TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :Madame [Y] [U]
Madame [M] [U]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :Me Fabrice POMMIER
Pôle civil de proximité
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PCP JCP ACR référé
N° RG 23/09636 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3Q3N
N° MINUTE : 1
ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 18 juillet 2024
DEMANDERESSE
Etablissement public PARIS HABITAT- OPH, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Fabrice POMMIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #J114
DÉFENDERESSES
Madame [M] [U], demeurant [Adresse 2]
non comparante, ni représentée
Madame [Y] [U], demeurant [Adresse 2]
non comparante, ni représentée
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Caroline THAUNAT, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Jennifer BRAY, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 16 mai 2024
ORDONNANCE
réputée contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 18 juillet 2024 par Caroline THAUNAT, Vice-présidente, assistée de Jennifer BRAY, Greffier
Décision du 18 juillet 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 23/09636 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3Q3N
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 25 février 2022, la société PARIS HABITAT OPH a consenti un bail d’habitation à Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] sur des locaux situés au [Adresse 2] étage, porte 51 outre une cave - [Localité 3], moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 429,13 euros outre une provision sur charges.
Par actes de commissaire de justice du 13 avril 2023, la bailleresse a fait délivrer aux locataires un commandement de payer la somme principale de 1929,63 euros au titre de l'arriéré locatif, visant la clause résolutoire prévue dans le contrat.
La commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] le 14 avril 2023.
Par assignations du 14 novembre 2023, la société PARIS HABITAT OPH a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en référé pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, être autorisée à faire procéder à l’expulsion de Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] et obtenir leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes :
- une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,
- 2046,46 euros à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 18 octobre 2023, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer,
- 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 15 novembre 2023, mais aucun diagnostic social et financier n'est parvenu au greffe avant l'audience.
À l'audience du 16 mai 2024, la société PARIS HABITAT OPH maintient l'intégralité de ses demandes, et précise que la dette locative, actualisée au 30 avril 2024, s'élève désormais à 1487,40 euros. La société PARIS HABITAT OPH considère enfin qu'il y a bien eu une reprise du paiement intégral du loyer courant avant l'audience, au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.
Bien que régulièrement assignées par actes de commissaire de justice respectivement délivrés à personne et à domicile, Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] n’ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter. Conformément à l’article 473 du code de procédure civile, il sera statué par décision réputée contradictoire.
La société PARIS HABITAT OPH sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours des délais de paiement.
En application de l'article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les parties ont été invitées à produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.
La société PARIS HABITAT OPH a précisé ne pas avoir connaissance de l’existence d’une telle procédure concernant Mme [M] [U] et Mme [Y] [U].
À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.
MOTIVATION
En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant alors droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
1. Sur la demande de constat de la résiliation du bail
1.1. Sur la recevabilité de la demande
La société PARIS HABITAT OPH justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.
Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.
Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
1.2. Sur la résiliation du bail
Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de location a été signifié aux locataires le 13 avril 2023. Or, d’après l'historique des versements, la somme de 1929,63 euros n’a pas été réglée par ces dernières dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d’apurement n’a été conclu dans ce délai entre les parties.
La bailleresse est donc bien fondée à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 14 juin 2023.
Cependant, selon l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.
Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.
En l’espèce, eu égard à l'accord des parties sur ce point et conformément à l'article 4 du code de procédure civile, la condition de reprise du paiement intégral du loyer courant avant la date de l'audience est réputée satisfaite.
Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier, et notamment de l’audience, que les revenus du foyer de Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] leur permettent raisonnablement d’assumer le paiement d’une somme de 100 euros par mois en plus du loyer courant afin de régler leur dette.
Dans ces conditions, il convient de leur accorder des délais de paiement pour s’acquitter des sommes dues, selon les modalités prévues ci-après, et de faire droit à la demande de la société PARIS HABITAT OPH de suspension les effets de la clause résolutoire durant le cours de ces délais.
En cas de respect de ces modalités de paiement, la clause résolutoire sera donc réputée n’avoir pas joué, et l’exécution du contrat de bail pourra se poursuivre.
L’attention des locataires est toutefois attirée sur le fait qu’à défaut de paiement d’une seule échéance comprenant le loyer et la mensualité d’apurement, la clause résolutoire sera acquise, et le bail résilié de plein droit, sans qu’une nouvelle décision de justice ne soit nécessaire : dans ce cas, et pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, la bailleresse pourra faire procéder à leur expulsion, et à celle de tout occupant de leur chef.
2. Sur la dette locative
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
En l’espèce, la société PARIS HABITAT OPH verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 30 avril 2024, Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] lui devaient la somme de 1250, 31 euros, soustraction faite des frais de procédure.
Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] n’apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, elles seront solidairement condamnées à payer cette somme à la bailleresse, à titre de provision, avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2023, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1344-1 du code civil.
Toutefois, eu égard aux délais de paiement évoqués ci-avant, il convient de différer l'exigibilité de cette somme en autorisant Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] à se libérer de cette dette selon les modalités détaillées ci-après.
3. Sur l’indemnité d’occupation
En cas de maintien dans les lieux des locataires ou de toute personne de leur chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation sera due. Au regard du montant actuel du loyer et des charges, son montant sera provisoirement fixé à la somme mensuelle de 609,19 euros.
L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, à partir du 1er mai 2024, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à la société PARIS HABITAT OPH ou à son mandataire.
4. Sur les frais du procès et l'exécution provisoire
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.
Mme [M] [U] et Mme [Y] [U], qui succombent à la cause, seront solidairement condamnées aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande par ailleurs de faire droit à hauteur de 150 euros à la demande de la société PARIS HABITAT OPH concernant les frais non compris dans les dépens, en application des dispositions précitées.
Selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Selon le dernier alinéa de l’article 514-1 du même code, le juge ne peut toutefois pas écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé. La présente ordonnance sera donc assortie de l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS,
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par ordonnance mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en premier ressort,
CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 13 avril 2023 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois,
CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu le 25 février 2022 entre la société PARIS HABITAT OPH, d’une part, et Mme [M] [U] et Mme [Y] [U], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 2], porte 51 outre une cave - [Localité 3] est résilié depuis le 14 juin 2023,
CONDAMNE solidairement Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] à payer à la société PARIS HABITAT OPH la somme de 1250, 31 euros à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 30 avril 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2023,
AUTORISE Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] à se libérer de leur dette en réglant chaque mois pendant 12 mois, en plus du loyer courant, une somme minimale de 100 euros (quatre-vingt-dix-neuf euros), la dernière échéance étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais,
DIT que le premier règlement devra intervenir dans les dix jours suivant la signification de la présente décision, puis, pour les paiements suivants, en même temps que le loyer, au plus tard le dixième jour de chaque mois, sauf meilleur accord entre les parties,
SUSPEND les effets de la clause résolutoire pendant l’exécution des délais de paiement accordés à Mme [M] [U] et Mme [Y] [U],
DIT que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais été acquise,
DIT qu’en revanche, pour le cas où une mensualité, qu'elle soit due au titre du loyer et des charges courants ou de l’arriéré, resterait impayée quinze jours après l’envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception,
le bail sera considéré comme résilié de plein droit depuis le 14 juin 2023,
le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,
la bailleresse pourra, à défaut de libération spontanée des lieux et dès l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, faire procéder à l’expulsion de Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] et à celle de tous occupants de leur chef, au besoin avec l’assistance de la force publique,
le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,
Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] seront solidairement condamnées à verser à la société PARIS HABITAT OPH une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, et ce, jusqu’à la date de libération effective et définitive des lieux,
RAPPELLE que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire,
CONDAMNE solidairement Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] à payer à la société PARIS HABITAT OPH la somme de 150 euros (cent cinquante euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE solidairement Mme [M] [U] et Mme [Y] [U] aux dépens comprenant notamment le coût des commandements de payer du 13 avril 2023 et celui des assignations du 14 novembre 2023.
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.
La Greffière La Juge