MINUTE N° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS:
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
12 Avril 2024
Madame Florence AUGIER, présidente
Madame Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
Madame Emmanuelle GIRAUD, assesseur collège salarié
assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Madame Isabelle BELACCHI, greffiere
tenus en audience publique le 19 Février 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 12 Avril 2024 par le même magistrat
Société [3] C/ CPAM de SEINE-ET-MARNE
N° RG 19/02574 - N° Portalis DB2H-W-B7D-UF2P
DEMANDERESSE
Société [3], anciennement dénommée [5] dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par la SELARL ONELAW, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 1406
DÉFENDERESSE
CPAM de SEINE-ET-MARNE, dont le siège social est sis [Localité 2]
dispensée de comparution
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
Société [3]
CPAM de SEINE-ET-MARNE
la SELARL ONELAW, vestiaire : 1406
Une copie revêtue de la formule exécutoire :
CPAM de SEINE-ET-MARNE
Une copie certifiée conforme au dossier
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par courrier recommandé du 14 août 2019, la société [5] a, par l’intermédiaire de son conseil, saisi le Pôle social du Tribunal de grande instance de Lyon, devenu le Pôle social du Tribunal judiciaire de Lyon, suite à la décision implicite de rejet par la Commission de Recours Amiable de la CPAM de Seine-et-Marne de sa demande d'inopposabilité de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l’accident survenu à son salarié M. [G] [K] le 27 janvier 2019.
La société [5] expose que M. [K], employé en qualité de chef d’équipe, a déclaré avoir été victime d’un accident le 27 janvier 2019, dans les circonstances suivantes: il a déclaré avoir ressenti une douleur au talon du pied gauche en montant les escaliers.
Elle sollicite l'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du travail de M. [K] et fait valoir à ce titre :
- que la matérialité de cet accident n'est pas établie compte tenu de l'absence de fait accidentel soudain et précis, que la survenance d’une lésion alors que le salarié effectuait un mouvement anodin peut faire présumer l’existence d’un état antérieur pathologique ; que l’employeur a été informé tardivement du fait accidentel soit le lendemain de l’accident à 11h00; que le salarié a poursuivi son activité professionnelle jusqu’à la fin de sa journée de travail ; que la constatation médicale de la lésion, intervenue deux jours après l’accident, est tardive ; que l’existence d’un certificat médical constatant une lésion ne vaut pas preuve du temps et du lieu de survenance de ladite lésion ; que la caisse aurait dù ouvrir une instruction pour étayer la réalité d’un accident du travail.
La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne expose que :
- M. [K] a été victime d'un accident du travail le 27 janvier 2019 à 15h27 au sein du magasin [4] de [Localité 6] (94) qui est son lieu de travail habituel ; le salarié, chef d’équipe, aurait ressenti une douleur au talon du pied gauche en montant les escaliers; il travaillait ce jour là de 9h45 à 21 heures ; cet accident a été pris en charge d’emblée par la caisse en date du 22 février 2019 au titre de la législation professionnelle;
- le certificat médical initial du 29 janvier 2019 mentionne une douleur au pied gauche et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 06 février 2019 inclus ; l’accident déclaré le 28 janvier 2019 est survenu le 27 janvier 2019 aux temps et lieu du travail ; le constat médical des lésions est intervenu le 29 janvier 2019 soit dans un temps proche de l’accident ; le délai séparant l’accident de l’information à l’employeur est raisonnable ; aucune réserve n’a été émise par l’employeur ; l’absence de témoin soulignée par l’employeur ne permet pas de remettre en cause le caractère professionnel de l’accident ;
- l’employeur ne rapporte pas la preuve que le salarié se serait soustrait à son autorité lors de la survenance de l’accident ou que la lésion est due à une cause totalement étrangère : par conséquent, la présomption d’imputabilité n’est pas renversée.
Elle demande au tribunal de débouter l’employeur de ses demandes et de lui déclarer opposable la décision de prise en charge de l’accident de M. [K] au titre de la législation professionnelle.
Par courriel du 05 février 2024 adressé au greffe, la CPAM a transmis au tribunal ses conclusions et pièces et a sollicité une dispense de comparution à l’audience du 19 février 2024 pour cause d’éloignement géographique.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la matérialité :
Selon l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Toute lésion qui se produit dans un accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail doit être considérée, sauf preuve contraire, comme résultant d’un accident du travail.
Il appartient à la caisse qui a pris en charge un accident au titre de la législation sur les risques professionnels de rapporter la preuve de la matérialité de cet accident et donc de l'existence d'une lésion survenue au temps et lieu du travail ; les seules allégations du salarié ne suffisent pas à établir cette preuve et doivent être corroborées par des éléments objectifs.
La preuve de l'accident du travail peut résulter de présomptions sérieuses, graves et concordantes de la matérialité du fait accidentel.
La présomption d'imputabilité au travail instituée par la disposition légale en faveur des salariés s'applique tant à l'égard de la caisse que de l'employeur, et par voie de conséquence en cas de litige entre ces deux parties.
En l'espèce, la société [5] a établi le 28 janvier 2019 une déclaration pour un accident du travail survenu le dimanche 27 janvier 2019 concernant M. [K], chef d’équipe, au terme de laquelle il est mentionné : « il aurait ressenti une douleur au talon du pied gauche en montant les escaliers ». Ce jour là, ses horaires de travail étaient : 09h45-21h00.
L’employeur a été informé de l’accident le lendemain des faits soit le 28 janvier 2019 à 11 heures.
Le certificat médical initial établi le mardi 29 janvier 2019 par le docteur [S] fait état d'une « douleur pied gauche» et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 06 février 2019 inclus.
Il y a lieu de constater que le fait accidentel est survenu le 27 janvier 2019 à 15h27 alors que M. [K] montait des escaliers sur son lieu habituel de travail et que l’employeur n’a pas émis de réserves quant à la matérialité de cet accident.
L’absence de témoin ne saurait interdire la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle sauf à priver tout salarié qui travaille seul de cette législation. De même, ni la poursuite du travail par le salarié après les faits accidentels ni les doutes de l’employeur sur un possible état antérieur pathologique ne constituent des éléments de nature à écarter la présomption d’imputabilité au travail de l’accident survenu.
Compte tenu d’un fait accidentel survenu aux temps et lieu du travail, d’une information de l’employeur et d'une constatation médicale dans un temps proche de l’accident, d’une description précise du sinistre permettant d’établir la réalité de l’accident, d’une correspondance des lésions déclarées par le salarié et médicalement constatées, il existe un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes, permettant d'admettre la réalité des faits allégués et de retenir valablement le caractère professionnel de l’accident.
La société [5] ne justifie d’aucun élément de nature à établir que la lésion de M. [K] a une origine totalement étrangère au travail et la décision de prise en charge de l’accident du 27 janvier 2019 doit être déclarée opposable à l’employeur.
PAR CES MOTIFS
Le Pôle social du Tribunal judiciaire de Lyon, statuant par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort.
Déboute la société [5] de sa demande ;
Déclare opposable à la société [5] la décision de prise en charge de l'accident du travail du 27 janvier 2019 survenu à son salarié M. [G] [K] ;
Condamne la société [5] aux dépens.
Le Greffière La Présidente