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05/04/2024 | FRANCE | N°19/08969

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Loyers commerciaux, 05 avril 2024, 19/08969


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




Loyers commerciaux


N° RG 19/08969
N° Portalis 352J-W-B7D-CQM4T


N° MINUTE : 3

Assignation du :
04 Juin 2019


Jugement de fixation

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 05 Avril 2024

DEMANDERESSE

S.C. SOCIETE DES CENTRES D’OC ET D’OIL
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Louis-David ABERGEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0423r>


DEFENDERESSE

Société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Christophe DENIZOT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

Loyers commerciaux


N° RG 19/08969
N° Portalis 352J-W-B7D-CQM4T

N° MINUTE : 3

Assignation du :
04 Juin 2019

Jugement de fixation

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 05 Avril 2024

DEMANDERESSE

S.C. SOCIETE DES CENTRES D’OC ET D’OIL
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Louis-David ABERGEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0423

DEFENDERESSE

Société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Christophe DENIZOT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0119

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Sabine FORESTIER, Vice-présidente, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l'article R.145-23 du code de commerce ;

assistée de Manon PLURIEL, Greffière lors des débats et de Camille BERGER, Greffière lors de la mise à disposition

DEBATS

A l’audience du 09 Février 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 18 décembre 2007, la société dénommée SOCIETE DES CENTRES D’OC et D’OIL (ci après la SCOO) a donné à bail commercial à la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE(ci-après la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE), en renouvellement d'un précédent bail, des locaux sis à [Localité 4] (Seine Saint Denis), centre commercial Arcades, [Adresse 1], lot n°172, pour une durée de douze années du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2018, l'exercice de l'activité de « Agence de caisse d'épargne, opérations de banque et de courtage, d'assurances et toutes autres activités connexes, et à titre accessoire, transactions sur immeuble et fonds de commerce, le tout sous l'enseigne CAISSE D'EPARGNE » et un loyer minimum garanti de 44.000 euros hors taxes et hors charges par an.

Par acte d'huissier de justice des 22 et 24 mai 2018, la SCOO a signifié à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE un congé pour le 31 décembre 2018, avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2019, moyennant un loyer annuel de 115.830 euros hors taxes et hors charges.

Par mémoire préalable notifié le 7 mars 2019, invoquant les stipulations de l’article 35 du bail commercial du 18 décembre 2017, la SCOO a sollicité la fixation du prix du loyer du bail à la somme annuelle de 115.830 euros en principal à compter du 1er janvier 2019 en se prévalant de références locatives de locaux commerciaux se situant dans le centre commercial.

Puis, par acte d’huissier de justice signifié les 4 juin et du 12 juillet 2019, la SCOO a assigné la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE à comparaître devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris.

Par un jugement rendu le 1er juillet 2020, le juge des loyers commerciaux a notamment :

- constaté le principe du renouvellement du bail liant les parties à compter du 1er janvier 2019;
- désigné en qualité d'expert M. [T] [V] en lui donnant notamment pour mission de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er janvier 2019 au de l'article R.145-11 du code de commerce et de l'article 33 du contrat de bail échu ;
- fixé le loyer provisionnel dû au montant du loyer contractuel indexé en principal, outre les charges.

L'expert a déposé son rapport le 28 février 2022.

Après renvois à la demande des parties, l'affaire a été rappelée à l'audience du juge des loyers commerciaux du 9 février 2024 à laquelle la SCOO et la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE étaient représentées par leur avocat.

Dans son dernier mémoire régulièrement notifié (mémoire en ouverture de rapport et en réplique n°2), en vertu des articles 1103 et suivants et 1343-2 du code civil, de l'article L.145-33 du code de commerce et de l'article 35 du contrat de bail, la SCOO demande au juge des loyers commerciaux de :

- débouter la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE de ses demandes ;
- fixer le loyer de renouvellement au 1er janvier 2019 à la somme de 115.830 euros hors taxes et hors charges par an ;
- juger que le dépôt de garantie sera réajusté en conséquence ;
- juger que le différentiel portera intérêts au taux légal de plein droit à compter de sa date d'effet;
- juger que les intérêts échus depuis plus d'un an produiront eux-mêmes intérêts ;
- condamner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE au paiement d'une somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- juger que les frais et honoraires de l'expert seronr répartis par moitié entre les parties ;
- ordonner en conséquence à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE de lui rembourser la somme de 2.100 euros correspondant à sa quote-part de la rémunération de l'expert;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Dans son dernier mémoire régulièrement notifié (mémoire après expertise n°2), en vertu des articles R.145-3 et suivants et R.145-11 du code de commerce, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE demande au juge des loyers commerciaux de :

- fixer le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2019 à un montant annuel de 25.893,34 euros par an hors taxes et hors charges ;
- juger que le trop payé par rapport au loyer fixé portera intérêt au taux légal de plein droit à compter de la date d'effet dy nouveau loyer et que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts ;
- débouter la SCOO de ses demandes ;
- condamner la SCOO au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Les moyens développés par les parties à l’appui de leurs prétentions sont exposés dans les motifs du jugement.

L’affaire a été mise en délibéré au 5 avril 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé que :

- le juge n’est pas tenu de statuer sur les demandes de « juger » qui ne sont pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais un rappel des moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes ;
- par un précédent jugement du 25 octobre 2019, le juge des loyers commerciaux a constaté le renouvellement du bail conclu entre la SCOO et la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE à compter du 1er janvier 2019.

1- Sur la demande de fixation du loyer du bail renouvelé

1-1- Sur les modalités de fixation du loyer

Sur le fondement de l'article 1103 du code civil, la SCOO considère qu'il convient d'appliquer l'article 35 du contrat de bail conclu d'un commun accord entre les parties qui prévoit la fixation du loyer à la valeur locative, et ne prendre en considération que le seul loyer de base, à l'exclusion des dispositions légales qui ne s'appliquent qu'à défaut de dispositions contraires adoptées par les parties.

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE soutient que l'article 35 du contrat de bail ne s'applique pas dans la mesure où il prévoit les modalités de détermination du loyer de renouvellement avec la double composante de l'article 22 alors que les parties n'ont pas fixé le loyer avec une double composante. Elle ajoute que le loyer de renouvellement ne peut pas être fixé au vu des seules valeurs de marché pratiquées dans le centre commercial et qu'à défaut de définition précise de la valeur locative il y a lieu d'appliquer les règles du code de commerce. Elle souligne qu'il a été demandé à l'expert de rechercher la valeur locative des locaux au regard des dispositions de l'article R.145-11 du code de commerce et des stipulations du contrat de bail et qu'en application de cette décision l'expert a relevé qu'il n'est pas expressément fait référence à la valeur locative de marché et qu'il convient d'apprécier la valeur locative au sens jurisprudentiel du terme.

Sur ce,

L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige antérieure au 1er octobre 2016, dispose que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Il est acquis que les parties au contrat de bail peuvent librement convenir des modalités de fixation du prix du bail renouvelé et ainsi écarter le plafonnement prévu à l'article L. 145-34 du code de commerce qui n'est pas d'ordre public.

Selon l'article 35 des conditions générales du contrat de bail, intitulé RENOUVELLEMENT :

« Le renouvellement éventuel du présent bail ne pourra être consenti et accepté que pour une nouvelle période de douze ans.
Le loyer de renouvellement sera nécessairement le loyer à deux composantes de l'article 22 du présent bail, c'est-à-dire :
- un loyer de base égal à la valeur locative du local considéré à la date d'effet du renouvellement du bail,
- et un loyer variable complémentaire fixé au taux convenu aux conditions particulières du présent bail.
Les parties conviennent que le montant du loyer de base du bail ainsi renouvelé, sera fixé d'un commun accord entre elles par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents du centre commercial, sauf à être corrigé en considération des différences constatées entre le local et les locaux de référence.
A défaut d'accord amiable, les parties décident dès à présent de demander au juge compétent de fixer le loyer de base en fonction de la valeur locative, laquelle sera déterminée par ce dernier, selon les mêmes critères que ceux arrêtés ci-dessus en cas d'accord amiable.»

L'article 22 auquel il est renvoyé stipule notamment :

« 22.2. Le présent bailest consenti et accepté moyennant un loyer variable, déterminé année par année, correspondant à un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par le Preneur pendant l'année civile considérée, établi dans les conditions stipulées à l'article 23 et dont le principe et les modalités correspondent à des conditions constitutives et déterminantes des baux afférents à des Centres Commerciaux semblables à celui où se trouvent les locaux objet du présent contrat. Le pourcentage convenu est fixé aux conditions particulières du bail.

22.3. Ce loyer ne pourra, en tout état de cause, être inférieur à un loyer minimum garanti - imputable et non additionnel - égal à la valeur locative de base du local donné à bail.
Ce loyer minimum garanti sera égal :
- d'une part au montant fixé aux conditions particulières,
- d'autre part à l'application à cette valeur locative de plein droit et sans autre formalité de l'actualisation puis de l'indexation ci-après convenue (...) »

L'article 22 des stipulations particulières du bail prévoit notamment :

« 22.3. Le loyer ne pourra, en tout état de cause, être inférieur à un loyer minimum garanti - imputable et non additionnel - égal à la valeur locative de base du local donné à bail.
Ce loyer minimum sera égal :
• d'une part à la somme de 44.000 € hors taxes et hors charges par an
(...)
• d'autre part à l'application à cette valeur locative de plein droit et sans autre formalité de l'indexation ci-après convenue.
(...) »

L'article 23 des stipulations particulières relatif au chiffre d'affaires est mentionné comme étant « sans objet ».

Il apparaît ainsi que les parties ont décidé que le loyer ne serait composé que du seul loyer minimum garanti de 44.000 euros par an, et non d'un loyer variable correspondant à un pourcentage du chiffre d'affaires ne pouvant être inférieur à un loyer minimum garanti.

Néanmoins, aucune stipulation particulière du contrat ne prévoit qu'en conséquence l'article 35 des conditions générales relatif au renouvellement du bail ne s'applique pas.

En outre, il est acquis que la valeur locative des locaux à usage d'agence bancaire, dans lesquels s'exerce une activité de nature essentiellement comptable, administrative ou juridique, non affectée par la réception des clients, doit être fixée conformément aux articles L. 145-36 et R. 145-11 du code de commerce relatifs aux locaux à usage exclusif de bureaux, soit par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalent, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence, ainsi que le prévoit le contrat de bail.

De plus, le local se trouvant dans un centre commercial, lequel constitue une unité commerciale autonome, il est d'usage que les références locatives de comparaison soient issues de ce même centre commercial, ainsi que le prévoit également le contrat de bail

Il apparaît ainsi que les stipulations contractuelles ne sont pas exorbitantes du droit commun, ce qui conforte la volonté des parties de fixer le loyer de renouvellement ainsi qu'elles l'ont stipulé.

Dans ces coditions, le montant du loyer de base du bail renouvelé doit être fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents du centre commercial, sauf à être corrigé en considération des différences constatées entre le local et les locaux de référence.

Il résulte de cette référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents du centre commercial sauf correction en considération des différences constatées, qu'il y a lieu de procéder à leur appréciation en prenant en compte les caractéristiques du local loué ainsi que sa situation au sein du centre commercial et la situation de celui-ci.

1-2- Sur l'évaluation de la valeur locative

a) Sur les caractéristiques du local

- Sur la situation du local

La SCOO expose que le local loué est situé au premier niveau du centre commercial régional Arcades et qu'il jouit d'un très bon emplacement dans la mesure où il est situé à ce niveau près de 90% des enseignes nationales et internationales et que le local se trouve dans la zone du centre la plus fréquentée car dédiée aux activités de l'équipement à la personne, au sein d'un triangle formé par trois portes d'entrées et à proximité immédiate des points d'accès au RER A. Elle considère que le local bénéficie également d'un environnement commercial très favorable car le centre commercial régional est un centre commercial majeur de l'Ile de France, présentant une offre dense et diversifiée de produits, une excellente implantation et se trouvant à la huitième place des centres commerciaux français en termes de fréquentation.

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE soutient que la situation du centre commercial n'est pas aussi idyllique que le bailleur la décrit puisque depuis 2013 le centre commercial n'est plus un passage obligé pour les usagers du RER, que de nombreuses boutiques sont fermées et qu'il subit la forte concurrence des centres commerciaux voisins, ce qui a eu pour effet de diminuer sa commercialité. S'agissement de l'emplacement du local loué, elle le qualifie de médiocre car dans une artère secondaire, au fond d'une petite allée menant à la sortie de secours et non d'une porte d'entrée comme les autres agences bancaires.

Sur ce,

Il ressort du rapport d'expertise que le centre commercial Arcades est doté d'une superficie commerciale de 57.560 m² de surface commerciale utile, répartie sur trois niveaux, avec un parking de 2.000 places et, en 2020, 147 commerces avec un hypermarché CARREFOUR et un cinéma de 10 salles, l'expert précisant qu'entre 2019 et 2020 le nombre de boutiques est resté stable à 10% près. Le taux de représentation des enseignes nationales est de 64,62 %, les enseignes les plus importantes étant CARREFOUR, ZARA, KIABI, GO SPORT et FNAC. Le centre commercial a ouvert en 1978 et a cependant été rénové entre octobre 2008 et avril 2010 avec notamment la création d'un nouveau mail au niveau 0 permettant un accès immédiat au centre commercial depuis la sortie de la gare RER. Il est également desservi par six lignes de bus et l'autoroute A4.

L'expert indique qu'il s'agit d'un centre majeur, fréquenté par 16 millions de visteurs par an et classé, en terme de flux, au 8ème rang des centres commerciaux français.

Le local loué se trouve au niveau 1, porte 13 de la galerie A dominée par les commerces de prêt-à-porter et bénéficiant d'un taux d'enseignes nationales de 88,50%.

Selon l'expert, il s'agit d'un bon emplacement (cf page 11) ou d'un très bon emplacement (cf page 22) compte tenu de la fréquentation élevée du centre commercial et de sa situation en bout de mail à côté de la boutique ZARA qui est l'une des enseignes porteuses du site, à proximité de la porte 13, en face d'une borne d'informations.

En outre, s'il est exact que le local ne se trouve pas au sein de la voie de circulation principale, il apparaît qu'il se trouve à l'extrémité de cette voie de circulation principale, et non dans une voie secondaire, et qu'il n'est pas situé près d'une sortie de secours ainsi que le soutient la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE mais bien d'une porte d'entrée permettant l'accès des visiteurs.

De plus, ainsi que l'invoque la SCOO, et au vu du plan qu'elle produit, le local se trouve non seulement à proximité de la porte d'entrée 13 mais au sein d'un triangle formé par les trois portes d'entrée 12, 13 et 14, avec au centre la présence d'un escalator et d'un ascenseur qui permettent la circulation des visiteurs entre les différents niveaux, et à la toute proximité non seulement de l'enseigne ZARA mais également de l'enseigne FNAC, enseignes majeures du centre.

S'agissant enfin de la concurrence des centres commerciaux voisins invoquée par la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE, elle n'est pas démontrée alors qu'il s'avère que ces centres sont éloignés de 20,5 km, 13,7 km et 11,2 km du centre commercial Arcades, lequel demeure fréquenté par 16 millions de visiteurs par an et classé au 8ème rang des centres commerciaux français.

En l'état de ces éléments, il doit être retenu que le local bénéficie d'un très bon emplacement.

- Sur la description du local

L'expert indique que le local se trouve sur un seul niveau et qu'il est climatisé.

Il comprend un espace de vente équipé de deux distributeurs automatiques de billets, un local technique destiné aux seuls convoyeurs et techniciens pour le réapprovisionnement et la maintenance des automates, trois bureaux cloisonnés et un guichet. Au-delà de cette surface de vente accessible à la clientèle, se trouvent une zone réservée aux salariés de la banque composée d'une salle de repos, de sanitaires, un local reprographie/réserve et un local « passe-documents ».

L'expert note qu'un troisième distributeur de billet est installé en façade.

Il précise qu'à l'origine le local a été livré à l'état brut, à charge pour le preneur de procéder aux aménagement nécessaires à l'exercice de son activité.

Il indique que l'aménagement et la décoration générale sont comparables à ceux de locaux de type tertiaire, bien que le preneur reçoive de nombreux clients, et à ceux des autres agences de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE.

Il considère que l'état est correct.

Les parties ne contestant pas cette description, elle sera retenue.

- Sur la surface

La SCOO soutient qu'il convient de prendre en compte la surface GLA de 128,70 m² telle qu'elle ressort du plan établi par un géomètre-expert et qu'il est d'usage d'utiliser en matière de surface de centre commercial, et non la surface GLA de 124 m² retenue par l'expert et figurant au contrat de bail mais qui n'est pas la surface réelle à la date du renouvellement. Elle ajoute qu'il ne faut pas tenir compte de la surface de 122,60 m² invoquée par le preneur qui correspond à la surface plancher, laquelle n'est pas adaptée et n'est pas prévue au contrat de bail, et qu'il n'y a pas lieu à pondération en application de la Charte de l'expertise et compte tenu de l'homogénéité des surfaces.

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE invoque qu'il y a lieu de retenir une surface plancher maximale de 122,60 m² et non la surface GLA produite par le bailleur qui n'est pas contractuelle et manifestement inexacte. Elle mentionne la Charte de l'expertise selon laquelle pour les centres commerciaux il faut retenir la surface GLA ou la surface plancher dans le silence du bail et considère que l'indication de la superficie au bail ne pouvant être retenue selon le bailleur, il faut se placer dans l'hypothèse du silence du bail et retenir la surface plancher. Elle indique de plus qu'il convient de pratiquer une pondération en application des articles R.145-3 et R. 145-7 du code de commerce dans la mesure où certaines annexes ne sont pas accessibles au public, soit une surface pondérée de 88,95 m² arrondis à 90 m².

Sur ce,

L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige antérieure au 1er octobre 2016, dispose que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Le contrat de bail stipule, d'une part, que la surface louée est de 124 m² (article 2 des stipulations particulières) et, d'autre part, que la surface du local est établie à + ou - 5% près et que « le bailleur notifiera au preneur la surface mesurée des lieux loués lors de la livraison en lui remettant la copie du plan de parcelle lequel sera approuvé par les parties. Si la surface mesurée dépasse ou est inférieure à la surface ci-dessus stipulée de + ou - 5 %, le loyer minimum (article 22) sera réajusté au prorata de la différence. » (article 2 des conditions générales)

Il est également mentionné que « La surface louée est calculée à chaque niveau de la manière suivante :

- côté parties communes : jusqu'en limite de celles-ci, mur séparatif compris,
- côté parties privatives : jusqu'à l'axe vertical du mur mitoyen entre les deux parties privatives.
Elle ne supportera aucune déduction en raison des trémies, poteaux, réseaux et cloisons intérieures, etc... » (article 2 des conditions générales)

Cette méthode de détermination de la surface correspond à la méthode GLA (Gross Leasable Area) qu'il est d'usage d'appliquer pour la détermination de la surface des locaux des centres commerciaux et qui, selon la Charte de l'expertise en matière immobilière (5ème édition de mars 2017),  correspond à la surface de plancher d’un local commercial augmentée des auvents, paliers extérieurs, gaines techniques et qui ne comprend pas les voies de desserte ou de circulations communes à différents lots ainsi que l'emprise des trémies d'escalier ou d'ascenseur, soit une superficie hors oeuvre, calculée entre les axes des murs mitoyens, sans que soient déduites les surfaces occupées par les trémies, les poteaux et les cloisons intérieurs.

Il convient de déterminer la surface selon cette méthode dès lors qu'elle est stipulée au contrat de bail.

En revanche, il convient de retenir la surface de 124 m² stipulée au contrat de bail et non la surface de 128,70 m², telle qu'elle ressort du plan de parcelle produit par la SCOO et réalisé le 13 mars 2009 par un géomètre-expert, dès lors qu'il n'est pas justifié que cette surface de 128,70 m² a été notifiée au preneur lors de la livraison du local et approuvée par lui, ainsi que l'exige le contrat de bail.

Enfin, conformément à la Charte de l'expertise, il n'y a pas lieu à pondération puisque la surface se trouve sur un seul niveau avec accès direct par le mail.

La surface retenue est donc de 124 m².

b) Sur le prix unitaire

Eu égard aux éléments de comparaison retenus par l'expert et après exclusion des références qu'elle considère comme hors période ou de surface trop importante, la SCOO prétend que le prix unitaire fixé par l'expert est en-deçà de la valeur locative et qu'au regard des caractéristiques du local un prix de 900 euros/m² serait plus conforme à l'état du marché locatif .

Sur le fondement des articles R.145-11 et R. 145-7 du code de commerce, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE expose que les références devant être équivalentes au local loué, il n'y a lieu de retenir que les éléments de comparaison d'agences bancaires et que la seule référence pertinente est celle de La Poste qu'elle accepte de retenir en l'arrondissant à 430 euros/m².

Sur ce,

Il est rappelé que selon le contrat de bail le montant du loyer de base du bail renouvelé doit être fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents du centre commercial, sauf à être corrigé en considération des différences constatées entre le local et les locaux de référence.

L'expert retient une valeur locative unitaire de 750 euros/m² compte tenu de la situation du local dans un centre commercial d'envergure régionale avec une zone de chalandise étendue, de sa commercialité établie et pérenne, du très bon emplacement du local, de la typologie des locaux, de leurs prestations bien adaptées à l'activité exercée, des clauses et conditions du bail et des différents termes de comparaison répertoriés qui sont situés exclusivement dans le centre commercial et qu'il a analysés en tenant compte de la commercialité des différents niveaux du centre, des caractéristiques physiques des locaux, des clauses et conditions locatives et de l'époque de prise d'effet des baux.

S'agissant des valeurs de référence, le contrat de bail faisant mention des « locaux équivalents du centre commercial », il n'y a pas lieu de prendre en compte de façon prioritaire ou exclusive les seules références d'une activité de même nature que celle exercée dans le local loué, soit l'activité d'agence bancaire, mais il convient de s'attacher aux locaux équivalents quant à leur caractéristiques, leur emplacement dans le centre commercial et la date d'effet du bail.

Aussi, c'est à juste titre que l'expert a mentionné les références des enseignes bancaires et d'autres enseignes de prêt-à-porter, de chaussures, de lingerie, de bijouterie, d'optique et de tabac.

En outre, compte tenu de la date de renouvellement au 1er janvier 2019, il convient d'exclure, ainsi que l'a fait l'expert, la référence de l'agence bancaire LCL dans la mesure où la date de prise d'effet du bail, le 27 septembre 2011, est trop ancienne, outre les références OKAIDI (31 décembre 2007) et MARC ORIAN (1er novembre 2007), ainsi que la référence LA POSTE car postérieure (1er mars 2019).

Il convient également d'exclure les surfaces qui ne ne peuvent être considérées comme équivalentes telles que les surfaces des enseignes LA POSTE (316,90 m²), KIKO (73 m²), SWAROSKI (70 m²), ARC EN CIEL (70 m²),TRESOR (67 m²) et CLOPINETTE (64,70 m²).

Les références les plus pertinentes sont donc les suivantes :

- renouvellement de bail
• GENERALE D'OPTIQUE, 197,00 m², renouvellement au 1er décembre 2018, 832 euros/m²GLA,
• CAROLL, niveau 1, 77,60 m², renouvellement au 1er janvier 2017, 1.275 euros/m²GLA,
• DEVRED, niveau 1, 188,00 m², renouvellement au 1er janvier 2018, 851 euros/m²GLA,
• JEFF DE BRUGES, niveau 1, 98,00 m², renouvellement au 1er décembre 2018, 832 euros/m²GLA,
• UN JOUR AILLEURS, niveau 2, 206,00 m², renouvellement au 1er septembre 2016, 710 euros/m²GLA,
- nouveau bail
• LOUIS PION, niveau 1, 93,80 m²,prise d'effet au 11 septembre 2017, 1.050 euros/m²GLA,
• ROUGE-GORGE, niveau 2, 118,00 m², prise d'effet au 16 janvier 2018, 900 euros/m²GLA,
• SAN MARINA, niveau 2, 150,00 m², prise d'effet au 30 juin 2016, 750 euros/m²GLA,
• VALEGE, niveau 1, 93,80 m², prise d'effet au 2 juin 2018, 900 euros/m²GLA,
• MAISON 123, niveau 2, 162,00 m², prise d'effet au 12 juillet 2018, 850 euros/m²GLA.
Ainsi, au vu des prix pratiqués pour des locaux équivalents du centre commercial, la valeur locative unitaire du local loué doit être fixée à 850 euros/m²GLA.
c) Sur les abattements

La SCOO s'oppose à l'application des correctifs sollicitée par la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE au motif que la convention des parties sur le montant du loyer de renouvellement exclut l'application de tout correctif. En ce qui concerne l'application d'un correctif pour accession en fin de jouissance, elle soutient que le local était déjà aménagé à la prise d'effet du bail expiré puisque la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE l'exploitait depuis le 1er janvier 1997. S'agissant de l'application d'un correctif afin de tenir compte des charges exorbitantes du droit commun, elle explique que l'article R.145-8 du code de commerce n'est pas applicable compte tenu des stipulations du contrat de bail et, subsidiairement, que le régime autonome d'évaluation de la valeur locative prévu aux articles L.145-36 et R.145-11 du code de commerce, s'il devait être appliqué, est dérogatoire aux articles R.145-2 à R.145-8 du code de commerce. Elle précise également que les locataires qui ont été pris en référence par l'expert supportent des charges identiques de sorte qu'il en a déjà été tenu compte et qu'il n'y a pas lieu à minorer à nouveau la valeur locative.

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE demande l'application à la valeur locative d'un abattement de 20% compte tenu de la clause d'accession au départ du locataire et de 5% compte tenu des travaux de mise en conformité, des charges de copropriété et des dépenses liées à la vétusté et à la force majeure mises à la charge du preneur. Elle considère qu'il est indifférent de savoir ce qui est imputé aux autres locataires dans la mesure où elle sollicite l'application d'une minoration telle que prévue à l'article R.145-8 du code de commerce et non d'un correctif prévu à l'article R.145-7. Elle ajoute que le contrat de bail, dont la stipulation correspond à l'article L.145-11 du code de commerce, ne prévoit pas que les parties entendent de déroger aux articles L. 145-33, R.145-8 et R.145-11 du code de commerce.

Sur ce,
Les stipulations du contrat de bail fixant les critères de détermination du loyer de renouvellement, rappelées dans les développements précédents, ne visent pas les dispositions du code de commerce.

Aucune référence n'est ainsi faite à l'article L.145-33 qui vise les obligations des parties pour déterminer la valeur locative, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article R. 145-8 relatif aux obligations des parties, lesquelles ne sont d'ailleurs pas d'ordre public.

En outre, les stipulations contractuelles ne font pas davantage référence à des correctifs des prix pratiqués résultant des obligations des parties mais uniquement des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Par conséquent, il n'y a pas lieu à application d'abattements sur la valeur locative en raison de la clause d'accession au départ du locataire et en raison des travaux de mise en conformité, des charges de copropriété et des dépenses liées à la vétusté et à la force majeure mises à la charge du preneur.

d) Sur le montant du loyer de renouvellement

Au 1er janvier 2019, le montant du loyer du bail renouvelé sera fixé à la somme de (124 m² GLA x 850 euros / m² GLA =) 105.400 euros, hors charges et hors taxes, par an.

3- Sur les demandes accessoires

Il convient de rappeler qu’en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil, des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter du 4 juin 2019, date de l'assignation, puis au fur et à mesure des échéances échues et qu'en application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts dus pour une année entière doivent être capitalisés.

En outre, il n'appartient pas au juge des loyers commerciaux de décider du réajustement du dépôt de garantie, sa compétence étant strictement limitée à la fixation du loyer renouvelé ou révisé en application de l'article R.145-23 du code de commerce. La demande de la SCOO à ce titre sera donc rejetée.

Enfin, la procédure et l’expertise ayant été nécessaires afin de fixer les droits respectifs des parties, en application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient d’ordonner le partage des dépens, en ce inclus les frais d’expertise, par moitié entre les parties.

Compte tenu du partage des dépens ordonné, les demandes des parties formées en application de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

L'exécution provisoire étant de droit, il n'y a pas lieu de l'ordonner.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux, statuant après débats publics, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,

Fixe à la somme annuelle de 105.400 euros, hors charges et hors taxes, à compter du 1er janvier 2019, le loyer du bail renouvelé entre la société SOCIETE DES CENTRES D’OC et D’OIL et la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE pour les locaux situés à [Localité 4] (Seine Saint Denis), centre commercial Arcades, [Adresse 1], lot n°172 ;

Dit qu’ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer dû, à compter du 4 juin 2019 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus postérieurement à cette date, avec capitalisation pour les intérêts échus et dus au moins pour une année entière ;

Rejette la demande de la société SOCIETE DES CENTRES D’OC et D’OIL de réajustement du dépôt de garantie ;

Partage les dépens, en ce inclus les frais d’expertise, par moitié entre les parties ;

Rejette les demandes des parties formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à PARIS, le 05 avril 2024.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE
C. BERGER S. FORESTIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 19/08969
Date de la décision : 05/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-05;19.08969 ?
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