Vu la décision du Conseil d'Etat, section du contentieux, en date du 11 juillet 1988, enregistrée au secrétariat du Tribunal des conflits le 5 mars 1991, et par laquelle est annulé en raison de l'incompétence de la juridiction administrative le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 12 juin 1987 annulant les arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône des 12 août et 16 octobre 1981 prononçant l'immatriculation du mineur Sofiane X... comme pupille de l'Etat puis décidant de placer ce pupille en vue de l'adoption plénière ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 5 mars 1991, le jugement du tribunal de grande instance de Marseille en date du 26 février 1991 renvoyant en application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 devant le Tribunal des conflits la question de compétence posée par la demande en annulation des arrêtés préfectoraux susvisés faite par Mlle Mazouza Y... en vue d'une éventuelle action en responsabilité contre l'Etat ;
Vu, enregistrées comme ci-dessus le 25 avril 1991, les observations du ministre des affaires sociales et de la solidarité concluant à la compétence des juridictions administratives ;
Vu, annexés au dossier, les avis de réception adressés le 19 mars 1991 par le secrétariat du Tribunal des conflits à Mlle Mazouza Y... et au préfet des Bouches-du-Rhône ;
Vu, enregistrées comme ci-dessus le 1er octobre 1991, les observations présentées pour le préfet des Bouches-du-Rhône tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1972 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié et complété par le décret du 25 juillet 1960 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Vigneron, membre du Tribunal,
- les observations de Me Foussard, avocat du préfet des Bouches-du-Rhône,
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mlle Mazouza Y... a demandé au tribunal de grande instance de Marseille l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 août 1981 déclarant pupille de l'Etat l'enfant mis au monde par sa soeur et déclaré né de père et de mère inconnus, ainsi que de l'arrêté pris par la même autorité le 16 octobre 1981 décidant le placement de l'enfant en vue de son adoption plénière ; que par une décision du 11 juillet 1988, le Conseil d'Etat a décidé que seule la juridiction judiciaire était compétente pour connaître d'une demande identique ; que, par jugement du 26 février 1991, le tribunal de grande instance, estimant que le contrôle de la légalité des arrêtés litigieux, en dehors de toute action en restitution du mineur, ne relevait pas de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, a ordonné, en application des dispositions précitées du décret du 26 octobre 1849, le renvoi de l'affaire au Tribunal des conflits ;
En ce qui concerne l'arrêté préfectoral du 12 août 1981 :
Considérant qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article 61 du code de la famille et de l'aide sociale, dans la rédaction que lui a donnée la loi susvisée du 6 juin 1984 : "L'admission en qualité de pupille de l'Etat peut faire l'objet d'un recours, formé dans le délai de trente jours suivant la date de l'arrêté du président du conseil général devant le tribunal de grande instance, par les parents, en l'absence d'une déclaration judiciaire d'abandon ou d'une déchéance d'autorité parentale, par les alliés de l'enfant ou toute personne justifiant d'un lien avec lui, notamment pour avoir assuré sa garde, de droit ou de fait, et qui demandent à en assumer la charge. S'il juge cette demande conforme à l'intérêt de l'enfant, le tribunal confie sa garde au demandeur ... ou lui délègue les droits de l'autorité parentale et prononce l'annulation de l'arrêté d'admission" ; qu'il résulte de ces dispositions que, depuis l'entrée en vigueur de la loi précitée du 6 juin 1984, la juridiction judiciaire est seule compétente pour connaître des recours formés par les personnes mentionnées par lesdites dispositions contre une décision administrative prononçant l'admission d'un enfant en qualité de pupille de l'Etat ;
En ce qui concerne l'arrêté préfectoral du 16 octobre 1981 :
Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code de la famille et de l'aide sociale, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté préfectoral contesté : "La tutelle des pupilles de l'Etat ... est exercée par le préfet", et qu'aux termes de l'article 59 du même code : "Les attributions du tuteur et du conseil de famille sont celles que détermine le code civil ..." ; qu'en vertu de l'article 65 dudit code : "Les pupilles de l'Etat dont l'âge et l'état de santé le permettent doivent être placés pour adoption, sauf lorsque cette mesure ne paraît pas adaptée à la situation de ces enfants" ; que selon l'article 1er du décret susvisé du 12 janvier 1967 : "Le placement d'un pupille de l'Etat en vue de son adoption est effectué par le préfet, tuteur de l'enfant, après autorisation du conseil de famille ... " ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la décision de placer un pupille de l'Etat en vue de son adoption est prise par le préfet au titre de la tutelle légale qu'il exerce sur ce pupille ; que cette attribution relevant essentiellement du code civil, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de connaître des contestations relatives à une telle décision ;
Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte que la juridiction judiciaire est compétente pour connaître des deux arrêtés susanalysés ;
Article 1er : Il est déclaré que la juridiction judiciaire est compétente pour statuer sur le litige opposant Mlle Mazouza Y... à l'Etat.
Article 2 : Le jugement du tribunal de grande instance de Marseille en date du 26 février 1991 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.