé plusieurs journalistes étrangers pour vous interviewer en 2005 et 2006. En 2006 et 2007, votre père aurait également anonymement témoigné de votre histoire à la télévision. Suite à une lettre ouverte envoyée à l'Ambassade américaine, …., assistant politique de l'Ambassade, vous aurait également rendu visite. Suite à ces vas et viens médiatiques dans votre maison, vous auriez décidé de déménager dans un autre quartier de ….

En 2008, accompagné de votre frère et votre père, vous auriez fait une première tentative pour quitter l’Albanie mais vous auriez été arrêté à la frontière slovène et conduit dans un camp fermé où vous auriez « demandé l'as[i]le » (page 7/9 de la traduction de vos moti[f]s écrits).

Après quatre mois passés dans ce camps fermé, vous auriez décidé de retourner en Albanie. Plus tard dans l'année, accompagné de votre frère, vous seriez allé au Monténégro où vous auriez rencontré des passeurs. Vous auriez alors traversé la frontière en direction de la Bosnie. En Bosnie, vous auriez été menacé par un homme armé, non autrement identifié, qui aurait réclamé 400 euros pour que vous et votre frère puissiez continuer votre route. Votre père aurait payé ces 400 euros et vous auriez pu partir en bus pour Sarajevo. Un ami de votre passeur vous aurait logé pendant deux nuits avant de vous mettre à la porte. Vers 2009, vous auriez alors décidé de rentrer en Albanie car vous n'auriez plus eu confiance en votre passeur. A l'appui de vos dires vous avez versé une attestation traduite émise le 25 avril 2017 par « Le comité national de réconciliation », de laquelle il ressort que vous et votre famille seriez en conflit avec la famille ….

Enfin, il ressort [de] la traduction de vos moti[f]s écrits qu'il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte. (…) ».

3 Le ministre informa ensuite Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 août 2017, Monsieur … introduisit un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 24 juillet 2017 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et ordre de quitter le territoire.

Par jugement du 13 décembre 2017, le tribunal administratif rejeta son recours contentieux comme n'étant pas fondé.

Par requête déposée le 15 janvier 2018 au greffe de la Cour administrative, Monsieur … a régulièrement relevé appel du jugement du 13 décembre 2017.

A l’appui de sa requête d’appel, il soutient en premier lieu que le ministre aurait manqué à son devoir de coopération en ne lui permettant pas de fournir davantage de détails par rapport à son récit. Ainsi, au vu de son état de santé fragilisé en raison de son vécu en Albanie, il aurait appartenu à la partie étatique, suite à l’exposé écrit des motifs sous-tendant sa demande de protection internationale, de solliciter une mesure d’instruction supplémentaire quant à son vécu dans son pays d’origine, mesure qui n’aurait nullement retardé l’instruction de ladite demande de protection internationale. Or, en ne lui permettant pas de se soumettre à une audition complémentaire sinon de compléter ses motifs écrits sur un point retenu comme suffisamment pertinent par l’autorité étatique pour motiver le rejet de sa demande de protection internationale, le ministre aurait violé les articles 15 et 37 de la loi du 18 décembre 2015.

Ledit moyen est cependant à rejeter pour manquer en fait.

En effet, tel que retenu par les premiers juges, si les articles 13, paragraphe 2, et 15 de la loi du 18 décembre 2015 consacrent le droit fondamental du demandeur de protection internationale d’être entendu personnellement lors d’un entretien afin de pouvoir exposer les motifs se trouvant à la base de la demande de protection internationale et de pouvoir corriger ou préciser les éléments repris dans le rapport d’audition lors de la relecture, il y est néanmoins fait exception aux articles 13, paragraphe 4, point b), et 13, paragraphe 5, de ladite loi qui permettent au ministre de se prononcer sur une demande de protection internationale en l’absence d’entretien personnel avec le demandeur, sous condition qu’au préalable le ministre ait déployé des efforts raisonnables pour que ce dernier puisse fournir davantage d’informations, ce qui implique que ce dernier puisse le faire éventuellement par écrit.

Or, il échet de constater que Monsieur … a été convoqué à 4 reprises, à savoir le 25 avril 2016, le 27 mai 2016, le 28 juin 2016 et le 11 juillet 2016, à se présenter au ministère afin de procéder à l’entretien concernant sa demande de protection internationale, que celui-ci a présenté à chaque fois un certificat médical d’après lequel il serait dans l’impossibilité de s’exprimer oralement en raison de son état psychique fragile, que le ministère a ensuite convoqué le demandeur à un examen médical en date du 10 octobre 2016, suite auquel le médecin désigné a retenu que le 4 demandeur n’était pas en mesure de répondre aux questions de l’agent en raison de son état psychologique fragile, mais que son problème de santé ne revêtirait pas un caractère permanent mais seulement temporaire. Il se dégage encore du dossier que le 8 février 2017, le demandeur a été convoqué une seconde fois à un examen médical et que le médecin désigné a retenu cette fois-ci que l’état de santé de Monsieur … était stable et qu’il pourrait être procédé à son audition, mais qu’au moment de l’entretien fixé au 28 mars 2017, ce dernier s’est présenté muni d’un certificat médical, tout en indiquant ne pas vouloir s’expliquer oralement en raison de son état psychique fragile, de sorte qu’il a été retenu d’un commun accord qu’il pourrait présenter les motifs à la base de sa demande de protection internationale par écrit, ce que celui-ci a fait en produisant un écrit de 16 pages daté au 18 avril 2016.

La Cour arrive dès lors à la conclusion que le ministre, en donnant au demandeur la possibilité de fournir ses motifs par écrit, en raison des difficultés de ce dernier de s’exprimer oralement en raison de son état psychique attesté par plusieurs certificats médicaux, a déployé des efforts raisonnables au sens de l’article 13, paragraphe 5, de la loi du 18 décembre 2015 pour lui permettre de fournir davantage d’informations quant à son vécu et lui a donné la possibilité concrète de présenter les éléments nécessaires pour étayer sa demande de manière aussi complète que possible, conformément à l’article 37 de la loi du 18 décembre 2015, ce d’autant plus qu’entre le dépôt de sa prise de position écrite le 18 avril 2017 et la décision ministérielle du 24 juillet 2017, soit pendant près de trois mois, Monsieur … avait la possibilité de requérir une audition complémentaire ou de faire parvenir au ministre de nouvelles informations ou corrections par le biais de son mandataire, ce qu’il n’a cependant pas fait.

Quant au fond, l’appelant réitère ses déclarations écrites devant l’autorité ministérielle et exposées en première instance en mettant en avant sa crainte d’être persécuté en cas de retour en Albanie. Il expose plus particulièrement que les premiers juges auraient retenu à tort que la seule affirmation d’une crainte de subir une vengeance serait insuffisante pour démontrer qu’il existe effectivement une crainte justifiée de persécution ou un risque sérieux et avéré de subir des atteintes graves en cas de retour en Albanie. Ainsi, il faudrait considérer que les menaces invoquées s’inscriraient dans le contexte particulier de la loi du Kanun et au regard du refus de réconciliation de la famille …, de sorte qu’il serait contraint de vivre en Albanie, « cloîtré » dans sa demeure. Cet état de fait expliquerait l’absence de menaces concrètes, étant donné que sa demeure serait un lieu de protection le mettant à l’abri de toute vengeance. Pour le surplus, ce serait encore à tort que le tribunal a rejetté l’attestation du 25 avril 2017 émise par le Comité national de réconciliation, ledit certificat ayant simplement vocation à confirmer l’existence d’une procédure de réconciliation et non pas à contenir des indications quant à des incidents précis et concrets.

L’Etat conclut en substance à la confirmation du jugement dont appel.

Il se dégage de la combinaison des articles 2 h), 2 f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de 5 ladite loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».

La Cour partage entièrement l’application de ces dispositions au cas d’espèce et l’analyse exhaustive et minutieuse de la situation particulière de l’appelant faite par les premiers juges, de manière que la Cour renvoie aux motifs tels que détaillés dans le jugement dont appel dans la mesure où ils ne sont pas repris dans la suite.

Ainsi, les faits invoqués par Monsieur … ne sont pas susceptibles d’être rattachés à l’un des motifs de persécution prévus par l’article 2, sub f) de la loi du 18 décembre 2015 et ayant trait à sa religion, à sa nationalité, à ses opinions politiques ou à son appartenance à un groupe social.

En effet, les faits invoqués par l’appelant à la base de sa demande de protection internationale, à savoir des problèmes découlant d’une dette de sang envers la famille …, s’analysent en un conflit d’ordre privé relevant du droit commun, susceptible d’être poursuivi en tant qu’infraction de droit commun devant les juridictions du pays d’origine de l’appelant, et n’ont comme tels aucun arrière-fond racial, religieux, politique ou tenant à la nationalité voire à l’appartenance à un groupe social au sens du prédit article 2, sub f), de manière qu’ils se trouvent en dehors du champ de la protection prévue par cette disposition.

Pour le surplus, il convient de rappeler que le simple fait pour l’appelant d’être exposé à une vengeance et des pressions de la part de la famille de la victime ne saurait être qualifié comme étant à un tel point exceptionnel, sinon différent, par rapport à la société environnante pour être susceptible de le faire appartenir à un groupe social ayant une identité propre au sens de l’article 32, sub d) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier ses membres partagent une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce […] et [lorsque] ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante ». L’appelant ne saurait partant être qualifié de membre d’un groupe social exposé à des persécutions.

Il convient ensuite de noter que Monsieur … se contente d’affirmer qu’il se trouverait sous la menace d’une vengeance selon la loi du Kanun, alors qu’il ne se dégage d’aucun élément du 6 dossier qu’une menace concrète ait été adressée à son égard, ni qu’un incident concret n’ait eu lieu ou qu’un autre membre de sa famille n’ait été menacé depuis de nombreuses années. Ainsi, l’appelant se limite à faire état de ce qu’à deux reprises, son oncle et, plus tard, sa mère auraient été surveillés par des personnes dont ils ignorent l’identité, ledit constat ne permettant pas de conclure que la famille … ait manifesté une volonté concrète de se venger. Partant, la crainte de l’appelant, fondée surtout sur des doutes si la famille … tente encore de se venger en vertu de la loi du Kanun pour un meurtre remontant à 2002 doit s’analyser davantage en un sentiment général d’insécurité plutôt qu’en une crainte fondée d’être victime d’actes de vengeance.

Finalement, la Cour a déjà jugé dans le passé, par rapport à la loi du Kanun, que le Code pénal albanais interdit strictement tout acte lié à une dette de sang, alors que la sanction encourue pour un homicide à titre de vengeance est une peine d’emprisonnement de 25 ans ou à vie et que celle pour une menace sérieuse de vengeance, est une amende ou peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans, et que les efforts réalisés au niveau de la police à cet égard ont déjà porté leurs fruits, de manière que l’on constate une diminution considérable du nombre d’assassinats liés à une dette de sang (cf. Cour adm. 26 octobre 2017, n° 39790C du rôle).

Il s’ensuit que c’est à bon droit qu’en confirmation de la décision ministérielle, les premiers juges ont rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié de Monsieur …..

Au vu des considérations qui précèdent, il y a encore lieu de rejoindre les premiers juges et de retenir qu’il n’existe pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes arguments, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que Monsieur … encourrait, en cas de retour en Albanie, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, l’intéressé omettant d’établir qu’il risquerait la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Comme le jugement entrepris est à confirmer en tant qu'il a rejeté la demande d’octroi du statut de la protection internationale de Monsieur … et que le refus dudit statut entraîne automatiquement l'ordre de quitter le territoire, l'appel dirigé contre le volet de la décision des premiers juges ayant refusé de réformer cet ordre est encore à rejeter.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 15 janvier 2018 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

7 partant, confirme le jugement entrepris du 13 décembre 2017 ;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 mars 2018 Le greffier de la Cour administrative 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 40634C
Date de la décision : 06/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2018-03-06;40634c ?

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