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01/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17615C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 01 juillet 2004, 17615C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17615 C Inscrit le 19 février 2004

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Audience publique du 1er juillet 2004 Recours formé par … contre une décision du ministre de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse en matière d’adoption - Appel -

(jugement entrepris du 19 janvier 2004, n° 16973 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 17615C du rôle et déposée au greffe de ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17615 C Inscrit le 19 février 2004

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Audience publique du 1er juillet 2004 Recours formé par … contre une décision du ministre de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse en matière d’adoption - Appel -

(jugement entrepris du 19 janvier 2004, n° 16973 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 17615C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 19 février 2004 par Monsieur le délégué du Gouvernement Marc Mathekowitsch, sur base d’un mandat lui délivré par le ministre de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse en date du 17 février 2004, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 19 janvier 2004, par lequel il a déclaré fondé le recours en annulation introduit contre une décision du ministre de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse du 12 août 2003, refusant de faire droit à la demande formée par …, demeurant à L-…, agissant tant en son nom personnel ainsi qu’en tant qu’administratrice légale de l’enfant mineur …, demeurant à la même adresse, par courrier du 5 août 2003, tendant à prendre des mesures nécessaires afin que l’adoption prononcée par jugement du 1er tribunal spécialisé de Famille province de Huamanga-

Ayacucho (Pérou), du 6 novembre 1996, ordonnant que l’enfant … soit identifiée dorénavant comme …soit transcrite en tant qu’adoption plénière reconnue par les autorités luxembourgeoises sur le registre d’état civil territorialement compétent et partant a annulé ladite décision en renvoyant le dossier en prosécution de cause devant ledit ministre ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 17 mars 2004 par Maître Jean-Paul Noesen, avocat à la Cour, au nom de … et de l’enfant mineur … pour lequel elle déclare agir en tant qu’administratrice légale ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 6 avril 2004 au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 mai 2004 au nom de … et de … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Monsieur le délégué du Gouvernement Marc Mathekowitsch, ainsi que Maître Jean-Paul Noesen en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 16973 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 septembre 2003, …, demeurant à L-…, agissant tant en son nom personnel qu’en celui de l’enfant mineur …, demeurant à la même adresse, a fait introduire un recours en annulation à l’encontre d’une décision du ministre de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, ci-après dénommé le « ministre de la Famille », du 12 août 2003, refusant de faire droit à sa demande formée par courrier du 5 août 2003, tendant à prendre des mesures nécessaires afin que l’adoption prononcée par jugement du 1er tribunal spécialisé de famille de la province de Huamanga-Ayacucho du Pérou, du 6 novembre 1996, ordonnant que l’enfant … soit identifié dorénavant comme…, soit transcrite en tant qu’adoption plénière reconnue par les autorités luxembourgeoises sur le registre d’état civil territorialement compétent.

Par jugement rendu le 19 janvier 2004, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, après s’être déclaré compétent pour connaître du recours en annulation et l’avoir déclaré recevable, l’a également dit fondé en annulant en conséquence la décision ministérielle déférée et en renvoyant le dossier devant le ministre de la Famille en prosécution de cause, tout en condamnant l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais. A l’appui de sa décision, le tribunal administratif a retenu de prime abord que dans la mesure où la demande adressée au ministre de la Famille avait pour objet non pas d’obtenir une adoption voire d’engager une procédure d’adoption, mais simplement à voir transcrire le jugement péruvien d’adoption du 6 novembre 1996 sur le registre d’état civil territorialement compétent en application de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, approuvée par la loi du 14 avril 2002, dénommée ci-après la « Convention de La Haye », entrée en vigueur tant à l’égard du Pérou, pays d’origine de l’enfant concerné, que du Grand-Duché de Luxembourg, en tant que pays d’accueil, par sa décision, le ministre de la Famille, en déclarant les dispositions de la Convention de La Haye inapplicables au cas d’espèce, a implicitement mais nécessairement procédé à un refus d’engager la procédure en transcription du jugement péruvien du 6 novembre 1996 sur le registre d’état civil territorialement compétent et a marqué ainsi un point d’arrêt à la procédure entamée le 5 août 2003 sur base de la Convention de La Haye, de sorte que la décision en question est à qualifier de décision administrative individuelle susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation devant les juridictions administratives, étant donné qu’elle est par ailleurs de nature à faire grief aux demandeurs.

Quant au fond, le tribunal a retenu que c’est à tort que le ministre de la Famille a refusé de faire application de la Convention de La Haye, au motif que le jugement péruvien du 6 novembre 1996 a été rendu avant l’entrée en vigueur au Luxembourg de ladite Convention, alors qu’il se dégagerait au contraire de l’agencement même de la Convention de La Haye, au vu des objectifs prévus par celle-ci, ayant pour objet l’intérêt supérieur des enfants adoptifs concernés, qu’une demande de reconnaissance et de transcription aux registres d’état civil compétents d’une adoption opérée antérieurement à l’entrée en vigueur de la Convention dans l’Etat d’origine est régie par les dispositions de la Convention contenues plus particulièrement en son chapitre V, intitulé « Reconnaissance et effets de l’adoption », à partir du moment où la demande afférente, posée non pas en vue de l’adoption, mais en vue de la reconnaissance et de la transcription d’un jugement d’adoption intervenu, a été présentée postérieurement à l’entrée en vigueur de la Convention dans l’Etat d’accueil et l’Etat d’origine. Le tribunal en a partant conclu que c’est à tort que le ministre de la Famille a refusé de statuer plus en avant sur la demande formulée en date du 5 août 2003 par …, agissant tant en son nom personnel qu’en celui de l’enfant mineur …, et ayant pour objet la transcription en tant qu’adoption plénière reconnue par les autorités luxembourgeoises sur le registre d’état civil territorialement compétent en application de la Convention de La Haye.

En date du 19 février 2004, le délégué du Gouvernement, se basant sur un mandat reçu en date du 17 février 2004 par le ministre de la Famille a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, inscrite sous le numéro 17615C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

L’Etat du Grand-Duché de Luxembourg estime en effet que l’interprétation donnée par les premiers juges à la Convention de La Haye serait erronée, en ce qu’ils se seraient écartés d’une lecture rigoureuse de la Convention en question. Il estime en effet que contrairement à d’autres conventions élaborées au sein de la Conférence de La Haye de droit international privé, celle actuellement sous analyse poursuivrait une optique différente, dans la mesure où il s’agirait d’abord et essentiellement d’un traité de coopération entre les autorités des Etats signataires quant à l’harmonisation des solutions de conflits. L’Etat insiste encore sur le fait que la Convention en question aurait pour objet d’assurer la reconnaissance dans les Etats contractants des adoptions telles que réalisées en conformité avec les dispositions de celle-ci. Ainsi, les adoptions opérées antérieurement à l’entrée en vigueur de la Convention de La Haye qui n’ont pas parcouru la procédure telle que prévue par les dispositions de ladite Convention, devraient suivre les procédures générales de reconnaissance des jugements étrangers, ce qui ne serait pas le cas à partir du moment où l’adoption, postérieurement à l’entrée en vigueur de la Convention en question, a été faite en conformité avec ses dispositions. Le respect des procédures ainsi prévues par la Convention de La Haye devrait, selon l’Etat, être documenté et attesté par le Certificat de Conformité prévu à l’article 23 de la Convention, qui constitue un modèle de certificat proposé par la Conférence de La Haye et qui a pour objet de retracer les étapes de la procédure et de mentionner les autorités qui doivent intervenir. L’Etat est d’avis que la reconnaissance de l’adoption litigieuse, opérée avant l’entrée en vigueur de la Convention de La Haye, devrait être relaissée au droit national du pays d’accueil qui, en l’espèce, en ce qui concerne le Luxembourg, prévoirait une compétence auprès du tribunal civil. Or, comme le ministre de la Famille, relevant de la sphère administrative, n’a aucune compétence pour transmettre un dossier à un organe juridictionnel, il a pu se limiter au constat qu’il n’était pas en mesure de réserver d’autres fins à la demande litigieuse. Enfin, l’Etat se réfère à une lettre datée du 17 février 2004 et rédigée par Monsieur William Duncan, secrétaire général adjoint de la Conférence de La Haye de droit international privé, suivant laquelle, contrairement à la décision du tribunal administratif dont appel, « il est nécessaire que la Convention soit en vigueur pour les deux Etats, pour qu’elle puisse s’appliquer à une adoption d’enfant entre ces deux Etats ».

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 17 mars 2004, …, agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de l’enfant mineur …, représentée par Maître Jean-Paul Noesen, avocat à la Cour, après avoir conclu au défaut d’intérêt dans le chef de l’Etat pour interjeter appel, entraînant l’irrecevabilité de la requête d’appel sous analyse, conclut à la confirmation du jugement entrepris. Quant à l’intérêt à agir et à la recevabilité de la requête d’appel, les demandeurs font exposer que, d’une part, la solution préconisée par eux ne serait pas de nature à porter atteinte à l’ordre public luxembourgeois d’autant plus que depuis 8 ans, période pendant laquelle le mineur réside au Luxembourg, celui-ci n’aurait en aucune manière troublé l’ordre public national et que, d’autre part, l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aurait intérêt à accepter le jugement dont appel, puisque dans le cas contraire, il risquerait de se faire condamner par la Cour européenne des droits de l’homme devant laquelle un recours aurait été introduit par eux à la suite du refus par les juridictions civiles luxembourgeoises d’accorder l’exequatur au jugement péruvien précité du 6 novembre 1996, au motif qu’il s’agit d’une adoption plénière opérée non pas par un couple marié mais par une femme monoparentale, violant ainsi l’ordre public luxembourgeois.

Quant au fond, … fait exposer que l’adoption dont le mineur a fait l’objet aurait suivi la procédure telle que prévue par la Convention de La Haye. Elle conteste que la Convention de La Haye contienne une quelconque disposition suivant laquelle les adoptions opérées antérieurement à son entrée en vigueur ne seraient pas susceptibles de faire l’objet d’une reconnaissance de plein droit telle que prévue par cet instrument de droit international. A ce titre, elle fait valoir que suivant les formulations retenues par les différentes dispositions de la Convention de La Haye, celle-ci ne laisserait aucun doute concernant l’applicabilité de la Convention aux cas dans lesquels l’adoption est intervenue postérieurement à l’entrée en vigueur dans les deux Etats signataires, et elle n’exclurait pas non plus son applicabilité à des questions de reconnaissance et de transcription concernant des adoptions intervenues antérieurement. Elle soutient encore que même à supposer que le certificat de conformité émis par les autorités compétentes au Pérou aurait été émis à tort, il n’en resterait pas moins que la reconnaissance au Luxembourg des adoptions ainsi intervenues ne pourrait être refusée qu’à partir du moment où elle serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant concerné, ce qui n’aurait pas été allégué ni établi en l’espèce. Elle conteste encore que la lettre produite par l’Etat, d’ailleurs non signée, pourrait avoir une quelconque valeur, puisqu’à part les cas où il existe un mécanisme d’interprétation uniforme de conventions et traités internationaux, inexistant dans le cas d’espèce pour les conventions établies sous l’égide de la Conférence de La Haye de droit international privé, seules les juridictions nationales auraient compétence pour interpréter souverainement notamment la Convention litigieuse.

En date du 6 avril 2004, l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg a fait déposer au greffe de la Cour administrative un mémoire en réplique. Dans ledit mémoire, l’Etat conteste qu’il n’aurait pas intérêt à interjeter appel en soutenant que dans la mesure où le jugement sous analyse du tribunal administratif lui est défavorable et qu’il était partie à l’instance devant le tribunal administratif, il aurait bien évidemment intérêt à interjeter appel contre ladite décision juridictionnelle. Il rappelle encore que seules sont conformes à la Convention de La Haye, les adoptions dont le début de la procédure (déclaration à l’autorité centrale conformément à l’article 14 de la Convention de La Haye) se situe après l’entrée en vigueur dans l’un et l’autre Etat concernés. Il fait ajouter qu’il serait manifeste qu’en l’espèce la procédure telle que prévue par la Convention n’a pas été suivie.

Un mémoire en duplique a été déposé au greffe de la Cour administrative au nom de … en date du 4 mai 2004.

Il y est pris position par rapport aux différents arguments développés dans le mémoire en réplique.

Quant au défaut d’intérêt à agir dans le chef de l’Etat mis en avant par les intimés pour conclure à l’irrecevabilité de la requête d’appel, il échet de constater que c’est à bon droit que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg conclut à un tel intérêt, au motif non seulement qu’il était partie à l’instance qui s’est déroulée devant le tribunal administratif, dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision du ministre de la Famille, procédure ayant abouti à un jugement ayant annulé la décision litigieuse, mais surtout qu’il possède un intérêt manifeste à défendre ses intérêts afin de faire réformer un jugement de première instance ayant annulé une décision émanant de l’un de ses organes. Les simples faits que le jugement de première instance comporterait une décision qui ne serait pas de nature à porter atteinte à l’ordre public luxembourgeois et que le Grand-Duché de Luxembourg risquerait de se faire condamner par la Cour européenne des droits de l’homme, au cas où une solution contraire à celle retenue par le jugement de première instance serait retenue par la suite, ne sont pas de nature à enlever à l’Etat son droit légitime d’interjeter appel contre un jugement de première instance ayant rejeté ses moyens et arguments comme n’étant pas fondés, étant entendu que le droit d’interjeter appel contre un jugement de première instance par l’une des parties représentée au cours de la procédure ayant abouti au jugement en question, ne saurait être tenu en échec par le droit légitime par l’autre partie d’introduire un recours devant une juridiction internationale, afin notamment d’y faire contrôler la conformité de la décision juridictionnelle à intervenir par rapport à des instruments juridiques internationaux par lesquels le Grand-Duché de Luxembourg se trouve être lié et dont l’interprétation et le contrôle reviennent à une telle juridiction internationale. Le moyen afférent tiré de l’irrecevabilité de la requête d’appel est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

En l’absence d’autres critiques formulées à l’encontre de la requête d’appel du point de vue de la recevabilité du recours ainsi introduit, elle est à déclarer recevable pour avoir été introduite par ailleurs dans les formes et délai prévus par la loi.

Quant au fond, la partie appelante reproche essentiellement aux juges de première instance d’avoir rendu applicable à la présente espèce la Convention de La Haye, tel que sollicité initialement par les demandeurs, en annulant la décision du ministre de la Famille ayant déclaré inapplicable les dispositions de la Convention de La Haye, en refusant implicitement mais nécessairement à engager la procédure en transcription du jugement péruvien du 6 novembre 1996 sur le registre d’état civil territorialement compétent, en marquant ainsi un point d’arrêt à la procédure entamée le 5 août 2003 sur base de la Convention de La Haye. Il est ainsi reproché aux juges de première instance de s’être écartés d’une lecture stricte des dispositions de ladite Convention en rendant celle-

ci applicable non seulement à l’égard du Pérou, pays d’origine de l’enfant concerné, mais également à l’égard du Grand-Duché de Luxembourg, en tant que pays d’accueil et de résidence de la mère adoptive, à un moment où la Convention n’avait pas encore été ratifiée par le Luxembourg.

Il appartient partant à la Cour administrative d’analyser si, malgré le fait que la Convention de La Haye n’était pas en vigueur au Luxembourg au moment des faits, il pouvait néanmoins être fait application de celle-ci pour assurer la transcription au Luxembourg en tant qu’adoption plénière reconnue par les autorités luxembourgeoises d’une adoption effectuée dans un pays qui, au moment des faits, avait déjà ratifié la Convention de La Haye.

A la lecture de la Convention de La Haye, il échet de constater qu’il n’existe aucune clause quant à une application possible des dispositions de celle-ci pour les cas où, au moment des faits, c’est-à-dire au cours de la mise en œuvre de la procédure d’adoption, elle n’a été ratifiée que par l’un des deux Etats concernés par une adoption internationale et n’est entrée en vigueur que dans cet Etat. Au contraire, l’article 41 de la Convention de La Haye stipule expressément que « la Convention s’applique chaque fois qu’une demande visée à l’article 14 de la Convention a été reçue après l’entrée en vigueur de la Convention dans l’Etat d’accueil et l’Etat d’origine ». Par ailleurs, il échet de relever que l’article 14 de la Convention oblige les personnes souhaitant procéder à une adoption d’un enfant situé dans un autre Etat à s’adresser d’abord à l’autorité centrale de leur Etat de résidence habituelle, afin de prendre ainsi l’initiative d’une procédure d’adoption internationale.

Au vu de ces dispositions claires et précises, il est impossible de faire droit à la demande telle que soumise au ministre de la Famille par les actuels intimés et tendant à faire application de la Convention de La Haye à une procédure d’adoption internationale qui s’est déroulée à une période pendant laquelle la Convention de La Haye était en vigueur à l’égard du seul Etat d’origine de l’enfant à adopter, à savoir le Pérou, à l’exclusion de l’Etat d’accueil dudit enfant, à savoir l’Etat dans lequel résidait la mère adoptive, à savoir le Luxembourg.

Cette constatation est confortée par le fait que le mécanisme, tel que mis en place par la Convention de La Haye notamment afin de garantir la reconnaissance dans l’Etat d’accueil d’une adoption qui a été réalisée dans l’Etat d’origine, se base sur une collaboration étroite entre les autorités compétentes des deux Etats ainsi concernés, tel que ce mécanisme se dégage essentiellement des articles 7 à 9 ainsi que des articles 14 à 21 de la Convention de La Haye, dont il se dégage plus particulièrement que la première étape de la procédure est obligatoirement réalisée dans l’Etat d’accueil de l’enfant à adopter, à savoir l’Etat de résidence des parents adoptifs, qui doit soumettre la demande afférente, ainsi qu’un rapport à établir par son autorité centrale à l’autorité centrale de l’Etat d’origine de l’enfant à adopter. A défaut par l’Etat d’accueil d’avoir ratifié la Convention de La Haye au moment où devraient être effectuées les démarches relatives à la première étape de la procédure prédécrite, la Convention ne pourra tout simplement pas jouer.

En l’espèce, tel a manifestement été le cas, en ce que le Luxembourg n’avait pas ratifié à cette date la Convention, et malgré les meilleurs efforts effectués et la procédure entamée de bonne foi par …, afin d’obtenir la transcription au Luxembourg de l’adoption réalisée au Pérou, cette procédure ne saurait avoir pris son fondement sur la Convention de La Haye et c’est partant à tort que le tribunal administratif a rendu applicable aux faits de l’espèce la Convention de La Haye en annulant la décision du ministre de la Famille du 12 août 2003 ayant implicitement rendu inapplicable les dispositions de la Convention de La Haye, au motif que celle-ci n’est entrée en vigueur au Luxembourg qu’en date du 1er novembre 2002, à savoir à une date postérieure à l’adoption prononcée par un jugement d’un tribunal péruvien en date du 6 novembre 1996.

Le fait que le certificat de conformité émis par l’autorité centrale péruvienne au sujet de la décision d’adoption précitée soit semblable à celui exigé par l’article 23 de la Convention de La Haye, afin d’assurer la reconnaissance de l’adoption effectuée dans l’un des Etats contractants de la Convention de La Haye dans les autres Etats contractants, ne suffit pas à lui seul afin de rendre applicable les dispositions de la Convention et d’assurer au Luxembourg la reconnaissance de l’adoption effectuée au Pérou, étant donné que par définition ledit certificat n’a pas pu attester le respect de toutes les formalités prévues par la Convention de La Haye, puisque la procédure y réglementée comme étant obligatoire n’a pas pu être respectée faute par le Luxembourg d’avoir été partie à la Convention au moment où s’est déroulée la procédure d’adoption au Pérou.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le jugement du tribunal administratif du 19 janvier 2004 encourt la réformation.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 19 février 2004 en la forme ;

au fond, la déclare justifiée ;

partant, par réformation du jugement du tribunal administratif du 19 janvier 2004, dit le recours en annulation non fondé ;

condamne les intimés aux frais et dépens des deux instances.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-

Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17615C
Date de la décision : 01/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-07-01;17615c ?

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