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18/03/2024 | FRANCE | N°18/04657

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 1re chambre civile, 18 mars 2024, 18/04657


Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
7 rue Pierre Abélard - CS 73127 - 35031 RENNES CEDEX - tél : 02.99.65.37.37




18 Mars 2024


1re chambre civile
54G

N° RG 18/04657 - N° Portalis DBYC-W-B7C-H2CH





AFFAIRE :


[U] [X]


C/

[F] [Y]
SA AXA France IARD
[O] [S] en qualité de liquidateur amiable de la SAS ETABLISSEMENTS [S]
CRAMA BRETAGNE PAYS DE LOIRE





copie exécutoire délivrée

le :

à :
COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Domini

que FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge

GREFFIER : Karen RICHARD

DÉBATS à l’audience publique du 20 Nov...

Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
7 rue Pierre Abélard - CS 73127 - 35031 RENNES CEDEX - tél : 02.99.65.37.37

18 Mars 2024

1re chambre civile
54G

N° RG 18/04657 - N° Portalis DBYC-W-B7C-H2CH

AFFAIRE :

[U] [X]

C/

[F] [Y]
SA AXA France IARD
[O] [S] en qualité de liquidateur amiable de la SAS ETABLISSEMENTS [S]
CRAMA BRETAGNE PAYS DE LOIRE

copie exécutoire délivrée

le :

à :
COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge

GREFFIER : Karen RICHARD

DÉBATS à l’audience publique du 20 Novembre 2023
David LE MERCIER assistant en qualité de juge rapporteur sans opposition des avocats et des parties

JUGEMENT
rendu au nom du peuple français,
en premier ressort, contradictoire, prononcé par Madame [C] [V], par sa mise à disposition au greffe le 18 Mars 2024, après prorogation du délibéré.

Jugement rédigé par David LE MERCIER

DEMANDEUR :

Monsieur [U] [X]
[Adresse 4]
représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, avocat au barreau de RENNES,

DEFENDEURS :

Monsieur [F] [Y]
[Adresse 5]
représenté par Me Frédérique SALLIOU de la SELARL ANDRÉ SALLIOU, avocat au barreau de RENNES,

S.A. AXA France IARD
[Adresse 3]
représentée par Me David COLLIN de la SELARL A.R.C, avocat au barreau de RENNES,

S.A.S. ETABLISSEMENTS [S]
représentée par son liquidateur amiable M. [O] [S]
[Adresse 1]
représentée par Me Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, avocats au barreau de RENNES,

CAISSE RÉGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE
[Adresse 2]
représentée par Maître Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS

Faits et procédure

Pour la construction de sa maison à Lehon (commune qui a fusionné avec [L] en 2018, ressort du tribunal judiciaire de Saint-Malo), M. [X] a chargé M. [Y], assuré par la société Axa France IARD (la société Axa), de travaux de couverture, dans le cadre desquels il a posé des ardoises annoncées de classe A, fournies par la société Etablissements [S] (la société [S]), assurée par la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire (la Crama).

La facture du 2 janvier 2007, faisant suite à un devis du 9 octobre 2005, a été payée.

Déplorant l'apparition de taches de rouille qui a conduit un expert amiable à retenir que les ardoises relevaient de la classe B (rapport Gravant du 14 mars 2016), M. [X] a assigné M. [Y] et la société [S] en référé-expertise devant le président du tribunal de grande instance de Saint-Malo.

Après que l'expertise ordonné le 11 août 2016 a été rendu commune aux sociétés de droit espagnol Pizarras Los Tres Cunados et Antera Pedrina, en tant que fournisseurs des ardoises litigieuses, l'expert judiciaire [F] [I] a déposé son rapport le 21 mai 2018 en retenant en substance que les ardoises contenant des pyrites ne relevaient pas de la classe A et en préconisant des travaux réparatoires d'un montant de 39 677 euros TTC.

Par actes des 12, 13 et 17 juillet 2018, M. [X] a assigné M. [Y] et les sociétés Axa, [S] et Crama devant le tribunal de grande instance de Rennes en indemnisation.

Par actes du 26 novembre 2019, les sociétés Crama et [S] ont « assigné en garantie » les sociétés Pizarras Los Tres Cunados et Antera Pedrina pour obtenir leur condamnation à les relever indemne (RG 19/07679). En mai 2020, le juge de la mise en état a refusé la jonction de cette instance en garantie à l'instance principale.

La liquidation amiable de la société [S] a été décidée le 31 juillet 2019.

Par assignation du 29 septembre 2021, M. [Y] a appelé en cause M. [O] [S], en sa qualité de liquidateur amiable. Cette assignation « en intervention forcée » s'étant vue attribuer un numéro de rôle distinct RG 21/06283, sa « jonction » a été ordonnée le 2 décembre 2021.

Par dernières conclusions notifiées le 23 août 2022, M. [X] demande au tribunal de :
«  CONDAMNER in solidum Monsieur [F] [Y], son assureur AXA France IARD, Monsieur [O] [S], liquidateur amiable de la société ETABLISSEMENTS [S] et son assureur la CRAMA LOIRE BRETAGNE à payer à Monsieur [U] [X] les indemnités suivantes :
- 39.677,70 € TTC au titre des travaux de reprise de la couverture, outre variation de l’indice BT 30 entre la date du devis SBO et celle du jugement à intervenir ;
- 1.388,12 € TTC au titre de la cotisation d’assurance DOMMAGES-OUVRAGE,
- 1.000,00 € au titre du trouble de jouissance qui sera subi pendant la durée du chantier ;
- 1.000,00 € au titre des soucis et tracas générés du fait des désordres et de la résistance opposée par les parties adverse à tout règlement amiable du litige ;
- 6.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
- CONDAMNER in solidum AXA FRANCE IARD et la CRAMA LOIRE BRETAGNE à payer à Monsieur [U] [X] l’intérêt au taux légal sur l’ensemble des indemnités allouées à compter de l’assignation en référé, ou subsidiairement de l’assignation au fond, et ORDONNER la capitalisation des intérêts.
CONDAMNER in solidum les parties succombantes aux entiers dépens, en ce compris les états de frais de fond, de référé et la taxe d’expertise judiciaire.
ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
DEBOUTER les parties de leurs demandes contraires. » 

Par dernières conclusions notifiées le 5 juillet 2022, M. [Y] demande au tribunal de :
« Condamner in solidum les ETABLISSEMENTS [S], prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [O] [S], la CRAMA et la Cie AXA à garantir Monsieur [Y] de toutes condamnations prononcées à son encontre au profit de Monsieur [X],  
Débouter Monsieur [X] de sa demande au titre des soucis et tracas chiffrés à 1 000 € comme étant non justifiée,

Condamner in solidum les ETABLISSEMENTS [S], prise en la personne de son liquidateur amiable, Monsieur [O] [S], la CRAMA LOIRE BRETAGNE et la Cie AXA à payer à Monsieur [Y] une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens.  »

Par dernières conclusions notifiées le 1er avril 2022, la société [S] et la Crama demandent de :
« A titre principal,
Déclarer irrecevable et mal fondée toutes demandes en ce qu’elle est dirigée contre Monsieur [O] [S]
Constater que toute action à l’encontre de Monsieur [O] [S] liquidateur relève de la compétence exclusive du Tribunal de Commerce de RENNES,
Constater que les demandes de Monsieur et Madame [X] ou de toutes autres parties sont irrecevables pour être forcloses,
Débouter Monsieur [X] ou toute autre partie de toute demande de condamnation en ce qu’elle est dirigée contre la société [S], Monsieur [O] [S] et/ou la CRAMA,
Subsidiairement,
Dire et juger que la garantie de la CRAMA ne pourra porter que sur les frais de main d’œuvre nécessaires aux travaux de reprise en excluant le coût de la fourniture des ardoises,
Dire et juger que la CRAMA sera bien fondée à opposer le montant de sa franchise telle que prévu au contrat laquelle franchise est opposable au bénéficiaire des indemnités ou à tout tiers s’agissant d’une garantie facultative.
En tout état de cause,
Condamner toute partie succombante au paiement d’une indemnité de 3 000.00 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner toute partie succombante aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL QUADRIGE AVOCATS par application de l’article 699 du Code de Procédure Civile. »

Par dernières conclusions notifiées le 19 février 2020, la société Axa demande au tribunal de :
« A titre principal :
Débouter Monsieur [X] de l’intégralité de ses demandes dirigées contre la Société AXA France IARD
En l’absence de désordre de nature décennale
Puisque la Société AXA France IARD n’est pas l’assureur à la date de la réclamation de Monsieur [Y], assuré à cette date auprès du GAN
Débouter Monsieur [Y] de sa demande en garantie
A titre subsidiaire :
Condamner in solidum la Société [S] et son assureur la CRAMA BRETAGNE PAYS DE LOIRE à relever intégralement indemne la Société AXA France IARD de toute condamnation
Décerner acte à la Société AXA France IARD qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande présentée au titre des travaux de reprise
Débouter Monsieur [X] de ses demandes présentées au titre :
- De son prétendu préjudice de jouissance
- De sa demande de troubles et tracas.
En toutes hypothèses :
Débouter Monsieur [X] de ses demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens
Condamner in solidum Monsieur [X], la Société [S] et la CRAMA, au paiement d’une somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens ».

Le 8 décembre 2022 ont été ordonnées la clôture de l'instruction et le renvoi de l'affaire devant le tribunal à l'audience de plaidoiries, fixée par la suite au 20 novembre 2023.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leurs moyens, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

Motifs

1. Sur les moyens invoqués par « M. [O] [S] »

La société [S] ayant fait l’objet d’une liquidation amiable en cours d’instance, M. [Y] a assigné M. [S] en sa qualité de liquidateur amiable.

Malgré son intitulé inapproprié d’« intervention forcée », cette assignation n’a manifestement pas pour objet de rendre un tiers, en l’occurrence M. [S], partie au procès, mais uniquement de s’assurer, s’il en était besoin, que la société [S] est régulièrement représentée à l’instance par la personne qui en a le pouvoir, à savoir son liquidateur amiable, comme en dispose l’article L. 237-24 du code de commerce.

Bien que M. [Y] mentionne improprement, dans l’entête de ses conclusions, M. [S] comme une partie distincte de la société [S], M. [S], assigné ès qualités de liquidateur, n’est pas une partie mais, comme l’expose M. [Y], le représentant légal de la partie qu’est la société [S].

M. [S] n’étant pas partie en son nom propre, il est irrecevable (sauf à considérer qu’il est intervenu volontairement à l’instance en son nom propre, ce qui n’est soutenu par personne), à voir déclarer irrecevable « toutes demandes en ce qu’elle est dirigée contre M. [O] [S] », aucune partie ne formulant de toute façon de prétention contre M. [S] en son nom propre.

L’exception d’incompétence qu’il présente en second lieu, au seul visa de l’article L. 721-3 du code de commerce, est également irrecevable pour le même motif, mais également aux motifs qu’il aurait dû la soulever devant le juge de la mise en état (article 789 du code de procédure civile) et en tout état de cause, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir (article 74 du même code).

2. Sur la demande principale

Pour obtenir la condamnation du couvreur, du vendeur des ardoises litigieuses et de leurs assureurs, à lui verser les sommes nécessaires au remplacement des ardoises, M. [X] invoque la responsabilité contractuelle du premier et l’obligation de délivrance conforme du second, au visa des articles 1134, 1147 dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et 1603 et 1604 du code civil.

2.1. Sur la recevabilité de la demande

Pour s’y opposer, la société [S] et son assureur Crama soulèvent une fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’action en garantie des vices cachés.

Etant relevé qu’il est désormais acquis que le délai biennal auquel l’article 1648 du code civil soumet l’action en garantie des vices cachés est un délai de prescription et non de forclusion (Ch. mixte., 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-15.809), les sociétés [S] et Crama sont irrecevables à opposer la forclusion ou la prescription à une action qui n’est pas exercée par le demandeur (cf. 3e Civ., 7 juin 2018, pourvoi n° 17-10.394, Bull. 2018, III, n° 59, idem 1re Civ., 5 juillet 2017, pourvoi n° 16-13.672).

Il en est de même pour l’action récursoire de M. [Y], qui se fonde également sur le défaut de délivrance conforme, et non sur la garantie des vices cachés.

La fin de non-recevoir tirée de la forclusion est donc rejetée.

2.2. Sur le bien-fondé de la demande

Il n’est pas litigieux :
- qu’une réception tacite sans réserve, et sans défaut apparent en ce qui concerne la couverture, a eu lieu le 31 août 2008,
- que le couvreur a posé des ardoises vendues par la société [S], selon un certificat de garantie les désignant comme conformes à la commande (ardoises de classe A, premier choix, premier tri),
- que le défaut des ardoises constitué par des coulures de rouille n’est qu’un désordre esthétique.

2.2.1. Sur la responsabilité du couvreur

Pour rechercher la responsabilité de M. [Y], M. [X] soutient que le couvreur a manqué à une obligation de livrer un ouvrage exempt de vice, qu’il fonde sur les dispositions de l’article 1134 du code civil, et est tenu de répondre d’un désordre intermédiaire, en application de l’article 1147 du même code.

M. [Y] ne conteste pas la demande M. [X], ses propres prétentions consistant à obtenir la garantie de son assureur Axa au titre d’une police facultative des dommages intermédiaires, du vendeur [S] et de la Crama.

Cette défense ne peut être considérée comme un acquiescement, même implicite, au sens des articles 408 et 410 du code de procédure civile, dans la mesure où la reconnaissance du bien-fondé de la demande initiale doit être interprétée comme étant subordonnée au succès de son recours contre son assureur au titre des dommages intermédiaires.

S’agissant d’un désordre apparu après réception et n’affectant pas la solidité ou la destination de l’ouvrage, qualifié de désordre intermédiaire, le constructeur n’est tenu que d’une responsabilité pour faute prouvée, en application de l’article 1147 (3e Civ., 22 mars 1995, pourvoi n° 93-15.233, Bulletin 1995 III N° 80 ; pour l’exemple d’un couvreur : 3e Civ., 23 septembre 2020, pourvoi n° 19-18.580).

M. [X] ne peut donc pas se contenter d’invoquer une obligation de livrer une ouvrage exempt de vice, ni de se fonder, cette fois à juste titre, sur la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs, mais sans alléguer ni, a fortiori, démontrer une faute du couvreur.

La demande, en ce qu’elle est dirigée contre M. [Y] est donc rejetée.

2.2.2. Sur la garantie d’Axa, assureur de M. [Y]

Tout en relevant que l’expert judiciaire n’a imputé aucune faute à son assuré la société Axa n’en tire aucune conséquence sur le fond de sa garantie des dommages intermédiaires, et se contente, pour prétendre au rejet de la demande indemnitaire de M. [X], de soutenir que sa garantie n’est plus mobilisable, sans toutefois démontrer que cette garantie a bien été resouscrite par M. [Y] auprès d’un autre assureur, comme l’exige l’article L. 124-5 du code des assurances.

La responsabilité de M. [X] n’étant pas retenue, la garantie de son assureur ne peut pas l’être davantage.

2.2.3. Sur la responsabilité de la société [S]

Au visa des articles 1147 et 1604 du code civil, M. [X] exerce une action directe contre le vendeur d’ardoises.

Pour s’opposer à la demande, la société [S] fait valoir qu’elle a livré des ardoises conformes à la commande puisqu’elles étaient accompagnées d’un certificat de garantie ardoises premier choix délivré par le fournisseur Pizarras.

Dès lors que les ardoises se sont révélées, après leur pose, atteintes de coulures de rouille qui les disqualifient, la société [S] a bien manqué à son obligation de délivrance conforme (cf . 3e Civ., 30 juin 2016, pourvoi n° 15-12.447, 15-22.690, Bull. 2016, III, n° 88).

Le manquement contractuel est donc établi.

2.2.4. Sur la garantie de la Crama

Au visa de l’article L. 113-1 du code des assurances, la Crama se prévaut d’une clause d’exclusion pour soutenir que sa garantie ne porte que sur les frais de main d’oeuvre nécessaires aux travaux de reprise, à l’exclusion du coût des ardoises.

M. [X] réplique que la Crama ne démontre pas que cette exclusion a été portée à la connaissance de l’assuré.

La société [S] est partie à l’instance et ne dénie pas avoir eu connaissance de cette exclusion, quand bien même aucun contrat signé et antérieur à la date de la vente litigieuse n’est produit aux débats.

Il s’ensuit que cette exclusion est opposable à l’assuré comme au tiers victime.

M. [X] soutient ensuite que cette exclusion ne résulte pas d’une clause formelle et limitée.

Selon la clause en question, dans les conditions générales, volet responsabilité civile après livraison, page 7 de la pièce 35 Crama, sont exclus, sous un titre « recommencement de la prestation, remboursement : », « les frais incombant à l’assuré pour réparer, améliorer, modifier, remplacer, refaire tout ou partie des produits, marchandises, matériels fournis, travaux exécutés ou pour leur en substituer d’autres, même de nature différente, ainsi que le coût du contrôle et la perte qu’ils subissent lorsque l’assuré est tenu d’en rembourser ou d’en diminuer le prix ».

Une telle clause est sujette à interprétation, notamment sur la délimitation précise des frais exclus, et n’est donc pas formelle et limitée (cf. 3e Civ., 27 octobre 2016, pourvoi n° 15-23.841, Bull. 2016, III, n° 140).

Il s’ensuit que la Crama n’oppose valablement aucune exclusion de garantie.

S’agissant de la franchise, la Crama ne met en mesure ni les autres parties ni le tribunal d’en déterminer le montant, ni même le principe. Est donc rejetée sa demande tendant à voir le tribunal « dire et juger [qu’elle] sera bien fondée à opposer le montant de sa franchise telle que prévu au contrat laquelle franchise est opposable au bénéficiaire des indemnités ou à tout tiers s’agissant d’une garantie facultative. »

2.2.5. Sur les indemnités

Les indemnités réclamées au titre de la réparation, conformes aux préconisations de l’expert judiciaire, ne sont pas discutées par les sociétés [S] et Crama, qui ne contestent donc pas que le préjudice résultant du manquement à l’obligation de délivrance conforme consiste en une réfection totale de la toiture.

Il y a ainsi lieu de condamner in solidum les sociétés [S] et Crama à verser à M. [X] les sommes de :
- 39 677,70 euros TTC au titre des travaux de reprise de la couverture, avec indexation sur l’indice BT30 entre le 23 mars 2017, date du devis SBO sur lequel s’est fondé l’expert, et la date du jugement,
- 1 388,12 euros TTC au titre de la cotisation d’assurance dommages-ouvrage,
- 1 000 euros au titre du trouble de jouissance qui sera subi pendant la durée du chantier.

S’agissant de la somme de 1 000 euros réclamée « au titre des soucis et tracas générés du fait des désordres et de la résistance opposée par les parties adverse à tout règlement amiable du litige », si la demande n’est pas expressément discutée, il n’y est pas non plus acquiescé.
Dès lors que n’est caractérisée aucune faute en lien de causalité avec un tel préjudice, que ce soit au titre du manquement à l’obligation de délivrance conforme, de la garantie de l’assureur ou du comportement procédural qui n’est pas allégué comme abusif, cette prétention est rejetée.

M. [X] demande la condamnation de la Crama, mais pas de la société [S], à l’intérêt au taux légal sur le fondement de l’article 1231-6 du code civil.

Ce fondement est erroné puisque, au delà de la référence inappropriée à un texte qui n’est pas applicable aux faits de l’espèce, la condamnation, qui ne sanctionne pas l’inexécution d’une obligation de somme d’argent mais est une condamnation indemnitaire, ne relève pas de l’ancien article 1153 (désormais 1231-6) mais de l’ancien article 1153-1 (1231-7) du code civil.

En application de ce texte, qui prévoit que la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement, à compter du prononcé du jugement, sauf décision contraire du juge, il y a lieu d’assortir les condamnations susvisées de l’intérêt au taux légal à compter du jugement.

En application des dispositions de l’article 1154 du même code, toujours dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, les intérêts seront capitalisés à compter du jugement, dès lors qu’ils seront dus pour une année entière.

3. Sur les frais d’instance et l’exécution provisoire

En application de l’article 696 du code de procédure civile, les sociétés [S] et Crama sont condamnées in solidum aux dépens, comprenant ceux de l’instance en référé et donc la rémunération de l’expert judicaire.

En application de l’article 700 du même code, elles sont condamnées in solidum à verser à M. [X] la somme de 5 000 euros.

Les autres demandes à ce titre sont rejetées.

En application de l’article 515 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, la nature et l’ancienneté du litige justifient que soit ordonnée l’exécution provisoire.

Dispositif

Le tribunal :

Dit que M. [O] [S] en son nom propre n’est pas partie à l’instance et est donc irrecevable à défendre contre des prétentions qui ne sont pas dirigées contre lui ;

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’action en garantie des vices cachés ;

Condamne in solidum la société Etablissements [S], représentée par son liquidateur amiable, M. [O] [S], et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire à verser à M. [X] les sommes de :
- 39 677,70 euros TTC au titre des travaux de reprise de la couverture, avec indexation sur l’indice BT30 entre le 23 mars 2017, date du devis SBO sur lequel s’est fondé l’expert, et la date du jugement,
- 1 388,12 euros TTC au titre de la cotisation d’assurance dommages-ouvrage,
- 1 000 euros au titre du trouble de jouissance qui sera subi pendant la durée du chantier,
- ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, avec capitalisation dès lors qu’ils sont dus pour une année entière ;

Condamne in solidum la société Etablissements [S], représentée par son liquidateur amiable, M. [O] [S], et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire aux dépens comprenant ceux de l’instance en référé et les honoraires de l’expert judiciaire ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la société Etablissements [S], représentée par son liquidateur amiable, M. [O] [S], et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire à verser à M. [X] la somme de 5 000 euros ;

Rejette le surplus des prétentions ;

Ordonne l’exécution provisoire.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/04657
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;18.04657 ?
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