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28/05/2024 | FRANCE | N°20/11987

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 1ère section, 28 mai 2024, 20/11987


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




18° chambre
1ère section

N° RG 20/11987
N° Portalis 352J-W-B7E-CTJJP

N° MINUTE : 3

contradictoire

Assignation du :
23 Novembre 2020







JUGEMENT
rendu le 28 Mai 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. HOTEL TRIANON
[Adresse 2]
[Localité 7]

S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES
prise en la personne de Maître [C] [B], es-qualité d’administrateur judiciaire de la société HOTEL TRIANON, en int

ervention forcée,
[Adresse 6]
[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. AXYME
prise en la personne de Maître [I] [P], es-qualité de madataire judiciaire de la société HOTEL TRIANON, en intervention fo...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

18° chambre
1ère section

N° RG 20/11987
N° Portalis 352J-W-B7E-CTJJP

N° MINUTE : 3

contradictoire

Assignation du :
23 Novembre 2020

JUGEMENT
rendu le 28 Mai 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. HOTEL TRIANON
[Adresse 2]
[Localité 7]

S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES
prise en la personne de Maître [C] [B], es-qualité d’administrateur judiciaire de la société HOTEL TRIANON, en intervention forcée,
[Adresse 6]
[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. AXYME
prise en la personne de Maître [I] [P], es-qualité de madataire judiciaire de la société HOTEL TRIANON, en intervention forcée,
[Adresse 3]
[Localité 4]

Toutes trois représentées par Maître Elodie MARCET de l’AARPI CABINET BRAULT ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0082

DÉFENDERESSE

S.C.I. DIDEROT-TRIANON
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Me Thierry DAVID, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0436

Décision du 28 Mai 2024
18° chambre 1ère section
N° RG 20/11987 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTJJP

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe,
Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,

assistés de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,

DÉBATS

A l’audience du 06 Février 2024, tenue en audience publique, devant Monsieur Jean-Christophe DUTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

Par acte sous seing privé du 26 juin 2006 la SCI DIDEROT-TRIANON a donné à bail en renouvellement à la SARL FINANCIERE DIDEROT « HOTEL TRIANON », devenue par l’effet de modifications de la forme sociale et de la dénomination sociale, la SAS HOTEL TRIANON, des locaux commerciaux situés [Adresse 2] dans le [Localité 7] à [Localité 7], pour une durée de 9 années, à compter du 1er juillet 2000, moyennant un loyer annuel de 85.006 euros en principal, porté, après révision, à la somme de 94.221,43 euros au 1er juillet 2003. Le bail s’est ensuite prolongé tacitement.

La destination est la suivante :  usage d’hôtel.

Par courrier du 19 mars 2020, la SAS HOTEL TRIANON a informé le mandataire du bailleur qu’elle était contrainte de suspendre le paiement des loyers à venir et de solliciter le report des échéances, en raison de la fermeture administrative relative à la crise sanitaire de la Covid 19.

Par courrier recommandé notifié le 13 mai 2020, la SAS HOTEL TRIANON a sollicité une franchise totale du loyer au titre du 2ème trimestre 2020 « voire au-delà en fonction de la durée de la crise sanitaire et de son impact sur l’activité hôtelière », un report de l’exigibilité des loyers dus à la suite de la reprise de l’activité, ainsi qu’une mensualisation jusqu’à la fin de l’année 2020.

Par acte extra-judiciaire du 21 septembre 2020, la SCI DIDEROT-TRIANON a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire à la SAS HOTEL TRIANON, alors SARL HOTEL TRIANON, ayant pour cause, une créance de 59.525,50 euros au titre de la dette locative arrêtée au 9 juillet 2020 (en ce, inclus des frais de prélèvements impayés), et 384,82 euros au titre du coût de l’acte.

Par exploit d’huissier du 23 novembre 2020, la SAS HOTEL TRIANON a fait assigner la SCI DIDEROT-TRIANON devant le tribunal judiciaire de Paris en opposition à commandement, et subsidiairement, en demande de délais de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire.

Par jugement du 17 novembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la SAS HOTEL TRIANON, fixé la date de cessation des paiements au 22 octobre 2021, et désigné comme administrateur la SELARL AJ ASSOCIES en la personne de Me [C] [B] [Adresse 6], avec pour mission : d'assister, le mandataire judiciaire désigné la SELARL AXYME en la personne de Me [I] [P] [Adresse 3]. 

Par courrier recommandé notifié le 18 janvier 2022 au mandataire judiciaire, la SCI DIDEROT-TRIANON a déclaré une créance de 202.087,79 euros d’arriéré locatif, ou, après compensation avec le dépôt de garantie, la somme de 148.006,41 euros.

Par exploit d’huissier du 9 mars 2022, la SCI DIDEROT-TRIANON a fait assigner en intervention forcée la SELARL AJ ASSOCIES, en qualité d’administrateur judiciaire, et la SELARL AXYME en la personne de Me [C] [I] [P], en qualité de mandataire de la société HOTEL TRIANON.

Par ordonnance du 20 juin 2022, la jonction a été ordonnée.

Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA, le 10 janvier 2023, la SAS HOTEL TRIANON demande au tribunal judiciaire de Paris de :

dire et juger qu’elle est recevable et bien fondée en ses demandes;
dire et juger recevables et bien fondées en leurs demandes la SELARL AJ Associés représentée par Me [C] [B], en qualité d’administrateur de la SAS HOTEL TRIANON, et la société AXYME, en qualité de mandataire judiciaire;
À titre principal,

dire et juger que l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre du preneur interrompt la présente action en justice des bailleurs tendant à la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et à la condamnation du débiteur au paiement de la somme de 149.119,59 euros TTC, correspondant aux loyers et charges à la date du 15 juin 2021 ;
déclarer la société bailleresse irrecevable en l’ensemble de ses demandes tendant à l’acquisition de la clause résolutoire du bail et à la condamnation au paiement de sommes d’argent par ailleurs injustifiées ;
En tout état de cause,

dire et juger que le commandement de payer litigieux se trouve privé d’effet dès lors qu’il a été délivré dans des conditions exemptes de toute bonne foi ;
dire et juger privées de toute exigibilité les sommes dont le paiement est sollicité sur le fondement de l’absence de bonne foi dans l’exécution de la convention ;
dire privées d’exigibilité les sommes visées au regard de la perte partielle et temporaire de la chose louée, sur le fondement de l’article 1722 du code civil ;
débouter le bailleur de ses demandes ;
condamner la SCI DIDEROT-TRIANON à lui payer, ainsi qu’à la SELARL AJ Associés et à la société AXYME la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la SCI DIDEROT-TRIANON aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de Me Elodie MARCET, cabinet Brault & Associés.
Au soutien de ses prétentions, la SAS HOTEL TRIANON énonce:
qu’en vertu des dispositions des articles L. 622-21 et L 622-22 du code de commerce, le bailleur ne peut se prévaloir du bénéfice de l’acquisition de la clause résolutoire à son profit et obtenir la condamnation au paiement du preneur au titre d’un arriéré locatif ; qu’il devra être déclaré irrecevable en toutes ses demandes ; que le commandement de payer délivré par le bailleur l’a été dans des conditions exclusives de toute bonne foi, en ce qu’il vise uniquement les loyers des 1er et 2ème trimestres 2020 (période du 1 er janvier au 30 juin), soit les loyers exigibles pendant la période de confinement administratif; que le commandement vise en outre des frais de prélèvements impayés non justifiés, car non contractuellement prévus, qui sont de surcroît soumis à la TVA et un coût exorbitant de délivrance de l’acte d’un montant de 354,82 euros ; que l’atteinte à l’obligation de bonne foi est également caractérisée par le refus de trouver une solution amiable, fondée sur les termes de l’ordonnance relative à la neutralisation des mesures d’exécution forcée, au regard des circonstances particulières, et compte tenu du fait qu’elle accueille une clientèle internationale, ce que le bailleur ne pouvait ignorer; qu’elle est pour sa part de bonne foi comme l’attestent ses courriers, ce qui justifie en soi, le fait d’écarter la validité du commandement de payer ; que les nombreuses mesures de police administrative prises dans le cadre de la lutte contre la pandémie de la Covid-19 ont rendu impossible pour tout exploitant hôtelier d’user des locaux en conformité avec leur destination contractuelle ; que cette situation a occasionné une perte partielle de la chose louée, au sens des dispositions de l’article 1722 du code civil, justifiant pleinement la dispense par le tribunal de tout paiement de loyers et charges pour les 1er et 2ème trimestres 2020, tels que visés par le commandement, mais également au-delà, et au moins jusqu’au 30 septembre 2020 ;
Par conclusions notifiées le 10 mars 2023, la SCI DIDEROT-TRIANON demande au tribunal judiciaire de Paris de :

débouter la SAS HOTEL TRIANON de l’ensemble de ses demandes ;
la recevoir en ses demandes ;
ordonner la compensation à due concurrence entre le montant de sa créance de charges et loyers et le montant du dépôt de garantie ;
fixer la créance de la SCI DIDEROT TRIANON au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’encontre de la SAS HOTEL TRIANON, à la somme de 148.006,41 euros ;
condamner la SAS HOTEL TRIANON à reconstituer le montant du dépôt de garantie entre ses mains afin qu’il corresponde, conformément au bail, à un semestre de loyer en principal ;
subsidiairement, fixer sa créance au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’encontre de la SAS HOTEL TRIANON, à la somme de 202.087,79 euros ;
condamner la SAS HOTEL TRIANON à lui verser la somme de 3.000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la SAS HOTEL TRIANON aux entiers dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer du 21 septembre 2020 ;
rappeler qu’aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision de rendue n’en dispose autrement.

Au soutien de ses prétentions, la SCI DIDEROT-TRIANON énonce :
que nonobstant le principe de suspension des poursuites, rien n’interdit en bailleur de demander la fixation de sa créance ; qu’elle a fait preuve de bonne foi, en ce que par courrier électronique du 21 avril 2020, elle a sollicité amiablement du preneur qu’il justifie réunir les conditions permettant de bénéficier d’un report de loyer, ce qu’il n’a jamais jugé utile de faire ; qu’en outre, elle rappelle que l’Etat a mis en place un certain nombre d’aides (chômage partiel, fond de solidarité, prêts garantis par l’Etat) dont le preneur pouvait bénéficier ; qu’il ne produit aucun justificatif des aides perçues ; qu’il est désormais constant que la mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir du public n’entraine pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d’une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance, et qu’un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers ;que s’agissant de la compensation avec le dépôt de garantie d’un montant de 54.081,38 euros, au jour du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, elle fait valoir qu’aux termes de l’article L 622-7 du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ; que selon l’article 1348-1 du code civil, le juge ne peut refuser la compensation de dettes connexes au seul motif que l'une des obligations ne serait pas liquide ou exigible. Dans ce cas, la compensation est réputée s'être produite au jour de l'exigibilité de la première d'entre elles ; qu’en conséquence, la compensation est admise si les créances sont dites « connexes » dès lors qu’elles sont réciproques, fongibles et certaines ;
que s’agissant de la reconstitution du dépôt de garantie, elle fait valoir que le bail stipule qu’il doit être à hauteur d’un semestre de loyer et qu’il convient d’en faire application. La clôture a été prononcée le 23 mars 2023.
L’audience de plaidoirie s’est tenue le 6 février 2024.
La décision a été mise en délibéré au 28 mai 2024.

MOTIVATION

A titre liminaire, le tribunal rappelle qu’en application de l’article 4 du code de procédure civile, les demandes tendant à “dire”, ”juger” et “constater” ne constituent pas des prétentions en ce qu’elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi, ces demandes n’étant que le rappel des moyens invoqués

Sur la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire

Selon l'article L. 145-41 du code de commerce, un contrat de bail commercial peut contenir une clause prévoyant la résiliation de plein droit si elle ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter infructueux, le commandement devant, à peine de nullité, mentionner ce délai. En outre, ce commandement de payer visant la clause résolutoire du bail ne peut produire effet que s’il a été délivré de bonne foi, conformément à l’exigence de l’article 1134 devenu 1104 du code civil, les parties étant tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations

Il est constant que sont privés d’effet les commandements de payer visant la clause résolutoire, qui, quoique répondant aux conditions légales, sont délivrés de mauvaise foi par le bailleur, soit dans des circonstances démontrant sa volonté d’exercer déloyalement sa prérogative de mise en jeu de la clause résolutoire.

Il sera cependant rappelé que la bonne foi se présume et que la preuve de la mauvaise foi du bailleur incombe au preneur qui l’invoque et s’apprécie au jour où le commandement a été délivré.

En l’espèce, il ressort du courrier du 19 mars 2020, et du courrier recommandé notifié le 13 mai 2020 que la SAS HOTEL TRIANON a alerté son bailleur, de ce que la crise sanitaire était de nature à impacter sa capacité à honorer ses paiements. Plus particulièrement, il ressort du courrier recommandé précité que le preneur a adressé un long exposé qui fait état d’une situation qui s’aggrave (fermeture de l’établissement après annulation des réservations de tous les clients), qu’il indique que les justificatifs sollicités par le bailleur se fondent sur l’éligibilité à un régime d’aide spécifique (fonds de soutien), alors qu’il fait valoir que sa situation est régie par un texte de nature plus générale adopté pendant la crise (art 4 de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020, telle que modifiée par l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2000) ; qu’il informe en outre de l’existence d’un médiateur aux loyers commerciaux, de mesures fiscales incitatives pour le bailleur (Loi de finances rectificative du 23 avril 2020), de l’existence de franchises accordées par d’autres bailleurs institutionnels ; qu’il sollicite outre un report, une franchise, et une mensualisation des loyers.

A la suite de ces alertes, il n’est pas contesté que la SCI DIDEROT-TRIANON n’a proposé aucune franchise, même partielle, aucun report, même temporaire, aucune mensualisation, ni aucune mesure de soutien, pendant cette période de crise sanitaire, alors qu’elle a été dûment informée de ce risque d’impayé, et qu’elle ne pouvait ignorer l’ampleur de la crise sanitaire liée à la COVID 19 dont les effets sur les activités commerciales impliquant le déplacement et l’accueil d’un public, étaient notoires, outre les conséquences exposées par le preneur sur sa situation.
La circonstance de ce que l’Etat a mis en place des dispositifs d’aide n’exonérait pas le bailleur de son obligation de bonne foi, par l’initiative d’une proposition de mesure de soutien, même minimale, ou le maintien d’un dialogue, sur une durée suffisante, pour trouver une solution amiable. Or, il ressort manifestement du courrier électronique du 21 avril 2020 que le bailleur n’entendait prendre aucune initiative, et entendait se borner à la stricte application de la loi si le preneur justifiait qu’il remplissait « les conditions énoncées par le gouvernement pour bénéficier d’un report de loyer ». Quatre mois et huit jours (en ce inclus, la période estivale), après avoir reçu le courrier recommandé notifié le 13 mai 2020, l’informant de façon plus exhaustive des difficultés du preneur, d’un régime juridique éventuellement applicable à ses prétentions, de l’existence de mesures fiscales incitatives pour les bailleurs, et de l’existence d’un dispositif de médiation en matière de loyers commerciaux, la SCI DIDEROT-TRIANON a fait délivrer le commandement litigieux, sans répondre à aucun des éléments évoqués dans ledit courrier, ce qui était contraire à l’obligation de bonne foi.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 septembre 2020 n’a pas été délivré dans le respect de l’obligation de bonne foi.

En conséquence, il doit être déclarer nul et de nul effet, et la clause résolutoire ne saurait en conséquence, être acquise.

Sur l’exigibilité de la dette locative

Selon les articles 1134 et 1728 du code civil dans leur rédaction applicable au présent contrat, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.

Il est constant que la mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir du public n’entraine pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d’une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance, et qu’un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers.
Aux termes du point II de l’article L.622-21 du code de commerce, le jugement d’ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes.
En l’espèce, le décompte produit par le bailleur arrêté au 1er avril 2021 présentant un solde en sa faveur de 149.119,59 euros n’est pas contesté. Lors de sa déclaration de créance par courrier du 15 décembre 2022, la SCI DIDEROT-TRIANON réclame une somme de 202.087,79 euros (sans précision de la date d’arrêté des comptes), et en cas de compensation avec le dépôt de garantie, la somme de 148.006,41 euros.

Les sommes déclarées par le bailleur ne sont pas critiquées par le preneur.

Le preneur se borne à contester l’exigibilité des sommes tenant au principe de suspension des poursuites, mais ce moyen ne saurait prospérer en ce que la suspension ne vaut que pour les dettes non échues à la date du jugement d’ouverture soit le 17 novembre 2021. Or, le preneur ne fournit aucun décompte, ni aucun quantum, permettant d’apprécier que tout ou partie des sommes déclarées en créances ont échu postérieurement au jugement d’ouverture.

Par ailleurs, le moyen tiré de la perte de la chose louée ne saurait prospérer en ce que la mesure était générale et temporaire, avait pour seul objectif de préserver la santé publique et était sans lien direct avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat, lequel local est demeuré à la disposition du preneur, et conforme à sa destination.

Il en résulte que les créances déclarées au titre des dettes locatives doivent être considérées comme exigibles.

Le dépôt de garantie versé par la SAS HOTEL TRIANON d’un montant de 54.081,38 euros au moment du jugement d’ouverture de la procédure collective visant à garantir le paiement des dettes locatives, la compensation de ces créances qui sont réciproques, fongibles et certaines, compensation qui échappe au principe de suspension des poursuites, doit donc être ordonnée.

En conséquence, il y a lieu de fixer la somme de 148.006,41 euros au passif de la SAS HOTEL TRIANON.

Sur la reconstitution du dépôt de garantie

Selon l’article 1134 ancien du code civil dans sa rédaction applicable au présent contrat, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, le contrat prévoit dans sa clause intitulée « dépôt de garantie », « cette somme restera entre les mains du bailleur pendant toute la durée du bail », et que le dépôt de garantie devra « toujours représenter un semestre de loyer principal ».

En conséquence, au regard de la compensation précédemment opérée, il sera ordonné à la SAS HOTEL TRIANON de verser à la SCI DIDEROT-TRIANON un dépôt de garantie à hauteur d’un semestre de loyer principal, ce versement étant une garantie qui n’a pas un effet attributif, de sorte qu’il n’est pas soumis au principe de suspension des poursuites.

Sur les autres demandes

L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l’espèce, les deux parties ayant succombé partiellement dans leurs demandes conserveront la charge de leurs dépens respectifs.

L’article 700 du code de procédure civile prévoit que la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès peut être condamnée à payer à l’autre partie au paiement d’une somme destinée à compenser les frais exposés pour le procès et non compris dans les dépens. Dans ce cadre, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique des parties.

En l’espèce, l’équité tenant à la situation économique de la SAS HOTEL TRIANON commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe à la date du délibéré ;

Déclare nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 21 septembre 2020 à la SAS TRIANON par la SCI DIDEROT-TRIANON ;
Ordonne la compensation entre la créance de la SCI DIDEROT-TRIANON au titre des dettes locatives arrêtées le 16 novembre 2021 et le dépôt de garantie versé par la SAS TRIANON au titre du bail commercial liant les deux parties portant sur locaux situés [Adresse 2] dans le [Localité 7] à [Localité 7] ;
Fixe la somme de 148.006,41 euros au passif de la SAS HOTEL TRIANON ;
Ordonne à la SAS HOTEL TRIANON de verser à la SCI DIDEROT-TRIANON un dépôt de garantie à hauteur d’un semestre de loyer principal, au titre du bail commercial liant les deux parties portant sur locaux situés [Adresse 2] dans le [Localité 7] à [Localité 7] ;
Rejette le surplus des demandes ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens;Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ; Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 28 Mai 2024.

Le GreffierLe Président

Christian GUINAND Sophie GUILLARME


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 20/11987
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;20.11987 ?
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