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25/03/2024 | FRANCE | N°20/03163

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 1re chambre civile, 25 mars 2024, 20/03163


Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 5] - tél : [XXXXXXXX01]


25 Mars 2024


1re chambre civile
50D

N° RG 20/03163 - N° Portalis DBYC-W-B7E-IYF3





AFFAIRE :


[E] [R]


C/

S.A.R.L. GARAGE POLICE
S.A.S. RENAULT SAS
07.07.22 :désistement






copie exécutoire délivrée

le :

à :




PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ



PRESIDENT : Dominique FERALI, P

remière vice-présidente

ASSESSEUR : Philippe BOYMOND, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge


GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision....

Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 5] - tél : [XXXXXXXX01]

25 Mars 2024

1re chambre civile
50D

N° RG 20/03163 - N° Portalis DBYC-W-B7E-IYF3

AFFAIRE :

[E] [R]

C/

S.A.R.L. GARAGE POLICE
S.A.S. RENAULT SAS
07.07.22 :désistement

copie exécutoire délivrée

le :

à :

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : Philippe BOYMOND, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge

GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision.

DÉBATS

A l’audience publique du 16 octobre 2023
Philippe BOYMOND assistant en qualité de juge rapporteur sans opposition des avocats et des parties

JUGEMENT

En premier ressort, réputé contradictoire,
prononcé par Madame Dominique FERALI ,
par sa mise à disposition au greffe le 25 Mars 2024,
après prorogation du délibéré intialement prévu le 29 janvier 2024

Jugement rédigé par Philippe BOYMOND.

-2-

ENTRE :

DEMANDEUR :

Monsieur [E] [R]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Me Alexis CROIX, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant

ET :

DEFENDERESSES :

S.A.R.L. GARAGE POLICE
[Adresse 7]
[Localité 2],

représentée par Maître Vincent LAHALLE de la SELARL LEXCAP, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [E] [R] a acquis, le 16 septembre 2017, auprès de la société à responsabilité limitée (SARL) Garage Police, un véhicule de marque Renault, modèle Laguna III, mis en circulation le 21 février 2013 et ayant parcouru 33 269 km, au prix de 14 600 €.

Le 14 février 2019, ce véhicule, qui a alors parcouru 61 526 km selon son odomètre, a subi une importante avarie. Un garagiste de la marque a préconisé le remplacement de son moteur, le constructeur ayant proposé de prendre en charge 60 % du coût de cette intervention, offre commerciale qu'a toutefois refusée Monsieur [R].

Le 08 août 2019, missionné par l'assureur de protection juridique de ce dernier, Monsieur [O] [S], expert automobile, a constaté la destruction du moteur du véhicule précité en raison du bris de pièces internes suite à leur abrasion, conséquence d'un défaut de lubrification, laquelle est imputable à une carence d'entretien survenue avant la vente.

Suivant rapport d'assistance à expertise contradictoire du 15 décembre 2019, établi par Monsieur [P] [C], expert missionné par l'assureur de la SARL Garage Police, le défaut de lubrification trouve sa cause dans la présence dans le bain d'huile de liquide de refroidissement, laquelle est nécessairement postérieure à la vente du véhicule au vu du kilométrage depuis parcouru.

Par acte d'huissier de justice du 02 juin 2020, Monsieur [R] a assigné la SARL Garage Police devant le tribunal judiciaire de Rennes, sur le fondement de la garantie légale des vices cachés, aux fins d'obtenir l'annulation de la vente du véhicule précité et la restitution du prix, outre des dommages et intérêts, le tout sous le bénéfice des dépens et de l'allocation d'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte d'huissier de justice du 24 juillet suivant, la SARL Garage Police a appelé au procès aux fins de garantie la société par actions simplifiée (SAS) Renault. Par ordonnance du 16 juin 2022, le juge de la mise en état a, toutefois, constaté le désistement de la première nommée de son action dirigée envers la seconde.

Par conclusions n°2 notifiées le 15 mars 2022 par le RPVA, Monsieur [R] demande désormais au tribunal de :

Vu les articles 1641, 1643, 1644 et 1645 du code civil,

Débouter la société Garage Police de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Prononcer la résolution aux torts de la société Garage Police de la vente du 16 septembre 2017 portant sur le véhicule d’occasion Renault Laguna III immatriculé [Immatriculation 6],

En conséquence, condamner la société Garage Police à payer à Monsieur [E] [R] au titre du remboursement du prix d’acquisition : 14.600 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente assignation ;

Décerner acte à Monsieur [R] de ce qu’il tiendra le véhicule à la disposition de la société Garage Police, celle-ci devant faire son affaire personnelle de sa récupération effective où il se trouve ;

Condamner la société Garage Police à payer à Monsieur [R] :

- intérêts de l’emprunt CETELEM du 14 février 2019 au jour de la délivrance de la présente : 825,24 €, outre les intérêts échus depuis cette date jusqu’à la récupération effective du véhicule par le Garage Police en exécution du jugement à intervenir prononçant la résolution de la vente ;

- primes DIRECT ASSURANCE du 14 février 2019 au jour de la délivrance de la présente : 746,62 €, outre les échéances du contrat depuis cette date jusqu’à la récupération effective du véhicule par le Garage Police en exécution du jugement à intervenir prononçant la résolution de la vente ;

- frais de stockage du véhicule par le Garage DEL’AUTO pour la période du 12 mars 2019 jusqu’à la récupération effective du véhicule : sauf à parfaire.

Condamner la société Garage Police à payer à Monsieur [R] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 02 septembre 2022 par le RPVA, la SARL Garage Police demande au tribunal de :

Vu l’assignation de Monsieur [R],

Vu le rapport d’expertise [D] du 15 décembre 2019,

Vu les articles 1641 et suivants du code civil,

A titre principal,

- Juger que Monsieur [R] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un vice caché affectant le véhicule vendu par le Garage Police,
- Juger que Monsieur [R] ne rapporte pas la preuve de l’antériorité d’un vice caché affectant le véhicule vendu par le Garage Police,
- Juger que Monsieur [R] ne rapporte pas la preuve de la connaissance d’un vice caché par le Garage Police,
- Juger que la destruction du moteur est due à un défaut d’entretien de la part de son propriétaire Monsieur [R],
- Débouter en conséquence Monsieur [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre du Garage Police ;
En tout état de cause,
- Condamner Monsieur [E] [R] à verser à la SARL Garage Police la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Monsieur [E] [R] aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL LEXCAP conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Par ordonnance du 06 avril 2023, le juge de la mise en état a clôturé l'instruction de l'affaire et fixé l'audience de plaidoirie au 16 octobre suivant.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Le tribunal rappelle, à titre liminaire, qu'il n'est tenu de statuer sur les demandes de « constatations », de « décerner acte » ou de « dire et juger » que lorsqu'elles constituent des prétentions (Civ. 2ème 09 janvier 2020 n° 18-18.778 et 13 avril 2023 n° 21-21.463).

Sur les défauts cachés de la chose vendue :

L'article 1641 du code civil dispose que :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».

L'article 1642 du même code prévoit, toutefois, que :

« Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ».

L'article 1353 dudit code dispose, par ailleurs, que :

« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

Il résulte de ces textes que c'est à l'acquéreur, exerçant l'action en garantie des vices cachés, qu'il appartient de rapporter la preuve de l'existence du ou des vices qu'il allègue, tant dans ses effets que dans ses causes, en sollicitant au besoin une mesure d'expertise (Civ. 1ère 12 juillet 2007 n° 05-10.435).

Hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut en effet se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci (Civ 3ème 14 mai 2020, n°19-16.278 et 19-16.279, publiés au bulletin) et il lui appartient alors de rechercher si les conclusions d'une telle expertise sont corroborées par d'autres éléments de preuve.

Monsieur [R] soutient qu'il ressort incontestablement du rapport d'expertise qu'il verse aux débats que le moteur de son véhicule, le jour de sa vente, souffrait d'un vice caché résultant d'une absence d'entretien. Il affirme que ce vice était préexistant, rend impropre son véhicule à son usage et ne pouvait être ignoré de son vendeur, professionnel de l'automobile.

La SARL Garage Police répond que ce rapport d'expertise est l'unique élément probatoire apporté par le demandeur et qu'il est de jurisprudence constante, désormais, que la preuve de l'existence d'un vice caché ne peut être rapportée par ce seul élément. Elle ajoute que l'analyse de l'huile moteur, sollicitée par l'expert du demandeur lui-même, a révélé la présence de liquide de refroidissement. Elle soutient que son expert, à l'issue des opérations d'expertise auxquelles il a participé, a considéré que le défaut de lubrification qui a entraîné la casse du moteur résulte de cette pollution, laquelle est nécessairement postérieure à la vente au vu du très faible kilométrage parcouru entre la livraison du véhicule au demandeur et la vidange à laquelle elle a procédé.

Monsieur [R] réplique que son expert a estimé que la présence de liquide de refroidissement dans l'huile moteur est très faible et qu'elle résulte du bris du moteur qui a favorisé une porosité entre les circuits de lubrification et de refroidissement.
Il ressort des deux rapports d'expertise sur lesquels se fondent les parties (pièce demandeur n° 6 et 7 et n°1 défendeur) que l'avarie du moteur du véhicule litigieux est due à une usure prématurée de pièces internes de friction, laquelle a été provoquée par leur insuffisante lubrification.

L'expert du demandeur impute ce défaut de lubrification à une carence d'entretien, antérieure à la vente selon lui, en s'appuyant sur le fait que la SARL Garage Police n'a pas été en mesure de lui justifier, en cours d'expertise, de la réalisation effective des opérations d'entretien périodique préconisées par le constructeur, par le ou les propriétaires précédents du véhicule litigieux.

Il ressort, toutefois, du compte-rendu d'analyse de l'huile moteur à laquelle cet expert lui-même a fait procéder, daté du 17 mai 2019, que celle-ci contenait du liquide de refroidissement (pièce défendeur n°3). Ce document note que « cette pollution se caractérise en général par une altération de la lubrification des paliers », pollution qui a visiblement dégradé les « coussinets » et qui a eu « des conséquences sur la tenue de la partie haute au niveau turbocompresseur mais également en haut de chemises ».

L'expert de la société défenderesse reprend à son compte cette analyse et estime que « si un liquide de refroidissement avait été présent dans le bain d'huile lors de la vente par le Garage Police, le véhicule n'aurait pu réaliser les kilométrages » parcourus après la vente, soit 28 258 km (page 8). La société défenderesse rappelle en outre, sans être contredite, avoir procédé au remplacement de l'huile moteur le 24 juillet 2017, le véhicule affichant alors 33 201 km au compteur et elle verse aux débats une facture ainsi que la photographie d'une étiquette d'entretien pour en justifier (ses pièces n°1 et 2).

Sollicité en cours d'instance, l'expert du demandeur a contesté l'analyse de son confrère et affirmé que l'infime quantité de liquide de refroidissement retrouvée dans l'huile et l'indice de viscosité de l'échantillon analysé (64,2 mm2/s pour un chiffre attendu entre 55 et 77 pour une huile de grades 5W30) « écartent l'hypothèse de la pollution par un liquide » (pièce demandeur n°12).

Cette affirmation ne peut, toutefois, manquer d'étonner dans la mesure où ce même expert, dans son rapport, page 13, avait précédemment affirmé que « les résultats d'analyse de l'échantillon prélevé confirment une oxydation importante de l'huile en service, ainsi qu'une chute significative de sa viscosité pour une huile de grades 5W30 ». Il ajoutait, ensuite, que « de toute évidence, la dégradation de l'huile en service ne permettait plus une lubrification correcte du moteur ».

Il ne saurait, tout d'abord, être considéré que l'huile moteur du véhicule litigieux n'a pas été remplacée une première fois, deux ans après sa mise en circulation, selon les préconisations du constructeur, soit aux alentours du 21 février 2015, au motif du silence de la SARL Garage Police à cet égard (Civ. 1ère 18 avril 2000 n° 97-22.421 Bull. n°111). Aucune pièce du dossier ne vient ensuite démontrer que l'usure prématurée de pièces internes de friction du moteur soit survenue ou était en germe avant la vente du véhicule litigieux, l'expert du demandeur ne l'ayant même pas clairement affirmé. A l'inverse, sur la base du rapport d'analyse de l'huile moteur en service, ce dernier a considéré qu'elle ne permettait plus une lubrification correcte du moteur. Il est, par ailleurs, établi que cette huile a été remplacée par la SARL Garage Police très peu de temps avant la vente et qu'elle n'a donc pu se dégrader que très probablement après. Si l'expert du demandeur a contesté, en dernier lieu, que cette dégradation puisse trouver son origine dans la présence en son sein de liquide de refroidissement, il n'a pour autant proposé aucune autre explication quant à la cause de ladite dégradation.

Il en résulte que le demandeur ne rapporte pas la preuve de ce que le moteur de son véhicule était prématurément usé, lors de sa vente, en raison d'un défaut de lubrification.

Mal fondé en sa demande de résolution de la vente, il en sera dès lors débouté de même que, corrélativement, de ses autres prétentions.
Sur les demandes annexes
Partie succombante, Monsieur [R] supportera la charge des dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Maître Vincent LAHALLE n’allègue pas avoir avancé des dépens sans recevoir provision. Il n’y a donc pas lieu de lui accorder un droit de recouvrement direct.

L'équité commande de faire droit à la demande de la SARL Garage Police, formée au titre de l'article 700 du même code, mais à hauteur de 2 000 €.

DISPOSITIF :

Le Tribunal :

DEBOUTE Monsieur [E] [R] de sa demande de résolution de la vente du véhicule de marque Renault, modèle Laguna III et immatriculé [Immatriculation 6] ;

le CONDAMNE aux dépens ;

le CONDAMNE à payer à la SARL Garage Police la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande, plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/03163
Date de la décision : 25/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-25;20.03163 ?
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