TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
1/2/2 nationalité B
N° RG 22/11664 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CX6ET
N° PARQUET : 22/1080
N° MINUTE :
Assignation du :
26 Septembre 2022
VB
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 05 Avril 2024
DEMANDERESSE
Madame [C] [D]
[Adresse 3]
[Localité 1] - ALGERIE
représentée par Me Karima OUELHADJ, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2558
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 4]
[Localité 2]
Madame Laureen SIMOES, Substitute
Décision du 05/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 22/11664
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs
Assistées de Madame Manon Allain, Greffière
DEBATS
A l’audience du 16 Février 2024 tenue publiquement
JUGEMENT
Contradictoire,
en premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Madame Manon Allain, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,
Vu l'assignation délivrée le 26 septembre 2022 par Mme [C] [D] au procureur de la République,
Vu les dernières conclusions de Mme [C] [D] notifiées par la voie électronique le 30 juin 2023,
Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 27 avril 2023,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 22 décembre 2023 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 16 février 2024,
MOTIFS
Sur la procédure
Le ministère public sollicite du tribunal de « constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ». Cette demande de « constat », qui ne constitue pas une prétention au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile, ne donnera pas lieu à mention au dispositif.
Le tribunal rappelle toutefois qu'aux termes de l’article 1040 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 20 mars 2023. La condition de l’article 1040 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur l'action déclaratoire de nationalité française
Le 15 septembre 2021, Mme [C] [D], se disant née le 4 décembre 1979 à Fréha, Tizi Ouzou (Algérie), de nationalité algérienne, a souscrit une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-14 du code civil (pièce n °1 du ministère public).
Le 13 avril 2022, elle s'est vu notifier une décision de refus d’enregistrement par le consulat général de France à Alger, au motif que les attestations rédigées par des membres de sa famille résidant en France témoignant de leur attachement affectif étaient insuffisantes à démontrer un rattachement suffisant avec la France (pièce n°1 de la demanderesse).
La demanderesse conteste ce refus d’enregistrement dans la présente instance.
Elle fait valoir que la notification du refus d’enregistrement était tardive et qu'ainsi, sa déclaration de nationalité française doit être enregistrée de plein droit.
Elle sollicite du tribunal de :
-juger nul et non avenu le procès-verbal de notification de refus enregistrement de sa déclaration de nationalité française,
-juger que la déclaration de nationalité française a été enregistrée de plein droit,
-juger qu'elle a acquis la nationalité française le 15 septembre 2021,
-ordonner la remise de la copie de la déclaration de nationalité française revêtue de la mention de l’enregistrement.
Le ministère public demande au tribunal :
-à titre principal, de débouter Mme [C] [D] de sa demande enregistrement de plein droit de sa déclaration de nationalité française et de dire qu'elle n'est pas française,
-à titre subsidiaire, d'annuler l'enregistrement de plein droit, dire que la décision de refus est recevable, dire qu'elle n'est pas de nationalité française et de la débouter de ses demandes.
Sur la demande d'annulation du procès verbal de notification de la décision de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française
Il est rappelé que le tribunal judiciaire n'a pas le pouvoir d'annuler la décision de refus d'enregistrement d'une déclaration de nationalité française, mais peut seulement, si les conditions en sont remplies, en ordonner l’enregistrement.
La demande de Mme [C] [D] tendant à voir « juger nul et non avenu le procès-verbal de notification de refus d'enregistrement de sa déclaration de nationalité française » sera donc jugée irrecevable.
Sur le fond
Aux termes de l'article 21-14 du code civil « Les personnes qui ont perdu la nationalité française en application de l'article 23-6 ou à qui a été opposée la fin de non-recevoir prévue par l'article 30-3 peuvent réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants.
Elles doivent avoir soit conservé ou acquis avec la France des liens manifestes d'ordre culturel, professionnel, économique ou familial, soit effectivement accompli des services militaires dans une unité de l'armée française ou combattu dans les armées françaises ou alliées en temps de guerre.
Les conjoints survivants des personnes qui ont effectivement accompli des services militaires dans une unité de l'armée française ou combattu dans les armées françaises ou alliées en temps de guerre peuvent également bénéficier des dispositions du premier alinéa du présent article. »
Il résulte de l'article 26-3 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, que le ministre ou le directeur des services de greffe refuse d'enregistrer les déclarations qui ne satisfont pas aux conditions légales ; sa décision motivée est notifiée au déclarant qui peut la contester devant le tribunal judiciaire durant un délai de six mois. L'action peut être exercée personnellement par le mineur dès l'âge de seize ans ; la décision de refus d'enregistrement doit intervenir six mois au plus après la date à laquelle a été délivré au déclarant le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la preuve de recevabilité de la déclaration. L'article 26-4 du code civil poursuit qu'à défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.
En l'espèce, le ministère public reconnaît dans ses écritures que le récépissé de la déclaration n'a pas été remis à Mme [C] [D]. Il ne ressort pas des éléments de la procédure que le consulat de France à Alger lui a demandé des pièces complémentaires. Il doit être tenu pour établi ainsi que le dossier était complet au jour de la souscription le 15 septembre 2021.
La décision de refus a été notifiée le 13 avril 2022, soit plus de six mois après la souscription. Contrairement à ce qui est indiqué par le ministère public, le délai a commencé à courir dès la souscription, alors que le dossier était complet, de sorte que la notification devait avoir lieu avant le 15 mars 2022.
Faute de notification de la décision de refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité française dans le délai prévu par les dispositions précitées, il y a lieu de dire que l'enregistrement de plein droit de la déclaration de nationalité française est réputé intervenu le 15 mars 2022 en application des dispositions de l'article 26-4 du code civil.
Sur la demande reconventionnelle du ministère public
En application de l’article 26-4 du code civil, il appartient donc au ministère public, qui conteste l'enregistrement de la déclaration de nationalité française, de rapporter la preuve de ce que les conditions de la déclaration de nationalité française, posées par les dispositions de l'article 21-14 du code civil, ne sont pas remplies.
Il expose que la demanderesse ne justifie pas de liens manifestes, personnels et constants avec la France, indiquant que celle-ci invoque uniquement de liens affectifs avec sa famille.
La demanderesse n'a pas répondu à ce moyen soulevé par le ministère public.
En l'espèce, le ministère public se borne à reprendre les arguments développés dans la décision de refus d'enregistrement, sans produire les pièces que la demanderesse avait présentées lors de sa demande, privant le tribunal de la possibilité d’examiner si la demanderesse avait alors justifié des liens manifestes, personnels et constants avec la France.
Faute pour le ministère public de justifier que les conditions prévues à l'article 21-14 du code civil ne sont pas remplies, il convient de le débouter de sa demande d'annulation de l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par Mme [C] [D].
Par conséquent, il sera jugé que ce dernière est française pour avoir acquis la nationalité française par déclaration le 15 septembre 2021.
Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement en premier ressort et contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe :
Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par décision mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1040 du code de procédure civile ;
Juge irrecevable la demande de Mme [C] [D] tendant à voir « juger nul et non avenu le procès-verbal de notification de refus enregistrement de sa déclaration de nationalité française »,
Ordonne l’enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française souscrite le 15 septembre 2021 par Mme [C] [D], en vertu de l'article 21-14 du code civil, devant le consulat général de France à Alger (Algérie) sous la référence N° 045/2021 ;
Juge que Mme [C] [D], née le 4 décembre 1979 à Fréha (Algérie), a acquis la nationalité française le 15 septembre 2021 ;
Déboute le ministère public de ses demandes ;
Ordonne la mention prévue à l’article 28 du code civil en marge des actes concernés ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Fait et jugé à Paris le 05 Avril 2024
La GreffièreLa Présidente
Manon AllainAntoanela Florescu-Patoz