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14/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18112C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 14 octobre 2004, 18112C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 18112C Inscrit le 26 mai 2004

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Audience publique du 14 octobre 2004 Recours formé par le ministre de la Justice contre … …, … en matière d’autorisation d’entrée et de séjour Appel (jugement entrepris du 26 avril 2004, no 17204 du rôle )

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 26 mai 2004 par la déléguée du Gou

vernement Claudine Konsbrück, au nom du ministre de la Justice, contre un jugement rendu par le t...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 18112C Inscrit le 26 mai 2004

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Audience publique du 14 octobre 2004 Recours formé par le ministre de la Justice contre … …, … en matière d’autorisation d’entrée et de séjour Appel (jugement entrepris du 26 avril 2004, no 17204 du rôle )

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 26 mai 2004 par la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück, au nom du ministre de la Justice, contre un jugement rendu par le tribunal administratif à la date du 26 avril 2004, numéro du rôle 17204, en matière d’autorisation d’entrée et de séjour, à la requête de … …, de nationalité française, demeurant à L-…, actuellement intimée, contre une décision du ministre de la Justice du 14 novembre 2003 à son encontre.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 2 juin 2004 par Maître Gaston Vogel, avocat à la Cour, au nom de … …, préqualifiée.

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 30 juin 2004 par la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï la présidente en son rapport à l’audience publique du 30 septembre 2004 et Maître Emmanuelle Rudloff, en remplacement de Maître Gaston Vogel, ainsi que la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbruck en leurs observations orales.

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Par jugement rendu à la date du 26 avril 2004, le tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation introduit par … …, de nationalité française, demeurant à L-… en matière d’autorisation d’entrée et de séjour contre une décision du ministre de la Justice du 14 novembre 2003, a reçu le recours en annulation, l’a déclaré justifié et annulé la décision précitée par laquelle l’entrée et le séjour ont été refusés à la requérante.

Le tribunal a décidé que le « ministre de la Justice a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits, en estimant que la demanderesse, en ce qu’elle n’est pas en possession d’une carte d’identité d’étranger de ressortissant communautaire et en ce qu’elle a violé à plusieurs reprises-et continue de violer- un règlement de police de la Ville de Luxembourg, constituerait un tel danger grave et caractérisé pour l’ordre public. » Par requête déposée au greffe de la Cour administrative à la date du 26 mai 2004, la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück, munie d’un mandat d’interjeter appel du ministre de la Justice du 17 mai 2004, a relevé appel du jugement précité au nom du ministre de la Justice.

La partie appelante conteste la constatation par les premiers juges du défaut de danger grave et caractérisé pour l’ordre public dans le chef de l’intimée notamment par le fait que cette dernière s’adonne régulièrement à la prostitution en violation des dispositions du règlement communal de la Ville de Luxembourg, qu’elle fait du racolage actif et s’est caractérisée par des proférations d’injures et de menaces à l’égard des forces de l’ordre.

Maître Gaston Vogel, avocat à la Cour, a déposé le 2 juin 2004 au nom de … … un mémoire en réponse.

Il se rapporte à prudence de justice par rapport à la recevabilité de l’acte d’appel.

Quant au fond, Maître Vogel conteste la constatation du ministre comme quoi sa mandante s’adonnerait régulièrement à la prostitution.

Il soulève l’illégalité de l’article 48 du règlement communal général de police de la Ville de Luxembourg du 26 mars 2001 par rapport à l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, comme instituant un traitement dégradant et humiliant des personnes concernées en les cantonnant à un endroit déterminé et soulève le droit à la liberté de circulation garantie par l’article 2 paragraphe 4 du quatrième protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l’Homme que seul le législateur a compétence dans certaines rares exceptions de limiter moyennant une loi.

Maître Vogel conteste ensuite l’existence d’un trouble à l’ordre public par le fait de s’exposer sur la voie publique en vue de la prostitution, alors que le règlement communal lui-même l’autorise à certains endroits pendant des heures déterminées.

A titre subsidiaire, il soulève l’erreur manifeste d’appréciation des faits par le ministre retenue par les premiers juges pour demander la confirmation du jugement entrepris.

La déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück a déposé le 30 juin 2004 un mémoire un réplique.

Elle estime que la Cour n’est pas saisie de l’examen de la légalité de l’article 48 du règlement général de police du 26 mars 2001, le tribunal n’ayant pas tranché cette question et l’appel ne portant que sur la question d’une erreur d’appréciation des faits par le ministre.

Si la Cour devait être amenée à examiner le moyen tiré de l’illégalité de l’article 48 du règlement général de police du 26 mars 2001, la déléguée demande la mise en intervention de l’administration communale de la Ville de Luxembourg.

Quant au fond, elle sollicite la réformation du jugement entrepris.

Le jugement entrepris ayant été prononcé à la date du 26 avril 2004, l’acte d’appel du ministre de la Justice du 26 mai 2004 a été déposé dans le délai d’appel de 40 jours prévu par la loi, de sorte que l’acte d’appel est recevable.

En présence d’un recours en annulation, le rôle du juge administratif se limite à la vérification de la légalité et de la régularité formelle de l’acte déféré ainsi qu’à la vérification de la matérialité des faits invoqués, à l’exclusion des considérations d’opportunité à la base de l’acte attaqué. La vérification des faits matériels à la base de la décision attaquée peut s’étendre, le cas échéant, au caractère proportionné de la mesure critiquée par rapport aux faits établis. Cette faculté est cependant limitée aux cas exceptionnels où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir de cette autorité. Elle ne saurait avoir pour but de priver l’autorité qui doit assumer la responsabilité de la décision de son pouvoir d’appréciation sur la nature et la gravité de la mesure qu’il lui incombe de prendre, si celle-ci est par ailleurs légale et n’est pas sujette à un recours en réformation. ( Cour adm.

14715C et 14261C).

En ce qui concerne le moyen d’illégalité de l’article 48 du règlement communal du 26 mars 2001 :

Tant le tribunal que la Cour ont été saisis d’un recours contre « une décision de refus d’entrée et de séjour » prise par le ministre de la Justice le 14 novembre 2003 à l’encontre de … ….

Pour motiver sa décision, le ministre a invoqué en premier lieu une condamnation du 25 mars 2003 par le tribunal de police de Luxembourg du chef de 5 infractions à l’article 48 du règlement général de police de la Ville de Luxembourg du 26 mars 2001 et à l’article 382 du code pénal pour constater ensuite que l’intéressée continue à commettre des infractions.

La décision de refus ministérielle étant principalement basée sur un jugement coulé en force de chose jugée, la Cour administrative, saisie d’un recours contre la prédite décision ministérielle, n’a pas compétence pour examiner la régularité de la base légale du jugement invoqué.

Par ailleurs, les juges de première instance ont décidé à bon droit que la question de la légalité de l’article 48 du règlement précité n’est pas en cause, les juridictions administratives n’étant pas appelés à appliquer cette disposition, mais à vérifier si le comportement de l’appelante constitue une menace réelle et suffisamment grave pour l’ordre public justifiant la décision de refus d’entrée et de séjour.

En ce qui concerne les faits à la base de la décision querellée :

Il y a lieu de rappeler que, pour motiver sa décision, le ministre a invoqué une condamnation du 25 mars 2003 par le tribunal de police de Luxembourg et un rapport de la police grand-

ducale du 17 octobre 2003 établissant « que l’intéressée continue à enfreindre l’article 48 du règlement général de police de la Ville de Luxembourg du 26 mars 2001 et l’article 382 du code pénal ».

Les premiers juges ont cité les dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1)l’entrée et le séjour des étrangers ;2)le contrôle médical des étrangers ;3)l’emploi de la main d’œuvre étrangère et de l’article 9 du règlement grand-ducal du 28 mars 2972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales et ils en ont fait, moyennant des développements que la Cour adopte, une interprétation correcte par rapport à la directive 64/221/CEE du 25 février 1964 du Conseil pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique et à la jurisprudence afférente.

Une seule condamnation pénale à des amendes, l’existence d’un rapport de police qui n’a connu aucune suite et le défaut d’une carte d’identité de ressortissant communautaire n’établissent pas en la personne de l’intimée la constitution d’un danger grave et caractérisé pour l’ordre public, de sorte que la décision ministérielle prise manque de proportionnalité par rapport aux seuls faits établis au moment de cette décision.

L’acte d’appel n’est partant pas fondé et le jugement entrepris est à confirmer.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de la présidente, reçoit l’acte d’appel du 26 mai 2004, le dit non fondé et en déboute, partant confirme le jugement du 26 avril 2004, condamne la partie appelante aux frais de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par Marion Lanners, présidente, rapporteur Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller Carlo Schockweiler, conseiller et lu par la présidente Marion Lanners en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18112C
Date de la décision : 14/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-10-14;18112c ?

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