LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 février 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 108 F-D
Pourvoi n° Y 23-19.824
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2025
La société SCI des Rosiers, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 23-19.824 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2023 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société Solidimmo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Oppelt, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société civile immobilière des Rosiers, de la SARL Gury & Maitre, avocat de la société Solidimmo, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Oppelt, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 28 juin 2023) rendu en référé, et les productions, par convention du 11 décembre 2014, la société civile immobilière des Rosiers (la venderesse) a cédé à la société Solidimmo (l'acquéreur) un ensemble immobilier avec faculté de rachat jusqu'au 6 décembre 2017.
2. Une convention d'occupation précaire a été instituée au profit de la venderesse pour une durée de trente-six mois, moyennant le paiement d'une indemnité d'occupation, l'acte prévoyant que la jouissance de la venderesse s'exercera par la perception des loyers à son profit, l'immeuble étant loué, notamment à la société Pneus services clermontois. L'acte prévoyait, en outre, qu'en cas de maintien dans les lieux de la venderesse à l'expiration de la convention d'occupation précaire, celle-ci serait occupante du bien sans droit ni titre et redevable d'une indemnité d'occupation ainsi que d'une indemnité forfaitaire de cent euros par jour.
3. En mai 2017, une partie du local a été donnée en location par la venderesse à la société TSC.
4. Un jugement du 4 avril 2022 a dit que l'acquéreur était propriétaire de l'immeuble, faute d'exercice régulier par la venderesse de sa faculté de rachat, l'a condamné à payer le solde du prix de vente à la venderesse et a condamné celle-ci à lui payer certaines sommes, au titre de l'indemnité forfaitaire d'occupation et au titre des loyers perçus de la société Pneus services clermontois depuis le 7 décembre 2017.
5. Le 24 août 2022, l'acquéreur a assigné en référé la venderesse en expulsion, ainsi que de celle de tous occupants de son chef et en paiement, à titre provisionnel de diverses sommes correspondant à des indemnités forfaitaires d'occupation pour la période du 1er juillet 2021 au 31 août 2022, à des taxes foncières pour les années 2020 et 2021 et à des loyers indûment perçus de la société TSC du 1er janvier 2018 au 30 novembre 2022.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La venderesse fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'acquéreur une certaine somme à titre provisionnel « au titre des loyers indûment perçus », alors :
« 1°/ que le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en condamnant la venderesse à verser à l'acheteuse les loyers qu'elle aurait perçus de la société TSC au titre du bail la liant à cette dernière, au motif que « la société TSC était tenue à une obligation de règlement du loyer que l'acheteuse n'avait pas pu percevoir, étant étrangère au contrat de bail » et « que la venderesse ne pouvait contester être redevable des loyers perçus auprès de la société TSC depuis le 1er janvier 2018 », sans viser la moindre disposition légale ou contractuelle qui aurait justifié que les loyers encaissés par la la venderesse au titre du bail l'unissant à la société TSC aient dû être reversés à l'acheteuse, la cour d'appel a laissé incertain le fondement de sa décision et a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2°/ que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui octroie à une partie des sommes versées en exécution d'un contrat de bail auquel elle est tiers ; qu'en condamnant la venderesse à verser à l'acheteuse les loyers qu'elle aurait perçus de la société TSC au titre du bail la liant à cette dernière, au motif que « la société TSC était tenue à une obligation de règlement du loyer que l'acheteuse n'avait pas pu percevoir, étant étrangère au contrat de bail » et « que la venderesse ne pouvait contester être redevable des loyers perçus auprès de la société TSC depuis le 1er janvier 2018 », quand il résultait de ses propres constatations que l'acheteuse était tiers au bail de sorte qu'elle n'avait pas de droit sur les loyers prétendument perçus par la venderesse, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse, a violé l'article 835 du code de procédure civile ;
3°/ que le contrat de cession conclu le 11 décembre 2014 entre la venderesse et l'acheteuse prévoyait que la première pourrait occuper les locaux cédés et percevrait les loyers provenant de leur location ; qu'en affirmant que la perception de ces loyers par la venderesse était indue, la cour d'appel a méconnu la loi contractuelle et violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'est sérieusement contestable l'obligation qui n'est pas clairement stipulée dans un contrat qui doit faire l'objet d'une interprétation ; qu'en condamnant la venderesse à verser à l'acheteuse les loyers perçus de la société TSC au titre du bail la liant à cette dernière, au motif « que la venderesse ne pouvait contester être redevable des loyers perçus auprès de la société TSC depuis le 1er janvier 2018 », en raison de son prétendu maintien dans les lieux depuis le 7 décembre 2017 quand cette solution ne résultait d'aucune clause claire, la cour d'appel, qui a interprété le contrat en conférant à ses clauses une portée qu'elles n'avaient pas expréssement, a tranché une difficulté sérieuse et a violé l'article 835 du code de procédure civile ;
5°/ que la preuve de l'existence d'une obligation pèse sur le créancier qui l'invoque ; qu'en condamnant la venderesse à verser à l'acheteuse les loyers qu'elle aurait perçus de la société TSC en exécution du bail la liant à cette dernière, au motif qu'elle n'établissait pas n'avoir perçu aucun loyer de celle-ci, quand il appartenait à l'acheteuse d'établir non seulement l'obligation pour l'exposante de reverser les sommes perçues en exécution du bail, mais encore l'encaissement des loyers justifiant l'exigibilité de l'obligation alléguée, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 alinéa 1er devenu 1353 du code civil. de la preuve, a violé l'article 1315 alinéa 1er devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. En premier lieu, ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la convention d'occupation précaire était arrivée à terme le 6 décembre 2017, qu'aux termes d'un jugement du 4 avril 2022, la venderesse occupait l'immeuble sans droit ni titre depuis le 7 décembre 2017, et qu'elle avait consenti un bail qui obligeait la société TSC, occupante, à lui payer des loyers, la cour d'appel a fait ressortir, sans trancher de contestations sérieuses, ni méconnaître la loi des parties, que la venderesse était dépourvue de tout droit de percevoir des loyers qui revenaient au seul propriétaire de l'immeuble.
8. En second lieu, c'est, sans inverser la charge de la preuve, qu'elle a retenu que la venderesse, titulaire d'un droit de créance sur sa locataire, justifiait d'un défaut de paiement par celle-ci des loyers pour les seules années 2021 et 2022 et souverainement fixé le montant de l'indu à restituer.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
10. La venderesse fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'acquéreur une certaine somme provisionnelle au titre de l'indemnité forfaitaire d'occupation, alors :
« 1°/ que tranche une difficulté sérieuse le juge des référés qui tranche un point de fait contesté en retenant des présomptions de fait ; qu'en relevant, pour condamner l'exposante au versement de l'indemnité d'occupation forfaitaire journalière jusqu'au 19 octobre 2022, qu'elle aurait occupé les lieux puisqu'elle n'aurait pas mis fin à la réexpédition de son courrier adressé au local avant cette date, quand une telle déduction ne relevait pas l'évidence et procédait de l'appréciation de la portée de preuves indirectes, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse, a violé l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile ;
2°/ que, l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'au dispositif du jugement ; qu'en relevant, pour condamner l'exposante au versement de l'indemnité d'occupation forfaitaire journalière jusqu'au 19 octobre 2022, qu'une décision au fond aurait constaté sa présence jusqu'au 4 avril 2022, la cour d'appel a conféré aux motifs du jugement du 4 avril 2022 autorité de la chose jugée et a violé l'article 480 du code de procédure civile ;
3°/ que, l'appréciation du caractère excessif d'une clause pénale constitue une difficulté sérieuse que le juge des référés ne peut trancher ; qu'en condamnant l'exposante au versement d'une indemnité d'occupation forfaitaire venant s'additionner au montant de l'indemnité d'occupation et la doubler, au motif que ce montant n'apparaissait pas excessif, quand l'appréciation du préjudice prétendument subi par la propriétaire impliquait de déterminer l'équilibre de la convention et les conséquences, pour celle-ci, de l'utilisation de l'adresse du local dont les parties n'avaient rien dit dans le contrat, la cour d'appel a tranché une difficulté sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile. »
Réponse de la cour
11. Ayant constaté que la convention du 11 décembre 2014 prévoyait le paiement par la venderesse d'une indemnité forfaitaire de 100 euros par jour d'occupation sans droit ni titre, non réductible même en cas de libération partielle du bien et que la venderesse ne contestait pas avoir disposé, dans les locaux litigieux, d'une boîte aux lettres jusqu'au 19 octobre 2022, la cour d'appel a retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait soumis à son examen, au nombre desquels les motifs du jugement du 4 avril 2022, et sans excéder ses pouvoirs, que l'indemnité d'occupation forfaitaire était due jusqu'à cette date, dans les termes clairs du contrat.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière des Rosiers aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière des Rosiers et la condamne à payer à la société Solidimmo la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt-cinq.