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11/03/2024 | FRANCE | N°20/03028

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19eme contentieux médical, 11 mars 2024, 20/03028


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 20/03028

N° MINUTE :

Assignations des :
- 18 Février 2020
- 04 Mars 2020
- 31 août 2020
- 16 Février 2021

CONDAMNE

SC






JUGEMENT
rendu le 11 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [O] [U] épouse [I]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 12]

Représentée par Maître Anne-Sophie DUVERGER de la SCP CRTD & Associés, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire NAN 713

DÉFENDEURS

Monsieur [C] [M]
[Adr

esse 6]
[Localité 8]

Représenté par Maître Anaïs FRANÇAIS, membre de l'AARPI WENGER-FRANÇAIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R123

L’HOPITAL PRIVE [16], anciennement CLI...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 20/03028

N° MINUTE :

Assignations des :
- 18 Février 2020
- 04 Mars 2020
- 31 août 2020
- 16 Février 2021

CONDAMNE

SC

JUGEMENT
rendu le 11 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [O] [U] épouse [I]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 12]

Représentée par Maître Anne-Sophie DUVERGER de la SCP CRTD & Associés, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire NAN 713

DÉFENDEURS

Monsieur [C] [M]
[Adresse 6]
[Localité 8]

Représenté par Maître Anaïs FRANÇAIS, membre de l'AARPI WENGER-FRANÇAIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R123

L’HOPITAL PRIVE [16], anciennement CLINIQUE [16]
[Adresse 7]
[Localité 9]

Représenté par Maître Vincent BOIZARD de la SELARL BOIZARD EUSTACHE GUILLEMOT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0456

La CAISSE REGIONALE D’ASSURANCE MALADIE D’ILE DE FRANCE (CRAMIF)
[Adresse 2]
[Localité 10]

ET
Expéditions
exécutoires
délivrées le :

Décision du 11 Mars 2024
19ème chambre civile
RG 20/03028

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES YVELINES venant aux droits de la CRAMIF
[Adresse 14]
[Localité 11]

Représentées par Maître Stéphane FERTIER de JRF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0075

La S.A.S. FRANCOIS BRANCHET
[Adresse 4]
[Localité 5]

Représentée par Maître Georges LACOEUILHE membre de l’AARPI LACOEUILHE-LEBRUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0105

PARTIE INTERVENANTE

La MEDICAL INSURANCE COMPANY DESIGNATED ACTIVITY COMPANY ci-après MIC DAC
[Adresse 1]
[Localité 15] IRELAND

Représentée par Maître Georges LACOEUILHE membre de l’AARPI LACOEUILHE-LEBRUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0105

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laurence GIROUX, Vice-Présidente
Présidente de la formation

Madame Sarah CASSIUS, Vice-Présidente
Monsieur Maurice RICHARD, Magistrat à titre temporaire
Assesseurs

Assistés de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DEBATS

A l’audience du 08 Janvier 2024 présidée par Madame Laurence GIROUX tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 04 Mars 2024. Le 04 Mars 2024, avis a été donné aux avocats que le délibéré serait prorogé au 11 Mars 2024.

JUGEMENT

- Contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [O] [U] épouse [I], (ci-après Madame [O] [I]) née le [Date naissance 3] 1960 a présenté dans les suites d’une intervention en date du 27 septembre 2007 aux fins de reprise de chirurgie d’hallux valgus droit à la clinique [16], une infection nosocomiale à staphylocoque doré.
Cette intervention chirurgicale a été effectuée par le Docteur [S] [K]. L’anesthésie a été réalisée par le Docteur [C] [M].

Le 30 octobre 2007, Madame [I] était à nouveau admise à la clinique [16] pour y bénéficier, le 31 octobre 2007, d’une reprise de la cicatrice par le Docteur [K].

Le 08 janvier 2008, en consultation post opératoire, Madame [I] était adressée par le Docteur [K] au Docteur [F], lequel évoquait le 15 janvier 2008 un pied œdématisé, peu inflammatoire, avec fistule au tiers médian et articulations enraidies.

Le 08 février 2008, Madame [I] était hospitalisée à l’hôpital de [17] pour y bénéficier, le 14 février suivant, d’une reprise pour ostéoarthrite fistulisée de la première métatarsophalangienne droite, par synovectomie, excision et résection partielle du premier métatarsien avec mise en place d’un spacer fixe et excision partielle du deuxième métatarsien.

Le 22 mai 2008, Madame [I] bénéficiait d’un apport osseux et arthrodèse de la première métatarsocarpienne.

Le 02 avril 2009, Madame [I] bénéficiait d’une ablation du matériel, une ostéotomie et un allongement des extenseurs.

Le 30 novembre 2009, Madame [I] bénéficiait d’une nouvelle ostéosynthèse, et regagnait son domicile le 04 décembre suivant.

Enfin, le 25 novembre 2010, en ambulatoire, Madame [I] bénéficiait d’une ablation de matériel.

Par ordonnance de référé en date du 10 février 2017, le président du tribunal grande instance de Paris, saisi par Madame [I], par actes d’huissier signifiés à la clinique [16], l’ONIAM, la CPAM des Yvelines et la CRAMIF, a ordonné une expertise médicale de Madame [O] [I] et désigné en qualité d’expert le Docteur [R].

Le docteur [S] [K] est décédé mais la date de son décès n’a pas été communiquée par les parties.

La clinique [16] a fait assigner la SAS CABINET BRANCHET, représentant en France la Société M.I.C. Ltd., assureur du Docteur [S] [K], devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de PARIS.
Par ordonnance de référé en date du 08 décembre 2017, les opérations d’expertise étaient étendues à l’assureur du Docteur [K].

Le rapport d’expertise judiciaire a été déposé le 21 septembre 2018.
Le docteur [R] et son sapiteur le docteur [L] analysent que Madame [I] a présenté une ostéo-arthrite du pied droit, post-opératoire à Staphylococcus aureus sensible à la méticilline et que le fait qu’elle ait déjà été opérée peut favoriser la survenue d’une infection. Toutefois, ils remarquent que Madame [I] ne présentait aucun facteur de risque de présenter une infection à ce germe en particulier.
Les experts concluent que dans le cas de Madame [I], la bactérie Staphylococcus aureus est une infection répondant à la définition des infections nosocomiales.
Ils évaluent qu’il s’agit d’un aléa et non d’une conséquence d’un non-respect des règles de l’art. Ils précisent que les infections post-opératoires existent, même avec une prise en charge appropriée et qu’ils ne trouvent pas de faute dans l’intervention chirurgicale initiale, à l’issue de laquelle l’infection a été diagnostiquée.

Les experts relèvent que les documents relatifs à la lutte contre les infections nosocomiales fournis par la clinique [16] montrent un respect des mesures réglementaires et des bonnes pratiques en matière d’hygiène, asepsis et décontamination.

Les experts précisent que Madame [I] présentait un état antérieur (hallux valgus droit récidivant opéré en 2004 et 2006) qui a joué un rôle dans la survenue de l’infection mais probablement peu important et qu’une partie des conséquences évaluées le jour de l’expertise sont à mettre sur le compte de cet état antérieur même si certaines conséquences sont directement liées à l’infection et sa gestion sub-optimale.

Les experts estiment que les conduites diagnostique et thérapeutique de cette infection n’ont pas été conformes aux règles de l’art et aux données acquises de la science à l’époque où ces soins ont été dispensés. Ils notent que :
L’infection n’a pas été reconnue à temps, malgré les signes cliniques et radiologiques,Le prélèvement percutané en consultation n’a pas de valeur et un prélèvement chirurgical profond aurait dû être réalisé dès la suspicion d’infection,Le traitement antibiotique n’aurait pas dû être débuté avant la chirurgie, et aurait dû être mené de manière différente (bithérapie à bonne diffusion osseuse, par voie IV puis orale).
Les experts relèvent, s’agissant de la prescription de l’antibioprophylaxie, qu’elle n’est pas expliquée dans le dossier et ne correspond pas aux recommandations en vigueur au moment des faits. Ils notent qu’il est possible que la dose réduite de Céfazoline reçue à l’induction ait pu augmenter le risque infectieux.

Ils analysent que le docteur [S] [K] a effectué une prise en charge non conforme de cette infection, occasionnant un retard à la prise en charge conforme d’environ 2 mois et demi. Ils retiennent qu’il y a eu une perte de chance liée à cette prise en charge non optimale ayant pour conséquence un retard de 2 mois et demi dans l’identification de l’ostéo-arthrite et sa prise en charge efficace.

Le docteur [R] et le docteur [L] concluent que la répartition de responsabilité concernant cette infection est la suivante :
70 % pour le docteur [K] et la clinique [16], répartis comme suit :80% pour le docteur [K]20% pour la clinique [16]20 % pour la prescription de l’antibioprophylaxie non conforme10% pour l’état antérieur.
Le docteur [R] et le docteur [L] concluent que les préjudices subis sont imputables à l’intervention chirurgicale du 27 septembre 2007.
Ils précisent que même s’il existait un état antérieur et que cette troisième intervention n’avait pas eu le résultat fonctionnel escompté, la survenue de l’infection et sa gestion sub-optimale dans les premières semaines a conduit à des conséquences qui n’auraient pas eu lieu si l’infection n’avait pas existé.

Les experts concluent de la manière suivante s’agissant des préjudices de Madame [I] :
Déficit fonctionnel temporaire total :
• du 30 octobre 2007 au 5 novembre 2007 : 6 jours
• du 8 février 2008 au 20 mars 2008 : 41 jours
• du 21 mai 2008 au 27 mai 2008 : 6 jours
• le 2 avril 2009 : 1 jour
• du 29 novembre 2009 au 4 décembre 2009 : 5 jours
• le 25 novembre 2010 : 1 jour
Déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % :
• Du 28 mai 2008 au 15 juillet 2008 : 48 jours
• Du 5 décembre 2009 au 5 février 2010 : 62 jours
• Déficit fonctionnel temporaire partiel à 30 % :
• Du 6 novembre 2007 au 7 février 2008 : 93 jours
• Du 21 mars 2008 au 20 mai 2008 : 60 jours
• Du 1er mai 2009 au 23 mai 2009 : 23 jours
• Déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % :
• Du 16 juillet 2008 au 1er avril 2009 : 259 jours
• Du 3 avril 2009 au 28 novembre 2009 :239 jours
• Du 6 février 2010 au 24 novembre 2010 : 291 jours
• Du 26 novembre 2010 au 24 mai 2011 : 180 jours
Souffrances endurées : 4/7
Préjudice esthétique : 2,5/7
Préjudice d’agrément : Madame [I] n’a presque plus d’activité sportive et de loisirs.
Déficit fonctionnel permanent : 15% (dont 5% au titre de l’état antérieur) : le déficit fonctionnel permanent imputable à l’infection et ses conséquences est estimé à 10%.
Tierce personne temporaire : une heure par jour du début de l’infection jusqu’à la consolidation, hors périodes d’hospitalisation, soit :
Le rapport d’expertise retient un besoin à compter du début de l’infection ; il conviendra de retenir la date du 18 octobre 2007, laquelle correspond au retour du prélèvement positif à staphylocoque doré :• 18.10.2007 au 29.10.2007 : 12 jours
• 06.11.2007 au 07.02.2008 : 93 jours
• 21.03.2008 au 20.05.2008 : 60 jours
•28.05.2008 au 01.04.2009 : 308 jours
• 03.04.2009 au 28.11.2009 : 239 jours
• 05.12.2009 au 24.11.2010 : 354 jours
• 26.11.2010 au 25.05.2011 : 180 jours
• Total : 1246 jours
Consolidation au 25 mai 2011 ;
Préjudice professionnel : l’état clinique de Madame [I] ne lui permet pas l’exercice de son ancienne profession ni d’opérer une reconversion professionnelle.
Incidence professionnelle liée à cette infection et à sa prise en charge
L’état de Madame [I] nécessite le port de chaussures adaptées à raison de deux paires par an et des soins de pédicure à raison de deux consultations par an.

Par actes des 18 février et 4 mars 2020, Mme [O] [U] épouse [I] a assigné la SAS clinique [16], la CRAMIF et la CPAM des Yvelines devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d’indemnisation de ses préjudices après reconnaissance de responsabilité de la clinique.

Par acte du 31 août 2020, la SAS clinique [16] a assigné la SAS Cabinet Branchet représentant la MEDICALE INSURANCE COMPANY DESIGNATE ACTIVITY COMPANY (ci-après la MIC DAC) en garantie.

Par acte du 16 février 2021, la MIC DAC a fait citer le docteur [C] [M] en intervention forcée.

Les affaires ont été jointes par ordonnance du 29 mars 2021.

Par ordonnance en date du 31 mai 2021, le juge de la mise en état de ce tribunal a :
Condamné la clinique [16] à verser à Mme [O] [U] épouse [I] une indemnité provisionnelle de 50.000 euros à valoir sur ses préjudices ; Débouté la clinique [16] de ses demandes de garanties ;Débouté la CPAM des YVELINES et la CPAM des YVELINES venant aux droits de la CRAMIF de ses demandes ;Condamné la clinique [16] aux dépens de l’incident et à verser à Mme [O] [U] épouse [I] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 24 février 2023, Madame [O] [U] épouse [I] demande au tribunal de :
Vu l’article L 1142-1 alinéa 2 du Code de la Santé Publique
Il est demandé au tribunal judiciaire pour les causes et raisons sus-énoncées,
JUGER que la Clinique [16] responsable de plein droit de l’infection nosocomiale contractée par Madame [O] [I] à la suite de l’intervention chirurgicale du 27 septembre 2007.En conséquence,
- FIXER l’indemnisation de Madame [O] [I] de la façon suivante :
- Frais médicaux et d’hospitalisation : 26.002,46euros
- Frais divers : 23.839,12 euros
- Pertes de gains professionnels actuels : 45.098,36 euros
- Frais futurs : 140.298,42 euros
- Pertes de gains professionnels futurs : 273.308,61 euros
- Incidence professionnelle : 198.555,05 euros
- Déficit fonctionnel temporaire : 12.301,50euros
- Souffrances endurées : 20.000,00euros
- Préjudice esthétique temporaire : 5.000,00 euros
- Déficit fonctionnel permanent : 18.000,00 euros
Subsidiairement, 40.000 euros
- Préjudice esthétique permanent : 8.000,00 euros
- Préjudice d’agrément : 15.000,00 euros
CONDAMNER la clinique [16] à payer à Madame [O] [I], après déduction de la créance de la CPAM des Yvelines, les sommes suivantes :
- Frais divers : 23.118,00 euros
- Pertes de gains professionnels actuels : 19.507 euros
- Frais futurs : 136.073,02 euros
- Pertes de gains professionnels futurs : 100.261,37 euros
- Incidence professionnelle : 198.555,05 euros
- Déficit fonctionnel temporaire : 12.301,50 euros
- Souffrances endurées : 20.000 euros
- Préjudice esthétique temporaire : 5.000 euros
- Déficit fonctionnel permanent : 18.000 euros
Subsidiairement, 40.000 euros
- Préjudice esthétique permanent : 8.000 euros
- Préjudice d’agrément : 15.000 euros
- ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir
- CONDAMNER la clinique [16] à payer à Madame [O] [I] la somme de 4.080 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de la présente instance et de l’instance de référé, lesquels comprendront les frais d’expertise judiciaire
- DECLARER le jugement à intervenir commun à la CPAM des Yvelines ainsi qu’à la CPAM des Yvelines venant aux droits de la Caisse Régionale d’Assurance maladie d’Ile de France.

Madame [I] expose fonder sa réclamation sur l’article L 1142-1 alinéa 2 du Code de la Santé Publique, lequel énonce un principe de responsabilité sans la faute de l’établissement de soins, lequel ne peut donc s’exonérer qu’en cas de cause étrangère. Elle soutient que la clinique ne peut s’exonérer de sa responsabilité en invoquant l’imputabilité de l’infection à une faute du médecin, dans la mesure où elle ne pourra établir qu’il s’agit d’un évènement constitutif de la force majeure.

Madame [I] soutient que si son état de vulnérabilité caractérisé par un hallux valgus récidivant, opéré à deux reprises en 2004 et 2006 ainsi qu’un tabagisme actif au moment de l’intervention a pu favoriser la survenue de l’infection nosocomiale, l’établissement dans lequel cette infection est survenue doit néanmoins répondre de l’entier dommage en résultant dès lors qu’elle ne se serait pas développée si la patiente n’avait pas subi l’intervention à l’occasion de laquelle elle a été contractée.

Madame [I] sollicite l’indemnisation de l’intégralité de son préjudice. Elle relève que sur l’appréciation du préjudice, l’expertise a d’ailleurs tenu compte de l’état antérieur constitué tant par la pathologie initiale que par les interventions préalables, limitant le déficit fonctionnel permanent imputable à l’infection à 10% sur un état séquellaire global de 15 %.

Aux termes de leurs dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 28 décembre 2022, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Yvelines en son nom propre et venant aux droits de la CRAMIF demande au tribunal de :
- DECLARER recevable l’intervention volontaire de la CPAM DES YVELINES venant aux droits de la CRAMIF selon la Convention relative au transfert de l’activité du service recours contre tiers de la CRAMIF à la CPAM des Yvelines en date du 30 mars 2018,
- DONNER ACTE à la CPAM DES YVELINES de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur les demandes formulées par la victime ;
- CONSTATER que la créance définitive de la CPAM DES YVELINES s’élève à la somme de 229.587,58 euros au titre des prestations en nature et en espèces,
- ET FIXER cette créance à cette somme ;
- DIRE ET JUGER que la CPAM DES YVELINES a droit au remboursement de sa créance sur l’indemnité mise à la charge du tiers réparant l’atteinte à l’intégrité physique de la victime ;
- DIRE qu’en application de la loi du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire de la Caisse devra s’exercer poste par poste sur les seules indemnités réparant les préjudices pris en charge par ses soins :
- Les frais médicaux et assimilés pris en charge avant la consolidation doivent être imputés sur le poste de Dépenses de Santé Actuelles (DSA) ;
- Les frais de transports pris en charge avant la date de consolidation doivent s’imputer sur le poste de Frais Divers (FD),
- Les frais futurs doivent s’imputer sur le poste des Dépenses de Santé Futures (DSF),
- Les arrérages échus de la pension d’invalidité versés avant la date de consolidation doivent s’imputer sur le poste des Pertes de Gains Professionnels Futurs (PGPA),
- Les arrérages échus après consolidation et les arrérages à échoir de la pension d’invalidité doivent s’imputer sur les postes de Pertes De Gains Professionnels Futurs (PGPF), Incidence Professionnelle (IP) et Déficit Fonctionnel Permanent (DFP) ;
- FIXER le poste des Dépenses de Santé Actuelles (DSA) à une somme qui ne saurait être inférieure à 26.002,46 euros ;
- FIXER le poste des Dépenses de Santé Futures (DSF), à une somme qui ne saurait être inférieure à 143.793,72 euros (4.225,40 euros au titre des frais futurs versés par la CPAM + 139.568,32 euros sollicités par la victime) ;
- FIXER le poste des Frais Divers (FD) à une somme qui ne saurait être inférieure à 23.839,12 euros (721,12euros pris en charge par la CPAM + 600 euros sollicités par la victime au titre des frais de médecin conseil + 22.518euros au titre de la tierce personne temporaire sollicités par la victime) ;
- FIXER le poste des pertes de gains professionnels actuels (PGPA) à une somme qui ne saurait être inférieure à 45.098,36 euros (25.591,36 euros versés par la CRAMIF/CPAM + 19.507 euros sollicités par la victime au titre de sa « perte sèche » de revenus) ;
- FIXER le poste des pertes de gains professionnels futurs (PGPF) à une somme qui ne saurait être inférieure à 273.270,99euros (173.047,24 euros versés par la CRAMIF/CPAM + 100.223,75 euros sollicités par la victime au titre de « perte sèche » de revenus) ;
- CONDAMNER in solidum en fonction de la responsabilité qui sera retenue par le Tribunal, la Clinique [16], la Medical Insurance Company Designated Activity (MIC DAC) assureur de feu le Docteur [K], et le Docteur [M] à rembourser à la CPAM DES YVELINES sa créance, soit la somme de 229.587,58 euros ;
- DIRE ET JUGER que cette somme portera intérêts de droit à compter de la première demande pour les prestations servies antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement ;
- ORDONNER la capitalisation des intérêts échus pour une année en application de l’article 1343-2 du Code Civil ;
- CONDAMNER in solidum en fonction de la responsabilité qui sera retenue par le Tribunal, la Clinique [16], la Medical Insurance Company Designated Activity (MIC DAC) assureur de feu le Docteur [K], et le Docteur [M] à payer à la CPAM DES YVELINES la somme de 1.114 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion de l’article L376-1 du Code de la Sécurité Sociale ;
- CONDAMNER in solidum en fonction de la responsabilité qui sera retenue par le Tribunal, la Clinique [16], la Medical Insurance Company Designated Activity (MIC DAC) assureur de feu le Docteur [K], et le Docteur [M] à payer à la CPAM DES YVELINES la somme de 2 500 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
- DIRE n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire assortie à la décision à venir ;
- CONDAMNER in solidum en fonction de la responsabilité qui sera retenue par le Tribunal, la Clinique [16], la Medical Insurance Company Designated Activity (MIC DAC) assureur de feu le Docteur [K], et le Docteur [M] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Stéphane FERTIER, de la SELARL JRF & ASSOCIES, avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Par convention signée le 30 mars 2018 entre la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Yvelines (CPAM 78) et la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Ile de France (CRAMIF), la CNAM a décidé de confier à la CPAM des Yvelines, avec effet à compter du 1er juin 2018, la gestion des dossiers Recours Contre Tiers concernant les bénéficiaires d’une pension d’invalidité liquidée par la CRAMIF.
Ces organismes ont ainsi convenu de transférer l’activité de la CRAMIF précitée à la CPAM des Yvelines et de céder ainsi la créance de la CRAMIF à la CPAM des Yvelines.

La CPAM des Yvelines soutient que le passage de Madame [I] en invalidité catégorie 2 est imputable aux suites de l’intervention du 27 septembre 2007 et sollicite le paiement du capital versé à Madame [I] au titre de cette rente.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 23 février 2023, l’hôpital privé [16] anciennement clinique [16] demande au tribunal de :
- Sur la part de responsabilité de la CLINIQUE [16] et les appels en garantie :
o Dire que les responsabilités sont engagées comme suit :
CLINIQUE [16] : 14% (20% de 70% au titre de l’infection nosocomiale) Docteur [K] : 56% (80% de 70% au titre de la prise en charge non conforme de l’infection) Docteur [K] et Docteur [M] : 20% au titre de l’antibioprophylaxie non conforme L’état antérieur ayant contribué à 10% du dommage o Condamner solidairement la Société M.I.C. D.A.C., es qualité d’assureur du Docteur [K], et le Docteur [M], à défaut l’un ou l’autre, à relever et garantir la CLINIQUE [16] de 76% des condamnations mises à sa charge
o A titre subsidiaire, si le Tribunal devait estimer que le droit à indemnisation n’était pas réduit en raison de l’état antérieur, condamner solidairement la Société M.I.C. D.A.C., es qualité d’assureur du Docteur [K], et le Docteur [M], à défaut l’un ou l’autre, à relever et garantir la CLINIQUE [16] de 84,44% des condamnations mises à sa charge
o Statuer ce que de droit sur la répartition de la charge de la dette entre l’assureur du Docteur [K] et le Docteur [M]
o En tout état de cause, condamner solidairement la Société M.I.C. D.A.C., es qualité d’assureur du Docteur [K], et le Docteur [M], à défaut l’un ou l’autre, à rembourser à la CLINIQUE [16] la provision d’un montant de 50 000,00 euros payée par l’établissement à Madame [I] suite à l’ordonnance du juge de la mise en état du 31 mai 2021, à proportion de leur part de responsabilité

- Sur les demandes de Madame [I] :
o Fixer les préjudices de Madame [I] comme suit, avant déduction de 10% liée à l’état antérieur et avant répartition de la charge de la dette :
Frais divers : 9 028,00 euros
Pertes de gains professionnels actuels : néant
Frais futurs : 1 743,84 euros
Pertes de gains professionnels futurs : néant
Incidence professionnelle et pertes de droits à la retraite : néant
Déficit fonctionnel temporaire : 8 201,00 euros
Souffrances endurées : 14 000,00 euros
Préjudice esthétique temporaire : 400,00 euros
Déficit fonctionnel permanent : 15 600 euros ; à titre subsidiaire, si le Tribunal estimait que la mise en invalidité catégorie 2 était imputable à l’accident : néant
Préjudice esthétique permanent : 3 500,00 euros
Préjudice d'agrément : néant ; à titre subsidiaire : 1 000,00 euros

o Déduire de l’indemnisation à allouer la part imputable à l’état antérieur de la requérante, à hauteur de 10% de ses préjudices
o Déduire de l’indemnisation à allouer la provision d’un montant de 50 000,00 euros payée par l’établissement à Madame [I] suite à l’ordonnance du juge de la mise en état du 31 mai 2021
o Ramener la demande formulée au titre des frais irrépétibles à de plus justes proportions, dans une limite de 1 000,00 euros

- Sur les demandes de la CPAM des YVELINES :
o Débouter la CPAM de ses demandes formulées au titre des frais futurs d’une part, et des arrérages échus en invalidité et du capital invalidité d’autre part
o A titre subsidiaire, limiter l’assiette du recours de la Caisse, au titre de la pension d’invalidité échue et à échoir, à l’indemnisation allouée à Madame [I] au titre du déficit fonctionnel permanent
o Ramener la demande formulée au titre des frais irrépétibles à de plus justes proportions, dans une limite de 800,00 euros

- En tout état de cause :
o Limiter l’exécution provisoire à la moitié des sommes allouées au principal
o Débouter Madame [I], la CPAM, la SAS CABINET BRANCHET, la M.I.C. D.A.C. et Monsieur le Docteur [C] [M] du surplus de leurs demandes en tant qu’elles seraient dirigées à l’encontre de la concluante
o Condamner la SAS CABINET BRANCHET et la M.I.C. D.A.C. aux entiers dépens.

L’hôpital privé [16] ne conteste pas que sa responsabilité sans faute est engagée mais il demande la garantie des praticiens libéraux intervenus dans la prise en charge de Madame [I].

L’hôpital privé [16] soutient qu’un établissement de soins privé ne peut voir sa responsabilité engagée en raison des fautes qui seraient retenues à l’encontre du patricien qui exerce en son sein une activité à caractère libéral.
Il ajoute qu’une clinique, responsable de plein droit d’une infection nosocomiale, peut invoquer la faute d’un praticien pour qu’il soit statué sur la répartition de la charge de la dette entre eux.
L’hôpital privé [16] fait ainsi valoir que sur la prise en charge de l’infection, les choix du docteur [S] [K], reprochés par les experts n’engagent que sa seule responsabilité, et les préjudices en résultant n’ont pas vocation à être assumés par l’établissement au titre de la responsabilité sans faute. Elle conclut que le docteur [K] engage d’une première part sa responsabilité à hauteur de 80% de 70%, soit 56% de l’entier dommage.

L’hôpital privé [16] ajoute que s’agissant de l’antibioprophylaxie, la SFAR rappelle que si celle-ci est généralement assurée par les anesthésistes réanimateurs, il existe une responsabilité partagée entre les opérateurs, à savoir l’anesthésiste et le chirurgien, dès lors que la prescription de l’antibioprophylaxie fait partie intégrante de la consultation pré opératoire. Elle considère que de jurisprudence désormais constante, les praticiens doivent être déclarés solidairement responsables des préjudices résultant d’un défaut d’antibioprophylaxie ou d’une antibioprophylaxie insuffisante. Elle soutient que le chirurgien comme l’anesthésiste ne peuvent se dégager de leur responsabilité partagée en cas de manquement.
Il conclut que l’antibioprophylaxie non conforme visée par les experts relève également de la responsabilité du Docteur [K], ainsi que de celle du Docteur [M], à hauteur de 20% de l’entier dommage.
L’hôpital privé [16] demande à ce que les responsabilités soient réparties comme suit :
- Hôpital privé [16] : 14% (20% de 70% au titre de l’infection nosocomiale)
- Docteur [K] : 56% (80% de 70% au titre de la prise en charge non conforme de l’infection)
- Docteur [K] et Docteur [M] : 20% au titre de l’antibioprophylaxie non conforme
- L’état antérieur ayant contribué à 10% du dommage.

L’hôpital privé [16] sollicite du tribunal de limiter sa responsabilité à 14% du total des préjudices de Madame [I]. Il demande la condamnation de l’assureur du Docteur [K] et du Docteur [M], à défaut l’un ou l’autre, à relever et garantir l’hôpital privé [16] de 76% des condamnations qui seront mise à sa charge.

L’hôpital privé [16] ajoute subsidiairement, que si le Tribunal devait estimer que le droit à indemnisation n’était pas réduit en raison de l’état antérieur, l’assureur du Docteur [K] et le Docteur [M], à défaut l’un ou l’autre, devront être solidairement condamnés à relever et garantir l’hôpital privé [16] de 84,44%, abstraction faite de la part du dommage imputable selon les experts à l’état antérieur.

Enfin, l’hôpital privé [16] demande que les praticiens soient condamnés à rembourser à l’hôpital privé [16] la provision d’un montant de 50 000 euros payée par l’établissement à Madame [I] suite à l’ordonnance du juge de la mise en état du 31 mai 2021.

En outre, l’hôpital privé [16] sollicite la réduction des demandes indemnitaires à de plus justes proportions.

Aux termes de leurs dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 23 septembre 2022, la SAS FRANCOIS BRANCHET et LA MEDICALE INSURANCE COMPANY DESIGNATE ACTIVITY COMPANY (ci-après la MIC DAC) demandent au tribunal de :
- Recevoir la SAS FRANCOIS BRANCHET et la MIC DAC en leurs écritures, les disant bien fondées ;
A titre liminaire :
- Recevoir l’intervention volontaire de la MIC DAC en sa qualité d’assureur de feu Monsieur le Docteur [S] [K] ;
- Prononcer la mise hors de cause de la SAS FRANCOIS BRANCHET en sa qualité de courtier en assurances ;
A titre principal :
- Dire et juger que la perte de chance imputable à la MIC DAC en sa qualité d’assureur de feu le Docteur [K] ne saurait être supérieure à 32% ;
- Appliquer cette perte de chance aux préjudices strictement imputables à l’infection ;
- Limiter à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires formulées par
Madame [I] au titre de l’assistance par tierce personne, du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent et des souffrances endurées ;
- Débouter Madame [I] de ses demandes indemnitaires formulées au titre du préjudice d’agrément, de l’incidence professionnelle, des pertes de droit à la retraite et des dépenses de santé futures ;
- Débouter la CPAM de l’ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire :
- Dire et juger que la perte de chance imputable à la MIC DAC en sa qualité d’assureur de feu le Docteur [K] ne saurait être supérieure à 32% ;
- Appliquer cette perte de chance aux préjudices strictement imputables à l’infection ;
- Limiter à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Madame [I].
- Débouter la CPAM de ses demandes indemnitaires formulées au titre de la pension d’invalidité et de la pension d’invalidité à échoir.
- Suspendre l’exécution provisoire.

A titre liminaire, la SAS FRANCOIS BRANCHET conclut être courtier en assurances et ne pas être l’assurance du docteur [S] [K], qui était assuré par la MIC DAC, représentée en France par la SAS FRANCOIS BRANCHET. Elle demande à être mise hors de cause.

La MIC DAC soutient qu’il n’est pas rapporté la preuve d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité direct et certain entre la faute et le dommage, conditions nécessaires pour engager la responsabilité du chirurgien. Elle rappelle que la faute du médecin ne peut être déduite de l’apparition d’une complication, mais doit être prouvée, le médecin étant tenu d’une obligation de moyens.

La MIC DAC soutient tout d’abord que la responsabilité de l’hôpital privé [16] est engagée de plein droit du fait de la survenue de l’infection nosocomiale.

Elle ajoute que les experts ne retiennent aucun manquement imputable au docteur [K] à l’origine de la survenue de l’infection et que certains des manquements relevés à l’encontre du docteur [K] n’ont pas pu avoir de conséquences sur l’infection. Elle observe ainsi que le traitement antibiotique prescrit par le Docteur [K], qualifié de « non optimal » par les experts n’a pas été à l’origine d’une perte de chance de guérir l’infection mais d’une perte de chance de guérir plus précocement l’infection puisque le germe reste sensible à la méticilline et que les prélèvements n’ont pas mis en évidence de résistance acquise.
La MIC DAC considère que seul un retard de prise en charge de 2 mois et demi peut être reproché au docteur [K] à l’origine d’une nécessaire perte de chance de guérir plus précocement l’infection et soutient que seuls des préjudices temporaires peuvent, le cas échéant, être imputés au manquement reproché.

La MIC DAC soutient que l’antibioprophylaxie était prescrite et administrée par le Docteur [C] [M], anesthésiste réanimateur, qui avait conduit, seul, la consultation anesthésique préopératoire et décidé de la posologie de la Céfalozine. Elle affirme que la prescription en post-opératoire de Céfalozine à raison de 3g par jour pendant 48 heures n’apparaissait pas aux termes des consignes post-opératoires du docteur [K]. Elle considère qu’elle ne peut être tenue responsable des prescriptions d’un autre praticien. Elle conclut que la perte de chance imputable à non-conformité de l’antibioprophylaxie ne peut être que supérieure à 20 % et de l’ordre de 50%.

La MIC DAC demande que la part de responsabilité imputée à la MIC DAC, en sa qualité d’assureur de feu le docteur [K] ne saurait être supérieure à 32% (80% de 40%, 10% des préjudices étant imputables à l’état antérieur de Madame [I] et 50% étant imputables au docteur [M]).

La MIC DAC soutient quant à la réparation des préjudices que la perte de chance imputable à la non-conformité de l’antibioprophylaxie ne saurait être inférieure à 50% dans la mesure où celle-ci diminue de 50% le risque d’infection.
Qu’ainsi, si l’on suit le raisonnement des experts, la répartition des préjudices est la suivante :
- 10% imputables à l’état antérieur ;
- 50% imputables à la non-conformité de l’antibioprophylaxie ;
- 40% imputables à la clinique et à la MIC DAC en sa qualité d’assureur de feu le docteur [K], répartis à 80% pour la MIC DAC et à 20% pour la clinique.
Qu’ainsi, la perte de chance imputée, le cas échéant, à la MIC DAC ne saurait être supérieure à 32% (80% de 40%).

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 24 février 2023, Monsieur [C] [M] demande au tribunal de :
A titre principal :
- Ordonner la mise hors de cause du Docteur [M].
- Débouter la MIC DAC de ses demandes
A titre subsidiaire :
- Constater que la responsabilité du Docteur [M] ne peut être engagée qu’à hauteur de 9 %.
- Faire application de ce pourcentage à l’indemnisation des préjudices.
Sur l’évaluation des préjudices :
- Déficit fonctionnel temporaire : 8.201 euros
- Souffrances endurées : 9.000 euros
- Préjudice esthétique temporaire : 400 euros
- Préjudice esthétique permanent : 3.500 euros
- Déficit fonctionnel permanent : 15.600 euros
- Assistance à tierce personne : 5.333,72 euros
Madame [I] devra par ailleurs être déboutée de sa demande au titre de son préjudice d’agrément, de sa perte de gains professionnels actuels et futurs, de l’incidence professionnelle et des dépenses de santé futures.
A titre subsidiaire, limiter à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Madame [I] s’agissant de ces postes de préjudice.
- Enfin, il convient de réduire à de plus justes proportions la demande sur les frais irrépétibles.
- S’agissant de la créance de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, en l’état débouter purement et simplement la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de ses demandes.
- Dire et juger que la perte de chance qui pourra être retenue ne saurait excéder 10 %.
- Débouter la MIC de sa demande de voir condamner le Docteur [M] à la garantir à hauteur de 68 % des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
- Condamner la MIC aux entiers dépens.

Le docteur [M] soutient à titre liminaire que le rapport d’expertise ne lui est pas opposable, ayant été tardivement mis en cause et n’ayant pu faire valoir ses arguments lors des opérations d’expertise.

Le docteur [M] admet que les recommandations de la Société Française d’Anesthésie Réanimation, applicables en matière d’antibioprophylaxie, éditées en 1989 plaçaient l’antibioprophylaxie sous la responsabilité conjointe de l’anesthésiste et du chirurgien.

Il fait valoir que les experts considèrent donc que la prise en charge par le docteur [K] de l’infection n’est pas optimale et, a eu pour conséquence un retard de deux mois et demi dans l’identification de l’ostéoarthrite et sa prise en charge efficace.

Relevant que les experts ne précisent pas si l’antibioprophylaxie prescrite est en lien avec les préjudices actuels de Madame [I], le docteur [M] observe que :
- Il n’existe aucune certitude sur le fait que l’antibioprophylaxie reçue à l’induction ait pu augmenter le risque infectieux ;
- Et, qu’il n’existe aucun lien de causalité direct et certain entre l’antibioprophylaxie et les préjudices actuels de Madame [I].

Il conclut à titre principal qu’en l’absence d’un lien de causalité entre le manquement allégué à son encontre et les préjudices, il convient d’ordonner sa mise hors de cause et, débouter la MIC DAC de ses demandes dirigées à son encontre.

A titre infiniment subsidiaire, il souligne que les experts ne se sont pas prononcés sur le maintien de la Céfazoline pendant 48h, cette prolongation n’a pu que diminuer le risque infectieux et, donc la perte de chance qui découle de l’antibioprophylaxie non conforme doit être inférieure à 20 % et il sera donc proposé de retenir une perte de chance de 10 %.

L’antibioprophylaxie non conforme a été retenue à hauteur de 20 % qu’il convient toutefois de répartir entre le docteur [M], anesthésiste, et le docteur [K], chirurgien.
Par conséquent, il conclut que le docteur [M] aurait une responsabilité de 10 % soit sur une responsabilité à hauteur de 90 %, 9 % pour chacun de ces deux praticiens.

Le docteur [M] soutient que la responsabilité de l’infection est liée en majeure partie aux errances du chirurgien et pour laquelle la responsabilité a été retenue à hauteur de 80 % et 20 % pour la clinique [16], soit la répartition suivante :
- Pour le docteur [K] : 80 % des 70 % retenus soit 56 %, auxquels il faut ajouter les 9 % pour l’antibioprophylaxie soit 65 %.
- Pour la clinique [16] : 20 % des 70 % soit 14 %.
- Pour le docteur [M] : 9 %.

La clôture de la présente procédure a été prononcée le 15 mai 2023.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

L'affaire a été mise en délibéré au 4 mars 2024 puis prorogée au 11 mars 2024 en raison de difficultés au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA DEMANDE DE MISE HORS DE CAUSE

La qualité de la SAS FRANCOIS BRANCHET de courtier en assurances n’étant pas contestée et la MIC DAC intervenant volontairement en qualité d’assureur de feu le docteur [S] [K], étant susceptible d’être condamnée à garantir des condamnations, il y a lieu de faire droit à la demande de la SAS FRANCOIS BRANCHET d’être mise hors de cause.

SUR L'ACTION EN RESPONSABILITÉ INTENTEE

SUR LA RESPONSABILITÉ DE L’ÉTABLISSEMENT DE SOINS EN MATIÈRE D’INFECTION NOSOCOMIALE

Peut être qualifiée de nosocomiale, l'infection qui n'était ni présente ni en incubation lors de l'admission du patient dans un établissement de santé et qui survient au cours ou au décours de la prise en charge du patient à l'occasion de la réalisation d'un acte de soin.

Pour les infections du site opératoire, il est admis que sont nosocomiales les infections survenant dans le mois de l'intervention ou dans l'année de celle-ci, si elle a comporté la mise en place d'un implant ou d'une prothèse.

Il appartient au patient qui prétend avoir été victime d'une infection nosocomiale, de rapporter la preuve de l'existence d'une telle infection, cette preuve pouvant résulter de présomptions suffisamment précises, graves et concordantes au sens de l'article 1353 du Code civil.

En application des dispositions de l'article L.1142-1 paragraphe I, alinéa 2 du code de la santé publique, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

En revanche, la responsabilité du médecin suppose pour pouvoir être retenue, la démonstration d'une faute à l'origine de l'infection présentée par le patient, et ce conformément à l'alinéa 1er du texte susvisé applicable à compter du 5 septembre 2001.

En vertu des dispositions de l'article L 1142-1, I I du code de la santé publique issues de l'article 1er de la loi du 30 décembre 2002, applicable à la date d'entrée en vigueur de ce texte, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale les dommages résultant d'infections nosocomiales correspondant à un taux (loi 2009-526 du 12 mai 2009) "d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique" supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales, et ce, sans qu'il y ait lieu de rechercher la responsabilité de l'établissement de santé.

Toutefois, l'article L.1142-17 du code de la santé publique prévoit, dans cette hypothèse, la faculté pour l'ONIAM d'exercer un recours subrogatoire à l'encontre de l'établissement de santé en cas de faute établie à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales.

En l’espèce, le rapport d’expertise judiciaire conclut que Madame [O] [I] a présenté dans les suites de son intervention du 27 septembre 2007 pour reprise de chirurgie d’hallux valgus droit à l’hôpital privé [16] une infection nosocomiale à Staphyloccus aureus sensible à la méticilline.

L’infection nosocomiale contractée par Madame [I] n’est pas contestée par l’hôpital privé [16].

Cette infection nosocomiale engage sa responsabilité sans faute sur le fondement de l’article L.1142-1 paragraphe I, alinéa 2 du code de la santé publique.

L’hôpital privé [16] est ainsi condamné à réparer les préjudices subis par Madame [I] du fait de l’infection nosocomiale qu’elle a présentée dans les suites de son intervention du 27 septembre 2007.

SUR L’APPEL EN GARANTIE

L’hôpital privé [16] demande à ce que les responsabilités soient réparties comme suit :
- l’hôpital privé [16]: 14% (20% de 70% au titre de l’infection nosocomiale)
- Docteur [K] : 56% (80% de 70% au titre de la prise en charge non conforme de l’infection)
- Docteur [K] et docteur [M] : 20% au titre de l’antibioprophylaxie non conforme
- L’état antérieur ayant contribué à 10% du dommage.

La MIC DAC, assureur du docteur [K], demande que la part de responsabilité imputée à la MIC DAC, en sa qualité d’assureur de feu le docteur [K] ne soit pas supérieure à 32% (80% de 40%, 10% des préjudices étant imputables à l’état antérieur de Madame [I] et 50% étant imputables au docteur [M]).

La MIC DAC sollicite quant à la réparation des préjudices que la perte de chance imputable à la non-conformité de l’antibioprophylaxie soit évaluée à 50% et que le tribunal retienne la répartition des responsabilités suivantes :
- 10% imputables à l’état antérieur ;
- 50% imputables à la non-conformité de l’antibioprophylaxie ;
- 40% imputables à la clinique et à la MIC DAC en sa qualité d’assureur de feu le Docteur [K], répartis à 80% pour la MIC DAC et à 20% pour la clinique.

Le docteur [M] conclut à titre principal qu’en l’absence d’un lien de causalité entre le manquement qui lui est imputé et les préjudices, il convient d’ordonner sa mise hors de cause et, débouter la MIC DAC de ses demandes dirigées à son encontre.

A titre infiniment subsidiaire, le docteur [M] demande que le tribunal retienne la répartition suivante :
- Pour le Docteur [K] : 80 % des 70 % retenus soit 56 %, auxquels il faut ajouter les 9 % pour l’antibioprophylaxie soit 65 %.
- Pour la Clinique [16] : 20 % des 70 % soit 14 %.
- Pour le Docteur [M] : 9 %.

Il résulte des dispositions des articles L.1142-1-I et R.4127-32 du code de la santé publique que, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Tout manquement à cette obligation qui n'est que de moyens, n'engage la responsabilité du praticien que s'il en résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine.

Sur l’apparition de l’infection :

Les experts judiciaires ont conclu à une infection nosocomiale post-opératoire sans faute relevant que l’infection nosocomiale contractée par Madame [I] n’est pas la conséquence d’un non-respect des règles de l’art mais d’un aléa. Ils écrivent qu’ils n’ont pas identifié de faute dans l’intervention chirurgicale initiale à l’issue de laquelle l’infection a été diagnostiquée.

Or, l’expertise médicale retient dans le même temps que la prescription non conforme d’antibioprophylaxie n’est pas expliquée dans le dossier, et ne correspond pas aux recommandations en vigueur (1g de Céfazoline IV à l’induction puis 3 g par jour pendant 48 heures en post-opératoire alors que les recommandations de la Société Française d’Anesthésie Réanimation mentionnent une dose unique de 2 grammes de Céfazoline IV à l’induction). Les experts concluent qu’il est possible que la dose réduite de Céfalozine reçue à l’induction ait pu augmenter le risque infectieux en évaluant ensuite le partage de responsabilité relative à 20% pour l’antibioprophylaxie.

Alors que dans le même temps, aucune faute n’est retenue par les experts dans l’apparition de l’infection nosocomiale, et qu’ils estiment « possible » que la dose réduite de Céfalozine reçue à l’induction ait pu augmenter le risque infectieux, force est de constater que cette prescription non conforme n’est pas retenue comme une faute et que le lien de causalité n’est pas certain.
S’il est allégué par la MIC DAC que « conformément aux publications de la SFAR, “l’ABP diminue d’environ 50% le risque d’infection du site opératoire”», la MIC DAC ne produit pas les pièces qu’elle évoque.

En outre, il n’est pas contesté que le docteur [M] n’a pas été appelé à participer contradictoirement à l’expertise médicale, malgré les assignations complémentaires réalisées en vue de poursuivre les opérations d’expertise à l’appui du pré-rapport des experts qui relevaient des manquements dans la prise en charge. L’expertise médicale n’est donc pas contradictoire au docteur [M].

Si le docteur [M] peut, dans le cadre de la présente procédure, y apporter ses observations, il n’a pu formuler des questions aux experts pour approfondir son éventuelle responsabilité dans l’apparition de l’infection nosocomiale.

Ainsi, il ressort des éléments produits aux débats qu’aucune faute n’est retenue dans l’apparition de l’infection nosocomiale, que le risque de l’apparition de l’infection en raison d’une antibioprophlaxie est non certain, que sa probabilité n’a pas été évaluée et enfin que la responsabilité de l’anesthésiste, le docteur [M], n’a pas été approfondie faute d’avoir été mis en cause dès les opérations d’expertise.

Par conséquent, le tribunal ne retient pas la responsabilité du docteur [M] dans l’apparition de l’infection nosocomiale.

L’hôpital privé [16] et la MIC DAC seront respectivement déboutés de leur demande de garantie formée à l’encontre du docteur [M].

Sur la gestion de l’infection :

En reprenant chronologiquement les interventions, les prescriptions et les analyses subies par Madame [I], il apparaît les problématiques suivantes :
27 septembre 2007, intervention du docteur [K] aux fins de reprise de chirurgie d’hallux valgus droit à la clinique [16] ;03 octobre 2007, Madame [I] est autorisée à regagner son domicile par le Docteur [K] ;12 octobre 2007, Madame [I] a contacté le Docteur [K] qui prescrivait des antibiotiques devant un tableau de pied gonflé et douloureux.
Les experts identifient alors un problème dans la prescription d’antibiotiques par téléphone sans avoir vu la cicatrice ce qui n’est pas une pratique recommandée en infectiologie.
15 octobre 2007, en consultation, le Docteur [K] aurait réalisé un prélèvement qui aurait retrouvé des staphylocoques dorés, avec sensibilité à la Pypstacine prescrite. Les experts relèvent que la Pyostacine n’est pas le traitement antibiotique de choix face à une suspicion d’arthrite septique, que le prélèvement percutané en consultation n’a aucune valeur diagnostic et que la prescription d’antibiotiques avant d’avoir fait un prélèvement chirurgical n’est pas une pratique recommandée en infectiologie.
25 octobre 2007, Madame [I] a consulté le Docteur [Y], chirurgien orthopédiste, qui ajoutait un traitement par [N]. Les experts observent que l’ajout d’un antibiotique en raison d’une aggravation clinique n’est pas une pratique recommandée dans ce type de situation.
30 octobre 2007, Madame [I] était à nouveau admise à la clinique [16] pour y bénéficier, le 31 octobre, d’une reprise de la cicatrice par le Docteur [K]. 31 octobre 2007 reprise de la cicatrice par le docteur [K].Les experts estiment que cette intervention était indispensable mais qu’elle aurait dû avoir lieu avant. De plus, ils relèvent que le lavage chirurgical n’a pas été profond et qu’il n’a pas pris en compte l’ostéoarthrite lytique de l’articulation métatarso-phalangienne qui aurait nécessité une gestion plus approfondie afin de traiter l’infection osseuse constatée radiologiquement auparavant.
05 novembre 2007, Madame [I] était autorisée à regagner son domicile.Consultations docteur [K] : 14 novembre et 20 novembre 200718 décembre 2007 consultation du docteur [K] qui relève la cicatrisation complète, les suites étaient notées comme favorables. Les antibiotiques étaient arrêtés depuis le 10 décembre, malgré la persistance d’un écoulement purulent venant de la cicatrice. Le docteur [K] prévoit de revoir Madame [I] sous 1 mois avec de nouvelles radiographies.4 janvier 2008 bilan radiologique qui confirme la destruction totale de l’articulation de la première métatarso-phalangienne du pied droit. Madame [I] a signalé une aggravation clinique nette à l’arrêt des antibiotiques.08 janvier 2008, le docteur [K] a adressé Madame [I] au docteur [F], et évoque dans un écrit du 15 janvier 2008 un pied œdématisé, peu inflammatoire, avec fistule au tiers médian et articulations enraidies. Il est alors posé le diagnostic ostéoarthrite septique de la 1ère métatarso-phalegienne avec possible ostéite du 2ème métatarsien.Les experts analysent que le diagnostic de l’ostéo-arthrite a été posé avec retard alors que les radiographies d’octobre 2007 montraient une atteinte osseuse.
Ils ajoutent que compte-tenu de l’ostéoarthrite, le choix des antibiotiques n’est pas optimal et aurait dû comporter une phase par voie intraveineuse avec relais oral.

A la suite de cette analyse de la prise en charge médicale de Madame [I] par le docteur [K], les experts judiciaires concluent que les conduites diagnostique et thérapeutique de cette infection n’ont pas été conformes aux règles de l’art et aux données acquises de la science à l’époque où ces soins ont été dispensés, relevant particulièrement que :
L’infection n’a pas été reconnue à temps, malgré les signes cliniques et radiologiques,Le prélèvement percutané en consultation n’a pas de valeur et un prélèvement chirurgical profond aurait dû être réalisé dès la suspicion d’infection,Le traitement antibiotique n’aurait pas dû être débuté avant la chirurgie et aurait dû être mené de manière différente.Ils évaluent une prise en charge non conforme de l’infection par le docteur [K]. Ils estiment qu’il y a eu une perte de chance liée à la prise en charge non optimale de l’infection qui a eu pour conséquence un retard de 2 mois et demi dans l’identification de l’ostéoarthrite et sa prise en charge efficace.

Le tribunal relève que le retard de 2 mois et demi correspond à la reprise chirurgicale du 31 octobre 2007 qui était nécessaire et qui est intervenue avec retard, mais qui, ensuite, n’a pas été menée de manière suffisamment approfondie pour tenir compte de l’ostéoarthrite lytique de l’articulation métatarso-phalangienne et n’a pas alors permis de traiter en profondeur l’infection osseuse.

Le tribunal relève que Madame [I] a présenté en conséquence une destruction totale de l’articulation de la première métatarso-phalangienne du pied droit.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le tribunal considère que le docteur [K] n’a pas donné à sa patiente des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science et retient une succession de fautes dans l’identification puis le traitement adapté de l’infection nosocomiale qu’a présentée Madame [I] suite à l’intervention initiale du 27 septembre 2007.

Or, le tribunal relève que les experts ont constaté que les documents relatifs à la lutte contre les infections nosocomiales ont été fournis par l’hôpital privé [16] et montrent un respect des mesures réglementaires et des bonnes pratiques en matière d’hygiène, asepsie et décontamination.

Il convient de rappeler que la responsabilité du docteur [M] n’a pas été mise en cause par les experts au stade de la gestion de l’infection nosocomiale.

Au vu de la succession de fautes commises par le docteur [K] qui avait la responsabilité du suivi médical de Madame [I] suite à son intervention, le retard de 2 mois et demi ayant conduit à la destruction totale de l’articulation de la première métatarso-phalangienne du pied droit, le tribunal retient le partage de responsabilité qu’ont évalué les experts en imputant au docteur [K] 80 % des dommages consécutifs à l’infection nosocomiale.

Il n’est pas contesté que la MIC DAC est l’assureur du docteur [K] aujourd’hui décédé.

La société MIC DAC, en qualité d’assureur du docteur [K], sera tenue de garantir l’hôpital privé [16] à hauteur de 80% de l’ensemble de ses condamnations (provisions déjà versées comprises).

SUR LA REPARATION DES PREJUDICES

L’expertise conclut que les préjudices subis sont imputables à l’intervention chirurgicale du 27 septembre 2007 et qu’une partie des conséquences évaluées le jour de l’expertise sont à mettre sur le compte de l’état antérieur de Madame [I] (déjà opéré à deux reprises antérieurement), même si certaines conséquences sont directement liées à l’infection et à sa gestion sub-optimale.
Elle précise que Madame [I] présentait un hallux valgus droit récidivant opéré à deux reprises en 2004 et 2006 mais estime que cet état antérieur a joué un rôle probablement peu important dans la survenue de l’infection.

Les experts analysent toutefois que même s’il existait un état antérieur et que cette troisième intervention n’avait pas eu le résultat fonctionnel escompté, la survenue de l’infection et sa gestion sub-optimale dans les premières semaines a conduit à des conséquences qui n’auraient pas eu lieu si l’infection n’avait pas existé.

Le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable.

L’hôpital privé [16] sera ainsi tenu de réparer intégralement les préjudices de Madame [I], son état antérieur étant déduit de l’évaluation du déficit fonctionnel permanent.

SUR LA CREANCE DE LA CPAM

En application de l'article L.376-1 du Code de la Sécurité Sociale, la CPAM dispose d'un recours subrogatoire sur les sommes versées à la victime en réparation de son préjudice corporel.

La convention signée le 30 mars 2018 par laquelle l’activité de la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Ile de France CRAMIF ainsi que sa créance sont transférées à la CPAM des Yvelines ne faisant l’objet d’aucune contestation, il y a lieu de retenir l’intervention volontaire de la CPAM des Yvelines.

L’expertise judiciaire relève que Madame [I] est en arrêt de travail depuis 2004, ayant été placée en invalidité catégorie 1 pour ses problèmes de dos le 30 mai 2004. Elle a été placée en invalidité catégorie 2 le 13 septembre 2009.

Les experts judiciaires ont évalué que l’état clinique de Madame [I] ne lui permet pas l’exercice de son ancienne profession ni d’opérer une reconversion professionnelle. Ils rappellent qu’elle est actuellement en invalidité de deuxième catégorie. Ils retiennent une incidence professionnelle à cette infection et à sa prise en charge.

La caisse primaire d’assurance maladie avait adressé un dire dans lequel elle exposait que Madame [I] était titulaire d’une pension d’invalidité de première catégorie depuis le 30 mai 2004 mais elle conservait une capacité de travail, capacité qu’elle a complètement perdue du fait des conséquences de l’intervention du 27 septembre 2007 ce qui a justifié son surclassement en deuxième catégorie d’invalidité.

La caisse primaire d’assurance maladie d’Ile de France produit l’attestation d’imputabilité pour le compte de la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines qui liste les prestations strictement imputables au regard de l’acte médical du 27 septembre 2007. Il y apparaît que la révision de l’invalidité catégorie 1 en invalidité catégorie 2 au 13 septembre 2009 est imputable.

Il convient de rappeler ici que les Caisses Primaires d’Assurance Maladie sont soumises aux règles de la comptabilité publique sous contrôle de la Cour des Comptes et que ses décomptes sont vérifiés par un agent comptable sous sa responsabilité personnelle ; qu’en vertu des dispositions des articles R. 315 -1 et suivants du code de la sécurité sociale, les médecins contrôleurs appartiennent au service du contrôle médical qui est un service national, totalement indépendant et détaché des caisses primaires d’assurance maladie.

Il s’ensuit que les défendeurs ne sont pas fondés à soutenir que l’attestation d’imputabilité délivrée par le médecin conseil du contrôle médical devrait être regardée comme une preuve que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie se serait faite à elle-même, l’attestation d’imputabilité se présentant comme l’avis d’un tiers technicien dont le caractère précisément motivé, par référence au rapport d’expertise, permet la critique et une discussion contradictoire, spécialement sur l’imputabilité des frais à l’accident médical litigieux ; que cette attestation d’imputabilité constitue un élément de débat recevable et pertinent au soutien de l’action de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, qu’il incombe aux défendeurs, qui ont la possibilité de mobiliser des moyens propres à le critiquer, de discuter ; qu’il leur appartenait, dans le cas où ils estimaient insuffisants les éléments produits et en particulier l’attestation du médecin-conseil, d’inviter la Caisse à faire préciser par ce dernier la méthode mise en œuvre pour établir le montant réclamé et, au besoin, de solliciter une mesure d’expertise ou toute autre mesure d’instruction afin de vérifier l’imputabilité des dépenses.

En conséquence, le passage à l’invalidité catégorie 2 est imputable aux conséquences de l’infection nosocomiale qu’a présentée Madame [I] suite à l’intervention chirurgicale du 27 septembre 2007.

Cependant, les créances de la CPAM relatives à la rente invalidité catégorie 2 versée à compter du 13 septembre 2009 ne précisent pas quel est le différentiel entre la rente invalidité catégorie 2 qui est due aux suites de l’infection nosocomiale, et la rente invalidité catégorie 1 que Madame [I] percevait déjà.

Si le montant initial de la pension de la catégorie 1 est indiqué, le montant après application du coefficient de majoration n’est pas précisé alors qu’il l’est pour la pension de catégorie 2, ce qui ne permet pas au tribunal de calculer le différentiel, qu’il conviendrait toutefois de retenir.

Ainsi, il ne sera pas fait droit à la demande de condamnation à l’intégralité du capital relatif à la rente invalidité catégorie 2.

La CPAM des Yvelines sera ainsi déboutée de ses demandes relatives à la pension d’invalidité catégorie 2 soit :
Arrérages échus avant la date de consolidation : 25.591,36 euros ;Arrérages échus après la date de consolidation jusqu’au 30 avril 2022 : 173.047,24 euros.
Il sera statué sur ses autres demandes poste par poste.

La CPAM des Yvelines a demandé, par premières conclusions notifiées par voie électronique le 23 octobre 2020, que les sommes portent intérêts à compter de la première demande, les créances auxquelles le tribunal fera droit porteront intérêts à compter de cette date.

SUR L’ÉVALUATION DU PRÉJUDICE CORPOREL

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Madame [O] [U] épouse [I] née le [Date naissance 3] 1960 et âgée par conséquent de 47 ans lors de l'accident, de 51 ans à la date de consolidation de son état de santé, et 63 ans au jour du présent jugement, et en arrêt de travail depuis 2004 et en invalidité catégorie 1 depuis le 30 mai 2004 lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

Ainsi que Madame [I] le demande, il convient en l'espèce d'utiliser le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais du 31 octobre 2022, le mieux adapté aux données sociologiques et économiques actuelles, à savoir celui fondé sur les tables de survie 2017-2019 publiées par l’INSEE et sur un taux d'intérêt de 0 %.

I. PREJUDICES PATRIMONIAUX

- Dépenses de santé avant consolidation

Aux termes du relevé de créance définitive daté du 18 septembre 2020, la créance de la CPAM des Yvelines s’élève à la somme de 26.002,46 euros, décomposée comme suit :
- Frais hospitaliers du 30 octobre 2007 au 25 novembre 2010 : 22.966,32euros
- Frais médicaux du 15 octobre 2007 au 17 mai 2011 : 2.976,79 euros
- Frais d’appareillage du 20 novembre 2010 au 04 février 2011 : 59,35 euros.

Il convient de relever que ces frais sont uniquement relatifs à la période des soins avant consolidation dont a bénéficié Madame [I] et ne font l’objet d’aucune contestation sur leur principe.

Madame [I] ne formule aucune demande sur ce poste de préjudice.

Il y a lieu, dans ces conditions et au vu des documents produits par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Yvelines, de condamner l’hôpital privé [16] à payer à la CPAM des Yvelines la somme de 26.002,46 euros au titre des dépenses de santé actuelles.

- Frais divers

L'assistance de la victime lors des opérations d'expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu'elle permet l'égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d'indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité. De même, ces données peuvent justifier d'indemniser les réunions et entretiens préparatoires. Les frais d'expertise font partie des dépens.

Madame [I] demande au tribunal le remboursement des frais d’honoraires de son médecin-conseil, le docteur [X], soit la somme de 600 euros, suivant la facture qui est produite, somme que l’hôpital privé [16] accepte.

L’hôpital privé [16] est condamné à payer à Madame [I] la somme de 600 euros au titre des frais divers.

La CPAM des Yvelines demande le remboursement des frais de transport avant consolidation à hauteur de 721,12 euros pour la période du 15 au 30 octobre 2007.

L’hôpital privé [16] est condamné à payer à la CPAM des Yvelines somme de 721,12 euros au titre des frais divers.

- Assistance tierce personne provisoire

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

Madame [I] sollicite un taux horaire de 18 euros, suivant le calcul suivant :
18.10.2007 au 7.02.2008 : 112 jours
21.03.08 au 20.05.2008 : 60 jours
28.05.2008 au 15.07.2008 : 48 jours
16.07.2008 au 01.04.2009 : 259 jours
03.04.2009 au 28.11.2009 : 239 jours
05.12.2009 au 05.02.2010 : 62 jours
06.02.2010 au 24.11.2010 : 291 jours
26.11.2010 au 25.05.2011 : 180 jours.
En réponse aux défendeurs, elle fait valoir que le rapport a apprécié la réalité du besoin d’assistance temporaire de la victime entre les chirurgies itératives, et il ne peut être contesté que durant ces périodes Madame [I] subissait une impotence du membre inférieur droit, nécessitant une assistance pour l’ensemble des actes de la vie quotidienne de type aide-ménagère ainsi que pour ses déplacements. Elle observe que les défendeurs n’ont fait aucun dire lors de la transmission du pré-rapport. Elle rappelle que la cour de cassation juge de façon régulière qu’il n’y a pas lieu de minorer le taux horaire en cas d’assistance familiale.
L’hôpital privé [16] observe que les conclusions de l’expertise ne sont pas cohérentes car entre le 30 octobre 2007 et le 25 mai 2011, le taux de DFT a varié de 50% à 25%. Il demande de retenir une assistance tierce personne corrélée avec le taux de DFTP, soit 1h par jour pendant le DFTP de 50% et 3h par semaine pendant les périodes de DFTP de 30% puis 25%. Il offre un taux horaire de 14 euros de l’heure, relevant qu’il ne s’agit pas d’une tierce personne spécialisée.

La MIC DAC demande de retenir une aide à la tierce personne dégressive en fonction des périodes de DFTP, et ainsi de 3h par semaine pendant les périodes de DFTP à 30% et à 25% et un tarif horaire de 8,86 euros correspondant au taux horaire net du SMIC applicable au 1er janvier 2010, faisant valoir qu’il s’agit d’une assistance non spécialisée. A titre subsidiaire, elle soutient que le taux horaire ne devrait pas excéder 14 euros.

Sur ce,
L’expertise a retenu un besoin d’assistance temporaire à hauteur d’1 heure par jour du 30 octobre 2007 à la consolidation le 25 mai 2011, en dehors des périodes d’hospitalisation.
Pendant cette période, les experts ont évalué que Madame [I] témoignait d’un déficit fonctionnel partiel à 50% (du 28 mai 2008 au 15 juillet 2008, puis du 5 décembre 2009 au 5 février 2010), à 30% du 6 novembre 2007 au 7 février 2008 puis du 21 mars 2008 au 20 mai 2008, de 25 % du 16 juillet 2008 au 1er avril 2009, puis du 3 avril 2009 au 28 novembre 2009 puis du 6 février 2010 au 24 novembre 2010 et enfin du 26 novembre 2010 au 25 mai 2011.
A la consolidation, le déficit fonctionnel permanent est évalué à 15%, dont 5% lié à état antérieur, soit un déficit fonctionnel permanent imputable à l’infection et ses conséquences estimé à 10%.

Le tribunal relève que Madame [I] a été atteinte à son pied droit ce qui a un impact non seulement pour se déplacer mais également pour porter des charges.

L’hôpital privé [16] et la MIC DAC qui soutiennent qu’il convient de réévaluer le besoin en assistance tierce personne ne produisent aucune pièce pour établir qu’à un taux de déficit fonctionnel temporaire partiel à 25% ou 30%, il convient de réduire les besoins évalués pour Madame [I] à 3 heures par semaine.
Ils seront donc déboutés de leur demande et les besoins évalués par les experts seront retenus par le tribunal, soit 1h par jour jusqu’à la consolidation hors période d’hospitalisation.

Sur la base d’un taux horaire de 15 euros, adapté à la situation de la victime à ce stade, il convient d'allouer la somme suivante : 1251 jours x 1 h x 15 euros = 18.765 euros.

L’hôpital privé [16] est condamné à payer à Madame [I] la somme de 18.765 euros au titre de l’assistance tierce personne temporaire.

- Perte de gains professionnels avant consolidation

Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation.

Madame [I] soutient qu’elle aurait de manière certaine repris son activité professionnelle, évaluant qu’elle aurait été en capacité de rependre son activité s’il n’y avait pas eu de complication soit le 1er décembre 2007 et jusqu’à consolidation. Elle calcule ainsi qu’elle aurait dû percevoir un revenu annuel avec une augmentation chaque année de 3,3% et constate qu’ayant perçu pendant cette période au titre des arrérages de la pension d’invalidité la somme de 25.591,36 euros, son préjudice s’évalue à hauteur de 45.098,36 euros.
Elle sollicite le solde (son préjudice-les sommes perçues) à hauteur de 19.507 euros.
Elle rappelle que les hospitalisations et interventions rendues nécessaires par l’infection se sont étendues du 8 février 2008 au 25 novembre 2010, le classement de Madame [I] en catégorie 2 intervenant pendant cette période de soins, soit le 13 septembre 2009.
Elle soutient que le lien de causal entre les conséquences de l’infection et le surclassement est établi ; ainsi les pertes de gains attachées à l’absence de reprise de l’activité professionnelle doivent donner lieu à réparation.

L’hôpital privé [16] rappelle que Madame [I] ne travaillait pas lorsque l’intervention du 27 septembre 2007 a eu lieu. Il soutient qu’il ne peut être exclu que son passage en catégorie 2 en 2009 soit imputable à l’évolution de sa maladie antérieure. Il conclut que la perte des gains professionnels évoquée par Madame [I] n’est pas imputable aux faits de l’espèce. En outre, il fait valoir que Madame [I] ne justifie pas que ses revenus auraient de manière certaine été réévalués à hauteur de 3% par an, ce d’autant après une longue période d’arrêt de travail indépendante des faits de l’espèce.

La MIC DAC fait valoir que Madame [I] avait cessé toute activité professionnelle depuis quatre ans au moment de l’intervention chirurgicale. Elle conteste qu’il puisse être sérieusement conclu à un lieu de causalité entre l’arrêt des activités professionnelles et l’infection survenue.
Subsidiairement, elle conteste l’augmentation systématique alléguée par Madame [I] à hauteur de 3% par an. Elle conclut que Madame [I] a perçu en 2010 des revenus plus importants, ne caractérisant aucune perte de gains professionnels actuels.

La consolidation de Madame [I] a été fixée au 25 mai 2011.

Sur ce,

Madame [I] ne produit que l’attestation d’imputabilité de l’assurance maladie qui affirme qu’elle aurait été, sans les complications liées aux conséquences de l’infection nosocomiale apparue suite à l’intervention du 27 septembre 2007, en capacité de reprendre son activité professionnelle au 1er décembre 2007.
Or, il convient de relever qu’elle était en invalidité catégorie 1 depuis 2004, percevant une pension d’invalidité catégorie 1 depuis le 30 mai 2004, l’expertise judiciaire mentionnant comme motifs des problèmes de dos. Aucune autre pièce n’établit qu’elle était en cours de reprise d’activité, et que seules les conséquences de cette troisième intervention chirurgicale pour hallux valgus programmée en septembre 2007 ont empêché sa reprise d’activité professionnelle.

Madame [I] n’établit donc pas qu’elle devait reprendre de manière certaine son activité professionnelle à l’issue d’une période de convalescence « normale » après cette troisième intervention.

Par ailleurs, Madame [I] percevait avant son intervention des rentes d’invalidité et elle a continué à en percevoir ensuite. Si le montant a pu évoluer, cela ne permet pas d’établir qu’elle a connu une perte de gains professionnels avant sa consolidation.

Madame [I] est donc déboutée de sa demande au titre de la perte des gains professionnels actuels.

Pour les motifs ci-dessus évoqués, la CPAM des Yvelines est déboutée de sa demande relative à sa créance au titre de la pension d’invalidité catégorie 2 avant consolidation.

- Dépenses de santé futures

L’expertise judiciaire retient au titre des frais de santé futurs :
Port de chaussures adaptées à raison de deux paires par an ;Soins de pédicure à raison de deux consultations par an.
La Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Yvelines fait état, dans ses débours définitifs du 19 septembre 2020, au titre des frais futurs pour un appareillage (orthèse deux fois par an) des sommes suivantes :
Frais futurs exigibles du 26 mai 2011 au 4 décembre 2017 : 2927,12 euros ;Frais futurs à titre viager : 1298, 28 euros, relatifs à des orthèses renouvelées deux fois par an, et remboursées à hauteur de 28,96 euros.
Madame [I] formule les demandes suivantes :
Deuxième paire annuelle de chaussure adaptée : elle soutient qu’elle avait un besoin de deux chaussures orthopédiques par an. Elle rappelle qu’elles ont été intégralement prises en charge la première année. Elle évalue ainsi ce besoin à hauteur de 3308, 94 euros du 25 mai 2012 au 25 mai 2019, puis à hauteur de 3558, 94 euros à compter du 1er janvier 2020 sollicitant une indemnité correspondant à 1 paire par an. Elle demande enfin une capitalisation à compter du 1er janvier 2023. 3.308,94 euros x 7 ans : 23.162,58 euros
3.558,94 euros x 3 : 10.676,82 euros
3.558,94 euros x 25,427 (valeur de l’euro de rente viagère pour une femme âgée de 62 ans - Barème Gazette du Palais 2022) : 90.493,16 euros
Total chaussures adaptées : 124.332,56 euros
Soins de pédicurie : 36 euros à hauteur de 12 séances par an, soit un total de 11.740,46 euros. L’hôpital privé [16] conteste que les frais d’orthèses soient visés par les experts comme devant être imputés aux faits en cause.
Il ajoute s’agissant des chaussures adaptées que Madame [I] ne fournit aucune facture acquittée de chaussures orthopédiques antérieures à fin 2019, ceci démontrant selon lui que le besoin de chaussures adaptées est inférieur à 2 paires par an, et qu’indemniser deux paires par an reviendrait à rembourser des frais non exposés et qui ne le seront pas à l’avenir, provoquant un enrichissement sans cause. Il fait valoir que Madame [I] a été remboursée des frais exposés pour les chaussures adaptées par la CPAM et la mutuelle.
Enfin, il observe que les soins de pédicurie ne sont justifiés que par deux factures depuis consolidation, contestant que ces soins soient effectivement réalisés et que ces soins seront menés à l’avenir. Subsidiairement, il offre les deux séances justifiées et soutient qu’il ne peut être retenu que deux consultations par an, ainsi que l’ont retenu les experts.

La MIC DAC observe que Madame [I] omet de produire les frais exposés antérieurement ce qui la fait douter de la nécessité de tels soins. Elle rappelle que les experts n’ont pas retenu de boiterie à l’examen de l’expertise et qu’elle-même n’a pas évoquée de chaussures orthopédiques.

Sur ce,

Il y a lieu de retenir les frais d’orthèse pris en charge par la CPAM des Yvelines au vu des séquelles décrites par l’expertise.

Le tribunal retient également les préconisations de l’expertise à savoir le besoin de chaussures adaptées, jusqu’à deux fois par an, ainsi que des soins de pédicurie à hauteur de deux consultations par an.

Ainsi que le soutiennent à juste titre les défendeurs, il convient de ne retenir avant le présent jugement que les frais réellement engagés par Madame [I] pour les chaussures adaptées.

Madame [I] produit les justificatifs de l’achat de chaussures :
30 octobre 2019 : reste à charge de 2500 euros déduction faite de la part de la sécurité sociale;16 janvier 2020 : reste à charge de 2500 euros déduction faite de la part de la sécurité sociale ;17 novembre 2020 : pas de reste à charge après prise en charge de la sécurité sociale et de la mutuelle ; 11 février 2022 : pas de reste à charge après prise en charge de la sécurité sociale et de la mutuelle.

Ainsi, pour les arrérages échus jusqu’aux dernières conclusions récapitulatives de Madame [I], il convient d’allouer à Madame [I] la somme de 5000 euros.

Pour les arrérages à échoir à compter du 1er janvier 2023, il convient de retenir le principe de deux paires de chaussures adaptées par an, tel que l’a préconisé l’expert judiciaire. Toutefois, il apparaît au vu des pièces produites par Madame [I] qu’une paire par an est prise en charge par la sécurité sociale et la mutuelle.

Ainsi, il y a lieu de retenir, la somme dont il est justifié à savoir 2500 euros par an, capitalisé à titre viager à compter du 1er janvier 2023, à partir de l’euro de rente viager de la Gazette du Palais 2022 taux 0% pour une femme de 63 ans soit 24.557, soit la somme de 61.392,50 euros.

S’agissant des consultations de pédicurie, il est justifié d’un coût de 36 euros par séance, non remboursé par la sécurité sociale ni la mutuelle.
Madame [I] ne produit aucune pièce établissant un besoin de pédicurie supérieur à ce qu’a évalué l’expert.
Il sera donc fait droit au remboursement de deux séances par an, soit :
Arrérages échus à compter du 25 mai 2011 jusqu’au 31.12.2023 : 36 (2011) + 36 x 2 x 12 (2012 à 2023) = 900 eurosArrérages à échoir à compter du 1er janvier 2024 : 36 x 2 x 24,557 (euro de rente viagère - femme 63 ans - GP 2022 0 %) = 1768,10 euros.
L’hôpital privé [16] est ainsi condamné à payer :
A la CPAM de [Localité 18] la somme de 4225, 40 euros au titre des dépenses de santé futures (orthèses deux fois par an).A Madame [I] la somme totale de 69 060,60 euros au titre des dépenses de santé futures (2668,10 euros (pédicurie) + 66.392,50 euros (chaussures adaptées)).
- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

Madame [I] demande la somme de 100.261, 37 euros, déduction faite de la créance CPAM et à partir du calcul suivant:
Du 26 mai 2011 à la date de prise d’effet de la retraite le 1er mai 2022 : 20 mai 2011 à 2018 : 70.801 euros ;2019 (femme 58 ans jusqu’à l’âge de 62 ans (1er mai 2022)) : 3,915 x 90.308/12 ans = 29.460, 37 eurosL’hôpital privé [16] conclut au débouté faisant valoir que Madame [I] était déjà en arrêt avant les faits, puis en invalidité et que sa perte de gains professionnels est imputable aux faits antérieurs.

La MIC DAC fait valoir que Madame [I] avait cessé toute activité professionnelle depuis quatre ans au moment de l’intervention chirurgicale. Elle conteste qu’il puisse être sérieusement conclu à un lieu de causalité entre l’arrêt des activités professionnelles et l’infection survenue. Elle conteste également le calcul proposé pour la perte de ses droits à la retraite.
Subsidiairement, elle conteste l’augmentation systématique alléguée par Madame [I] à hauteur de 3% par an. Elle conclut que Madame [I] a perçu en 2010 des revenus plus importants, ne caractérisant aucune perte de gains professionnels futurs.

La Mutuelle Malakoff Médéric Humanis justifie avoir versé à Madame [I] au titre d’une rentre invalidité, en 2017 la somme totale annuelle de 11.770 euros, la somme de 930,73 euros net du 1er janvier 2018 au 1er décembre 2018, puis 872,48 euros net du 1er janvier 2019 au 30 septembre 2019. En 2016, le montant de la rente invalidité s’élevait à 948,14 euros nette (justificatif de juillet 2016). En 2015, le montant annuel net à déclarer est 11770 euros. En 2014, le montant annuel net à déclarer est de 11 770 euros. En 2013, le montant annuel net à déclarer est de 11 712 euros.

Sur ce,
Pour les motifs ci-dessus évoqués, la CPAM des Yvelines est déboutée de sa demande relative à sa créance au titre de la pension d’invalidité catégorie 2 à compter du 25 mai 2011 au 30 avril 2022 (au 1er mai 2022 une pension de retraite s’est substituée) à hauteur de 173.047,24 euros.

Madame [I] étant en arrêt de travail lors de l’intervention et n’établissant pas qu’elle allait retravailler de manière certaine, elle ne justifie pas qu’il faille tenir compte d’une situation professionnelle antérieure pour calculer sa perte de gains professionnels futurs. Elle percevait avant l’intervention litigieuse une pension qu’elle a continué à percevoir après de manière majorée.

Aucune perte de gains professionnels futurs n’est ainsi établie.

Madame [I] est ainsi déboutée de sa demande au titre de la perte des gains professionnels futurs.

- Incidence professionnelle

Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap. Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

Madame [I] demande l’indemnisation de son préjudice de carrière ainsi qu’un préjudice lié à son état d’inactivité, caractérisé par le désœuvrement, la désocialisation subie et non choisie du fait de son absence d’emploi. Elle fait valoir l’investissement dans le travail auquel elle a dû renoncer, son exclusion du monde du travail alors qu’elle travaillait en continu depuis l’obtention de son baccalauréat option secrétariat en 1978 et son âge, 47 ans au moment de l’intervention, 51 ans à la date de consolidation. Elle demande à ce titre la somme de 100.000 euros.
Elle ajoute une demande au titre de la perte des droits à la retraite en calculant la différence liée à la carrière interrompue de 323 euros par mois : soit total annuel : 323 euros x 12 mois : 3.876 euros x valeur de l’euro de rente pour une femme de 62 ans - Barème Gazette du Palais 2022 : 25,427 : 98.555,05 euros.

L’hôpital privé [16] soutient que son état antérieur l’empêchait, avant les faits, de poursuivre son activité professionnelle. Il conclut que Madame [I] ne justifie d’aucune incidence professionnelle. Il fait en outre valoir que l’absence de reprise d’activité professionnelle exclut l’indemnisation de l’incidence professionnelle déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent.

La MIC DAC se prévaut d’une décision récente de la Cour de Cassation qui a énoncé que les demandes formulées au titre de l’incidence professionnelle étaient incompatibles avec l’octroi d’une rente viagère indemnisant l’absence totale de reprise d’activité. Elle conclut que Madame [I] ne peut être indemnisée dans la mesure où elle n’a repris aucune activité professionnelle et était proche de l’âge de la retraite au jour de la consolidation.

Sur ce,
Le tribunal retient que Madame [I] a été privée de la possibilité de reprendre une quelconque activité professionnelle en raison des conséquences de l’infection nosocomiale qu’elle a contractée suite à l’intervention du 27 septembre 2007 alors qu’elle était âgée de 47 ans.

Elle justifie d’un préjudice lié à son inactivité et à la désocialisation subie et non choisie alors qu’elle exerçait auparavant un emploi qu’elle appréciait.

Elle justifie également que cela a des conséquences sur ses droits à la retraite, n’ayant pu reprendre une quelconque activité professionnelle après sa consolidation à 51 ans. Cependant, la différence de droits à la retraite dont elle se prévaut n’est pas justifiée, car en tout état de cause, elle percevait un salaire moindre que son époux et qu’elle était en arrêt de travail depuis 2004.

Par conséquent, en tenant compte de ces éléments, il convient de lui allouer la somme globale de 30.000 euros.

La CPAM des Yvelines ayant été déboutée, pour les motifs ci-dessus développés, de sa demande au titre de la rente invalidité catégorie 2, cette somme revient à Madame [I].

L’hôpital privé [16] sera ainsi condamné à payer à Madame [U] épouse [I] la somme de 30.000 euros au titre de l’incidence professionnelle.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.
Madame [I] demande un taux journalier à 30 euros. L’hôpital privé [16] et la MIC DAC proposent respectivement 20 euros par jour.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
“• Déficit fonctionnel temporaire total :
Du 30 octobre 2007 au 5 novembre 2007 : 6 jours
Du 8 février 2008 au 20 mars 2008 : 41 jours
Du 21 mai 2008 au 27 mai 2008 : 6 jours
2 avril 2009 : 1 jour
Du 29 novembre 2009 au 4 décembre 2009 : 5 jours
25 novembre 2010 : 1 jour
• Déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % :
Du 28 mai 2008 au 15 juillet 2008 : 48 jours
Du 5 décembre 2009 au 5 février 2010 : 62 jours
• Déficit fonctionnel temporaire partiel à 30 % :
Du 6 novembre 2007 au 7 février 2008 : 93 jours
Du 21 mars 2008 au 20 mai 2008 : 60 jours
Du 1er mai 2009 au 23 mai 2009 : 23 jours
• Déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % :
Du 16 juillet 2008 au 1er avril 2009 : 259 jours
Du 3 avril 2009 au 28 novembre 2009 :239 jours
Du 6 février 2010 au 24 novembre 2010 : 291 jours
Du 26 novembre 2010 au 24 mai 2011 : 180 jours”

Sur la base d’une indemnisation de 25 euros par jour pour un déficit total, adapté à la situation de Madame [I] suite à l’intervention chirurgicale, il sera alloué la somme totale suivante de 10.251, 25 euros, se décomposant comme suit :
• Déficit fonctionnel temporaire total :
Du 30 octobre 2007 au 5 novembre 2007 : 6 jours
Du 8 février 2008 au 20 mars 2008 : 41 jours
Du 21 mai 2008 au 27 mai 2008 : 6 jours
2 avril 2009 : 1 jour
Du 29 novembre 2009 au 4 décembre 2009 : 5 jours
25 novembre 2010 : 1 jour
Soit 60 jours x 25 euros = 1500 euros
• Déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % :
Du 28 mai 2008 au 15 juillet 2008 : 48 jours
Du 5 décembre 2009 au 5 février 2010 : 62 jours
Soit 110 x 50% x 25euros= 1375 euros
• Déficit fonctionnel temporaire partiel à 30 % :
Du 6 novembre 2007 au 7 février 2008 : 93 jours
Du 21 mars 2008 au 20 mai 2008 : 60 jours
Du 1er mai 2009 au 23 mai 2009 : 23 jours
Soit 176 jours x 25 euros x 30 %= 1320 euros
• Déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % :
Du 16 juillet 2008 au 1er avril 2009 : 259 jours
Du 3 avril 2009 au 28 novembre 2009 :239 jours
Du 6 février 2010 au 24 novembre 2010 : 291 jours
Du 26 novembre 2010 au 24 mai 2011 : 180 jours
Soit 969 jours x 25 euros x 25% = 6056, 25 euros.

L’hôpital privé [16] est condamné à payer à Madame [I] la somme de 10.251, 25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire.

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

Madame [I] demande la somme de 20.000 euros faisant valoir les multiples interventions chirurgicales (6 entre le 31 octobre 2007 et le 12 novembre 2010), le port d’une chaussure de décharge thérapeutique jusqu’à la reconstruction osseuse, le porte d’une botte plâtrée sans appui pendant 6 semaines, puis d’une chaussure à appui talonnier pendant 6 semaines.

L’hôpital privé [16] offre 14.000 euros, la MIC DAC 8000 euros.

En l'espèce, les souffrances sont caractérisées par la perte osseuse subie, les traitements subis dont plusieurs interventions chirurgicales, et le retentissement psychique des faits. Elles ont été cotées à 4/7 par l’expert.

Dans ces conditions, il convient d'allouer la somme de 20.000 euros à ce titre.

L’hôpital privé [16] est ainsi condamné à payer à Madame [I] la somme de 20.000 euros au titre des souffrances endurées.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce jusqu'à la date de consolidation.

Madame [I] demande la somme de 5000 euros faisant valoir l’altération de la marche par le port d’un plâtre puis d’une chaussure thérapeutique et la durée entre la découverte de l’infection et la consolidation de 3 ans et 7 mois.

L’hôpital privé [16] offre 400 euros.

En l'espèce, le préjudice esthétique temporaire a été coté à 2,5/7 par l'expert.

Le tribunal relève les cicatrices au niveau de l’avant-pied suite aux interventions chirurgicales mais également de la gêne dans la marche avant consolidation du fait des soins.

Dans ces conditions, eu égard à la durée de cette modification de la démarche de Madame [I] consécutive à l’infection nosocomiale, il y a lieu de faire droit à sa demande à hauteur de 3200 euros.

L’hôpital privé [16] sera ainsi condamné à payer à Madame [I] la somme de 3200 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire.

- Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ses conditions d'existence.

Madame [I] demande à titre principal une valeur de point à 1800 euros faisant valoir son pied droit déformé qui ne permet pas l’appui sur le gros orteil et sur la voûte plantaire, son périmètre de marche étant par conséquent limité. Elle fait état également des problèmes de circulation sanguine.

L’hôpital privé [16] propose une valeur de point de 1560 euros avec déduction de la pension invalidité catégorie 2.

La MIC DAC propose une valeur de point à 1420 euros.

En l'espèce, l’expert a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 10 % imputable à l’infection et à ses conséquences, en prenant en compte les conséquences psychologiques et esthétiques.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 10 % par l’expert compte-tenu des séquelles relevées et étant âgée de 51 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué une indemnité de 15.600 euros (valeur du point à 1560 euros).

L’hôpital privé [16] sera ainsi condamné à payer à Madame [I] la somme de 15.600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.

- Préjudice esthétique permanent

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce de manière pérenne à compter la date de consolidation.

Madame [I] demande la somme de 8000 euros faisant valoir la déformation de son pied, raccourci par rapport à son pied gauche, l’altération de sa silhouette du fait d’un déséquilibre de pointure mais également de la boiterie. Elle ajoute les multiples cicatrices, la tuméfaction importante sur la partie plantaire centrale du pied droit. Elle observe ne plus pouvoir porter des chaussures à talons.

L’hôpital privé [16] offre 3500 euros, la MIC DAC 4000 euros et fait valoir que les experts n’ont retenu aucune boiterie dans leur examen clinique.

En l’espèce, l’expertise judiciaire retient un préjudice esthétique permanent côté à 2,5/ 7.

Si lors de l’examen clinique, aucune boiterie n’est retenue par l’expert, il relève les cicatrices, la difficulté de mobilité des orteils du pied droit mais également un raccourcissement et une tuméfaction de la partie plantaire centrale qui ont nécessairement un impact sur la démarche mais également le port de chaussures et un impact esthétique en eux-mêmes.

En conséquence, il convient d’allouer à Madame [I] la somme de 4000 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

L’hôpital privé [16] sera ainsi condamné à payer à Madame [I] la somme de 4000 euros au titre de son préjudice esthétique permanent.

- Préjudice d'agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités. Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers. La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident. Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

Madame [I] demande la somme de 15.000 euros faisant valoir avoir été contrainte à l’abandon de ses activités sportives antérieures : planche à voile, ski nautique, ski alpin et course à pied, activités nécessitant une parfaite intégrité des membres inférieurs.

L’hôpital privé [16] conclut au débouté, faisant valoir que Madame [I] n’apporte aucun justificatif d’une pratique des activités qu’elle allègue, et relève qu’elle était affectée d’une pathologie lombaire avant les faits qui excluait la pratique de ces activités. Subsidiairement, il offre 1000 euros.

La MIC DAC conclut au débouté, relevant qu’en 2004, Madame [I] était placée en invalidité catégorie 1 du fait d’une pathologie lombaire et arrêtait son activité professionnelle, et qu’elle ne peut donc prétendre avoir été physiquement apte à pratiquer la planche à voile, le ski nautique, le ski alpin et la course à pied après 2004 alors qu’elle ne pouvait plus travailler. Elle soutient que l’arrêt des activités évoquées est imputable à un état antérieur.
En l'espèce, l’expertise judiciaire conclut à un préjudice d’agrément qu’il sera à évaluer par le tribunal, sachant que Madame [I] n’a presque plus d’activités sportives et de loisirs. Madame [I] a fait état lors de l’examen de l’expertise de ne plus pouvoir marcher longtemps, ne plus pouvoir porter de charges lourdes et a précisé ne plus faire de sport, sauf la plongée sous-marine.

Madame [I] produit trois attestations qui témoignent qu’elle pratiquait régulièrement le tennis, le bowling et le ski alpin ainsi que le ski nautique et la planche à voile. Seule l’une de ces attestations évoque une période d’activité, « depuis les années 1980 à mi 2007 ».
Or, il est relevé dans l’expertise judiciaire que depuis 2004, elle est en arrêt de travail et depuis le 30 mai 2004 elle est en invalidité catégorie 1 pour des problèmes de dos.

Si l’invalidité catégorie 1 n’empêche pas en soit la poursuite d’activités sportives et de loisirs, force est de relever que les activités alléguées par Madame [I] (tennis, bowling, ski alpin et nautique, planche à voile) mobilisent le dos.

Madame [I] n’apporte pas suffisamment de pièces circonstanciées pour justifier qu’elle pratiquait encore régulièrement ces activités avant l’intervention chirurgicale de septembre 2007 et que l’arrêt de ces activités à la date de l’expertise, au demeurant non contesté, soit uniquement imputable aux conséquences dommageables de l’infection nosocomiale qu’elle a contractée suite à l’intervention du 27 septembre 2007.

Dans ces conditions, il convient de lui allouer la somme de 1.000 euros offerte subsidiairement par l’hôpital privé [16].

L’hôpital privé [16] sera ainsi condamné à payer à Madame [I] la somme de 1000 euros au titre du préjudice d’agrément.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

* Sur l'indemnité forfaitaire de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale

En application de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale, l’hôpital privé [16] condamné à payer une indemnité forfaitaire en contrepartie des frais engagés par l'organisme national d'assurance maladie, cette indemnité s’élevant à 1114 euros.

* Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

L’hôpital privé [16], qui succombe en la présente instance, sera condamné aux dépens, comprenant les frais d’expertise et pouvant être recouvrés directement par Maître Stéphane FERTIER, de la SELARL JRF & ASSOCIES pour ceux dont il a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En outre, l’hôpital privé [16] devra supporter les frais irrépétibles engagés par Madame [I] dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison de la somme de 3500 euros et par la CPAM des Yvelines à hauteur de 1500 euros.

La MIC DAC est condamnée à garantir l’hôpital privé [16] de l’ensemble des condamnations à hauteur de 80 %.

Les intérêts des sommes allouées courront à compter du jugement en vertu de l’article 1231-7 du code civil et seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code de procédure civile.
*Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile en vigueur au jour de l’assignation, l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

MET HORS DE CAUSE la SAS BRANCHET ;

DÉCLARE l’hôpital privé [16] responsable des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par Madame [O] [U] épouse [I], lors de l'intervention pratiquée le 27 septembre 2007 ;

CONDAMNE l’hôpital privé [16] à réparer l'intégralité du préjudice subi par Madame [O] [U] épouse [I] ;

DÉBOUTE l’hôpital privé [16] et la Medical Insurance Compagny Designated Activity Company (MIC DAC) de leur demande de condamnation du docteur [C] [M] à les garantir ;

DIT que le docteur [S] [K] a commis plusieurs fautes au sens des dispositions des articles L.1110-5, L.1142-1-I, R.4127-32, R.4127,33, R.4127-233 du code de la santé publique ;

CONDAMNE la Medical Insurance Compagny Designated Activity Company (MIC DAC), en qualité d’assureur de feu docteur [S] [K], à garantir l’hôpital privé [16] à hauteur de 80% de l’ensemble de ses condamnations ;

CONDAMNE l’hôpital privé [16] à payer à Madame [O] [U] épouse [I] à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes :
- frais divers : 600 euros ;
- assistance par tierce personne temporaire : 18.765 euros ;
- dépenses de santé futures : 69 060,60 euros;
- souffrances endurées : 20.000 euros ;
- déficit fonctionnel temporaire : 10.251, 25 euros ;
- incidence professionnelle : 30.000 euros ;
- préjudice esthétique temporaire : 3200 euros ;
- déficit fonctionnel permanent : 15 600 euros ;
- préjudice esthétique permanent : 4000 euros ;
- préjudice d’agrément : 1.000 euros ;
- article 700 du code de procédure civile : 3500 euros ;
Ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

DÉBOUTE Madame [O] [U] épouse [I] de ses demandes au titre de la perte des gains professionnels actuels et de sa perte des gains professionnels futurs ;
CONDAMNE l’hôpital privé [16] à payer à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Yvelines les sommes suivantes :
Au titre des dépenses de santé actuelle : 26.002,46 euros ;Au titre des frais divers : 721,12 euros ;Au titre des dépenses de santé futures : 4225,40 euros ;Au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1500 euros ;Ces sommes portant intérêt au taux légal à compter du 23 octobre 2020 ;

CONDAMNE l’hôpital privé [16] à payer à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Yvelines l’indemnité forfaitaire de gestion à hauteur de 1114 euros ;

DÉBOUTE la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Yvelines de ses demandes relatives à la pension d’invalidité catégorie 2 ;

DIT que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil ;

DIT que dans leurs rapports entre eux la charge définitive de la réparation tant en ce qui concerne le principal que les intérêts, les provisions versées, les indemnités allouées en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens sera supportée conformément au partage de responsabilité ci-dessus opéré ;

CONDAMNE l’hôpital privé [16] aux dépens comprenant les frais d’expertise et pouvant être recouvrés directement par Maître Stéphane FERTIER, de la SELARL JRF & ASSOCIES pour ceux dont il a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 11 Mars 2024.

La GreffièreLa Présidente

Erell GUILLOUËTLaurence GIROUX


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19eme contentieux médical
Numéro d'arrêt : 20/03028
Date de la décision : 11/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-11;20.03028 ?
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