GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 11694C Inscrit le 30 novembre 1999 Audience publique du 22 février 2000 Recours formé par l’administration des Contributions directes contre … DIEDERICH en matière de retenue d’impôt - Appel -
(Jugement entrepris du 18 octobre 1999, no° 11055 du rôle)
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 30 novembre 1999 par le délégué du Gouvernement auprès des juridictions administratives Gilles Roth, en vertu d’un mandat exprès du ministre des Finances du 29 novembre 1999, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre des Finances, contre un jugement rendu en matière d’impôt sur les traitements et salaires par le tribunal administratif à la date du 18 octobre 1999 à la requête de … Diederich, demeurant à … Vu la notification de ladite requête d’appel par les soins du greffe de la Cour administrative à la date du 1er décembre 1999.
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 29 décembre 1999 par Maître Roy Reding, avocat à la Cour, au nom de … Diederich.
Vu l’avis du dépôt au ministre des Finances dudit mémoire en réponse daté du 29 décembre 1999.
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 20 janvier 2000 par le délégué du Gouvernement.
Vu la notification dudit mémoire en réplique par les soins du greffe de la Cour administrative à la date du 24 janvier 2000.
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 7 février 2000 par Maître Roy Reding au nom de … Diederich.
1 Vu l’avis du dépôt dudit mémoire en duplique daté du 7 février 2000 au ministre des Finances.
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.
Ouï la vice-présidente en son rapport et le délégué du Gouvernement Gilles Roth ainsi que Maître Luc Birgen, en remplacement de Maître Roy Reding, en leurs observations orales.
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En date du 29 octobre 1997 le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 a émis à l’encontre de … Diederich, employé privé, demeurant à L-…, pris en sa qualité d’associé-gérant de la société X. s.à r.l., ayant eu son siège social à L-…, entretemps déclarée en état de faillite, un bulletin d’appel en garantie (Haftungsbescheid) en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung », ci-après appelée « AO », pour le paiement des sommes retenues ou qui auraient dû être retenues à titre d’impôt sur les traitements et salaires par la société pour les exercices 1992 et 1993, ainsi que des intérêts de retard y relatifs, pour un montant total s’élevant à … LUF.
Suite à un recours en annulation sinon en réformation du bulletin d’appel en garantie du 29 octobre 1997 devant le tribunal administratif, ledit bulletin a été annulé par jugement du 18 octobre 1999 et l’affaire a été renvoyée devant le directeur de l’administration des Contributions directes aux fins de transmission au bureau d’imposition compétent.
Les premiers juges ont motivé leur décision par le fait que l’administration s’est limitée « à constater objectivement le manquement du demandeur à ses obligations fiscales, sans pour autant qualifier un quelconque comportement fautif dans son chef tenant à des circonstances particulières de l’espèce, ni encore retracer les raisons susceptibles, en raison et en équité, de justifier la décision de poursuivre le demandeur plutôt que son co-associé, le gérant technique … ayant pourtant touché les salaires à la base des retenues non effectuées, rendant ainsi impossible toute vérification du caractère légal et réel des motifs à la base de la décision critiquée ».
Par acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 30 novembre 1999, le délégué du gouvernement auprès des juridictions administratives, fort d’un mandat exprès du ministre des Finances du 29 novembre 1999, a déclaré relever appel du prédit jugement.
Il reproche aux premiers juges de s’être livrés à un contrôle d’opportunité et d’avoir opéré un renversement de la charge de la preuve en dénaturant le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi à l’autorité fiscale.
Dans un mémoire en réponse déposé le 29 décembre 1999 Maître Roy Reding, au nom de … Diederich, soulève l’irrecevabilité de l’acte d’appel pour tardiveté, défaut de signification et défaut d’indiquer le relevé de pièces. Quant au fond du litige, il se réfère à ses moyens développés en première instance.
2 Le délégué du Gouvernement réfute tous les moyens d’irrecevabilité soulevés dans un mémoire en réplique déposé le 20 janvier 2000.
Maître Reding reprend ses moyens dans un mémoire en duplique déposé le 7 février 2000.
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Recevabilité de la requête d’appel Le délai d’appel commence à courir à partir de la notification par le greffe de la juridiction de première instance, la notification se faisant par lettre recommandée à la poste avec avis de réception. Elle se fait à l’avocat à la Cour ayant représenté la partie concernée en première instance, celle-ci étant supposée avoir fait une élection de domicile auprès de l’avocat qui avait mandat de la représenter. (CA 24.6.97, 9843C Wertheim ; CA 1.7.97, 9891C Diederich ; CA 10.7.97, 9960C Redzovic ; CA 4.11.97, 10114C Mokluk ; CA 30.4.98, 10538C Jalloh ; CA 5.5.98, 10604C Capus ; CA 12.1.99, 10979C Flidja ; CA 12.1.99, 10989C Siradze).
Il résulte du récépissé de la poste que le jugement de première instance a été notifié à Maître Roy Reding, mandataire devant le tribunal administratif de … Diederich, à la date du 21 octobre 1999.
La loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives entrée en vigueur le 16 septembre 1999 étant applicable à la présente instance d’appel introduite le 30 novembre 1999, l’acte d’appel a été régulièrement déposé dans le délai de 40 jours prévu à l’article 38 de la prédite loi.
D’après l’article 50 de la même loi et par dérogation à l’article 39, en cas d’appel interjeté de la part de l’Etat, le greffier communique aux parties en cause en première instance copies de la requête d’appel, des mémoires et des pièces fournis. Une signification de la requête d’appel n’est pas requise.
La jonction d’un relevé des pièces dont l’appelant entend se servir et préconisée à l’article 41 de la loi du 21 juin 1999 n’est pas prévue à peine de nullité.
L’appel est partant recevable.
Le fond du litige Il résulte des publications au mémorial C et des pièces versées en cause que la société X. s.à r.l. a été constituée le 9 mai 1990. … a été nommé gérant technique et … Diederich gérant administratif, chacun des gérants pouvant engager la société sous sa seule signature. Le 28 septembre 1993 l’appelant a cédé ses parts sociales à … qui est ainsi devenu associé unique et gérant unique. Il est partant établi que l’actuel appelant, en sa qualité de gérant administratif pouvant engager la société sous sa seule signature, a manqué à son obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO énoncée ci-avant en ce qui concerne les retenues d’impôt sur les traitements et salaires à effectuer par la société pour l’année 1992, ainsi que pour une partie de l’année 1993, en l’occurrence celle correspondant à la période de l’exercice de ses fonctions de gérant.
3 En disposant dans l’article 109 AO alinéa (1) que : « die Vertreter und die übrigen in den Paragraphen 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den Paragraphen 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind », le législateur n’a pas instauré un principe de responsabilité de plein droit, mais une responsabilité pour faute qu’il échet d’établir.
Le tribunal en a partant correctement déduit qu’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO précité dans le chef d’un gérant de société n’est pas suffisant pour engager sa responsabilité personnelle en application du paragraphe 109 (1) AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc.
Le paragraphe 7 (3) de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934 maintenue en vigueur par l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944, appelée « Steueranpassungsgesetz » (StAnpG), disposant que « jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung . Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », et le paragraphe 2 StAnpG énonçant dans son alinéa (1) que « Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessensentscheidungen) müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen », le tribunal en a encore déduit à bon droit que le bureau d’imposition doit apprécier tant le degré fautif du comportement du tiers responsable contre lequel il entend engager des poursuites que le choix du ou des codébiteurs contre lesquels un appel en garantie est lancé en procédant selon des considérations d’équité et d’opportunité.
Les juridictions administratives, investies en l’espèce d’un pouvoir de réformation, sont appelées à vérifier la décision déférée quant à son bien-fondé et à son opportunité.
Ils peuvent cependant se limiter à ne prononcer que l’annulation de la décision critiquée et à renvoyer l’affaire devant l’administration.
La Cour se rallie à la décision des premiers juges disant que l’acte déféré encourt l’annulation pour ne pas être motivé à suffisance de droit, dès lors que le bureau a méconnu à la fois les conditions de qualification de la responsabilité personnelle du gérant de société au sens du paragraphe 109 AO et l’obligation d’appréciation inhérente à sa propre compétence pour la mettre en œuvre.
Par ces motifs La Cour, statuant contradictoirement, 4 déclare l’appel introduit par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg par requête du 30 novembre 1999 recevable, le dit non fondé, partant en déboute, confirme le jugement du 18 octobre 1999 dans toute sa teneur, condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais de l’instance d’appel.
Ainsi jugé par :
Marion LANNERS, vice-présidente, rapporteur Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
Le greffier la vice-présidente 5