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21/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18337C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 21 octobre 2004, 18337C


H GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18337 C Inscrit le 6 juillet 2004

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Audience publique du 21 octobre 2004 Recours formé par Monsieur … … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 9 juin 2004, n° 17603 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous

le numéro 18337C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 6 juillet 2004 par...

H GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18337 C Inscrit le 6 juillet 2004

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Audience publique du 21 octobre 2004 Recours formé par Monsieur … … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 9 juin 2004, n° 17603 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18337C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 6 juillet 2004 par Maître Sandra Vion, avocat à la Cour, au nom de Monsieur … …, né le 10 août 1984 à … (Irak), de nationalité irakienne, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 9 juin 2004, par lequel a été déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 2 décembre 2003, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que contre la décision confirmative du même ministre du 20 janvier 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 21 juillet 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Ardavan Fatholahzadeh, en remplacement de Maître Sandra Vion, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 17603 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 février 2004, Monsieur … … a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 2 décembre 2003, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que de la décision confirmative du même ministre du 20 janvier 2004.

Par jugement rendu le 9 juin 2004, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours en réformation en la forme et au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté Monsieur… .

Les juges de première instance ont tout d’abord acté que l’actuel appelant n’a pas contesté avoir déposé une demande d’asile en Allemagne avant de se rendre au Luxembourg pour y faire de même. Ils ont par ailleurs rejeté le reproche suivant lequel il n’aurait pas pu prendre position par rapport à cette constatation qui ne ressortirait pas de son dossier administratif, en relevant que, dans la mesure où le ministre de la Justice s’est prévalu de ce fait dans sa décision initiale du 2 décembre 2003, le motif en question a pu faire l’objet d’un débat contradictoire. Quant au reproche de l’actuel appelant suivant lequel les autorités administratives auraient dû se déclarer incompétentes pour connaître de sa demande d’asile, afin de le transférer aux autorités allemandes, conformément à la Convention relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés européennes, signée à Dublin le 15 juin 1990, dénommée ci-après la « Convention de Dublin », le tribunal a retenu qu’il n’y avait aucune obligation pour le ministre de la Justice de requérir de la part de l’Allemagne de prendre en charge l’actuel appelant, indépendamment de la question de savoir si le délai de 6 mois tel que prévu par l’article 11 de la Convention de Dublin avait expiré au moment de la décision ministérielle litigieuse. Les premiers juges ont encore constaté sur base du comportement adopté par l’actuel appelant au cours de la phase administrative de l’instruction de son dossier, qu’il avait consenti à ce que sa demande d’asile soit examinée par les autorités luxembourgeoises.

Quant au fond, les premiers juges ont estimé que la crédibilité et la véracité du récit de l’actuel appelant sont sérieusement ébranlées par le fait qu’il n’a pas déclaré lors de son audition par un agent du ministère de la Justice sur les motifs de persécutions, qu’il avait déjà déposé, en l’an 2001, une demande d’asile en Allemagne sous une autre identité et une date de naissance différente. Pour le surplus, ils ont conclu que les prétendus problèmes allégués par l’actuel appelant sont en relation directe avec le régime politique de Saddam Hussein qui, à l’heure actuelle, n’existe plus en tant que tel dans son pays d’origine, à savoir l’Irak, de sorte que ces faits ne sauraient plus justifier à l’heure actuelle une crainte de persécution ou une persécution au sens de la Convention de Genève. Enfin, le tribunal a décidé que la situation générale régnant actuellement en Irak, loin d’être sécurisée, n’est toutefois pas de nature à justifier à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié, en l’absence d’un quelconque élément de persécution personnelle dans le chef de l’actuel appelant.

En date du 6 juillet 2004, Maître Sandra Vion, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur … …, inscrite sous le numéro 18337C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir fait une appréciation erronée des éléments de fait par lui soumis en vue d’obtenir la reconnaissance du statut de réfugié. En instance d’appel, il réitère ses craintes de subir des persécutions du fait que son beau-père aurait eu un poste à responsabilité dans la police irakienne, sous le régime de Saddam Hussein, et qu’à ce titre, il aurait été amené à arrêter et à torturer de nombreux opposants audit régime, de sorte que les victimes de ces agissements risqueraient à l’heure actuelle de se retourner contre lui afin de se venger. Il explique encore qu’il aurait personnellement fait l’objet d’arrestations arbitraires, de persécutions et de mauvais traitements, tel que cela ressortirait de son dossier administratif et plus particulièrement du rapport d’audition du 30 avril 2003, en relevant que les traces des tortures subies par lui auraient été attestées par le certificat d’un médecin ayant constaté des blessures par électrocution.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 21 juillet 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Quant au certificat médical évoqué par l’appelant dans sa requête d’appel, il estime qu’il ne serait pas de nature à énerver la pertinence des conclusions retenues par les premiers juges dans le jugement entrepris, dans la mesure où les brûlures électriques soupçonnées se rapportent à une époque et à une situation politique révolues dans le pays d’origine de l’appelant.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il échet tout d’abord de constater qu’en partie les craintes de persécution dont fait état l’appelant ont trait à la situation politique ayant existé en Irak sous le régime politique de Saddam Hussein, de sorte que depuis la chute dudit régime, elles ne sauraient plus justifier à l’heure actuelle la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, d’autant plus qu’un gouvernement transitoire irakien a été mis en place.

En ce qui concerne pour le surplus les craintes de persécution que l’appelant évoque comme étant justifiées, d’une part, par le comportement que son père pourrait avoir à son égard du fait de ne pas avoir collaboré avec lui dans le cadre de ses activités policières et, d’autre part, par les actes de vengeance que des victimes des activités de son père pourraient manifester à son encontre, il échet de constater que ces actes font essentiellement ressortir un sentiment général de peur dans le chef de l’appelant, sans que ces faits ne soient d’une gravité suffisante pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

En outre, même à supposer que l’appelant puisse raisonnablement faire état d’un sentiment général d’insécurité dans son pays d’origine, il n’a pas établi, ni même allégué, que les autorités actuellement en place dans son pays d’origine ne soient pas en mesure de lui fournir une protection appropriée ou qu’elles lui refusent une telle aide et qu’il n’est pas en mesure de profiter d’une possibilité de fuite interne en Irak.

S’il est vrai qu’à l’heure actuelle la situation politique et sécuritaire en Irak est loin d’être stabilisée, il n’en demeure pas moins que cette situation générale n’est pas à elle seule suffisante pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans le chef de l’un des résidents dudit pays. Il est vrai aussi que le seul fait de ne pas se voir reconnaître le statut de réfugié n’entraîne pas automatiquement le refoulement du demandeur d’asile en Irak, puisque d’autres raisons que celles qui sont susceptibles de justifier la reconnaissance dudit statut peuvent amener le gouvernement luxembourgeois à ne pas procéder à son éloignement vers l’Irak tant que cette situation n’est pas stabilisée.

Enfin, le certificat médical établi par le docteur B.W. en date du 4 mai 2004 n’est pas de nature à établir que l’appelant a fait l’objet de tortures dans son pays d’origine, en ce qu’il fait simplement état de certaines lésions au bras droit de l’appelant, sans que l’origine de celles-ci n’aient pu être déterminées.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 9 juin 2004 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 6 juillet 2004 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 9 juin 2004 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18337C
Date de la décision : 21/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-10-21;18337c ?

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