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26/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17917C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 26 octobre 2004, 17917C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17917 C Inscrit le 15 avril 2004

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Audience publique du 26 octobre 2004 Recours formé par … contre une délibération du conseil communal de … en matière de discipline - Appel -

(jugement entrepris du 8 mars 2004, n° 16506 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 17917

C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 15 avril 2004 par Maître Pascale ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17917 C Inscrit le 15 avril 2004

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Audience publique du 26 octobre 2004 Recours formé par … contre une délibération du conseil communal de … en matière de discipline - Appel -

(jugement entrepris du 8 mars 2004, n° 16506 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 17917C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 15 avril 2004 par Maître Pascale Hansen, avocat à la Cour, au nom de …, secrétaire communal, demeurant à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 8 mars 2004, par lequel il a réformé une délibération du conseil communal de … du 10 avril 2003, par laquelle … s’est vu infliger la peine disciplinaire de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de 4 mois, en lui infligeant la peine disciplinaire de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de 2 mois ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert Rukavina, demeurant à Diekirch, du 16 avril 2004, par lequel la requête d’appel a été signifiée à l’administration communale de …;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mai 2004 par Maître Roger Nothar, avocat à la Cour, en nom et pour compte de l’administration communale de … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex Mertzig, demeurant à Diekirch, du 13 mai 2004, portant signification dudit mémoire en réponse à … en son domicile élu ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 juin 2004 par Maître Pascale Hansen ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 10 juin 2004 par lequel le mémoire en réplique a été notifié à Maître Roger Nothar ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 1er juillet 2004 par Maître Roger Nothar ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maîtres Pascale Hansen et Steve Helminger, en remplacement de Maître Roger Nothar, en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 16506 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 juin 2003, … a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une délibération du conseil communal de … du 10 avril 2003 décidant de se rallier à l’avis du conseil de discipline des fonctionnaires communaux et sanctionnant l’actuel appelant de la peine disciplinaire de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de 4 mois.

Par jugement rendu le 8 mars 2004, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance, a reçu le recours en réformation en la forme, a rejeté les offres de preuve présentées par les parties respectives et, au fond, a déclaré le recours justifié, en réformant en conséquence la décision entreprise, en infligeant à … la peine disciplinaire de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de 2 (deux) mois.

Les juges de première instance ont tout d’abord retenu que le conseil de discipline s’est à tort basé dans son avis du 10 mars 2003, dans le cadre de l’appréciation du taux de la peine à infliger à …, sur divers avertissements rédigés entre 1995 et 2001 à son encontre, sans que … n’ait été mis en mesure de présenter sa défense au sujet desdits avertissements dans le respect des procédures prévues par la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut des fonctionnaires communaux, dénommée ci-

après le « statut général », et plus particulièrement par l’article 62 de celui-ci, en décidant toutefois que la prise en considération de ces antécédents disciplinaires n’était pas de nature à entraîner la nullité de l’avis du 10 mars 2003 dans son intégralité et de la délibération subséquente du conseil communal de … du 10 avril 2003, sous analyse, étant donné que la procédure disciplinaire soumise au tribunal administratif s’est déroulée conformément aux dispositions des articles 68 et suivants du statut général et que les antécédents disciplinaires respectivement l’absence d’antécédents dans le chef de l’actuel appelant sont à apprécier au moment de la fixation du taux de la peine disciplinaire par la juridiction administrative qui, dans le cadre du recours en réformation dont elle est saisie, a la possibilité de prononcer une décision nouvelle à la place de celle jugée inappropriée.

En deuxième lieu, les premiers juges, après avoir constaté sur base d’une analyse de l’échange de correspondance ayant eu lieu entre les parties à l’instance que les relations de travail se trouvent fortement dégradées, et après avoir rejeté les offres de preuve formées de part et d’autre pour établir respectivement des délibérations qui auraient été prises par le collège échevinal de la commune de … en violation de la loi ou des règlements communaux et le fait pour l’actuel appelant de s’être enfermé en date du 20 août 2002 dans son bureau, tout en refusant d’ouvrir la porte au premier échevin, comme n’étant pas pertinentes pour la solution du présent litige, puisque les faits en question ne sont pas concernés par l’instruction disciplinaire telle que soumise au conseil de discipline pour avis, se sont ralliés au conseil de discipline en ce qu’il a retenu que 3 des 5 faits reprochés à l’actuel appelant, à savoir les absences non excusées lors des séances du conseil communal des 10 et 22 octobre 2002 et la propagation de calomnies et mensonges concernant la façon d’agir de Monsieur le bourgmestre, ne peuvent être retenus à charge de …, au motif qu’en ce qui concerne les deux premiers faits, ceux-ci sont excusables au vu des explications fournies par l’actuel appelant et le troisième ne se trouve pas établi par les pièces du dossier, de sorte que seuls les deux autres faits reprochés à …, à savoir le refus de travail, ainsi que le refus d’assister aux réunions hebdomadaires du collège des bourgmestre et échevins, peuvent être retenus à son encontre, d’autant plus qu’ils ne sont pas contestés quant à leur réalité par celui-ci.

Le tribunal n’a toutefois pas partagé l’avis du conseil de discipline dans la mesure où, en fixant la sanction disciplinaire à infliger à …, il s’est référé au fait que celui-

ci aurait déjà fait à de multiples reprises l’objet de la peine disciplinaire de l’avertissement, étant donné que les premiers juges ont constaté, sur base du dossier qui leur a été soumis, l’absence d’antécédents disciplinaires dans le chef de …, étant entendu que les avertissements précités rédigés entre septembre 1995 et novembre 2001 ne sont pas à prendre en considération au titre de sanctions disciplinaires, à défaut d’avoir fait l’objet d’une procédure disciplinaire en bonne et due forme. Le tribunal a en conséquence réformé la décision du conseil communal de … du 10 avril 2003 en infligeant à … la peine disciplinaire de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de 2 mois.

En date du 15 avril 2004, Maître Pascale Hansen, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de …, inscrite sous le numéro 17917C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche en premier lieu aux juges de première instance de ne pas avoir fait droit à son moyen tendant à l’annulation de la décision du conseil communal du 10 avril 2003, au motif qu’elle se trouve basée sur un avis du conseil de discipline contenant une motivation irrégulière, en ce qu’il contient une référence à des prétendus antécédents disciplinaires au sujet desquels la procédure légale n’aurait pas été respectée. Dans la mesure où lesdits antécédents disciplinaires n’auraient aucune valeur juridique, en ce que plus particulièrement ses droits de la défense n’auraient pas été garantis, le conseil de discipline n’aurait pas pu y fonder son avis, un tel état de fait étant de nature à entraîner la nullité dudit avis dans son intégralité.

En deuxième lieu, l’appelant reproche au tribunal administratif de ne pas avoir fait droit à son moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation des faits, en estimant que ses agissements seraient excusables et légitimes au vu du comportement que les membres du collège échevinal auraient eu à son égard, et qui serait à qualifier de méprisant voire de harcèlement moral. Il reproche encore dans ce contexte au tribunal de ne pas avoir fait droit à son offre de preuve ayant pour objet de le mettre en mesure d’établir les faits avancés par lui.

En troisième lieu, l’appelant, tout en se ralliant à l’analyse effectuée par le tribunal suivant laquelle des 5 faits lui reprochés, trois séries de faits sont à écarter pour être soit excusables soit non établis en cause, critique néanmoins la décision du tribunal, en estimant que la sanction retenue par lui serait « largement disproportionnée », au vu des antécédents de l’affaire et notamment de l’harcèlement moral dont il aurait fait l’objet de la part des membres du collège échevinal. Il estime plus particulièrement que ses absences, en tant que secrétaire communal, aux réunions du collège échevinal, seraient du moins excusables, au vu des discriminations professionnelles dont il aurait été la victime de la part dudit collège échevinal et d’une manière générale du comportement de ce dernier à son égard.

Par son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mai 2004, Maître Roger Nothar, avocat à la Cour, agissant en nom et pour compte de l’administration communale de …, introduit tout d’abord un appel incident contre le jugement entrepris, dans la mesure où le tribunal n’a pas purement et simplement confirmé la décision critiquée du conseil communal de … du 10 avril 2003. La commune estime plus particulièrement dans ce contexte que le conseil communal aurait valablement pu se baser sur les faits auxquels il a été fait référence dans les différents avertissements adressés à … au cours des années 1995 à 2001, dans la mesure où ils ne seraient pas contestables quant à leur réalité, même si d’un point de vue juridique, ils seraient à considérer comme étant sans valeur en l’absence d’une procédure disciplinaire intentée à leur sujet. Ladite décision du conseil communal ne serait par ailleurs pas critiquable, en ce qu’elle se serait exclusivement basée sur les 5 faits reprochés à … au cours de la procédure disciplinaire ayant abouti à l’avis du conseil de discipline du 10 mars 2003 se trouvant à la base de la décision du conseil communal sous analyse du 10 avril 2003.

Quant à l’appel principal, l’administration communale de … conclut à la confirmation du jugement entrepris dans la mesure où il n’a pas fait droit aux moyens d’annulation tirés de la prétendue irrégularité des motifs invoqués par le conseil de discipline, ainsi que d’une prétendue erreur manifeste d’appréciation des faits, en soutenant, quant au fond, après avoir contesté que le comportement de … serait susceptible d’être justifié par un comportement discriminatoire et abusif à son encontre de la part des membres du collège échevinal, que les premiers juges sont à confirmer, soit par adoption des motifs par eux utilisés, soit par substitution de motifs, dans leur décision d’infliger à … la peine disciplinaire de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de 2 mois.

Dans son mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 juin 2004, … fait tout d’abord conclure à l’irrecevabilité de l’appel incident formé par l’administration communale de …, en ce que contrairement à l’article 571 du nouveau code de procédure civile, la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ne prévoirait pas ce type d’appel. Il fait ajouter que de toute façon, un appel ne pourrait être introduit à l’encontre d’un jugement du tribunal administratif que dans le délai strict et impératif tel que fixé par la loi précitée du 21 juin 1999, afin de permettre à chacune des parties d’assurer ses droits de la défense, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

A titre subsidiaire, … conclut au rejet de l’appel incident pour ne pas être fondé, en exposant que loin d’avoir basé son avis sur les avertissements ayant eu lieu au cours des années 1995 à 2001 à titre d’illustration de son comportement, le conseil de discipline y aurait basé son avis, en les prenant en considération dans le cadre de la fixation de la peine à lui infliger.

Quant à l’appel principal, … maintient son argumentation, telle que développée dans la requête d’appel.

En date du 1er juillet 2004, Maître Roger Nothar a déposé un mémoire en duplique en nom et pour compte de l’administration communale de …, dans lequel celle-ci conteste que son appel incident serait irrecevable, en exposant qu’alors même que la loi précitée du 21 juin 1999 ne prévoirait pas la possibilité d’interjeter appel incident, il serait néanmoins de jurisprudence constante qu’au vu du défaut d’une telle disposition dans la loi en question, il y aurait lieu de se référer au nouveau code de procédure civile, et plus particulièrement à l’article 571 qui serait partant applicable en l’espèce.

Quant à l’appel principal, elle reprend ses développements antérieurs.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Quant à l’appel incident formé par l’administration communale de …, il échet tout d’abord de constater que contrairement à l’opinion défendue par … et d’ailleurs par l’administration communale elle-même, l’article 38, dernier alinéa de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit bien la possibilité pour un intimé d’interjeter appel incident, cette disposition légale étant d’ailleurs identique quant à son principe à l’article 571, dernier alinéa, du nouveau code de procédure civile.

Ce premier moyen d’irrecevabilité de l’appel incident est partant à rejeter.

Quant au délai dans lequel appel incident peut être formé contre un jugement de première instance, il échet de constater que les articles 38, dernier alinéa, de la loi précitée du 21 juin 1999 et 571, dernier alinéa, du nouveau code de procédure civile ne contiennent aucune indication à ce sujet. Comme toutefois l’appel incident constitue nécessairement l’accessoire de l’appel principal, il ne pourra être introduit qu’après le dépôt de l’appel principal et la nullité ou l’irrecevabilité de l’appel principal entraîne la nullité ou l’irrecevabilité de l’appel incident. Il échet toutefois de constater que dans la mesure où, conformément à l’article 46, paragraphe (1) de la loi précitée du 21 juin 1999, la partie intimée est tenue de fournir son mémoire en réponse dans le délai d’un mois à compter de la signification de la requête d’appel, pour figurer parmi les parties à l’instance au niveau de la procédure d’appel, l’appel incident devra donc nécessairement être introduit par ce mémoire en réponse, à savoir dans le délai d’un mois de la signification de la requête d’appel ceci d’ailleurs afin d’assurer pour le surplus les droits de la défense des autres parties à l’instance.

En l’espèce, l’intimée, administration communale de …, a introduit son appel incident par son mémoire en réponse déposé valablement dans le mois du dépôt de la requête d’appel au greffe de la Cour administrative, et avant tout développement de ses arguments quant à l’appel principal.

Ledit appel incident ainsi formé a partant été introduit en temps utile, de sorte que le moyen d’irrecevabilité soulevé par … est à écarter pour ne pas être fondé.

Ledit appel incident, ayant par ailleurs respecté les formes légales, est à déclarer recevable, étant entendu qu’aucune lésion des droits de la défense dans le chef de … n’a pu être constatée par la Cour, puisque celui-ci a pu prendre position par rapport à l’appel incident dans le cadre de son mémoire en réplique et qu’il n’a pas soumis à la Cour de demande tendant à se voir autoriser à prendre position dans un mémoire supplémentaire par rapport au mémoire en duplique de l’administration communale de ….

En ce qui concerne le bien-fondé de l’appel incident, la Cour est amenée à rejeter les conclusions de l’administration communale de … tendant à voir décider que le conseil communal a valablement pu se baser dans sa décision litigieuse du 10 avril 2003, dans le cadre de la fixation de la sanction disciplinaire à infliger à …, sur des faits qui n’ont pas fait l’objet d’une procédure disciplinaire et tendant à voir réformer le jugement de première instance en ce sens, en ce que les premiers juges auraient à tort déclaré le recours justifié, alors qu’ils auraient au contraire dû déclarer le recours en réformation non fondé, en confirmant ainsi la décision litigieuse du conseil communal de … du 10 avril 2003. En effet, dans la mesure où il est constant en cause, pour ne pas être contesté par les parties à l’instance, que les avertissements adressés à … au cours des années 1995 à 2001 n’ont pas fait l’objet d’une procédure disciplinaire, de sorte que notamment les garanties prévues par l’article 62 du statut général n’ont pas pu profiter à …, le tribunal administratif a, à bon droit, pu retenir que non seulement le conseil de discipline, dans son avis du 10 mars 2003, mais également le conseil communal, dans sa décision sous analyse du 10 avril 2003, se sont à tort basés sur lesdits avertissements dans le cadre de la fixation du taux de la peine à infliger à …. Il est dans ce contexte erroné de vouloir faire admettre que les faits sousjacents auxdits avertissements ne seraient pas contestables quant à leur réalité, étant donné que les parties, et plus particulièrement l’administration communale de …, admettent elles-mêmes que … n’avait pas été mis en mesure de présenter sa défense par rapport aux reproches qui lui avaient été adressés à l’époque.

Il suit de tout ce qui précède que l’appel incident est à déclarer non fondé.

Quant à l’appel principal, il échet tout d’abord de rejeter le premier moyen suivant lequel l’appelant tend à voir décider que c’est à tort que les premiers juges n’ont pas fait droit à son moyen tendant à l’annulation de la décision du conseil communal du 10 avril 2003, au motif que celle-ci se fonderait sur une motivation irrégulière, en ce qu’elle aurait pris en considération les prétendus antécédents disciplinaires évoqués ci-avant et ayant trait à des avertissements lui adressés au cours des années 1995 à 2001, étant donné que c’est à bon droit que les premiers juges ont conclu à la régularité de la procédure disciplinaire ayant abouti à la décision litigieuse du 10 avril 2003 en ce qui concerne les 5 faits ayant non seulement fait l’objet de la décision en question mais également de l’avis du conseil de discipline du 10 mars 2003, en écartant toute prise en considération, au niveau de la fixation du taux de la peine à infliger à …, des avertissements lui adressés au cours des années 1995 à 2001. En effet, le simple fait de prendre en considération lesdits avertissements dans le cadre de la fixation du taux de la peine n’est pas à lui seul de nature à invalider la procédure disciplinaire suivie au sujet des 5 faits ayant fait l’objet des mesures d’instruction au cours de l’intégralité de la phase administrative de la procédure disciplinaire dont est actuellement saisie la Cour et au sujet desquels … a pu prendre position conformément aux dispositions légales en vigueur. Les premiers juges ont partant à bon droit pu retenir la régularité de la procédure disciplinaire faisant l’objet du présent litige, en tenant compte, dans le cadre du recours au fond dont sont saisies les juridictions administratives en matière disciplinaire, de ce qu’il n’y a pas lieu de prendre en considération les avertissements précités, ce qui a valablement pu les amener à réduire en conséquence le taux de la peine à infliger à … par rapport à celle retenue dans la décision litigieuse du conseil communal de … du 10 avril 2003.

Enfin, la Cour est amenée à joindre les deuxième et troisième moyens invoqués par l’appelant à l’appui de sa requête d’appel, par lesquels il reproche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à ses moyens tirés de l’erreur manifeste d’appréciation des faits et de la disproportion de la sanction retenue par le tribunal et par lesquels il entendait en substance contester, d’une part, le principe même d’une sanction à lui infliger pour les faits retenus à sa charge et, d’autre part, la nature et la gravité de la sanction retenue contre lui, en ce que l’argumentation retenue à l’appui de ces deux moyens tend en substance à voir retenir que les faits pour lesquels il s’est vu infliger la sanction disciplinaire auraient été excusables voire même « légitimes », au vu du comportement que les membres du collège échevinal auraient eu à son égard.

Il échet tout d’abord de constater que les faits reprochés à …, tels que visés par l’avis du conseil de discipline du 10 mars 2003 auquel se sont référés les membres du conseil communal lors de leur décision sous analyse du 10 avril 2003 constituent :

« 1) refus de travail 2) propagation de calomnies et mensonges concernant la façon d’agir de Monsieur le bourgmestre 3) refus d’assister aux réunions hebdomadaires du Collège des bourgmestre et échevins 4) absence non-excusée lors de la séance du Conseil communal du 10 octobre 2002 5) absence non-excusée du 22 octobre 2002. ».

Il échet encore de retenir qu’il n’est plus contesté dans le cadre de la présente instance que le tribunal administratif, le conseil communal et le conseil de discipline ont pu décider, au vu des explications fournies en cause, que les absences litigieuses des 10 et 22 octobre 2002 sont excusables et que le reproche tiré de la propagation des calomnies et mensonges ne se trouve pas établi par les pièces du dossier, en ce que le simple fait que … a accusé dans un courrier le bourgmestre de lui avoir refusé une copie du dossier disciplinaire est insuffisant pour caractériser ce reproche.

Il s’ensuit que seuls les reproches tirés des refus de travail et des refus d’assister aux réunions hebdomadaires du collège échevinal ont été retenus dans le cadre de la fixation de la sanction disciplinaire infligée à …. Ces faits sont à apprécier par la Cour par rapport au contenu de l’article 11 du statut général dont le libellé se lit comme suit, afin de déterminer si la sanction prononcée par le tribunal administratif a un caractère proportionné et juste, en considération de la situation personnelle et des antécédents éventuels de l’appelant :

« 1) Le fonctionnaire est tenu de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l’exercice de ses fonctions lui imposent.

2) Il doit de même se conformer aux instructions du collège des bourgmestre et échevins qui ont pour objet l’accomplissement régulier de ses devoirs ainsi qu’aux ordres de service de ses supérieurs ( …) 4) Lorsque le fonctionnaire estime qu’un ordre reçu est entaché d’irrégularité, ou que son exécution peut entraîner des inconvénients graves, il doit, par écrit, et par la voie hiérarchique, faire connaître son opinion aux supérieurs dont l’ordre émane. Si celui-ci confirme l’ordre par écrit, le fonctionnaire doit s’y conformer, à moins que l’exécution de cet ordre ne soit pénalement répressible (…) ».

Il échet encore de constater qu’à aucun moment des procédures contentieuses intentées devant le tribunal administratif et la Cour administrative, l’appelant n’a contesté la réalité des faits qui lui ont finalement été reprochés, mais qu’il souhaite expliquer, excuser ou légitimer son comportement fautif par le comportement que les membres du collège échevinal de la commune de … auraient eu à son encontre, prenant la forme de harcèlements moraux et de discriminations professionnelles dont il aurait souffert depuis l’année 1994, ce qui aurait entraîné une dégradation conséquente du climat de travail, ayant notamment entraîné des arrêts de travail pour raison de maladie dans son chef pour des périodes prolongées.

Même à supposer que lesdits harcèlements et discriminations soient établis en cause et même au cas où il devait être estimé que lesdits comportements de la part des membres du collège échevinal à l’encontre de … étaient injustifiés voire même condamnables, il n’en demeure pas moins que le fait de contrevenir ouvertement aux devoirs et aux règles procédurales imposées à l’appelant plus particulièrement par l’article 11 précité du statut général doit entraîner une sanction disciplinaire, puisqu’un tel comportement ne saurait être toléré notamment par le plus haut fonctionnaire communal dans l’exercice de ses fonctions et qu’il ne saurait certainement pas être accepté en tant que moyen de pression vis-à-vis des autorités communales afin d’obtenir satisfaction notamment en ce qui concerne ses conditions de travail. En effet, un fonctionnaire dispose d’autres moyens, légaux, qui lui permettent, ou même qui l’obligent dans certains cas, à intervenir auprès d’autorités administratives ou judiciaires afin de faire cesser le cas échéant des violations par le conseil échevinal des obligations légales ou réglementaires auxquelles il se trouve soumis.

Il n’y a partant pas lieu de faire droit à l’offre de preuve formulée par l’appelant à l’appui de sa requête d’appel afin de voir établir la réalité des agissements et comportements que les membres du collège échevinal auraient eu à son égard, ladite offre de preuve n’étant pas pertinente pour solutionner le litige dont se trouve saisie la Cour actuellement.

La réalité des fautes commises par … n’étant pas contestée, il échet de constater une violation de l’article 11 précité du statut général, en ce que …, en sa qualité de secrétaire communal de la commune de …, a notamment refusé d’assister aux réunions hebdomadaires du collège échevinal.

S’il est vrai, comme l’a constaté le tribunal, que l’absence d’antécédents disciplinaires et de reproches professionnels antérieurs n’est pas de nature à amoindrir la gravité des faits à la base d’une action disciplinaire, elle constitue néanmoins un des éléments déterminants à prendre en considération pour apprécier le comportement global du fonctionnaire en vue de la détermination de la sanction disciplinaire à retenir parmi l’échelle afférente prévue par la loi à travers les dispositions de l’article 58 du statut général et allant du simple avertissement à la révocation.

En l’espèce, c’est à bon droit que les premiers juges ont procédé à la réduction de la sanction infligée à …, en faisant abstraction des faits auxquels se sont référés tant le conseil de discipline que le conseil communal et portant sur les avertissements adressés à … au cours des années 1995 à 2001, lesdits faits étant à considérer comme étant sans valeur juridique, en fixant, au vu de la gravité des fautes commises par …, la sanction disciplinaire à la peine de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de 2 mois.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 8 mars 2004.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 15 avril 2004 en la forme ;

reçoit également en la forme l’appel incident formé par l’administration communale de … ;

déclare ledit appel incident non fondé ;

rejette l’offre de preuve présentée par la partie appelante ;

déclare l’appel principal non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 8 mars 2004 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17917C
Date de la décision : 26/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-10-26;17917c ?

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