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29/04/2024 | FRANCE | N°23/03394

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 29 avril 2024, 23/03394


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Monsieur [O] [L]
Madame [U] [L] [X]
Maître Aude ABOUKHATER

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Catherine HENNEQUIN

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/03394 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZUDY

N° MINUTE :
1 JCP






JUGEMENT
rendu le lundi 29 avril 2024


DEMANDERESSE
S.A. REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 3], dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée pa

r Maître Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #P0483

DÉFENDEURS
Monsieur [O] [L], demeurant [Ad...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Monsieur [O] [L]
Madame [U] [L] [X]
Maître Aude ABOUKHATER

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Catherine HENNEQUIN

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/03394 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZUDY

N° MINUTE :
1 JCP

JUGEMENT
rendu le lundi 29 avril 2024

DEMANDERESSE
S.A. REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 3], dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #P0483

DÉFENDEURS
Monsieur [O] [L], demeurant [Adresse 1]
non comparant, ni représenté

Madame [U] [L] [X], demeurant [Adresse 1]
non comparante, ni représentée

Monsieur [C] [D], demeurant [Adresse 1]
représenté par Maître Aude ABOUKHATER de l’AARPI HUG & ABOUKHATER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #G0031

Madame [S] [J] [D], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Aude ABOUKHATER de l’AARPI HUG & ABOUKHATER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #G0031

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

Décision du 29 avril 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/03394 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZUDY

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 26 février 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 29 avril 2024 par Mathilde CLERC, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat en date du 11 décembre 2018, la Régie Immobilière de la ville de [Localité 3] (RIVP) a consenti à M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] un bail portant sur un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 1].

Suspectant un hébergement non autorisé de tiers, la RIVP a, par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 27 octobre 2022, demandé aux locataires de lui présenter les personnes occupant le logement afin de régulariser leur situation locative ou de donner congé de l’appartement. Elle a ensuite obtenu l'autorisation de faire procéder à un constat, suivant ordonnance du juge des contentieux de la protection du 16 janvier 2023, dressé le 27 janvier 2023.

Le commissaire de justice a constaté que le logement était occupé par Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] et leur nourrisson. Les époux ont déclaré occuper les lieux depuis janvier 2022 et régler un loyer en espèces à M. [E] [L], fils des locataires en titre.

Par acte d'huissier en date du 3 avril 2023, la RIVP a fait assigner M. [O] [L], Mme [U] [L]-[X], Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] devant le juge des contentieux du tribunal judiciaire de Paris aux fins, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
prononcer la résiliation judiciaire du bail pour inoccupation et cession illicite du logement,ordonner l'expulsion immédiate de M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] et tous occupants de leur chef, et notamment de Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] et, ce avec l'assistance d’un serrurier et de la force publique s'il y a lieu, dire et juger que le sort des meubles sera régi par les articles L433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécutionsupprimer le délai de deux mois de l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécutioncondamner in solidum M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X], Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] à lui verser une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter de la date de la résiliation et jusqu'à la libération effective,condamner M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] à payer à la RIVP la somme de 12.000 euros à parfaire, au titre des fruits civils,condamner in solidum M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X], Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] [F] à lui verser une indemnité de 1200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens comprenant le constat d'huissier.
A l'audience du 26 février 2024, la RIVP, représentée par son conseil, a soutenu les demandes contenues dans son assignation.

Au soutien de ses prétentions, la RIVP expose avoir été informée, par la gardienne de l’immeuble, du fait que les locataires avaient laissé leur logement à leur fils, lequel l’avait sous-loué à des tiers, en contravention avec l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 et l’article 5 du contrat de bail. Elle rappelle que cette sous-location illicite a été constatée par commissaire de justice, après autorisation donnée par le juge des contentieux de la protection.

M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X], cités à comparaitre selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile, n’ont pas comparu ni n’ont été représentés.

Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] ont été représentés par leur conseil, qui a soutenu oralement les demandes contenues dans ses conclusions :
des délais pour quitter les lieux ;à titre reconventionnel, que soit prononcée la nullité du contrat conclu entre M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] d’une part, et Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] d’autre part, portant sur le bien litigieux,la condamnation de M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] à leur restituer les loyers versés soit la somme de 15.400 euros ;la condamnation de M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] à leur verser la somme de 5000 euros en réparation de leur préjudice moral ;qu’il soit dit que chaque partie conservera à sa charge ses frais et ses dépens ;l’exclusion des dépens du coût du procès-verbal de constat ;que soit écartée l’exécution provisoire.
S’ils reconnaissent à l’audience leur occupation sans droit ni titre du logement litigieux, ils précisent qu’ils ignoraient, au moment de leur entrée dans les lieux, son caractère illicite. Ils déclarent avoir, de bonne foi, conclu un contrat de bail verbal avec M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X], à qui ils auraient versé un loyer supérieur au montant réglé par les locataires en titre à la RIVP.

Ils précisent qu’ils n’auraient pas accepté de conclure ce contrat s’ils en avaient connu l’interdiction.

Ils dénoncent enfin des pressions et des violences de la part du fils des locataires en titre, à l’origine d’un préjudice moral, accru par l’angoisse que génère leur expulsion imminente, et ce alors qu’en charge d’un jeune enfant, ils n’ont pas de solution de relogement immédiate.

L'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe, le 29 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

En l’espèce, M. [O] [L] et Mme [U] [L] [X] n’ont pas comparu, de sorte qu’il sera fait application des dispositions précitées.

Sur la résiliation judiciaire du bail et ses conséquences

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. L'article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En application de l'article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Il appartient à celui qui se prévaut de la résiliation judiciaire du contrat de rapporter la preuve du manquement et de justifier de sa gravité suffisante à entraîner la résiliation du contrat de bail aux torts du locataire et son expulsion des lieux.

Par ailleurs, en application des articles 2 de la loi du 6 juillet 1989, et R.641-1 du code de la construction et de l'habitation et 5 du contrat de bail, les locaux loués doivent constituer la résidence principale effective du preneur et être ainsi occupés au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle notamment.

Enfin, il sera rappelé qu'en vertu de l'article 8 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l'accord écrit du bailleur. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous- loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal.

Il s’en déduit que le loyer du sous-bail ne peut excéder celui du bail principal.

En l’espèce, la RIVP produit un courriel à elle adressé le 22 octobre 2022 par la gardienne de l’immeuble, une lettre recommandée par elle adressée le même jour aux locataires en titre demeuré sans réponse, outre un constat d’huissier du 27 janvier 2023, auquel ont été annexés des échanges de SMS entre M. [E] [L], fils des locataires en titre, et M. [C] [D], dont il résulte que l’appartement est occupé par M. et Mme [D] depuis le mois de janvier 2022. Il apparaît en outre que M. [E] [L] réclamait à M. et Mme [D] le versement du loyer en espèces, outre le remboursement des factures d’électricité.

Il est ainsi établi que l’appartement loué par les époux [L] a été donné en sous-location à compter du mois de janvier 2022 à M. et Mme [D], par M. [E] [L], fils des preneurs.

Il a précédemment été démontré que la sous-location dans le parc locatif social était non seulement illicite au regard du contrat de bail signé mais qu’elle était aussi illégale.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments une violation manifeste des locataires à leurs obligations, violation suffisamment grave pour justifier de la résiliation du bail à leurs torts exclusifs à compter de ce jour.

Les preneurs, M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X], n'ayant pas délivré congé des lieux, deviennent ainsi sans droit ni titre. Le contrat de bail étant par ailleurs résilié, la sous-location cesse d’exister et les sous-locataires n’ont plus de titre pour rester dans les lieux. Il convient ainsi d'ordonner l’expulsion de M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] ainsi que celle de Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D], selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Il sera rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l’application relève, en cas de difficulté -laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l’exécution et non de la présente juridiction.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Sur la suppression du délai de deux mois prévu à l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution

L'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose : « Si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque la procédure d'expulsion porte sur un lieu habité en vertu du dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l'occupation de résidents temporaires, régi par l'article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, réduire ou supprimer ce délai.
Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte ».

Il sera rappelé que la notion de voie de fait est un critère objectif de différenciation et qui tend à distinguer d'une part les personnes entrées dans les lieux en bénéficiant d’un titre d’occupation délivré par le propriétaire et d'autre part les personnes entrées dans les lieux sans avoir jamais eu l'accord du propriétaire ni avoir été titulaires d'un titre quelconque sans avoir été induit en erreur ou abusé sur l'étendue de leurs droits, même en l'absence d'effraction ou de dégradation des locaux occupés.

En l’espèce, il est établi par les échanges de SMS annexés au constat d’huissier, que M. et Mme [D] ont sollicité leur contrat de bail écrit à plusieurs reprises, ce qui corrobore leurs déclarations, en vertu desquelles ils pensaient avoir contracté avec le propriétaire du logement et non avec un locataire. Il est ainsi démontré qu’ils sont entrés dans les lieux après avoir été abusés sur l’étendue de leurs droits par le fils des locataires en titre.

La mauvaise foi des locataires en titre et la bonne foi des sous-locataires sont ainsi établies.

En conséquence, il y a lieu d’ordonner l’expulsion immédiate de M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] en supprimant le délai de deux mois prévu à l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution.

Il n’y a toutefois pas lieu de supprimer le délai au bénéfice de M. et Mme [D], lesquels ne pourront donc être expulsés qu’à l’issue d’un délai de deux mois à l’issue du commandement d’avoir à quitter les lieux.

Sur la demande de délais supplémentaires

Aux termes des dispositions combinées des articles L.613-1 du code de la construction et de l'habitation, L.412-3, L.412-4, L.412-6 à L.412-8 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d'habitation dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Pour la fixation de ces délais, il doit notamment tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. La durée de ces délais ne peut être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans.

En l’espèce, M. et Mme [D] démontrent avoir formé une demande de logement social le 24 octobre 2022, Mme [D] ayant été reconnue prioritaire et devant être logée d’urgence par la commission de médiation du droit au logement opposable. M. [D] démontre avoir la qualité de travailleur handicapé, qu’il explique par un lymphome avec suivi nécessaire en chimiothérapie. Le couple justifie également de la naissance d’un enfant le 21 novembre 2022 et d’un revenu annuel net imposable de 22.857 euros déclaré au titre de l’année 2022.

Il convient, au regard de leur situation familiale et économique, d’accorder à M. et Mme [D] un délai supplémentaire de trois mois pour quitter les lieux, qui s’ajoutera au délai de deux mois prévu à l’article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Sur la demande en paiement au titre de l'indemnité d'occupation

Le locataire est redevable des loyers impayés jusqu'à la date de résiliation du bail en application des articles 1103 et 1217 du code civil. Par ailleurs, le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

Le locataire est le seul débiteur contractuellement tenu par le contrat de bail, en application de l'article 1199 du code civil précisant que le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties et que les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraints de l'exécuter, et dès lors qu'il n'est justifié d'aucune cotitularité du bail de droit au sens de l'article 1751 du code civil ni solidarité légale des charges ménagères au sens des articles 220 ou 515-4 du code civil.

En revanche, en ce que l'indemnité d'occupation, de nature délictuelle, trouve son fait générateur dans l'occupation du bien, y sont tenus au premier chef les occupants du bien, même non locataires. Le locataire non occupant peut par ailleurs en être tenu s'il peut lui être reproché un défaut de diligences pour restituer les lieux au bailleur et solliciter le départ de l'occupant installé dans les lieux de son fait. Les occupants et le locataire sont alors condamnés in solidum en leur qualité de coauteur du dommage, unique et indivisible, du bailleur.

La non comparution à l'audience de M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] ne permet pas d’établir de quelconques diligences aux fins de restitution des lieux. Au contraire, les échanges de SMS annexés au constat de commissaire de justice attestent le fait que Monsieur [E] [L] n’a été tenté de mettre fin à la sous-location que parce que l’intégralité du sous-loyer, dont il sera rappelé qu’il était supérieur au montant du loyer contractuel, n’était pas versée. En ces conditions, l'indemnité d'occupation sera due in solidum M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] et par Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D], à compter de ce jour et ce jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux.

Sur les fruits civils

La possibilité pour le bailleur d’obtenir le reversement des sous-loyers en cas de sous-location illicite, sur le fondement de la théorie de l’accession aux fruits civils, a été admise par arrêt du 12 septembre 2019, au terme duquel la 3eme Chambre Civile de la Cour de Cassation a, sur le fondement des articles 546 et 547 du code civil, considéré que sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire, lequel peut donc en obtenir le paiement (Civ. 3e, 12 sept. 2019 n° 18-20.727).

L'article 549 du code civil précise que le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il les possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique. Le locataire qui ne prend pas la peine de solliciter l'autorisation de son bailleur préalablement à la sous-location du bien ne saurait être considéré comme étant de bonne foi au sens de ce texte.

Il sera rappelé qu’en vertu de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, le montant des sous-loyers effectivement perçus par les époux [L] n’est pas établi. En effet, il résulte des échanges de SMS annexés au constat de commissaire de justice que Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] ne versaient que partiellement et irrégulièrement les sommes qui leur étaient réclamées par M. [E] [L]. Il a par ailleurs été déclaré à l’audience, par les époux [D], qu’ils ont cessé de payer les sous-loyers à compter du mois de mai 2023.

Ainsi, le montant des sous-loyers effectivement perçus n’est-il pas établi, et la demande tendant à condamner M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] à payer la RIVP la somme de 12000 euros au titre des fruits civils sera rejetée.

Sur la nullité du contrat conclu entre M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] et Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] et la restitution des sous-loyers

Aux termes de l’article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L’article 1131 du code civil dispose que les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

Aux termes de l’article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

Enfin, aux termes de l’article 1162 du même code, le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties.

En l’espèce, Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] exposent avoir été trompés par les époux [L], qui auraient intentionnellement dissimulé le fait qu’ils n’étaient pas les propriétaires des lieux. Ils déclarent que s’ils avaient eu connaissance du caractère illicite du bail verbal conclu, ils n’auraient pas contracté.

La conclusion d’un bail verbal entre Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] et les époux [L] n’est toutefois pas démontrée, les seuls éléments objectifs par eux produits au soutien de l’existence d’un tel contrat correspondant à des échanges de SMS entre M. [E] [L], fils des locataires en titre, et M. [C] [D]. Les sous-locataires déclarent d’ailleurs, dans leurs écritures, que c’est M. [E] [L] qui leur a proposé la location du logement litigieux. Aussi l’existence d’un bail verbal entre les locataires en titre et les sous-locataires n’est-elle pas démontrée.

Il n’est pas plus avant démontré que l’information selon laquelle les époux [L] n’étaient pas les propriétaires du bien, si elle leur avait été communiquée, les aurait déterminés à ne pas contracter.

Enfin, il est constant que le sous-locataire ne peut invoquer la clause prohibant la sous-location du bien pour remettre en cause l'existence de ce contrat (Com. 15 janv. 2002, no 99-16.742), et que, si une sous-location irrégulièrement consentie est inopposable au propriétaire, elle produit tous ses effets dans les rapports entre locataire principal et sous-locataire tant que celui-ci à la jouissance paisible des lieux.

Les époux [D] ne peuvent ainsi ni solliciter la nullité du contrat, ni la restitution des sous loyers, au titre de l’anéantissement rétroactif de ses effets, étant par ailleurs précisé que les sous-locataires ayant joui des locaux, l’anéantissement rétroactif du bail aurait, en vertu de l’article 1352-3 du code civil, en tout état de cause, entraîné l’obligation pour les sous-locataires de restituer la valeur de la jouissance des lieux, sous la forme d’une indemnité d’occupation.

Ils seront en conséquence déboutés de leurs demandes.

Sur la demande de réparation du préjudice moral causé aux sous-locataires

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] sollicitent le paiement de la somme de 5000 euros, en réparation du préjudice moral résultant du comportement fautif des époux [L].

Ils soutiennent qu’alors qu’ils réglaient régulièrement un loyer supérieur au loyer prévu par contrat de bail entre la RIVP et les époux [L], ils se voient aujourd’hui menacés d’expulsion, dans un contexte où, avec un jeune enfant à charge, ils n’ont aucune solution de relogement. Ils allèguent en outre de pressions, menaces, et violences, certes dénoncées dans des plaintes, mais qui ne sont objectivées par aucun élément permettant d’étayer leurs déclarations.

S’il est établi, par les échanges de SMS annexés au constat du commissaire de justice, la faute du fils des locataires, qui les a laissés dans l’ignorance du caractère prohibé de leur occupation du logement, se rendant ainsi coupable d’une abstention fautive, il n’est pas démontré que la faute serait directement imputable aux époux [L].

En conséquence, Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] seront déboutés de leur demande de réparation de leur préjudice moral.

Sur les demandes accessoires

Dès lors qu’il est établi que Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] ont été trompés par le fils de M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X], il n’y a pas lieu de mettre à leur charge les dépens de l’instance et les frais irrépétibles.

M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X], supporteront seuls in solidum les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile, en ce compris le coût du constat d'huissier.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du bailleur les frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 1200 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, somme que M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] seront condamnés à payer in solidum.

Le jugement est assorti de l'exécution provisoire en application de l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe réputé contradictoire et en premier ressort,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de bail conclu le 11 décembre 2018 entre la RIVP et M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] portant sur un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 1] aux torts des locataires ;

ORDONNE en conséquence à M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] de libérer les lieux et de restituer les clés et, qu’à défaut, la RIVP pourra faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, en particulier, Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D], avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;

SUPPRIME le délai de deux mois de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution pour M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X],

DEBOUTE la RIVP de sa demande de suppression du délai de deux mois de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution pour Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J]

ACCORDE à Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] un délai de trois mois pour quitter les lieux soit jusqu'au 29 juillet 2024,

DIT qu'à défaut pour Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans le délai allant jusqu’au 29 juillet 2024, la RIVP pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous les occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

RAPPELLE que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

CONDAMNE in solidum M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] et Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] à verser à la RIVP une indemnité mensuelle d’occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter du présent jugement et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la restitution des clés ;

DEBOUTE la RIVP de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 12000 euros au titre des fruits civils,

REJETTE la demande formée au titre de la nullité du bail verbal conclu entre M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] et Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D] et la demande subséquente de restitution des loyers,

REJETTE la demande de dommages-intérêts formée par Monsieur [C] [D] et Mme [S] [J] épouse [D],

CONDAMNE in solidum M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X], à verser à la RIVP la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [O] [L] et Mme [U] [L]-[X] aux dépens, comprenant le coût du constat d’huissier.

RAPPELLE que le jugement est assorti de l'exécution provisoire.

LE GREFFIER LE JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/03394
Date de la décision : 29/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-29;23.03394 ?
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