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11/03/2024 | FRANCE | N°20/10534

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19eme contentieux médical, 11 mars 2024, 20/10534


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 20/10534

N° MINUTE :

Assignations des :
20, 22 et 26 Octobre 2020

CONDAMNE

SB




JUGEMENT
rendu le 11 Mars 2024
DEMANDEURS

Madame [W] [X] épouse [E]
[Adresse 6]
[Localité 16]

Monsieur [S] [E]
[Adresse 3]
[Localité 17]

Maître [T] [E]
[Adresse 11]
[Localité 12]

Madame [F] [E]
[Adresse 14]
[Localité 9]

Agissant tous tant en leur nom propre qu’en leur qualité d’ayants-droits de Monsi

eur [Y] [E]

Représentés par Maître Claudine BERNFELD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0161

DÉFENDERESSES

Le GROUPE HOSPITALIER [19]
[Adresse 5]
[Localité 13]

ET

RELYENS ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 20/10534

N° MINUTE :

Assignations des :
20, 22 et 26 Octobre 2020

CONDAMNE

SB

JUGEMENT
rendu le 11 Mars 2024
DEMANDEURS

Madame [W] [X] épouse [E]
[Adresse 6]
[Localité 16]

Monsieur [S] [E]
[Adresse 3]
[Localité 17]

Maître [T] [E]
[Adresse 11]
[Localité 12]

Madame [F] [E]
[Adresse 14]
[Localité 9]

Agissant tous tant en leur nom propre qu’en leur qualité d’ayants-droits de Monsieur [Y] [E]

Représentés par Maître Claudine BERNFELD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0161

DÉFENDERESSES

Le GROUPE HOSPITALIER [19]
[Adresse 5]
[Localité 13]

ET

RELYENS MUTUAL INSURANCE anciennement dénommé SHAM
[Adresse 4]
[Localité 10]

Expéditions
exécutoires
délivrées le :
Représentées par Maître Juliette VOGEL de SELAS HMN & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0581

Décision du 11 Mars 2024
19ème contentieux médical
RG 20/10534

L’OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX (ONIAM)
[Adresse 20]
[Adresse 20]
[Localité 17]

Représenté par Maître Olivier SAUMON de la SELARLU Olivier Saumon, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0082

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
[Adresse 2]
[Localité 15]

Représentée par Maître Sylvain NIEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2032

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sabine BOYER, Vice-Présidente
Madame Laurence GIROUX, Vice-Présidente
Madame Géraldine CHABONAT, Juge

Assistées de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DÉBATS

A l’audience du 15 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Sabine BOYER, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 11 Mars 2024.

JUGEMENT

- Contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [Y] [E], né le [Date naissance 1] 1949, qui était suivi pour un diabète, a consulté, le 9 janvier 2015, dans le service d’urologie de l’Hôpital Saint-Joseph pour des troubles mictionnels obstructifs et irritatifs. Différents examens ont été réalisés, dont une IRM prostatique laissant suspecter un cancer au niveau de la zone périphérique.
Les biopsies ont mis en évidence un Adénocarcinome acineux– Gleason 8. La tumeur était classée par le RCP T3aNoMX. Il s’agissait d’un cancer très agressif avec risque de dissémination métastatique important, ce qui n’était pas encore le cas.
Une prostatectomie radicale a été décidée et réalisée le 20 mars 2015 par le Docteur [A] [B] par coelioscopie assistée par le robot Da Vinci, sans incident per-opératoire. Toute la tumeur a été enlevée.
Les suites immédiates ont été simples avec un petit hématome et un iléus réflexe au scanner de contrôle, le 24 mars 2015.
Monsieur [Y] [E] est sorti le 26 mars 2015, et a été de nouveau admis dans l’hôpital le lendemain avec un tableau de complication hémorragique et septique pris en charge immédiatement.
En effet, une intervention en urgence par coelioscopie (29 mars 2015), a été réalisée pour l’évacuation d’un hémopéritoine, et le prélèvement péritonéal ainsi que l’hémoculture ont mis en évidence le germe Escherichia Coli.
Une nouvelle intervention a été nécessaire le 4 avril 2015 en raison d’un aspect d’anévrisme inflammatoire pelvien gauche d’une branche artérielle de l’hypogastrique homolatérale et du constat de choc septique et hémorragique. Cette intervention s’est faite dans un contexte d’hémorragie importante de l’artère hypogastrique qui a été occluse par la pose d’un clip et il est apparu un lâchage complet de l’anastomose urétro-vésicale qui a été refaite.

Dans les suites, M. [E] a développé un syndrome obstructif au niveau du haut appareil urinaire gauche qui n’a pas été diagnostiqué et traité même lors du retrait de la sonde le 20 mai 2015. Mis en évidence par IRM lors de la consultation du 24 juillet 2015, le traitement a été repoussé au mois de septembre 2015. Le 8 septembre 2015, la perte du rein gauche a été constatée par scintigraphie rénale.

Monsieur [Y] [E] a été examiné par le Docteur [U] [J], médecin diplômé de réparation juridique du dommage corporel, qui dans une note technique de synthèse du 15 février 2017, observait que si l’indication de prostatectomie radicale était légitimement posée et acceptée par le patient, après information des risques habituels et des conséquences éventuelles liés à ce type d’intervention, les suites de l’intervention pratiquée le 20 mars 2015 se sont compliquées en partie en raison d’un aléa thérapeutique et en partie en raison d’erreurs commises par le Docteur [B].
C’est sur la base de ce rapport unilatéral que Monsieur [Y] [E] a saisi le juge des référés de ce tribunal, qui par ordonnance en date du 3 novembre 2017, a désigné le Docteur [P], médecin urologue, en qualité d’Expert.

Le Docteur [P] a déposé son rapport définitif le 8 mars 2019.

Dans son rapport, il examine chaque étape du parcours de soin de Monsieur [Y] [E] comme suit :
- « Le diagnostic du cancer de la prostate n’appelle pas de commentaire ;
- L’indication de la prostatectomie pour traiter le cancer de Monsieur [E] n’appelle pas de commentaire ;
- Le choix d’une réalisation de la prostatectomie par coelioscopie assistée par le robot Da Vinci n’appelle pas de commentaire ;
- La réalisation de la prostatectomie par le Docteur [B] n’appelle pas de commentaire ;
- La survenance de complications hémorragiques et septiques sept jours après la prostatectomie est une conséquence anormale non fautive de celle-ci ;
- Le lâchage complet de l’anastomose entre l’urètre et la vessie ainsi que la constitution d’un faux anévrisme de l’artère hypogastrique gauche avec un choc hémorragique constituent des conséquences anormales non fautives de la prostatectomie ;
- La lésion de la paroi urétérale gauche qui a été ultérieurement à l’origine de la sténose urétérale gauche est une conséquence anormale non fautive de la prostatectomie ;
- L’absence de prise en compte d’un syndrome obstructif au niveau du haut appareil urinaire gauche visible sur le scanner du 13 avril 2015 constitue une faute imputable à l’Hôpital Saint-Joseph ;
- L’absence de prise en compte du syndrome obstructif au niveau du haut appareil urinaire gauche lors de l’intervention du 14 avril 2015 constitue une faute imputable à l’Hôpital Saint-Joseph ;
- L’absence de reconnaissance du syndrome obstructif au niveau du haut appareil urinaire gauche lors du scanner abdomino-pelvien du 19 mai 2015 puis lors du retrait de la sonde à demeure le 20 mai 2015, constituent des fautes imputables à l’Hôpital Saint-Joseph ;
- L’indication, mais sans réalisation immédiate, le 24 juillet 2015, d’un drainage du haut appareil urinaire gauche par la pose d’une sonde JJ, ainsi que la programmation du geste seulement au mois de septembre, constituent des fautes imputables à l’Hôpital Saint-Joseph. »

S’agissant des causes des dommages de Monsieur [E], l’expert indique :

« La péritonite, l’hémorragie post prostatectomie ayant conduit à deux reprises chirurgicales, ainsi que l’hémorragie par rupture du faux anévrisme de l’artère hypogastrique droite au cours de l’intervention du 4 avril 2015, la lésion de l’uretère gauche vraisemblablement intervenue à l’occasion des gestes chirurgicaux nécessaires pour contrôler cette hémorragie, puis la perte de la valeur fonctionnelle du rein gauche sont bien des conséquences anormales après une prostatectomie, même élargie et avec un curetage étendu comme le nécessitait la gravité du cancer de la prostate de Monsieur [E].
Les préjudices subis sont directement imputables à un acte de soins. Le fait générateur de ce litige est la prostatectomie robotisée réalisée à l’Hôpital Saint-Joseph le 20 mars 2015. Le dommage est monofactoriel.
Monsieur [E] a bien présenté des conséquences de la prostatectomie critique réalisée à l’Hôpital Saint-Joseph :
- Anormales et fautives en relation avec le retard diagnostique de l’obstruction du haut appareil urinaire gauche ayant abouti à la perte fonctionnelle de son rein gauche ;
- Anormales et non fautives concernant les autres événements intervenus, notamment la péritonite et l’hémorragie post opératoires, les deux reprises chirurgicales nécessaires, l’éventration pariétale séquellaire. »

Par ailleurs, le Docteur [P] retient l’existence d’une infection nosocomiale dont les premiers signes ont été constatés le 29 mars 2015 dans l’hémoculture prélevée lors de sa réadmission à l’hôpital et dans le liquide péritonéal prélevé au cours de la réintervention en urgence pratiquée par le chirurgien viscéral :« L’infection retrouvée à E Coli BLSE est bien nosocomiale en raison du délai d’apparition par rapport à la prostatectomie, fait générateur du dommage. »
Toutefois, l’Expert ne retient aucune conséquence directe de cette infection aucun dommage évaluable. « L’ensemble du dommage que nous avons décrit et évalué en réponse à la question n°9 est une conséquence de l’état pathologique intercurrent et des complications chirurgicales intervenues. »

S’agissant des préjudices de Monsieur [E], l’expert conclut comme suit :

- Un déficit fonctionnel temporaire :
de classe III le 27 mars 2015 ;
total du 28 mars au 7 juillet 2015 ;
de classe III du 8 juillet au 6 septembre 2015 ;
total du 7 septembre au 9 septembre 2015 ;
de classe III du 10 septembre 2015 au 9 novembre 2015 ;
de classe I du 10 novembre 2015 jusqu’au 3 février 2017.
Il précise qu’une « prostatectomie non compliquée aurait entrainé une période de DFTP de classe I pendant 30 jours suivant la sortie de l’établissement hospitalier.

- besoin en aide humaine de quatre heures par jour du 8 juillet au 8 octobre 2015 ; soit pendant 92 jours. Une aide a également été apportée pour la gestion du cabinet de Monsieur [E] pendant les périodes d’hospitalisation.
- Des souffrances endurées à 5/7.
- Un préjudice esthétique temporaire à 3/7.
- consolidation au 3 février 2017.
- déficit fonctionnel permanent de 25%.
- préjudice esthétique permanent à 2/7
- préjudice d’agrément constitué par l’abandon de la voile et la limitation de la bicyclette
- Sur le plan professionnel, le Docteur [P] constate que Monsieur [Y] [E], psychiatre, travaillait jusqu’à la réalisation de la prostatectomie ; soit jusqu’au 20 mars 2015. Monsieur [Y] [E] n’a pas retravaillé depuis et a fait valoir ses droits à la retraite en ce qui concerne sa seule activité libérale. « L’incapacité de travail a donc été totale. Il n’y a pas eu de reprise partielle. »
- Réserves d’aggravation : Risque d’évolution oncologique avec l’instauration d’une surveillance nécessaire actuellement inexistante. Risque d’aggravation de l’insuffisance rénale. Risque de complication au niveau du rein gauche non fonctionnel (hypertension artérielle, surinfection, etc …) amenant à considérer secondairement l’indication de son ablation chirurgicale (néphrectomie).

***

Au vu de ce rapport, par acte des 20, 22, 26 octobre 2020 assignant Le Groupe Hospitalier [Localité 18] [19], RELYENS MUTUAL INSURANCE (auparavant Société Hospitalière d’Assurances Mutuelles, la SHAM), l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), la Caisse Primaire d’Assurances Maladie des Hauts de Seine, suivis de conclusions récapitulatives signifiées le 19 juin 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les consorts [E] demandent au tribunal de :

➢ DONNER ACTE à Madame [W] [X], Monsieur [S] [E], Monsieur [T] [E] & Madame [F] [E] de la reprise de l’instance en qualité d’héritiers de Monsieur [Y] [E] décédé le [Date naissance 7] 2022 ;
➢ DIRE ET JUGER que Monsieur [Y] [E] a été victime concurremment d’un aléa thérapeutique (complications hémorragiques) et d’une infection nosocomiale dans les suites de la prostatectomie du 20 mars 2015 à l’origine de tout le dommage subséquent ;

➢ DIRE ET JUGER, au surplus, que le lâchage complet de l’anastomose entre l’urètre et la vessie ainsi que la constitution d’un faux anévrisme de l’artère hypogastrique gauche constituent, en eux-mêmes, un aléa thérapeutique ;

➢ DIRE ET JUGER, au surplus, que la lésion de la paroi urétérale gauche qui a été ultérieurement à l’origine de la sténose urétérale gauche constitue, en elle-même, un aléa thérapeutique ;

➢ DIRE ET JUGER que le dommage initial de Monsieur [Y] [E] s’est compliqué d’une faute commise par le Docteur [B] constituée par un retard de prise en charge d’un syndrome obstructif au niveau du haut appareil urinaire ;

➢ CONSTATER que le Docteur [B] a commis cette faute dans le cadre d’une activité salariée au sein de l’Hôpital Saint-Joseph ;

➢ CONSTATER que l’Hôpital Saint-Joseph est assuré auprès de RELYENS MUTUAL INSURANCE, auparavant la Société Hospitalière d’Assurances Mutuelles (SHAM) ;

➢ EVALUER l’entier préjudice de Monsieur [E] à 287 088,08€ après déduction des sommes revenant aux organismes sociaux, soit :
▪ 162 824,90€ au titre des préjudices patrimoniaux ;
▪ 124 263,18€ au titre des préjudices extrapatrimoniaux.

➢ CONDAMNER d’une part l’ONIAM et d'autre part l'Hôpital [19] in solidum avec son assureur, RELYENS MUTUAL INSURANCE, à réparer l’entier préjudice de Monsieur [Y] [E] selon la clé de répartition que le Tribunal appréciera et verser les sommes susvisées à la succession de [Y] [E] ;

➢ CONDAMNER in solidum l’Hôpital Saint-Joseph et RELYENS MUTUAL INSURANCE à verser à Madame [W] [X] la somme de 18 000,00€ en sa qualité de victime par ricochet ;

➢ CONDAMNER in solidum l’Hôpital Saint-Joseph et RELYENS MUTUAL INSURANCE à verser à Monsieur [S] [E] la somme de 10 000,00€ en sa qualité de victime par ricochet ;

➢ CONDAMNER in solidum l’Hôpital Saint-Joseph et RELYENS MUTUAL INSURANCE à verser à Monsieur [T] [E] la somme de 10 000,00€ en sa qualité de victime par ricochet ;

➢ CONDAMNER in solidum l’Hôpital Saint-Joseph et RELYENS MUTUAL INSURANCE à verser à Madame [F] [E] la somme de 10 000,00€ en sa qualité de victime par ricochet ;

➢ CONDAMNER d’une part l’ONIAM et d'autre part l'Hôpital Saint-Joseph et RELYENS MUTUAL INSURANCE in solidum (selon la répartition qu’appréciera le Tribunal) à verser à la succession de Monsieur [Y] [E] la somme de 15 000,00€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

➢ CONDAMNER d’une part l’ONIAM et d'autre part l'Hôpital Saint-Joseph et RELYENS MUTUAL INSURANCE in solidum (selon la répartition qu’appréciera le Tribunal) aux intérêts de droit, avec anatocisme, à compter de l’assignation ;

➢ DECLARER le jugement à venir commun à la CPAM des Hauts-de-Seine ;

➢ ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

En effet, Monsieur [Y] [E] est décédé en cours d’instance, le 25 mars 2022 à l’âge de 73 ans, son épouse et ses trois enfants ont repris celle-ci en leur qualité d’héritiers.

***

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 16 juin 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le GROUPE HOSPITALIER [19], et RELYENS MUTUAL INSURANCE demandent au tribunal de :

A TITRE PRINCIPAL
- Constater que le GH [19] et RELYENS MUTUAL INSURANCE (anciennement SHAM) entendent s’en remettre à l’appréciation du Tribunal s’agissant des responsabilités encourues ;
- Fixer le droit à réparation de feu Monsieur [Y] [E], en considération des seuls préjudices imputables au retard de diagnostic du syndrome obstructif dont il a été victime, de la façon suivante :
o au titre des frais divers 1.620 euros
o au titre de la tierce personne temporaire 8.920 euros
o au titre du déficit fonctionnel temporaire 4.802,50 euros
o au titre des souffrances endurées 15.000 euros
o au titre du préjudice esthétique temporaire 2.000 euros
o au titre du déficit fonctionnel permanent 6.992,61 euros
o au titre du préjudice d’agrément 932,40 euros
- Fixer à la somme maximale de 7.000 euros le droit à réparation de Madame [W] [H] épouse [E] au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d’existence ;
- Fixer à la somme maximale de 2.500 euros chacun le droit à réparation de Monsieur [S] [E], Monsieur [T] [E] et Madame [F] [E] au titre de leur préjudice moral ;
- Limiter la créance de la CPAM des Hauts de Seine à la somme de 16.664,13 euros.

EN TOUT ETAT DE CAUSE
- Ramener à de plus justes proportions la somme réclamée par les Consorts [E] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Débouter les demandeurs, ainsi que toute autre partie à l’instance, du surplus des demandes formulées à l’encontre du GH [19] et/ou de RELYENS MUTUAL INSURANCE (anciennement SHAM).
***

Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 17 mars 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie Des Hauts de Seine (CPAM 92) demande au tribunal de :

CONDAMNER in solidum le Groupe Hospitalier Saint-Joseph et la SHAM à payer à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Hauts de Seine :
➢ La somme de 10 382,75 € en remboursement des prestations en nature prises en charge au titre des dépenses de santé actuelles (frais médicaux, de transport et d’hospitalisation), avec intérêts de droit à compter de sa première demande en justice, le 5 mars 2021 ;

➢ La somme de 5 346, 88 € en remboursement des indemnités journalières versées avant consolidation, avec intérêts de droit à compter de sa première demande en justice, le 5 mars 2021 ;

➢ La somme de 934, 50 € en remboursement des prestations en nature prises en charge au titre des dépenses de santé futures (frais médicaux), avec intérêts de droit à compter de sa première demande en justice, le 5 mars 2021 ;

➢ La somme de 1 162, 00 € au titre de l’indemnité forfaitaire de l’article L. 376-1 in fine du Code de la Sécurité Sociale ;

JUGER que les intérêts échus pour une année entière à compter de la décision produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil tel qu'issu de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
JUGER que la CPAM des Hauts de Seine exerce son recours :
❖ En ce qui concerne les frais médicaux, de transport et d’hospitalisation pris en charge avant consolidation, sur le poste dépenses de santé actuelles (DSA), qui sera fixé à la somme de 10 382,75€ ;
❖ En ce qui concerne les indemnités journalières sur le poste pertes de revenus temporaires (PGPA) qui sera fixé à la somme de 97 479, 04 € ;
❖ En ce qui concerne les frais médicaux pris en charge après consolidation, sur le poste dépenses de santé futures (DSF), qui sera fixé à la somme de 934, 50 € ;

CONDAMNER in solidum le Groupe Hospitalier Saint-Joseph et la SHAM à payer à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Hauts de Seine une somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.
CONDAMNER in solidum le Groupe Hospitalier Saint-Joseph et la SHAM aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Maître Sylvain NIEL en application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

***

Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 22 janvier 2021, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) demande au tribunal de :

- Dire et juger que le dommage subi par monsieur [E] est imputable à un retard de diagnostic engageant la responsabilité de l’hôpital [19] ;
- Dire et juger que les préjudices subis n’atteignent par les seuils de gravité d’intervention de l’Oniam au titre de la solidarité nationale ;
- Dire et juger que les conditions d’indemnisation par la solidarité nationale ne sont pas réunies en l’espèce ;
En conséquence,
- Débouter les consorts [E] des demandes dirigées contre l’Oniam ;
- Débouter toute partie de toute demande en ce qu’elle serait dirigée contre l’Oniam.

***

La clôture de la présente procédure a été prononcée le 19 juin 2023.

L'affaire a été mise en délibéré au 11 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR L'ACTION EN RESPONSABILITÉ INTENTEE

Il résulte des dispositions des articles L.1142-1-I et R.4127-32 du code de la santé publique que, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Tout manquement à cette obligation qui n'est que de moyens, n'engage la responsabilité du praticien que s'il en résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine.
L'article R.4127-33 du code de la santé publique dispose que « le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés ».
En vertu du contrat d'hospitalisation et de soins le liant au patient, l'établissement de santé privé est responsable des fautes commises tant par lui-même que par ses substitués ou ses préposés qui ont causé un préjudice à ce patient.

La réparation des conséquences de l’aléa thérapeutique n’entre pas dans le champ des obligations dont le médecin est contractuellement tenu à l’égard de son patient.
Il est constant que l’aléa médical peut être défini comme un événement dommageable au patient sans qu’une maladresse ou une faute quelconque puisse être imputée au praticien, et sans que ce dommage se relie à l’état initial du patient ou à son évolution prévisible. Cette définition implique que l’accident ait été imprévisible au moment de l’acte, ou qu’il ait été prévisible mais connu comme tout à fait exceptionnel, de sorte que le risque était justifié au regard du bénéfice attendu de la thérapie.

En application des dispositions de l'article L.1142-1 paragraphe I, alinéa 2 du code de la santé publique, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Toutefois, en vertu des dispositions de l'article L 1142-1, I I du code de la santé publique, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale les dommages résultant d'infections nosocomiales correspondant à un taux "d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique" supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales, et ce, sans qu'il y ait lieu de rechercher la responsabilité de l'établissement de santé.

Peut être qualifiée de nosocomiale, l'infection qui n'était ni présente ni en incubation lors de l'admission du patient dans un établissement de santé et qui survient au cours ou au décours de la prise en charge du patient à l'occasion de la réalisation d'un acte de soin.
Pour les infections du site opératoire, il est admis que sont nosocomiales les infections survenant dans le mois de l'intervention ou dans l'année de celle-ci, si elle a comporté la mise en place d'un implant ou d'une prothèse.

Enfin, aux termes de l'article L.1142-1 paragraphe II du Code de la santé publique :"Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, et, en cas de décès, de ses ayants droit lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail.

Au titre du critère de gravité du dommage, l’ONIAM n’a vocation à intervenir que si le dommage subi par la victime atteint, a minima, l’un des seuils de gravité suivants :
- un déficit fonctionnel permanent supérieur à 24% ;
- un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire total ou partielle supérieur ou égal à un taux de 50% pendant six mois consécutifs ou six mois non consécutifs sur une période de 12 mois.
A titre exceptionnel, l’ONIAM a vocation à intervenir :
- lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue du dommage ;
- lorsque le dommage occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence.

En l’espèce, les positions des parties sont les suivantes :

Les demandeurs font valoir un droit à indemnisation intégral au regard des causes du dommage : un aléa et une infection nosocomiale suivis d’un retard de diagnostic et de prise en charge qui ont causé le dommage, la perte du rein gauche, soit des conséquences anormales de la prostatectomie et suffisamment graves pour ouvrir droit à indemnisation par la solidarité nationale. Ils considèrent que les critères d’anormalité et de gravité doivent s’apprécier globalement au regard de la chaine causale continue.
Ils considèrent également que l’indemnisation en lien avec l’infection nosocomiale incombe à l’établissement hospitalier au regard du taux de DFP qui n’est pas supérieur mais est égal à 25%. Bien que l’expert n’ait pas retenu de dommage évaluable, conséquence de cette infection. Ainsi, ils font valoir que la péritonite est pourtant relevée comme première complication et qu’elle a contribué au lâchage de l’anastomose à l’origine des complications urinaires.
Ils demandent au tribunal d’apprécier la part de dette de l’hôpital en rapport avec cette infection, sa part de dette en rapport avec la faute de son préposé et la part de dette en rapport avec l’aléa qui incombe à l’ONIAM en rappelant que l’aléa précède la faute de sorte que la faute n’absorberait pas toute la causalité.

Le groupe hospitalier Saint-Joseph et son assureur ne contestent pas la faute de diagnostic de l’obstruction du haut appareil urinaire gauche et ses conséquences sur la perte du rein. Ils demandent au tribunal de retenir à leur égard la seule dette en lien avec ces conséquences.
Ainsi, s’ils relèvent la mise en évidence d’une infection qualifiée de nosocomiale, ils considèrent que la responsabilité de l’établissement de santé ne saurait être engagée, en l’absence de préjudice réparable en lien avec cette infection nosocomiale.

L’ONIAM considère que les conditions de son intervention ne sont pas réunies tant en ce qui concerne l’infection nosocomiale (le DFP n’est pas supérieur à 25%) que l’aléa (critère d’anormalité et de gravité pas réunis pour la part du dommage imputable à l’aléa). L’office relève que les préjudices sont en relation de causalité avec le retard de diagnostic de 5 mois du syndrome obstructif, qualifié de faute, et considère qu’il n’a vocation à intervenir qu’à titre subsidiaire en présence d’une faute médicale.

Sur ce

Il n’est pas contesté que Monsieur [E] a été victime d’un accident médical non fautif lors de l’intervention de prostatectomie du 20 mars 2015 (« la survenance de complications hémorragiques et septiques sept jours après la prostatectomie est une conséquence anormale non fautive de celle-ci, le lâchage complet de l’anastomose entre l’urètre et la vessie ainsi que la constitution d’un faux anévrisme de l’artère hypogastrique gauche avec un choc hémorragique constituent des conséquences anormales non fautives de la prostatectomie »), puis de nouveau lors de celle du 4 avril 2015 (« la lésion de la paroi urétérale gauche qui a été ultérieurement à l’origine de la sténose urétérale gauche est une conséquence anormale non fautive de la prostatectomie »).

La complication septique a été qualifiée de nosocomiale car un germe [G] Coli a été identifié sur le prélèvement du 29 mars 2015. Cette infection qui résulte de l’intervention du 20 mars 2015, a évolué en parallèle de l’hémorragie et du lâchage de l’anastomose entre l’urètre et la vessie.

S’agissant de l’intervention du 4 avril 2015, l’Expert précise que « cette reprise a été manifestement une intervention très difficile, dans un contexte d’une hémorragie per-opératoire importante qui est toujours une circonstance particulièrement stressante, difficile et dangereuse de l’exercice du métier de chirurgien » et que « dans les circonstances aiguës de l’hémorragie massive peropératoire et des gestes nécessaires pour disséquer l’artère hypogastrique et exposer l’origine du saignement et la bifurcation de l’artère iliaque primitive gauche, on doit retenir la probable lésion de la paroi urétérale gauche qui a été ultérieurement à l’origine de la sténose urétérale gauche ».
Il conclut ensuite que « compte tenu des circonstances opératoires que nous avons décrites, cette lésion urétérale n’est pas fautive et ne relève pas d’une maladresse, la priorité étant d’assurer l’hémostase et de tarir cette hémorragie massive pouvant mettre en jeu le pronostic vital ».

Dans les suites de ces reprises chirurgicales, Monsieur [E] a développé un syndrome obstructif au niveau du haut appareil gauche. Cette obstruction est, selon l’Expert, « probablement consécutive aux circonstances de l’intervention du 4 avril 2015 » et était « décelable sur des scanners réalisés à l’hôpital Saint-Joseph et notamment dès le scanner du 13 avril ».
L’Expert conclut que « la constatation de ce syndrome obstructif au niveau du haut appareil urinaire gauche n’a pas donné lieu à une prise en charge dans les délais les plus rapides qui auraient probablement permis de sauver ce rein gauche »
Il réitère sa position en réponse à un Dire adressé dans l’intérêt du GH [Localité 18] [19] en indiquant maintenir « que ce retard est fautif au motif qu’il était évoqué par le scanner du 13 avril 2015 (…) L’exploration et le traitement de ce syndrome obstructif n’ont alors été envisagés que pour le mois de septembre 2015, soit avec un retard de près de 5 mois par rapport à la constitution de cette obstruction.»

Le groupe hospitalier Saint-Joseph et son assureur ne contestent pas la faute ainsi relevée.
Pour autant, cette faute de diagnostic, responsable d’un retard de prise en charge, ne saurait occulter la cause directe du dommage, à savoir la succession d’événements non fautifs : hémorragie, infection, lâchage de l’anastomose, constitution d’un faux anévrisme de l’artère hypogastrique gauche avec choc hémorragique, et lésion de l’uretère gauche lors de l’hémostase, qui ont conduit à l’obstruction du haut appareil gauche, laquelle a évolué jusqu’à conduire à la destruction du rein gauche.
De plus l’expert souligne que cette évolution était manifestement asymptomatique, qu’elle s’est opérée « à bas bruit », qu’il n’y avait pas de symptômes évocateurs de type fièvre, coliques néphrétiques ou lombalgies gauches. Il note que mi-avril les hypothèses pour expliquer l’état de M. [E] étaient multiples, que l’appareil urinaire pouvait être en cause ainsi que l’appareil digestif et que le contexte septique ne facilitait pas les choses.

Le retard à l’intervention de 5 mois n’est pas la cause du dommage mais constitutif d’une perte de chance totale d’éviter la destruction du rein gauche, l’expert notant les occasions manquées de sauver le rein à différentes étapes :
-les 13-14 avril 2015 : visible au scanner et possibilité de drainage par voie per-cutanée ou néphrostomie avec des résultats plus sûrement favorables,
-le 20 mai 2015 : lors du retrait de la sonde vésicale, au scanner les cavités rénales gauches paraissaient dilatées, il aurait fallu réaliser une nouvelle imagerie en coupe, possibilité de drainage par la voie excrétrice haute gauche avec des résultats moins sûrement favorables au regard du délai de 6 semaines,
-le 24 juillet 2015 : réalisation du diagnostic et indication de drainage par sonde JJ mais programmée plus d’un mois plus tard en septembre.

Contrairement à ce que soutient l’ONIAM, en cas de co-existence d'un aléa thérapeutique et d'une faute incombant à un personnel de santé il résulte de la combinaison des articles L1142-1 et L1142-8 du code de la santé publique que ne peuvent être exclus du bénéfice de la réparation au titre de la solidarité nationale les préjudices, non indemnisés, ayant pour origine un accident non fautif, dans le respect du principe de la réparation intégrale due aux victimes.

Dès lors, les conditions d’indemnisation par l’ONIAM sont réunies en considération de l’entier dommage.

Par ailleurs, quoi qu’en disent les défendeurs, si l’expert n’a pas pu déterminer des préjudices imputables strictement à l’infection nosocomiale, cette infection a manifestement contribué aux événements qualifiés d’accidents médicaux non fautifs qui ont conduit à la lésion de l’uretère gauche responsable de l’obstruction du haut appareil gauche, d’autant qu’elle a pu soit prospérer en présence d’une hémorragie, soit accentuer ou provoquer l’hémorragie.
L’expert note, en effet, page 13 : « le lâchage de l’anastomose est secondaire, il est survenu à l’occasion de la complication urinaire et septique » et s’agissant de l’origine de l’hématome survenu le 28 mars 2015 : « l’infection favorise le saignement et l’inverse est également vrai. L’intervention de la prostatectomie n’avait pas été particulièrement hémorragique ». Il indique ensuite à propos de la perte du rein gauche et l’obstacle urétéral pelvien : « il (l’obstacle) est probablement lié à une ischémie en relation avec les interventions multiples et les reprises. Le contexte septique a pu favoriser cette ischémie ». Il conclut page 27 : « l’origine de l’infection est possiblement une colonisation bactérienne sur la sonde vésicale et la pullulation microbienne a été favorisée par la présence de l’hématome qui est un milieu favorable pour le développement bactérien ».
Ainsi, l’infection est mise en relation à chaque étape du processus de constitution du dommage.

En conséquence, il convient de retenir une part imputable aux accidents médicaux successifs et à l’infection de 50%, dont 70% imputable à l’ONIAM (soit 35% des préjudices) et 30% imputable au groupe hospitalier (soit 15% des préjudices), et 50% imputable à la faute du groupe hospitalier, soit au total pour le groupe hospitalier [Localité 18] [19] 65% des préjudices.

Il convient de préciser s’agissant de la créance de la CPAM de Hauts-de-Seine, que les recours des tiers payeurs s'exercent à l'encontre des seuls auteurs responsables de l'accident survenu à la victime. La réparation qui incombe à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), en vertu des dispositions de l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique, a pour objet d'assurer, au titre de la solidarité nationale, la prise en charge des conséquences d'un accident médical, d'une affection ou d'une infection qui ne peuvent être imputées à la faute d'un professionnel ou d'un établissement de santé, sans que cet établissement public ait la qualité d'auteur responsable des dommages. En conséquence, l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale ouvrant aux caisses de sécurité sociale la possibilité de poursuivre le remboursement des dépenses qu'elles ont exposées en faveur de la victime qu'à l'encontre du responsable d'un dommage corporel, les recours des tiers payeurs ne peuvent être exercés contre l'ONIAM lorsque celui-ci a pris en charge la réparation du dommage au titre de la solidarité nationale.

SUR L’ÉVALUATION DU PRÉJUDICE CORPOREL DE M. [C]

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [Y] [E], né le [Date naissance 1] 1949 et âgé par conséquent de 66 ans lors de l'accident, de 67 ans à la date de consolidation de son état de santé, qui est décédé le [Date décès 8] 2022 à l’âge de 73 ans et qui exerçait la profession de médecin psychiatre et expert lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

I. PREJUDICES PATRIMONIAUX

- Dépenses de santé avant consolidation

Aux termes du relevé de créance définitive daté du 17 décembre 2020, le montant définitif des débours de la CPAM des Hauts-de-Seine s'est élevé à la somme de 10 382,75 € correspondant aux frais suivants :

Frais hospitaliers :
Du 29/04/2015 au 01/05/2015 ............................................ 959, 52 €
Du 07/05/2015 au 19/05/2015 ......................................... 6 443, 52 €
Du 07/09/2015 au 09/09/2015 ............................................ 796, 07 €

Frais médicaux : Du 24/07/2015 au 03/02/2017 ................. 1 622, 41 €

Frais de transport : Du 29/04/2015 au 09/09/2015 ................ 561, 23 €.

Ce poste de préjudice n'étant constitué que des débours de la CPAM des Hauts de Seine, il ne revient à la victime aucune indemnité complémentaire et il convient de faire droit à la demande de la CPAM dans la limite de la part de responsabilité du groupe hospitalier, qui ne conteste pas la créance, à ce titre.

- Frais divers

L'assistance de la victime lors des opérations d'expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu'elle permet l'égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d'indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité. De même, ces données peuvent justifier d'indemniser les réunions et entretiens préparatoires. Les frais d'expertise font partie des dépens.

En l'espèce, il convient de faire droit à la demande de 1620€ correspondant à ces frais, et dont le demandeur justifie s’être acquitté, non contestée par le groupe hospitalier [19] et RELYENS MUTUAL INSURANCE.

- Assistance tierce personne provisoire

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant de l'assistance tierce-personne provisoire :
quatre heures par jour du 8 juillet au 8 octobre 2015, soit pendant 92 jours, une aide a également été apportée pour la gestion du cabinet de Monsieur [E] pendant les périodes d’hospitalisation.
Il est demandé 7360 € pour la première période sur la base de 20€ l’heure et une aide de 202 heures pour l’aide assurée par son épouse 2 heures par jour du 28 mars au 7 juillet 2015 dans la gestion du cabinet médical sur une base de 30€ l’heure.

Le groupe hospitalier Saint-Joseph et son assureur acceptent de prendre en compte la période du 08/07/2015 au 08/10/2015 au taux de 15 € l’heure, et pour l’aide professionnelle du 13/04/2015 au 07/07/2015 la somme de 3.400 € au taux de 20 € l’heure.

Sur la base d’un taux horaire unique de 20 euros, sans qu’il soit justifié de distinguer l’aide professionnelle et l’aide dans la vie quotidienne, il convient d'allouer la somme suivante :
20 € x 4 h x 92 j = 7360 €
20€ x 2 h x 85 j = 3400 €
Total : 10 760 €.

- Perte de gains professionnels avant consolidation

Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation.

La CPAM fait valoir une créance d’indemnités journalières de 5346,88€ sur ce poste pour la période du 30/4/2015 au 31/8/2015.

Les demandeurs sollicitent la somme de 45 582,52 € après déduction de cette créance. Ils font valoir que M. [E] exerçait une activité libérale de consultation et expertise, une activité de garde à l’UMPL 93, une activité d’enseignement et des activités associatives et que s’il allait prendre sa retraite de l’activité libérale, il entendait poursuivre les autres activités au moins jusqu’à 70 ans. La demande est calculée sur la base des salaires de l’UMPL 93, de 2313 € mensuels avec actualisation.

Les défendeurs considèrent que le préjudice n’est pas caractérisé en l’état des pièces versées et à titre subsidiaire demandent au tribunal de retenir la seule période du 30 avril 2015 au 31 août 2015.

Le rapport d’expertise indique qu’une prostatectomie non compliquée aurait entrainé une période de DFTP de classe 1 pendant 30 jours suivant la sortie de l’hôpital, soit jusqu’au 26 avril 2015.
En conséquence, il conviendra de prendre en compte la période du 27 avril 2015 au 3 février 2017, date de la consolidation pour le calcul de ce poste, les périodes d’arrêts de travail sur la période antérieure n’étant pas imputables à l’accident médical.

Les avis d’imposition mentionnent les revenus suivants :

Année

salaires

BNC

BNC nets

Autres retraites

2011

10 389

44 453

29339

2012

6712

58 592

2013

6021

183 147

2014

551

3012

20181

Au regard des pièces versées aux débats, le 29/10/2014, M. [E] avait été embauché en qualité de salarié par le GIE UMPL de [Localité 18] 17e et ses salaires se sont élevés à : janvier et février 2015, 2313€ nets mensuel, mars 2015, 1459,64 € nets pour un mois incomplet. Il a perçu des indemnités journalières calculées sur cette base.
L’attestation comptable pour le GIE UMPL du cabinet FIDURYS du 18 mai 2020 indique que M. [E] a perçu des honoraires de sous-traitance du 1/1/2015 au 31/12/2019 qui se sont élevés à :
2015 : 1265,40€
2016 : 507,10€
2017 : 1646€
2018 : 2594€
2019 : 20 000€.
Son conseil fait état d’une erreur sur la somme indiquée en 2019 qui correspond à des retards de paiement des années précédentes et ont été ventilées ensuite en 4 fois.
En effet, l’attestation du même cabinet en date du 21 octobre 2021 mentionne des montants versés suivants de 2011 à 2018 et l’absence d’exercice au sein de l’UMPL pour les années 2019 et suivante :
2011 : 30 000€
2012 : 30 000€
2013 : 41 646€
2014 : 52 063€
2015 : 6265,40€ (selon la fiche de paie de mars 2015 : cumul imposable de 6314,25€)
2016 : 5507,10€
2017 : 5646€
2018 : 7594€.

Si on prend en compte un revenu mensuel fixe de 2313 € nets à compter du 1/1/2015, le salaire annuel attendu s’élève à 27 756€.

Dès lors, ce poste peut être calculé comme suit, du 27 avril 2015 au 3 février 2017 :
27 756€ / 365j x 649 j = 49 352,44 € dont à déduire les revenus perçus de 5507,10€ en 2016, soit 43 845,34 € (les revenus 2017 seront déduits des PGPF pour simplifier).
Après actualisation sur la base du coût du travail, conformément à la demande (x1,1201) : 49 111,16€.
Sur cette somme, il revient à la CPAM, la somme de 5346,88€ et aux demandeurs le solde de 43 764,28€.

- Dépenses de santé futures

Elles sont évaluées par la CPAM à hauteur de 934,50€. Toutefois, M. [E] étant décédé en cours d’instance, il ne peut être procédé à la capitalisation de ce coût annuel de 75,06€ (27€ + 48,06€).
Entre la consolidation et le décès le [Date décès 8] 2022, ce préjudice est évalué à 5 consultations, soit 375,30€, somme qui revient à la CPAM.

Ce poste de préjudice n'étant constitué que des débours de la CPAM, il ne revient à la victime aucune indemnité complémentaire.

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

Il est demandé la somme de 52 202,38 € sur les mêmes bases que pour le poste PGPA jusqu’à l’âge de 70 ans.
Dans les suites de ce qui précède, étant observé que la poursuite d’une activité partielle jusqu’à l’âge de 70 ans était envisageable dans le cas de M. [E] en l’absence d’accident médical, le poste est calculé comme suit du 4 février 2017 au 10 mars 2019 :

27 756€ x 1,1201 = 31 089,50€ /365 j x 765 j = 65 160,18 €, dont à déduire les revenus perçus en 2017 (5646€) et ceux de 2018 (7594€), soit 51 920,18€.

- Incidence professionnelle

Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap. Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

Il est demandé 50 000€ de ce chef en raison de la nécessité pour M. [E] d’interrompre brusquement ses diverses activités.

Les défendeurs s’y opposent en l’absence de lien de causalité établi entre l’insuffisance rénale dont souffre Monsieur [E] et l’incidence sur sa sphère professionnelle. Ils relèvent que M. [E] a notamment créé en 2020 un diplôme universitaire de criminologie-victimologie à l’Institut Catholique de [Localité 18] et que dans une interview en 2019, il indiquait diriger encore « deux équipes de psychiatres » au sein de l’UMPL et donner des cours à [Localité 18] 2, [Localité 18] 5, à [Localité 21] et essayer de faire progresser le droit des victimes en organisant des colloques.
Ils produisent un article faisant état de sa participation à une conférence en février 2016, un extrait faisant mention d’une intervention devant 120 acteurs en novembre 2019, sa fiche wikipédia qui mentionne notamment des ouvrages publiés en 2017 et 2020, la plaquette du programme du DU pour 2020-2021, une interview en 2019, l’extrait kbis de l’UMPL an 2/2/2022 où figure encore son nom en qualité d’administrateur.
Au regard des éléments versés aux débats, il est établi que M. [E] a poursuivi en partie une activité professionnelle ou associative malgré son accident médical. Ses pertes de gains ont été prises en compte, il ne justifie pas d’un autre préjudice. Sa demande sera rejetée de ce chef.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
de classe III le 27 mars 2015 ; total du 28 mars au 7 juillet 2015 ; de classe III du 8 juillet au 6 septembre 2015 ; total du 7 septembre au 9 septembre 2015 ; de classe III du 10 septembre 2015 au 9 novembre 2015 ; de classe I du 10 novembre 2015 jusqu’au 3 février 2017.
Il précise qu’une « prostatectomie non compliquée aurait entrainé une période de DFTP de classe I pendant 30 jours suivant la sortie de l’établissement hospitalier.

Les demandeurs sollicitent que soit retenu un taux de 25% sur la dernière période et font valoir à juste titre que le DFTP ne peut être inférieur au DFP. Il en sera donc ainsi.

Sur la base d’une indemnisation de 30 € par jour pour un déficit total, adapté à la situation décrite et aux différents troubles de la victime, il sera alloué la somme suivante :

dates30,00 € / jour
27/03/2015taux déficittotal
27/03/20151 jour50%15,00 €
07/07/2015102 jours100%3 060,00 €
06/09/201561 jours50%915,00 €
09/09/20153 jours100%90,00 €
09/11/201561 jours50%915,00 €
03/02/2017452 jours25%3 390,00 €8 385,00 €

Il convient de déduire la période de DFT qui relève des conséquences normales de la prostatectomie, soit 30 jours à 10%. En conséquence, les demandeurs sont bien fondés en leur demande de 8227,50€.

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par la péritonite survenue, les deux réinterventions nécessaires, les périodes d’hospitalisations prolongées et de réanimation, la pose de néphrostomie per-cutanée notamment. Elles ont été cotées à 5/7 par l’expert.
Dans ces conditions, il convient d'allouer la somme de 30 000 € à ce titre.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce jusqu'à la date de consolidation.

En l'espèce, celui-ci a été coté à 3/7 par l'expert en raison notamment de l’alitement avec multiples de drains, port prolongé d’une sonde vésicale avec poche et sonde de néphrostomie, incision de reprise. Il n’est pas justifié de revoir cette cotation qui relève des compétences médicales. Ce préjudice sera réparé par la somme de 8 000 € au regard des drains et sondes posées.

- Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ses conditions d'existence.

En l'espèce, l’expert a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 25% au regard des séquelles d’insuffisance rénale avec perte du rein gauche, d’éventration sur la cicatrice médiane ombilicale, et de retentissement psychologique. M. [E] est décédé le [Date naissance 7] 2022 à 73 ans, il avait 67 ans lors de la consolidation.
Au regard de ces élément, de son espérance de vie de l’ordre de 79 ans en moyenne, de son décès en 2022, il lui sera alloué une indemnité de 30 000 € au lieu de 41 250€, le calcul au prorata conduisant à allouer une somme supérieure.

- Préjudice esthétique permanent

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce de manière pérenne à compter de la date de consolidation.

En l'espèce, il est coté à 2/7 par l'expert en raison de notamment de l’incision médiane qui est imputable à l’accident médical, nonobstant les autres cicatrices.
Dans ces conditions, il convient d'allouer une somme de 2 000 € à ce titre pour prendre en compte le décès de M. [E].

- Préjudice d'agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités. Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers. La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident. Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

En l'espèce, il convient de noter que l’expert a retenu ce préjudice pour l’abandon de l’activité voile et la limitation de la pratique du vélo.
Il est demandé la somme de 10 000 € à ce titre, outre la somme de 13 765,68€ pour la vente à perte de son voilier et le surcoût d’acquisition du vélo électrique.

En l’absence de facture, la demande de surcoût d’acquisition du vélo électrique ne peut qu’être rejetée.

Les défendeurs considèrent que seule une somme de 3000 € pourrait être allouée pour l’abandon de l’activité voile et qu’elle devra être réduite des suites de la survenance du décès.

La pratique antérieure de voile est démontrée. Aussi, pour tenir compte de l’âge et du décès de M. [E] et de l’abandon de cette activité, il convient d’allouer 3 000 €, l’activité ne pouvant se pratiquer à une grande fréquence au regard de la domiciliation de la victime.

Le voilier acquis en 2013 pour un montant de 12 500€ a été vendu 3 ans plus tard pour un montant de 5000€. Il a fait l’objet d’améliorations facturées 1039,58€ le 20/12/2013 (système de communication) et 3626,10€ le 27/1/2015 (changement de moteur et accessoires). L’accident médical a contraint M. [E] à vendre ce voilier pour éviter sa dégradation et les coûts de mouillage et entretien. Toutefois, la valeur du voilier n’a pas été estimée et la vente à un prix aussi bas n’est pas expliquée. En conséquence, il y a lieu d’appliquer une décôte d’environ 1/3 au voilier et d’allouer  : 8500 € +1039,58€+ 5226,10 € = 14 765,68 € - 5000 € = 9 765,68 €.

Dans ces conditions, il convient d'allouer la somme de 12 765,68€ de ce chef.

SUR LES DEMANDES DES VICTIMES PAR RICOCHET

L’épouse de M. [E], Mme [X] sollicite la somme de 18 000 € au titre de son préjudice moral et les trois enfants, la somme de 10 000 € chacun.

Les défendeurs offrent une somme de 7000 € à l’épouse et 2500 € aux enfants.
Au regard de l’absence de pièce justificative de leurs préjudices, il convient de condamner le groupe hospitalier et son assureur à indemniser l’épouse et les enfants à hauteur des sommes offertes, étant rappelé que l’ONIAM n’a pas vocation à indemniser les victimes par ricochet des préjudices résultant de l’accident médical non fautif.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

* Sur l'indemnité forfaitaire de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale

En application de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale, le tiers responsable est condamné à payer une indemnité forfaitaire en contrepartie des frais engagés par l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum et d'un montant minimum, fixés par arrêté. Ainsi, le groupe hospitalier et son assureur seront condamner à verser à la CPAM la somme de 1162 € à ce titre.

* Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

L’ONIAM et le groupe hospitalier Saint-Joseph et son assureur, qui succombent en la présente instance, seront condamnés aux dépens selon les modalités fixées au dispositif. En outre, ils devront supporter les frais irrépétibles engagés par les consorts [E] et la CPAM dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison des sommes respectives de 4000 € et 1000 €.

Les intérêts des sommes allouées courront à compter du jugement en vertu de l’article 1231-7 du code civil, sauf s’agissant de la créance de la CPAM dont le point de départ sera la date des conclusions du 9 mars 2021 et qui seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code de procédure civile.

* Sur l’exécution provisoire

Rien ne justifie d'écarter l'exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s'agissant en effet d'une instance introduite après le 1er janvier 2020.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

DIT que Monsieur [Y] [E] a subi des accidents médicaux non fautifs et une infection nosocomiale à la suite de l’intervention de prostatectomie du 20 mars 2015 qui ont causé ses préjudices, notamment la perte de son rein gauche à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent de 25% ;

DIT que les accidents médicaux non fautifs subis par Monsieur [Y] [E] successivement les 20, 29 mars 2015 et 4 avril 2015 n'engagent pas la responsabilité des professionnels de santé, et que son indemnisation relève de la solidarité nationale pour cette part imputable ;

DIT que le Groupe Hospitalier [Localité 18] [19] est responsable d’un retard de diagnostic de la complication conduisant à la perte du rein gauche de 5 mois du 13 avril 2015 au mois de septembre 2015 et qu’il est responsable de plein droit des conséquences de l’infection nosocomiale ;

En conséquence,

CONDAMNE in solidum le Groupe Hospitalier [Localité 18] [19] et RELYENS MUTUAL INSURANCE à prendre en charge 65 % des préjudices ;

CONDAMNE l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à indemniser Monsieur [Y] [E] de 35% des préjudices ;

ALLOUE à la succession de Monsieur [Y] [E], à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes :
- frais divers: 1 620 €
- assistance par tierce personne temporaire : 10 760 €
- pertes de gains professionnels actuels: 43 764,28 €
- perte de gains professionnels futurs: 51 920,18 €
- déficit fonctionnel temporaire: 8 227,50 €
- souffrances endurées: 30 000 €
- préjudice esthétique temporaire: 8 000 €
- déficit fonctionnel permanent: 30 000 €
- préjudice esthétique permanent: 2 000 €
- préjudice d’agrément:12 765,68 € ;

REJETTE la demande au titre de l’incidence professionnelle ;

CONDAMNE in solidum le Groupe Hospitalier [Localité 18] [19] et RELYENS MUTUAL INSURANCE à payer à la CPAM des Hauts-de-Seine, en deniers ou quittances, provisions non déduites, dans la proportion de 65%, les sommes suivantes :
10 382,75 € au titre des dépenses de santé actuelles375,30 €au titre des dépenses de santé futures5 346,88 €au titre des indemnités journalières imputées sur les PGPACes sommes avec intérêt au taux légal à compter du 9 mars 2021,
1 162 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;
DIT que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE in solidum le Groupe Hospitalier [Localité 18] [19] et RELYENS MUTUAL INSURANCE à payer, au titre de leur préjudice moral, à :
Madame [W] [X], la somme de 7000 € Madame [F] [E], Monsieur [S] [E] et Monsieur [O] [E], chacun la somme de 2500 € ;
CONDAMNE l’ONIAM et le Groupe Hospitalier [Localité 18] [19] in solidum avec RELYENS MUTUAL INSURANCE aux dépens comprenant les frais d’expertise et pouvant être recouvrés directement par Maître [M] [I] pour ceux dont il a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l’ONIAM et le Groupe Hospitalier [Localité 18] [19] in solidum avec RELYENS MUTUAL INSURANCE à payer aux consorts [E] la somme de 4 000 € et à la CPAM des Hauts de Seine la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu d’écarter l'exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à [Localité 18] le 11 Mars 2024.

La GreffièreLa Présidente

Erell GUILLOUËTSabine BOYER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19eme contentieux médical
Numéro d'arrêt : 20/10534
Date de la décision : 11/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-11;20.10534 ?
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