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07/10/1991 | FRANCE | N°02630

France | France, Tribunal des conflits, 07 octobre 1991, 02630


Vu la requête, enregistrée le 18 juin 1990 au secrétariat du Tribunal des conflits, présentée pour la Société immobilière de Rive Neuve, dont le siège social est ..., tendant à ce que le Tribunal, par application des dispositions de l'article 1er de la loi du 20 avril 1932, "condamne l'Etat ou la ville de Marseille à lui payer la somme de 3.348.037,90 F avec intérêts de droit à compter du 14 décembre 1981" en réparation du préjudice que lui a causé la perte de son fonds de commerce et de tous dommages accessoires à cette perte ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la

loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu l...

Vu la requête, enregistrée le 18 juin 1990 au secrétariat du Tribunal des conflits, présentée pour la Société immobilière de Rive Neuve, dont le siège social est ..., tendant à ce que le Tribunal, par application des dispositions de l'article 1er de la loi du 20 avril 1932, "condamne l'Etat ou la ville de Marseille à lui payer la somme de 3.348.037,90 F avec intérêts de droit à compter du 14 décembre 1981" en réparation du préjudice que lui a causé la perte de son fonds de commerce et de tous dommages accessoires à cette perte ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu la loi du 20 avril 1932 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Saintoyant, membre du Tribunal,
- les observations de Me Pradon, avocat de la Société civile immobilière de Rive Neuve et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la ville de Marseille,
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'article 1er de la loi du 20 avril 1932 que les décisions définitives rendues par les tribunaux administratifs et les tribunaux judiciaires dans les instances introduites devant les deux ordres de juridictions pour des litiges portant sur le même objet ne peuvent être déférées au Tribunal des conflits que lorsqu'elles présentent une contrariété conduisant à un déni de justice ;
Considérant que la société à responsabilité limitée dénommée société immobilière du Quai de Rive Neuve - Nouvelle criée aux poissons, aux droits de laquelle est la société civile immobilière de Rive Neuve, était propriétaire d'un ensemble immobilier sis à Marseille ; que, dans l'un des bâtiments, elle mettait des emplacements à la disposition de mareyeurs auxquels elle assurait des prestations de service avec son propre personnel ;
Considérant que, par décret du 8 juillet 1968, a été créé le marché d'intérêt national de Marseille ; qu'une halle à marée ayant été ouverte dans ce marché le 12 octobre 1976, les mareyeurs ont, à cette date, quitté les locaux de la société ; que par arrêté préfectoral du 21 décembre 1976, a été déclarée d'utilité publique l'acquisition desdits immeubles par la ville de Marseille en vue de la création d'un centre d'action culturelle ; que par acte notarié des 16 et 22 mars 1977 la société à responsabilité limitée a consenti à la ville de Marseille la cession de l'ensemble immobilier et autorisé l'administration municipale à en prendre possession, le juge de l'expropriation devant être saisi pour la fixation des indemnités ; que, par décret du 13 juillet 1977, a été institué un périmètre de protection dit "négatif" du marché d'intérêt national pour les produits de la mer, en application de l'article 5 de l'ordonnance du 22 septembre 1967 ;

Considérant que la société a demandé à chacun des ordres de juridiction réparation du préjudice résultant de la perte du fonds de commerce qu'elle exploitait dans l'ensemble immobilier et du versement d'indemnités de licenciement à son personnel ; que, par son jugement du 23 mars 1979, le juge de l'expropriation des Bouches-du-Rhône l'a déboutée de ses prétentions au motif que l'expropriation des bâtiments pour y créer un centre culturel apparaissait être la conséquence et non la cause du départ des mareyeurs et qu'ainsi la disparition du fonds de commerce de prestataire de services exploité par la société n'était pas une conséquence directe de l'expropriation et ne pouvait être indemnisée dans le cadre de cette procédure et a évalué les bâtiments comme libres d'occupation ; que par arrêt du 13 mars 1990, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté les conclusions à fin d'indemnité dirigées contre l'Etat et contre la ville de Marseille aux motifs que si la mesure de protection dite "négative" a privé la requérante de la possibilité de se réinstaller, les dispositions de l'article 11 de l'ordonnance susvisée du 22 septembre 1967 font obstacle à l'admission d'une action en réparation de préjudices éventuellement causés par cette mesure ; que si, compte tenu des projets d'expropriation, l'ouverture du marché d'intérêt national a incité les mareyeurs à s'installer sur ce marché, la création de cet équipement public et l'influence qu'elle a eue sur la clientèle de la société ne sont pas, en l'absence de faute, susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'expropriation aurait été diligentée dans le but de parvenir à la suppression de l'exploitation de la société sans devoir édicter une mesure de protection du marché d'intérêt national donnant droit à indemnisation ; qu'enfin les informations que la ville de Marseille a pu donner aux mareyeurs sur l'ouverture du marché et les effets probables de l'expropriation ne sont pas, en l'absence d'actes administratifs illégaux ou de manoeuvres fautives, susceptibles d'engager la responsabilité de cette collectivité ;
Considérant qu'il s'ensuit que des décisions définitives ainsi intervenues ne résultent ni contrariété aboutissant à un déni de justice sur le même objet ni conflit négatif sur la même question ;
Article 1er : La requête de la Société civile immobilière de Rive Neuve est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 02630
Date de la décision : 07/10/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Conflit négatif

Analyses

17-03-03-01-02 COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - CONFLITS DE COMPETENCE - TRIBUNAL DES CONFLITS - CONFLITS D'ATTRIBUTION - CONFLIT NEGATIF -Absence de conflit négatif - Rejet au fond par des juridictions des deux ordres de demandes d'indemnisation d'un même préjudice.

17-03-03-01-02 Société, propriétaire d'un ensemble immobilier sis à Marseille, dans l'un des bâtiments duquel elle mettait des emplacements à la disposition de mareyeurs auxquels elle assurait des prestations de service avec son propre personnel. Par décret du 8 juillet 1968, a été créé le marché d'intérêt national de Marseille. Une halle à marée ayant été ouverte dans ce marché le 12 octobre 1976, les mareyeurs ont, à cette date, quitté les locaux de la société. Par arrêté préfectoral du 21 décembre 1976, a été déclarée d'utilité publique l'acquisition desdits immeubles par la ville de Marseille en vue de la création d'un centre d'action culturelle. Par acte notarié des 16 et 22 mars 1977, la société à responsabilité limitée a consenti à la ville de Marseille la cession de l'ensemble immobilier et autorisé l'administration municipale à en prendre possession, le juge de l'expropriation devant être saisi pour la fixation des indemnités. Par décret du 13 juillet 1977, a été institué un périmètre de protection dit "négatif" du marché d'intérêt national pour les produits de la mer, en application de l'article 5 de l'ordonnance du 22 septembre 1967. La société a demandé à chacun des ordres de juridiction réparation du préjudice résultant de la perte du fonds de commerce qu'elle exploitait dans l'ensemble immobilier et du versement d'indemnités de licenciement à son personnel. Le juge de l'expropriation l'a déboutée de ses prétentions au motif que l'expropriation des bâtiments pour y créer un centre culturel apparaissait être la conséquence et non la cause du départ des mareyeurs et qu'ainsi la disparition du fonds de commerce de prestataires de services exploité par la société n'était pas une conséquence directe de l'expropriation et ne pouvait être indemnisée dans le cadre de cette procédure. La cour administrative d'appel de Lyon a rejeté les conclusions à fin d'indemnité dirigées contre l'Etat et contre la ville de Marseille aux motifs que si la mesure de protection dite "négative" a privé la requérante de la possibilité de se réinstaller, les dispositions de l'article 11 de l'ordonnance susvisée du 22 septembre 1967 font obstacle à l'admission d'une action en réparation de préjudices éventuellement causés par cette mesure. Si, compte tenu des projets d'expropriation, l'ouverture du marché d'intérêt national a incité les mareyeurs a s'installer sur ce marché, la création de cet équipement public et l'influence qu'elle a eue sur la clientèle de la société ne sont pas, en l'absence de faute, susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat. Il ne résulte pas de l'instruction que l'expropriation aurait été diligentée dans le but de parvenir à la suppression de l'exploitation de la société sans devoir édicter une mesure de protection du marché d'intérêt national donnant droit à indemnisation. Enfin, les informations que la ville de Marseille a pu donner aux mareyeurs sur l'ouverture du marché et les effets probables de l'expropriation ne sont pas, en l'absence d'actes administratifs illégaux ou de manoeuvres fautives, susceptibles d'engager la responsabilité de cette collectivité. Des décisions définitives ainsi intervenues ne résultent ni contrariété aboutissant à un déni de justice sur le même objet ni conflit négatif sur la même question.


Références :

Décret du 13 juillet 1977
Loi du 20 avril 1932 art. 1
Ordonnance 67-808 du 22 septembre 1967 art. 5, art. 11


Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Saintoyant
Rapporteur public ?: Mme de Saint-Pulgent
Avocat(s) : Me Pradon, SCP Coutard, Mayer, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:1991:02630
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