GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11106 C Inscrit le 1er février 1999
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Audience publique du 22 février 2000 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre … CHARRON en matière d'impôt sur le revenu Appel (Jugement entrepris n° du rôle 10417 du 21 décembre 1998)
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 1er février 1999 par le délégué du Gouvernement Gilles Roth en exécution d’un mandat du ministre des Finances du 26 janvier 1999 contre un jugement rendu en matière d’impôt sur le revenu par le tribunal administratif à la date du 21 décembre 1998, à la requête de … CHARRON contre l’administration des Contributions.
Vu la signification dudit acte d’appel par exploit d’huissier Pierre Kremmer à la date du 29 janvier 1999 à … Charron.
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 22 septembre 1999 par Maître Alex Schmitt, avocat à la Cour, au nom de … Charron, demeurant 20, rue Gambetta, F-
92100 Boulogne-Billancourt.
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 14 décembre 1999 par le délégué du Gouvernement.
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 21 décembre 1998.
Ouï le conseiller rapporteur en son rapport et le délégué du Gouvernement Gilles Roth ainsi que Maître Jean Steffen, en remplacement de Maître Alex Schmitt, en leurs observations orales.
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Pendant l’année d’imposition 1994, … Charron fut employé par la banque … S.A et résida seul à Luxembourg dans un appartement mis à sa disposition par son employeur, son épouse et ses deux enfants continuant de résider à Nice, alors que la courte durée au détachement n’avait pas nécessité un déplacement de la famille.
Il demanda dans sa déclaration de l’impôt sur le revenu au titre de l’année d’imposition 1994 l’application de la classe d’impôt 2.2 soit l’imposition collective avec son épouse et l’octroi de modérations d’impôt pour ses deux enfants à charge, ce qui lui fut refusé le 13 avril 1995 par le bureau d’imposition Luxembourg IV au motif que « la classe d’impôt 2.2 ne peut être accordée qu’aux contribuables résidents, imposables collectivement en vertu de l’article 3 LIR ».
Par requête déposée le 19 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif, Maître Alex Schmitt au nom de … Charron, demeurant à F-…, a déposé un recours tendant à la réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1994 émis en date du 13 août 1995 par le bureau d’imposition Luxembourg IV et, pour autant que de besoin, contre la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes résultant du silence gardé par ce dernier suite à sa réclamation du 12 mai 1995.
Par jugement rendu à la date du 21 décembre 1998, le tribunal administratif a déclaré le recours en réformation recevable en la forme, au fond a dit que le domicile fiscal du demandeur au sens de l’article 2§4 de la convention conclue entre le Grand-Duché de Luxembourg et la France tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune en date du 1er avril 1958 se situe en France, et qu’au Luxembourg, Etat de source au sens de la même convention, le bureau d’imposition a correctement, au niveau de l’application de la convention et du droit interne luxembourgeois, qualifié le demandeur de contribuable résident, et pour le surplus, a fixé l’affaire pour continuation des débats à une prochaine audience.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 1er février 1999 et préalablement signifiée à … Charron, le délégué du Gouvernement déclarant agir en vertu d’un mandat du ministre des Finances du 26 janvier 1999 a relevé appel du jugement précité. La partie appelante reproche aux premiers juges d’avoir retenu à tort dans son dispositif que d’après la convention de non double imposition conclue entre le Luxembourg et la France, le domicile fiscal de Charron se situe en France tout en qualifiant le requérant comme contribuable résident à Luxembourg, alors qu’en présence d’une convention de double imposition, un contribuable ne peut avoir qu’un seul domicile fiscal.
Il fait valoir que la convention franco-luxembourgeoise comporte une définition autonome du domicile fiscal en disposant dans son article 2§4 que le domicile fiscal des personnes physiques est au lieu de la résidence normale entendue dans le sens du foyer permanent d’habitation ou, à défaut, au lieu de séjour principal. Il n’y aurait pas lieu de recourir en plus aux dispositions du droit interne, le traité ayant une origine plus élevée que la volonté d’un organe interne.
Le délégué du Gouvernement demande à la Cour de dire que c’est à juste titre que le bureau d’imposition a considéré que le domicile fiscal du demandeur se situe au Luxembourg, et subsidiairement si Charron devait être considéré comme résident de la France, de réformer le jugement dans le sens que le requérant a son seul domicile fiscal en France et par conséquent doit être qualifié de contribuable non-résident du Luxembourg.
Dans un mémoire en réponse en date du 22 septembre 1999, Maître Alex Schmitt au nom de … Charron, après avoir rappelé les faits, conteste en premier lieu la recevabilité de l’appel car il concernerait un jugement avant dire droit de nature préparatoire n’ayant tranché aucune question de fond.
2 Il relève aussi que selon l’article 69 du code de procédure civile (article 163 Nouveau code de procédure civile), l’acte d’appel introduit par l’Etat doit être déclaré irrecevable, alors que le ministre d’Etat aurait dû représenter l’Etat aux fins de l’appel.
Quant au fond, la partie intimée constate qu’il y a eu un conflit entre des souverainetés fiscales française et luxembourgeoise au cours de l’année 1994 et se réfère à la Convention OCDE ainsi qu’à son commentaire pour en déduire qu’en présence de conflit entre l’Etat de résidence et l’Etat de source on ne peut parvenir à une solution du conflit en se référant à la notion de résidence adoptée par les législations internes des Etats considérés.
Le critère de domicile de droit interne ayant été remplacé par la notion de domicile conventionnel, il échet donc de réformer le jugement des premiers juges.
La partie intimée conclut en demandant à la Cour principalement de déclarer l’appel de l’Etat irrecevable et subsidiairement, en confirmant, de dire que la partie intimée est non-résident en application de l’article 2§4 de la convention de non-imposition et, en reformant, de dire que Charron a son seul domicile fiscal en France et doit être qualifié de contribuable non-résident du Luxembourg y compris aux fins de l’imposition indigène, en particulier de l’attribution des classes d’impôt et de renvoyer pour le surplus devant le tribunal administratif.
Dans un mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 14 décembre 1999, la partie appelante soutient que l’appel est recevable et que la convention franco-
luxembourgeoise contient un critère autonome de domicile fiscal qu’il y a lieu d’appliquer à l’espèce.
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Quant à la recevabilité de l’appel La loi du 7 novembre 1996 prévoit dans son article 99.9 que les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d’appel comme les jugements qui tranchent tout le principal.
Il en est de même lorsque le jugement qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident met fin à l’instance.
Les autres jugements ne peuvent être frappés d’appel, indépendamment des jugements sur le fond, que dans les cas spécifiés par la loi.
En disposant dans son jugement du 21 décembre 1998 que le domicile fiscal du demandeur se situe en France et qu’au Luxembourg, le bureau d’imposition a correctement qualifié le demandeur de contribuable résident, le tribunal administratif a tranché dans le dispositif une partie du principal.
Ne s’étant pas prononcé sur la réformation de la décision entreprise du directeur de l’administration des Contributions directes, le jugement n’a par contre pas tranché tout le principal dans son dispositif.
3 Aux termes de l’article 99.9 précité un jugement disposant comme le fait le jugement entrepris sur une partie du fond ne peut être frappé d’appel immédiatement que dans le cas où il ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire.
La décision de fixer, sous réserve des droits des parties, l’affaire pour continuation des débats à une date ultérieure ne constitue ni une mesure d’instruction, ni une mesure provisoire.
Le jugement attaqué ne met par ailleurs pas fin à l’instance en statuant, comme le prévoit l’article 99.9 alinéa 2, sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou un autre incident.
L’appel de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre le jugement du 21 décembre 1998 est dès lors irrecevable.
Par ces motifs La Cour administrative, statuant contradictoirement, déclare l’appel relevé le 1er février 1999 par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg irrecevable;
condamne l’appelant aux frais de l’instance d’appel.
Ainsi jugé par :
Marion LANNERS, vice-présidente Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, rapporteur Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier la vice-
présidente 4