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23/05/2024 | FRANCE | N°22/07688

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 23 mai 2024, 22/07688


N° RG 22/07688 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XDJZ
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE







63B

N° RG 22/07688 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XDJZ

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[E] [S]

C/

[A] [W]







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Linda KRASSINSKAIA
Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU
Me Floriane VERDIER



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 23 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUN

AL :
Lors du délibéré :

Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Hassna AHMA...

N° RG 22/07688 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XDJZ
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

63B

N° RG 22/07688 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XDJZ

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[E] [S]

C/

[A] [W]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Linda KRASSINSKAIA
Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU
Me Floriane VERDIER

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 23 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré :

Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 04 Avril 2024 conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

Ollivier JOULIN, magistrat chargée du rapport, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte dans son délibéré.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDERESSE :

Madame [E] [S]
née le 10 Avril 1975 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
136 Quai Louis Blériot
75016 PARIS

représentée par Me Floriane VERDIER, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Me Linda KRASSINSKAIA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

N° RG 22/07688 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XDJZ

DEFENDEUR :

Monsieur [A] [W]
de nationalité Française
23 Avenue du Jeu de Paume
33200 BORDEAUX

représenté par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

EXPOSE DU LITIGE

Madame et Monsieur [L] et [V] [S], de cette union sont issus 4 enfants, [K], [Z], [J] et [X].

Par acte notarié en date du 12 septembre 1983, régulièrement enregistré par Maître [I],
les grands-parents ont fait une donation avec réserve d’usufruit jusqu’à leur propre décès à leurs quatre enfants.

L’aîné des enfants, Monsieur [K] [S] est décédé le 2 juillet 2004, Madame
[N] [S] son épouse survivante a opté dans le cadre d’une donation entre époux pour la totalité de l’usufruit et le bénéfice du droit viager au mobilier de l’habitation principale, les deux enfants du couple, [E] et [U] devenant nu-propriétaires.

Madame veuve [L] [S] est décédée le 6 août 2015.

Le notaire en charge de la succession de Madame [L] [S] a considéré que [E] et [U], les deux enfants de [K], prédécédé venaient en représentation de leur père à la succession de leur grand-mère.

Madame [E] [S] reproche au notaire une erreur dans le calcul de ses droits dans la succession de Madame [L] [S] et ce en méconnaissant la donation entre époux qui devait profiter à sa mère.

Cette erreur a eu des conséquences au moment de la régularisation du partage et de la vente d’un immeuble puisque elle a du restituer des loyers au titre d’un usufruit dont elle avait indûment profité et s’est trouvée simple nue propriétaire lorsque l’usufruit de sa mère s’est exercé, percevant ainsi 200.000 € de moins sur le prix de cession.

Aucune conciliation n’a pu intervenir.

***

Au terme de ses dernières conclusions déposées le 26 octobre 2023, Madame [E] [S] sollicite de voir :

- LA DÉCLARER Madame recevable et bien fondée en ses demandes ;

- DIRE ET JUGER que Maître [W] a gravement manqué à son devoir de conseil, une première fois en 2015 dans la rédaction de la dévolution successorale de Madame [L] [S], puis de manière plus grave en 2020, dans la rédaction de l’attestation de propriété de l’immeuble sis 21, cours du Maréchal Foch, BORDEAUX ;

EN CONSÉQUENCE :

- CONDAMNER Maître [W] à payer à Madame [E] [S]
[S] les sommes suivantes :
- 87.429 euros au titre des loyers indûment perçus à restituer ;
- 200.000 euros de perte de chance sur le produit de la vente de l’immeuble ;
- 63.307 euros au titre de la plus-value immobilière que Madame [E] [S] a dû payer, alors que cela n’était pas initialement prévu ;
- 76.309 euros au titre des impôts et cotisations sociales indûment payés par Madame [E] [S] au titre de son augmentation de revenus entre 2016 et 2021;
- 8.000 euros au titre de la réparation des coûts supplémentaires de régularisation de la répartition de l’indivision de l’immeuble sis 21, cours Maréchal FOCH, BORDEAUX.

- ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- CONDAMNER Maître [W] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC ;

- CONDAMNER Maître [W] aux entiers dépens.

Au soutien de sa demande elle rappelle que le Notaire est tenu d’une obligation de conseil, de diligence et de contrôle de la régularité et de l’effectivité des actes qu’il prépare. Or, en considérant que Madame [N] [S] était décédée et en l’excluant de la succession, en rédigeant une attestation de propriété relative à un immeuble de la succession de Madame [L] [S] en se trompant sur le nombre d’héritiers, en omettant de mentionner Madame [N] [S] en qualité d’ayant droit dans la succession de sa belle-mère et en se trompant de manière générale sur la portée de la donation de 1983 incluant une clause de retour, le Notaire a commis des fautes dont il doit répondre.

Elle chiffre son préjudice au montant des loyers qu’elle a du restituer pour 87.429 €, à la somme de 200.000 € qu’elle n’a pu retirer de la vente de l’immeuble en raison de la valeur de l’usufruit de sa mère, à la somme de 76.309 € au titre des CSG et CRDS dont elle a dû s’acquitter, outre 8000 € au titre des frais divers qu’elle a supporté.

***

La SCP PHILIPPE DAMBIER, PIERRE HOUZELOT, FABRICE GAUTHIER, HERVÉ DESQUEYROUX, ANTOINE MAGENDIE, EDOUARD BENTEJAC, OLIVIER LASSERRE, SÉBASTIEN CETRE, SÉBASTIEN ARTAUD par ses dernières conclusions déposées le 4 janvier 2024 sollicite de voir :

- DÉBOUTER Madame [E] [S] de l’ensemble de ses demandes,

- CONDAMNER Madame [E] [S] à verser à la SCP PHILIPPE DAMBIER, PIERRE HOUZELOT, FABRICE GAUTHIER, HERVÉ DESQUEYROUX, ANTOINE MAGENDIE, EDOUARD BENTEJAC, OLIVIER LASSERRE, SÉBASTIEN CETRE, SÉBASTIEN ARTAUD une somme de 2.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

- CONDAMNER Madame [E] [S] aux entiers dépens.

Au soutien de sa position la SCP indique que Maître [W] a été chargé du règlement de la succession de Madame [L] [S], succession majoritairement composée de liquidités, la propriété de l’immeuble du Cours du maréchal Foch ayant d’ores et déjà été transférée aux quatre enfants de Madame [S] par l’effet de la donation du 12 septembre 1983.

Le notaire établissait, à la demande de la requérante, une attestation de propriété portant sur l’immeuble du Cours du Maréchal Foch de laquelle il ressortait que celui-ci était détenu par Madame [Z] [C] (née [S]), Monsieur [J] [S], Madame [X] [P] (née [S]), Monsieur [U] [S] et Madame [E] [S] (la requérante).

Il lui est fait grief d’avoir omis de mentionner Madame [N] [S].

Il rappelle toutefois que le conjoint survivant ne peut être héritier de ses beaux-parents, alors que ses enfants viennent en représentation de leur parent décédé, il n’y a pas d’erreur dans le fait de ne pas qualifier Madame [N] [S] d’héritière.

Madame [N] [S], en sa qualité d’héritière de son mari, a donc vu s’ouvrir un droit d’usufruit à hauteur de sa quote-part des droits de propriété de Monsieur [K] [S], comprenant ses droits d’usufruit sur l’immeuble dépendant de la succession de Madame [L] [S].

Elle n’a jamais eu la qualité de propriétaire d’une part de cet immeuble où elle exerçait un usufruit, et ne devait donc pas figurer sur l’attestation de propriété dressée par le Notaire.

Lorsque la vente de l’immeuble a été décidée les droits de Madame [N] [S] ont été parfaitement calculé, l’attestation de propriété n’a entraîné aucune erreur au sujet des droits respectifs des parties.

La mention erronée “conjoint prédécédé” qui résulte d’une erreur matérielle, n’a eu aucune incidence sur la dévolution successorale.

Il n’existe pas de préjudice lié au fait d’avoir perçu indûment des loyers et de devoir les restituer à son légitime attributaire, il n’est du reste pas justifié d’une telle restitution. De même que Madame [E] [S] ne pouvait prétendre à la pleine propriété de l’immeuble de sorte qu’elle ne subi aucun préjudice du fait d’avoir encaissé le prix correspondant à la valeur de ses droits sur cet immeuble, ou encore d’avoir été soumise à des taxes ou impôts sur les fonds qu’elle a perçu et/ou déclaré.

***

Le Tribunal a sollicité une régularisation des écritures prises au nom de la SCP DAMBIER, PIERRE HOUZELOT, FABRICE GAUTHIER, HERVÉ DESQUEYROUX, ANTOINE MAGENDIE, EDOUARD BENTEJAC, OLIVIER LASSERRE, SÉBASTIEN CETRE, SÉBASTIEN ARTAUD alors que c’est Maître [A] [W] qui a été assigné et qui s’est constitué.

***

Par note en délibéré du 5 avril 2024, le conseil de Maître [W] a fait savoir qu’il conclut bien en son nom, es qualité d’associé de la SCP de l’avenue du Jeu de Paume et non pas pour la SCP dont il l’associé, rectifiant ainsi l’erreur matérielle contenue dans ses conclusions.

Le conseil de Madame [S] a indiqué à l’audience qu’il n’avait pas d’opposition à la régularisation des écritures pour [W];

DISCUSSION

Il résulte de l’attestation de propriété établie le 23 septembre 2020 que le notaire a indiqué que l’immeuble dépendant de la succession de Monsieur [V] [S] et de Madame [L] [G] était la propriété de leurs quatre enfants auxquels ils avaient effectué une donation en nue propriété le 12 septembre 1983, [U] [S] et [E] [S] venant en représentation de leur père [K] [S] décédé le 2 juillet 2004.

La déclaration de succession établie avec le cachet du Notaire, comporte la même erreur (pièce 6) les deux enfants d’[K] [S] sont présentés comme ses héritiers venant à sa représentation, il est même indiqué qu’il s’agit des enfants issus de son union avec son “conjoint décédé”.

Or, la succession de Monsieur [K] [S] avait, en raison d’une donation entre époux enregistrée le 2 juin 1983 d’une transmission de l’usufruit de l’ensemble des biens qui en dépendait à l’épouse laquelle toujours en vie avait opté pour l’usufruit de l’intégralité des biens dépendant de la succession.

Le Notaire ne pouvait ignorer l’acte de donation qui avait été enregistré, ni que Madame [N] [S] était toujours en vie puisqu’il a correspondu avec elle et l’a assisté pour une autre vente (pièce 5bis).

Il est donc manifeste que le Notaire a commis une erreur dans la rédaction, il aurait dû être fait mention dans l’acte d’attestation de propriété que la part de monsieur [K] [S] revenait pour la nue-propriété à parts égales entre ses deux enfants et pour l’usufruit à son épouse.

Sans doute, Madame [N] [S] n’avait pas vocation à hériter de sa belle-mère, de sorte que ses enfants venaient effectivement en représentation de leur père décédé, en qualité d’héritiers, mais encore fallait-il tenir compte des droits d’usufruit dont celle-ci était titulaire par donation effectuée par son époux prédécédé.

L’attestation de propriété devait bien mentionner l’existence de cet usufruit qui affectait les droits réels immobiliers et le Notaire soutient à tort que son attestation est exacte alors qu’elle n’évoque aucunement cet usufruit.

Cette erreur n’a cependant pas eu de conséquences lors de la vente de l’immeuble puisque le Notaire qui en a été chargé a fait intervenir Madame [N] [S] à l’acte.

Madame [E] [S] expose avoir encaissé des loyers qui revenaient à sa mère, de sorte qu’elle exposée à un remboursement. Il ne s’agit toutefois pas d’un préjudice puisque les fonds qu’elle aurait indûment perçu au mépris des droits de sa mère es qualité d’usufruitière, n’aurait pas dû lui être adressé par le gestionnaire de l’immeuble, il n’est en outre pas précisément justifie du montant ainsi encaissé par la production d’un simple échange de mails (pièce 10), de sorte que le Tribunal ne peut faire droit à la demande en paiement au titre de la “régularisation imprévue des loyers indûment perçus au titre de l’usufruit devant revenir à sa mère d’un montant de 174.858/2 (deux enfants) euros, soit 87.429 euros”.

De même, si Madame [E] [S] estime avoir été “rétrogradée au rang de nu-propriétaire”, il s’agissait de fait du seul état qu’elle pouvait revendiquer et ne disposait d’aucune chance de percevoir le prix de vente en qualité de propriétaire. Il n’existe aucun préjudice à ce titre, la vente ayant été faite en tenant exactement compte des seuls droits dont elle pouvait se prévaloir.

Madame [E] [S] énonce que l’erreur commise aurait eu des conséquences fiscales (CSG, CRDS) or, à ce titre elle ne produit aux débats que le décompte du produit de vente en sa faveur (pièce 19) qui mentionne une somme de 63.277 € prélevée au titre de la plus-value immobilière, cette taxation est légitime au regard des droits de l’intéressée et ne saurait constituer un poste de préjudice.

Au total l’erreur du Notaire n’a eu aucune incidence sur la situation de Madame [E] [S] dont les droits ont été justement appréciés lors de la vente de l’immeuble dé”pendant de la succession de sa grand-mère, de sorte qu’il y a lieu de la débouter purement et simplement de l’ensemble de ses demandes;

L’équité commande d’allouer au Notaire la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

STATUANT par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort.

DÉBOUTE Madame [E] [S] de l’ensemble de ses demandes,
CONDAMNE Madame [E] [S] à verser Maître [W] de la SCP PHILIPPE DAMBIER, PIERRE HOUZELOT, FABRICE GAUTHIER, HERVÉ DESQUEYROUX, ANTOINE MAGENDIE, EDOUARD BENTEJAC, OLIVIER LASSERRE, SÉBASTIEN CETRE, SÉBASTIEN ARTAUD une somme de 1.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE Madame [E] [S] aux entiers dépens.

La présente décision est signée par Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/07688
Date de la décision : 23/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-23;22.07688 ?
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