Vu, enregistrée à son secrétariat le 18 juillet 1995, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, transmet au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. X... à la commune de Troussey ;
Vu le déclinatoire de compétence présenté le 15 février 1994 par le préfet de la Meuse et tendant à ce que le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc se déclare incompétent et renvoie devant la juridiction administrative la demande par laquelle M. X... demande qu'il soit jugé qu'il est propriétaire des parcelles sises à Troussey cadastrées ZN 91 et ZN 92 et qu'il soit ordonné à la commune de Troussey, sous astreinte, de délaisser la partie de ces parcelles qu'elle occupe et de les remettre en l'état initial ;
Vu le jugement, en date du 8 septembre 1994, par lequel le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc a rejeté le déclinatoire ;
Vu l'arrêté du 10 octobre 1994 par lequel le préfet de la Meuse a élevé le conflit ;
Vu, enregistrées comme ci-dessus le 18 septembre 1995, les observations du ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la citoyenneté et tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit et à ce que le juge judiciaire soit déclaré incompétent ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828 ;
Vu la loi du 24 mai 1972 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849, complété par le décret du 25 juillet 1960 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Waquet, membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure de conflit :
Considérant qu'en statuant à la fois sur la compétence et sur le fond du litige, le tribunal de grande instance a méconnu les dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828 et que sa décision au fond doit être tenue pour nulle et non avenue ;
Sur la compétence :
Considérant que M. X... a saisi le tribunal de grande instance d'une demande tendant à se voir déclarer propriétaire des parcelles sises à Troussey, cadastrées ZN 91 et ZN 92 jusqu'à l'alignement de la voie publique ; que la commune de Troussey a soutenu qu'en vue du redressement du chemin de grande communication de Commercy à Vaucouleurs les travaux ont été déclarés d'utilité publique le 22 août 1872 et qu'il a été procédé à l'acquisition des immeubles destinés à la réalisation de cet ouvrage public par l'acquisition des extrémités des parcelles, dont celles des auteurs de M. X... et que c'est par cette mesure d'expropriation que la commune est devenue propriétaire au titre de son domaine public des parcelles ayant fait l'objet de l'expropriation ;
Considérant que le juge judiciaire est seul compétent pour trancher la question de propriété de ces terrains sous réserve d'éventuelles questions préjudicielles sur l'interprétation d'actes administratifs ; qu'il y a lieu, pour ce motif, d'annuler l'arrêté de conflit du préfet de la Meuse ;
Article 1er : Est déclaré nul et non avenu le jugement rendu le 8 septembre 1994 par le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc en tant qu'il a statué à la fois sur la compétence et sur le fond.
Article 2 : L'arrêté de conflit pris le 10 octobre 1994 par le préfet de la Meuse est annulé.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.