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08/03/2024 | FRANCE | N°23/06686

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Jex, 08 mars 2024, 23/06686


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 08 MARS 2024

DOSSIER : N° RG 23/06686 - N° Portalis DB22-W-B7H-RXON
Code NAC : 5AD
MINUTE N° : 24/

DEMANDEUR

Monsieur [W] [T]
né le 07 Septembre 1959 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 4]
Représenté et assisté par l’ATY DES YVELINES èqs qualité de curatrice, [Adresse 2]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 22023-007854 du 29/11/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de

Versailles)

Représenté par Me Genusha WARAHENA LIYANAGE, avocat au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 257

DÉFENDERESSE

100...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 08 MARS 2024

DOSSIER : N° RG 23/06686 - N° Portalis DB22-W-B7H-RXON
Code NAC : 5AD
MINUTE N° : 24/

DEMANDEUR

Monsieur [W] [T]
né le 07 Septembre 1959 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 4]
Représenté et assisté par l’ATY DES YVELINES èqs qualité de curatrice, [Adresse 2]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 22023-007854 du 29/11/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Versailles)

Représenté par Me Genusha WARAHENA LIYANAGE, avocat au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 257

DÉFENDERESSE

1001 VIES HABITAT, SOCIETE ANONYME D’HABITATIONS A LOYER MODERE, dont le siège social est [Adresse 3] inscrite au RCS de PARIS sous le numéro 572 015 451 dont l’ancienne dénomination “Logement Français” a été modifiée suite à une délibération de l’assemblée générale des actionnaires statuant à titre extraordinaire en date du 28 juin 2018, venant aux droits de la société Coopération et Famille, SOCIETE ANONYME D’HABITATIONS A LOYER MODERE, dont le siège social est [Adresse 1] à [Localité 5], immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 582 088 662, suite à l’assemblée générale statuant à titre extraordinaire qui s’est tenue le 28 juin 2018 ayant approuvé la fusion par voie d’absorption de Coopération et Famille par Logement Français à effet du 1er juillet 2018, et représentée par Monsieur [V] [Z], Président du Directoire, dont le mandat a été renouvelé par le conseil de surveillance de la Société en date du 28 juin.

Représentée par Me Jeanine HALIMI, avocat de la SELARL JEANINE HALIMI, avocats au Barreau des HAUTS DE SEINE
Substituée par Me Elisabeth SCHNEIDER

ACTE INITIAL DU 05 Décembre 2023
reçu au greffe le 05 Décembre 2023
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Mélanie MILLOCHAU, Juge placée, déléguée aux fonctions de Juge de l’Exécution par ordonnance du Premier Président de la Cour d’Appel de VERSAILLES,assistée de Madame Emine URER, Greffier
jugement contradictoire
premier ressort
Copie exécutoire à : Me Warahena Liyanage + Me Halimi
Copie certifiée conforme à : Parties + Dossier + Commissaire de Justice
Délivrées le : 8 mars 2024

DÉBATS

À l’audience publique tenue le 24 janvier 2024 en conformité avec le Décret n°2012-783 du 30 mai 2012 et des articles L213-5 et L213-6 du code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 8 mars 2024.


◊ ◊ ◊

EXPOSE DU LITIGE

La société LE LOGEMENT FRANCAIS, aux droits de laquelle vient la société 1001 VIES HABITAT, a donné à bail à Madame [Y] [T] un appartement à usage d’habitation situé [Adresse 4] à [Localité 7] par contrat du 1er août 1974.

Suite au décès de Madame [Y] [T] le 1er juin 2021, son fils [W] [T] a sollicité un transfert de bail, lequel lui a été refusé du fait qu’il vivait seul et que l’appartement était un F3.

Par jugement en date du 11 mai 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Germain en Laye a notamment :
_ constaté que le bail est résilié depuis le décès de Madame [Y] [T] le 1er juin 2021 ;
_ dit que Monsieur [W] [T] occupe sans droit ni titre les lieux sis [Adresse 4] à [Localité 7] ;
_ dit qu’à défaut par Monsieur [W] [T] d’avoir volontairement quitter le logement immédiatement après la signification du commandement d’avoir à libérer les lieux, sans attendre le délai de 2 mois prévu par l’article l.412-1 du code des procédures civiles d’exécution, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son fait avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier, si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux aux frais de l’expulsé dans tel garde-meuble désigné par ce dernier ou à défaut par le bailleur ;
_ condamné Monsieur [W] [T], assisté de l’ATY, son curateur, à payer à la SA 1001 Vies Habitat une somme de 7.635,57 euros au titre des indemnités d’occupation et charges impayées du mois de décembre 2021 au mois de décembre 2022 inclus ;
_ condamné Monsieur [W] [T], assisté de l’ATY, son curateur, à payer à la SA 1001 Vies Habitat une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges à compter du mois de janvier 2023 jusqu’à la reprise effective des lieux.

Le jugement a été signifié le 2 juin 2023 à Monsieur [W] [T].

Par acte de commissaire de justice en date du 27 octobre 2023, au visa du jugement précité, la SA 1001 Vies Habitat a fait délivrer à Monsieur [W] [T] un commandement de quitter les lieux.

Par requête enregistrée au greffe le 5 décembre 2023, Monsieur [W] [T] a saisi le juge de l’exécution afin de se voir accorder un délai pour quitter les lieux.

L’affaire a été retenue à l’audience du 24 janvier 2024 au cours de laquelle les parties ont été entendues.

Aux termes de ses conclusions n°2 visées à l’audience, Monsieur [W] [T] demande au juge de l'exécution de :
_ accorder à Monsieur [W] [T] un délai de 12 mois pour libérer les lieux ;
_ débouter SA 1001 Vies Habitat de toutes ses demandes, plus amples ou contraires ;
_ déclarer que chacune des parties conservera la charge de ses propres frais.

Aux termes de ses conclusions visées à l’audience, la SA 1001 Vies Habitat s’oppose à la demande de délais et demande au juge de l'exécution de :
_ à titre principal, débouter Monsieur [W] [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
_ ordonner la continuation des poursuites ;
_ à titre infiniment subsidiaire, dire que si par impossible un délai devait être accordé à Monsieur [W] [T] pour quitter les lieux malgré sa mauvaise foi avérée, celui-ci ne pourrait l’être seulement sous réserve que Monsieur [W] [T] règle, avant le 30 de chaque mois, les indemnités d’occupation mensuelles dont il serait redevable à compter du mois de février 2024, majorées d’une somme de 150 euros par mois au titre du remboursement de sa dette locative (s’élevant à la somme de 18.997,82 euros au 12 janvier 2024, terme du mois de décembre 2023 inclus) et que ce délai sera de plein droit déclaré caduc avant son expiration si Monsieur [W] [T] ne respecte pas une seule échéance précitée) ;
_ en tout état de cause voir déclarer opposable la décision à intervenir à l’association ATY, pris en sa qualité de curatrice de Monsieur [W] [T] ;
_ condamner Monsieur [W] [T] au versement de la somme de 300 euros à la SA 1001 Vies Habitat sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour un exposé détaillé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à la note d'audience et à leurs écritures conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré au 8 mars 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

En application de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution, dans sa version applicable au 29 juillet 2023, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Le dernier alinéa de cet article précise que ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Aux termes de l'article L. 412-4 du même code, dans sa version applicable au 29 juillet 2023, la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

En l’espèce, Monsieur [W] [T] sollicite qu’un délai de 12 mois lui soit accordé pour quitter les lieux

Il ressort des éléments au débat que Monsieur [W] [T] vivait dans le logement avec sa mère, titulaire du bail, que cette dernière est décédée le 1er juin 2021 et que le bailleur a refusé le transfert du bail à Monsieur [W] [T].

Monsieur [W] [T] justifie de sa qualité de majeur protégé et qu’il a été placé sous curatelle renforcée par décision du juge des tutelles du tribunal de proximité de Saint-Germain en Laye le 30 août 2019 pour une durée de 5 ans, l’Association Tutélaire des Yvelines (ATY) ayant été désignée en qualité de curateur.

S’agissant de sa situation financière, Monsieur [W] [T] démontre qu’il a rencontré des difficultés financières qui ont aggravé sa dette locative, que ses droits au RSA devaient cessés le 1er février 2022, qu’il a sollicité sa retraite le 8 octobre 2021 et qu’il perçoit désormais à ce titre la somme de 249,81 euros par mois ainsi qu’une retraite complémentaire de 116,20 euros par mois. Il produits ses derniers avis d’impôt sur les revenus et justifie qu’il a perçu 230 euros de revenus en 2021 et aucun revenu en 2022.

S’agissant de ses recherches de logement, il ressort des pièces produites que l’ATY a sollicité le relogement de Monsieur [W] [T] auprès de la SA 1001 Vies Habitat à plusieurs reprises, notamment par courriel en octobre 2021 et novembre 2022, qu’elle a sollicité une assistante sociale, que Monsieur [W] [T] a renouvelé sa demande de logement locatif social le 24 novembre 2021 et le 20 novembre 2023, que l’ATY a effectué un recours [X] le 25 mars 2022 et que Monsieur [W] [T] a été reconnu comme prioritaire et devant être logé en urgence par décision en date du 29 août 2023.

S’agissant de la dette locative, selon le décompte transmis par la SA 1001 Vies Habitat, elle s’élèverait à 18.997,82 euros au 12 janvier 2024. Cependant, Monsieur [W] [T] argue que sa dette serait de 15.233, 96 euros au 12 janvier 2024, la défalcation de la somme de 3.763,86 euros décidée par le juge des contentieux et de la protection de Saint-Germain en Laye n’ayant pas été appliquée sur le décompte.

En tout état de cause, il ressort du décompte produit que Monsieur [W] [T] a repris des paiements à hauteur de 200 euros par mois depuis le mois de décembre 2023.

Ainsi, malgré le montant élevé de la dette locative, il doit être tenu compte tenu de la situation personnelle et financière de Monsieur [W] [T], et des nombreuses démarches qu’il a entreprises pour se reloger.

Dès lors, compte tenu de l’ensemble de ces éléments qui établissent sa bonne foi, un délai de 6 mois lui sera accordé pour quitter les lieux, soit jusqu’au 8 septembre 2024.

À l'expiration de ce délai, il pourra être procédé à l'expulsion sauf à ce que les parties trouvent un nouvel accord.

Compte tenu de la situation personnelle et financière de Monsieur [W] [T], la demande subsidiaire de la SA 1001 Vies Habitat sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Au regard de la nature de la demande et de la situation des parties, il y a lieu de laisser les dépens à la charge respective des parties et de rejeter la demande de condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile formée par le bailleur.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de l’exécution statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire, en premier ressort,

DECLARE le présent jugement opposable à l’ATY, curatrice de Monsieur [W] [T] ;

ACCORDE à Monsieur [W] [T] un délai de 6 mois pour quitter les lieux, situés [Adresse 4] à [Localité 7], soit jusqu’au 8 septembre 2024 ;

RAPPELLE que Monsieur [W] [T] reste redevable des indemnités d’occupation pendant toute la période accordée ;

RAPPELLE que nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l'article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille ;

REJETTE la demande subsidiaire de la SA 1001 Vies Habitat ;

DEBOUTE la SA 1001 Vies Habitat de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE les dépens à la charge respective de chacune des parties ;

RAPPELLE que les décisions du juge de l’exécution sont exécutoires de plein droit.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe, le 08 Mars 2024. Le présent jugement a été signé par le Juge et le Greffier.

LE GREFFIERLE JUGE DE L’EXECUTION

Emine URER Mélanie MILLOCHAU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 23/06686
Date de la décision : 08/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-08;23.06686 ?
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