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11/03/2024 | FRANCE | N°19/08829

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19eme contentieux médical, 11 mars 2024, 19/08829


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:


19ème contentieux médical

N° RG 19/08829

N° MINUTE :

Assignations des :
17 et 23 Juillet 2019

CONDAMNE

SB




JUGEMENT
rendu le 11 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [Z] [V]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 9]

Représentée par Maître Sophie DUGUEY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0229

DÉFENDERESSES

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
[Adresse 3

]
[Localité 7]

Représentée par Maître Jérôme HOCQUARD de la SELARL ELOCA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0087

La SOCIETE ALLIANZ IARD
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 8]
...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

19ème contentieux médical

N° RG 19/08829

N° MINUTE :

Assignations des :
17 et 23 Juillet 2019

CONDAMNE

SB

JUGEMENT
rendu le 11 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [Z] [V]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 9]

Représentée par Maître Sophie DUGUEY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0229

DÉFENDERESSES

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
[Adresse 3]
[Localité 7]

Représentée par Maître Jérôme HOCQUARD de la SELARL ELOCA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0087

La SOCIETE ALLIANZ IARD
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 8]

Représentée par Maître Philippe MARINO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0143

La MUTUELLE MALAKOFF HUMANIS
[Adresse 2]
[Localité 6]

Représentée par Maître Charles CUNY membre de AARPI PHI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0026
Décision du 11 Mars 2024
19ème contentieux médical
RG 19/08829

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sabine BOYER, Vice-Présidente
Madame Laurence GIROUX, Vice-Présidente
Madame Géraldine CHABONAT, Juge

Assistées de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DÉBATS

A l’audience du 15 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Sabine BOYER, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 11 Mars 2024.

JUGEMENT

- Contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 10 juillet 2017, Madame [Z] [V] faisait l’objet d’une intervention chirurgicale à l’Hôpital [10] consistant en la pose d’une prothèse totale de hanche gauche.
Le 13 juillet 2017, elle était transférée à la Clinique CLINEA afin de poursuivre sa rééducation.
Le 27 juillet 2017, elle chutait dans la salle d’eau de sa chambre d’hôpital à la suite de la rupture du tabouret.
A la suite de cette chute, elle présentait une fracture péri-prothétique VANCOUVER B de la prothèse de hanche gauche nécessitant une reprise chirurgicale.
Le 28 juillet 2017, elle faisait l’objet d’une nouvelle intervention chirurgicale consistant en une reprise de prothèse totale de la hanche gauche par voie postérieure à l’Hôpital [10].
Le 2 août 2017, elle était transférée à la Clinique CLINALLIANCE afin de poursuivre sa rééducation et elle y séjournait jusqu’au 20 novembre 2017.

Par actes des 17 et 23 juillet 2019, Mme [V] a assigné devant ce tribunal, la SA ALLIANZ IARD, la SA MALAKOFF MEDERIK ASSURANCES, la CPAM des HAUTS DE SEINE en vue de l’indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 4 janvier 2021, la 19ème Chambre du Tribunal Judiciaire de Paris a :

- dit que la clinique CLINEA d’Asnières sur Seine a manqué à son obligation contractuelle de sécurité envers Mme [Z] [V]
- dit que la société ALLIANZ IARD, assureur de la clinique CLINEA d’Asnières sur Seine, devra indemniser Madame [Z] [V] de l’intégralité de ses préjudices imputables à la chute survenue le 27 juillet 2017 ;
- ordonné une mesure d’expertise médicale de Mme [V] et désigné le Docteur [N] [B] pour y procéder ;
- condamné la SA ALLIANZ Iard à verser à Madame [V] une indemnité provisionnelle d’un montant de 4.000 € à valoir sur l’indemnisation définitive de ses différents préjudices ;
- réservé la liquidation des demandes fondées sur l’article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens d’instance.

Le Docteur [B] a déposé son rapport définitif d’expertise le 11 juin 2021 et conclut comme suit :

Les séquelles sont en lien direct certain et exclusif avec la chute chez CLINEA le 27/7/2017 ayant imposé une reprise totale de la prothèse.

Déficit fonctionnel temporaire :
o Total : du 27 juillet 2017 au 20 novembre 2017
o Partiel à 25% : (3 mois) du 21 novembre 2017 au 21 février 2018
o Partiel à 15% : du 22 février 2018 à la date de la consolidation 9 octobre 2019
Il précise que sans fracture, les suites de la pose de prothèse auraient été DFTT du 9 au 13/7/2017+45 jours rééducation

- Déficit fonctionnel permanent : 13% (15% -5% attribué en cas de suite simple d’une arthroplastie de la hanche + douleurs post-consolidation)

- Aide humaine actuelle :
o 5 heures par semaine pendant la période de DFTP à 25%, soit du 21 novembre 2017 au 21 février 2018
o 2 heures par semaine pendant la période de DFTP à 15%, soit du 22 février 2018 au 9 octobre 2019

- Préjudice professionnel : la demanderesse est retraitée. Depuis la rentrée scolaire 2013/2014, en complément de sa retraite, elle avait un emploi de garde de deux enfants. L’accident du 27 juillet 2017 a conduit à la cessation de cet emploi, engendrant une perte de revenus.

- Préjudice d’agrément : la réduction de ses capacités fonctionnelles secondaire à la reprise de l’arthroplastie a diminué de 50% ses capacités de natation.

- Souffrances endurées : 4 sur 7

- Préjudice esthétique temporaire : 2,5 sur 7

- Préjudice esthétique permanent : 2,5 sur 7

- Préjudice sexuel : difficultés positionnelles

- Tierce personne future : 2 heures par semaine

- Frais de logement adapté : nécessité d’une douche à l’italienne à 50% imputable en raison de la coxarthrose préopératoire
- Dépenses de santé futures : achat d’une canne béquille tous les deux ans avec changement des embouts deux fois par an .
Réserves sur une reprise (longévité prothèse de hanche15 ans).

***

Au vu de ce rapport, par conclusions récapitulatives signifiées le 5 janvier 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Madame [Z] [V] demande au tribunal de :

- CONDAMNER la société ALLIANZ IARD à indemniser Madame [Z] [V] de l’intégralité des préjudices par elle subis ;

- FIXER les indemnités revenant à Madame [Z] [V] ainsi qu’il suit :

Dépenses de santé actuelles

2.713,42 €

Frais divers

4.560 €

Pertes de gains professionnels actuels

7.306,07 €

Pertes de gains professionnels futurs

19.876,14 €

Incidence professionnelle

8.000 €

Tierce personne future

38.946,96 €

Déficit fonctionnel temporaire

5.733,75 €

Souffrances endurées

15.000 €

Préjudice esthétique temporaire

3.000 €

Déficit fonctionnel permanent

15.730 €

Préjudice d’agrément

2.500 €

Préjudice esthétique permanent

4.000 €

Préjudice sexuel

2.000 €

PRONONCER les condamnations à intervenir en deniers ou quittances ;

- CONDAMNER la société ALLIANZ IARD à verser à Madame [Z] [V] une indemnité d’un montant de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

- CONDAMNER la société ALLIANZ IARD aux entiers dépens d’instance, dont distraction au profit de Maître Sophie DUGUEY, Avocat aux offres de droit, selon l’article 699 du CPC ;

Vu l’article 514 du Code de Procédure Civile,
- RAPPELER que l’exécution provisoire du jugement à intervenir est de droit
***

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 16 janvier 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la CPAM des Hauts de Seine demande au tribunal de :

Constater la responsabilité de la Clinique CLINEA dans l’accident dont Madame [Z] [V] a été victime le 27 juillet 2017 ;

En conséquence :
- Condamner la société ALLIANZ IARD , assureur de la Clinique CLINEA, à régler à la CPAM des Hauts-de-Seine la somme de 28.853,00 € au titre du remboursement des prestations versées à Madame [Z] [V] et ce, sous réserve des prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement ;
- Condamner la société ALLIANZ IARD à régler à la CPAM des Hauts-de-Seine les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 8 octobre 2021 ; ces intérêts formant anatocisme à l’expiration d’une année conformément à l’article 1343-2 du Code civil ;
- Constater que la société ALLIANZ IARD est également redevable de la somme de 1.162 € au titre l’indemnité forfaitaire prévue à l’alinéa 9 de l’article L.376-1 du Code de la Sécurité sociale (dont le montant a été actualisé par arrêté du 15 décembre 2022) et la condamner à en assurer le versement auprès de la CPAM des Hauts-de-Seine ;
- Condamner la société ALLIANZ IARD à régler à la CPAM des Hauts-de-Seine la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
-Condamner la société ALLIANZ IARD au paiement des entiers dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de Maître Jérôme HOCQUARD, Avocat au Barreau de PARIS, dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile ;
- Prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir en toutes ses dispositions.

***

Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 16 septembre 2022, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la MUTUELLE MALAKOFF HUMANIS demande au tribunal de :

- condamner ALLIANZ IARD à payer à MUTUELLE MALAKOFF HUMANIS la somme suivante :
- dépenses de santé actuelles : 14 202,82 € ;
- condamner ALLIANZ IARD à payer à MUTUELLE MALAKOFF HUMANIS la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- condamner ALLIANZ IARD aux entiers dépens, dont distraction au profit de l’AARPI PHI AVOCATS, Avocat au Barreau de Paris, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile ;
***

Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 mars 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société ALLIANZ IARD demande au tribunal de :

- Fixer le préjudice de Madame [Z] [V] comme suit :

• Dépenses de santé actuelles : 2.713,42 € • Frais divers : 2.687,50 € • Tierce personne future : 13.997,64 € • Déficit fonctionnel temporaire : 3.901,50 € • Souffrances endurées : 6.000,00 € • Préjudice esthétique temporaire : 500,00 € • Déficit fonctionnel permanent : 9.750,00 € • Préjudice esthétique permanent : 2.500,00 € • Préjudice sexuel : 800,00 €
- Débouter Madame [Z] [V] de toutes autres demandes d’indemnisation et, notamment, de ses demandes au titre d’une perte de gains professionnels actuels, d’une perte de gains professionnels futurs, d’une incidence professionnelle, d’un préjudice d’agrément ;

- Déduire des indemnités allouées à Madame [Z] [V] la provision de 4.000,00 € ou, à défaut, statuer en deniers ou quittances, provisions non déduites ;

- Débouter Madame [Z] [V] de toutes demandes, fins et conclusions contraires ;

- Débouter la MUTUELLE MALAKOFF HUMANIS de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- Débouter la CPAM des HAUTS DE SEINE de ses demandes d’indemnité forfaitaire et d’indemnité au titre des frais irrépétibles ;

***

La clôture de la présente procédure a été prononcée le 5 juin 2023.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

L'affaire a été mise en délibéré au 11 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'évaluation du préjudice corporel

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Madame [Z] [V], née le [Date naissance 4] 1945 et âgée par conséquent de 72 ans lors de l'accident, de 74 ans à la date de consolidation de son état de santé, et 78 ans au jour du présent jugement, et qui était à la retraite depuis 2002 et gardait des enfants en sortie d’école lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

Il convient en l'espèce d'utiliser le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais 2022 fondé sur un taux d'intérêt de 0 %, le mieux adapté aux données sociologiques et économiques actuelles.

I. PREJUDICES PATRIMONIAUX

- Dépenses de santé avant consolidation

La CPAM des Hauts-de-Seine fait valoir qu’elle a versé à Madame [Z] [V] des prestations s’élevant à la somme de 28.853 € selon attestation définitive de débours en date du 5 octobre 2021 et attestation d’imputabilité en date du 6 octobre 2021, correspondant aux :
- Frais d’hospitalisation :
. du 27 juillet 2017 au 2 août 2017 : 11.976,97 €
. du 1er septembre au 20 novembre 2017 : 14.563,63 €
- Frais médicaux : 1.121,10 €
- Frais pharmaceutiques : 339,88 €
- Frais d’appareillage : 38,51 €
- Frais de transport : 812,91 €.
La société Allianz ne conteste pas sa créance.

L'organisme MUTUELLE MALAKOFF HUMANIS, revendique la créance suivante : 14 202,82€, pour laquelle, elle produit un détail de sorte que ces frais sont les frais de séjour, chambre particulière, transport et autres du 27/07/2017 au 9/10/2019 pour lesquels, le médecin conseil atteste de leur imputabilité.

La société Allianz conteste le droit à agir de la mutuelle ainsi que l’imputabilité des soins.

La mutuelle a été mise en cause par la victime qui ne conteste nullement les prises en charge dont elle a fait l’objet. La mutuelle tient son droit à agir de l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 en vertu duquel :
« Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur :
1. Les prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale et par ceux qui sont mentionnés aux articles 1106-9, 1234-8 et 1234-20 du code rural ;
2. Les prestations énumérées au II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;
3. Les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation ;
4. Les salaires et les accessoires du salaire maintenus par l'employeur pendant la période d'inactivité consécutive à l'événement qui a occasionné le dommage ;
5. Les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance régies par le code des assurances. »

Ainsi, le 5° de cet article confère un droit à agir à la mutuelle qui n’est pas contrainte de produire le contrat. Par ailleurs, la date de la chute étant le 27 juillet 2017, les soins consécutifs doivent être pris en charge au regard du décompte de prestations et de l’attestation d’imputabilité.

Mme [V] sollicite l’allocation de la somme de 2713,42€ au titre des dépenses de santé restées à sa charge. ALLIANZ accepte la demande.

En conséquence, la société ALLIANZ sera condamnée à verser de ce chef :
A Mme [V] : 2713,42€A la CPAM : 28.853 €A MUTUELLE MALAKOFF HUMANIS : 14 202,82€
- Frais divers

En l'espèce, il est demandé la somme de 330€ pour les frais de télévision, demande acceptée par Allianz. Cette somme sera donc allouée de ce chef.

- Assistance tierce personne provisoire

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant de l'assistance tierce-personne provisoire :
5 heures par semaine pendant la période de DFTP à 25%, soit du 21 novembre 2017 au 21 février 2018 2 heures par semaine pendant la période de DFTP à 15%, soit du 22 février 2018 au 9 octobre 2019.
Mme [V] sollicite la somme de 4230€ après application d’un taux horaire de 18€, tandis que la société ALLIANZ offre 2.357,50 € pour un taux horaire de 10,25€.

Sur la base d’un taux horaire de 18 euros, adapté à la situation de la victime à ce stade, il convient d'allouer la somme sollicitée de 4230 €.

- Perte de gains professionnels avant consolidation

Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation.

Mme [V] fait valoir que, bien que retraitée, elle gardait des enfants depuis le 4 octobre 2004 et depuis le 2 septembre 2013 auprès de M. [W] et qu’elle aurait continué à exercer cette activité qui lui procurait un revenu moyen de 3154,33 € annuel.
Elle sollicite la somme de 7306,07€ après revalorisation du salaire annuel à 3312,69€.

La société ALLIANZ s’oppose à la demande en observant qu’elle a exercé l’activité de garde d’enfants du 04 octobre 2004 au 30 juin 2017 et qu’elle avait cessé cette activité lors de sa chute.
En tout état de cause, elle considère qu’il n’est pas certain que Monsieur [J] [W] aurait continué à l’employer en cette qualité.

Aucune indemnité journalière n’a été versée.
L’expert indique que, sans son accident, son arthroplastie de la hanche lui aurait occasionné une hospitalisation du 9 au 13/7/2017 et 45 jours de rééducation, soit jusqu’en fin d’été.

Son dernier contrat de travail à durée indéterminée avec M. [W] avait pris effet le 2/9/2013. Elle gardait deux enfants nés en novembre 2007, 9 heures par semaine durant 5 jours, hors vacances scolaires moyennant un salaire net de 9,5 € l’heure. Elle a travaillé du 2 septembre 2013 au 30 juin 2017. Elle était encore sous contrat lors des faits, ce contrat étant à durée indéterminée pour les périodes de scolarité avec interruption durant les vacances scolaires, soit lors des faits.
M. [W] atteste qu’il aurait continué à employer Mme [V] à la rentrée scolaire 2017 compte tenu de son besoin pour les enfants et qu’il aurait probablement poursuivi ce contrat jusqu’en juin 2020 si elle avait pu continuer.
Ses enfants étaient âgés de 9 ans et demi lors de l’accident.
Le revenu de référence d’un salarié est celui de l’année précédant les faits, soit 2016 : 3150 € annuel.
Elle a perçu 1000 € en 2017, alors que la période comporte théoriquement près de 6 mois dont 4 semaines de vacances scolaires non travaillées, ce qui laisse entendre qu’elle n’a pas travaillé toutes les semaines.
Dès lors, et compte tenu de l’âge de Mme [V], 72 ans lors des faits et de son arthroplastie, il y a lieu de prendre en compte une perte de chance de 50% de poursuivre cette activité jusqu’à la consolidation. L’actualisation n’est pas justifiée dans ce contexte.

La perte se calcule comme suit : 3150 /365 j x 805 j = 6947,26 € et après application du taux de perte de chance 3 473,63 €

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

En l'espèce, Mme [V] soutient qu’elle aurait pu continuer à garder des enfants jusqu’à l’âge de 80 ans et elle demande la somme de 19 876,14€. La société Allianz s’y oppose.
Toutefois, elle ne peut prétendre qu’elle aurait travaillé au-delà de la date avancée par M. [W], soit le mois de juin 2020, à l’âge de 75 ans. En effet, à cette date il lui aurait été difficile de trouver un autre employeur au regard de son âge.

Dès lors et dans le prolongement de ce qui précède, ce poste sera indemnisé sur la base d’une perte de chance de 50% de travailler jusqu’au mois de juin 2020.
Ainsi, il sera alloué du 10 octobre 2019 au 30 juin 2020, soit pour la période de 265 jours :
3150€ /365j x 265 j = 2286,98 € x 0,50 = 1 143,49 €

- Incidence professionnelle

Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap. Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

Mme [V] sollicite la somme de 8000 € pour avoir dû cesser son activité de garde d’enfants qui lui permettait de conserver un lien social.
La société Allianz conclut au rejet de la demande en considérant que le préjudice n’est pas caractérisé.

En l'espèce, il convient de relever que Mme [V] avait déjà 72 ans lors de l’accident médical, soit un âge où il est habituel d’être à la retraite et de se tourner vers des activités d’épanouissement social autres que professionnelles. En conséquence, ce préjudice n’est pas caractérisé, et ce d’autant qu’il a été fait droit en partie à une indemnisation au titre des pertes de gains. La demande sera rejetée.

- Assistance par tierce personne pérenne

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe après la consolidation de son état de santé, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant de l'assistance tierce-personne pérenne : 2 heures par semaine à titre viager.

Mme [V] sollicite la somme de 38 946,96 € en application d’un taux horaire de 20€ sur 57 semaines et du barème de la Gazette du Palais 2022 alors que Allianz demande l’application du taux de 10,25 € sur 52 semaines et du barème de la Gazette du Palais 2016.

Sur la base d’un taux horaire de 20 euros, et de 52 semaines par an pour la période passée et 57 semaines par an pour l’avenir, afin de tenir compte des congés payés, adapté à la situation de la victime à ce stade, il convient d'allouer la somme suivante :

Au titre des arrérages échus du 9/10/2019 au 9/10/2023 :
20€ x 2h x 52 s x 4 ans = 8320 €

Au titre des arrérages à échoir au 10/10/2023 :
20€ x 2 h x 57 s = 2280 € x 12,145 (euro de rente viagère pour une femme de 78 ans) = 27 690,60€

Total = 36 010,60 €.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
Total : du 27 juillet 2017 au 20 novembre 2017
Partiel à 25% : (3 mois) du 21 novembre 2017 au 21 février 2018
Partiel à 15% : du 22 février 2018 à la date de la consolidation 9 octobre 2019
Il précise que sans fracture, les suites de la pose de prothèse auraient été DFTT du 9 au 3/7/2017 + 45 jours rééducation.

Il est demandé l’application d’un taux journalier de 25€ et offert 17€ par jour.

Sur la base d’une indemnisation de 25 € par jour pour un déficit total, adapté à la situation décrite, il sera alloué la somme sollicitée de 5 733,75 €.

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial, ayant nécessité une reprise de la prothèse, la rééducation, l’importance des douleurs ayant necessité le recours à un centre antidouleurs, des infiltrations et des antalgiques forts.
Elles ont été cotées à 4/7 par l’expert.

Dans ces conditions, il convient d'allouer la somme de 14 000 € à ce titre.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce jusqu'à la date de consolidation.

En l'espèce, celui-ci a été coté à 2,5/7 par l'expert en raison notamment de l’immobilisation puis la déambulation avec deux cannes.
Dans ces conditions, il convient d'allouer la somme de 1500 € à ce titre.

- Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ses conditions d'existence.

En l'espèce, l’expert a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 13 % en raison des limitations fonctionnelles de la hanche gauche et des douleurs post-consolidation.

La victime étant âgée de 74 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué une indemnité de 15 730 €, comme demandé.

- Préjudice esthétique permanent

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce de manière pérenne à compter la date de consolidation.

En l'espèce, il est coté à 2,5/7 par l'expert en raison de notamment de la cicatrice de reprise chirurgicale et de la marche avec une canne.

Dans ces conditions, il convient d'allouer une somme de 2500 € à ce titre.

- Préjudice d'agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités. Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers. La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident. Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

Mme [V] demande la somme de 2500 € de ce chef en arguant du fait qu’elle ne peut plus pratiquer la marche et la natation.
Son fils confirme que lors de ses séjours dans les Alpes Maritimes chez lui, sa mère pratiquait ces activités et qu’elle ne le peut plus.
Sa sœur confirme la pratique antérieure de la natation en piscine et en mer.

En l'espèce, l’expert e retenu que la réduction de ses capacités fonctionnelles secondaire à la reprise de l’arthroplastie a diminué de 50% les capacités de natation de Mme [V].

Il convient dans ces conditions d'allouer la somme de 1000€ à ce titre.

- Préjudice sexuel

La victime peut être indemnisée si l’accident a atteint, séparément ou cumulativement mais de manière définitive, la morphologie des organes sexuels, la capacité de la victime à accomplir l’acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir), et la fertilité de la victime.

En l'espèce, l'expert a retenu à ce sujet des difficultés positionnelles.

Dans ces conditions, il convient d'allouer la somme de 1500 € à ce titre.

Sur les demandes accessoires

* Sur les intérêts

Les intérêts des sommes allouées courront à compter du jugement en vertu de l’article 1231-7 du code civil, sauf s’agissant de la créance de la CPAM, en application de l’article 1131-6 du même code, pour laquelle ils courront à compter de la première demande en justice, valant mise en demeure, soit le 8 octobre 2021, pour une partie de la somme et à compter du 23 novembre 2021 pour le surplus. Ils seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code de procédure civile.

* Sur l'indemnité forfaitaire de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale

En application de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale, le tiers responsable est condamné à payer une indemnité forfaitaire en contrepartie des frais engagés par l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum et d'un montant minimum, fixés par arrêté du 15 décembre 2022.
En conséquence, ALLIANZ Iard sera condamnée à verser à la CPAM des Hauts-de-Seine la somme de 1.162 € de ce chef.

* Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

La société Allianz, partie qui succombe en la présente instance, sera condamnée aux dépens dans les conditions fixées au dispositif. En outre, elle devra supporter les frais irrépétibles engagés par la victime, la CPAM et la mutuelle dans la présente instance et que l'équité commande de réparer respectivement à raison de la somme de 2500€, 1000€ et 1500€.

*Sur l’exécution provisoire

L'ancienneté de l'accident justifie que soit ordonnée l'exécution provisoire sollicitée à concurrence des deux tiers des indemnités allouées, et en totalité en ce qui concerne celle relative à l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

Vu le jugement du 4 janvier 2021 ;

CONDAMNE la société ALLIANZ Iard à payer à Madame [Z] [V], à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes :
- dépenses de santé actuelles: 2713,42 €
- frais divers: 330 €
- assistance par tierce personne temporaire : 4 230 €
- pertes de gains professionnels actuels: 3 473,63 €
- assistance par tierce personne pérenne : 36 010,60 €
- perte de gains professionnels futurs: 1 143,49 €
- déficit fonctionnel temporaire: 5 733,75 €
- souffrances endurées: 14 000 €
- préjudice esthétique temporaire: 1 500 €
- déficit fonctionnel permanent: 15 730 €
- préjudice esthétique permanent: 2 500 €
- préjudice d’agrément: 1 000 €
- préjudice sexuel: 1 500 € ;

REJETTE la demande au titre de l’incidence professionnelle ;

CONDAMNE la société ALLIANZ Iard à payer à la CPAM des Hauts-de-Seine :
- la somme de 28.853,00 € au titre du remboursement des prestations versées à Madame [Z] [V] avec intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 8 octobre 2021, sur la somme de 23.982,30 € et à compter du 23 novembre 2021 pour le surplus,
- la somme de 1.162 € au titre l’indemnité forfaitaire prévue à l’alinéa 9 de l’article L.376-1 du Code de la Sécurité sociale,
DIT que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE la société ALLIANZ Iard à payer à la MUTUELLE MALAKOFF HUMANIS la somme de 14 202,82 € au titre du remboursement des prestations versées à Madame [Z] [V] ;

CONDAMNE la société ALLIANZ Iard aux dépens comprenant les frais d’expertise et pouvant être recouvrés directement par Maître Jérôme HOCQUARD, Maitre Sophie DUGUEY et l’AARPI PHI AVOCATS pour ceux dont ils ont fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société ALLIANZ Iard à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile les sommes suivantes :
2 500 € à Mme [Z] [V]1 000 € à la CPAM des Hauts-de-Seine1 500 € à la MUTUELLE MALAKOFF HUMANIS ;
ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 11 Mars 2024.

La GreffièreLa Présidente

Erell GUILLOUËTSabine BOYER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19eme contentieux médical
Numéro d'arrêt : 19/08829
Date de la décision : 11/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-11;19.08829 ?
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