LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 mars 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 179 F-D
Pourvoi n° K 22-12.287
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MARS 2024
M. [W] [P], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 22-12.287 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [A] [J],
2°/ à Mme [Z] [G], épouse [J],
3°/ à M. [L] [U],
4°/ à Mme [E] [X], épouse [L],
tous quatre domiciliés [Adresse 4],
5°/ à [R] [M], ayant été domicilié [Adresse 1], décédé,
6°/ à Mme [F] [V] [B], veuve [M], domiciliée [Adresse 5], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de [R] [M], qu'en sa qualité de représentante légale de ses filles mineures : [D] [M], [H] [M] et [N] [M], toutes les trois venant aux droits de leur père [R] [M],
7°/ à Mme [K] [M],
8°/ à Mme [O] [I], domiciliée [Adresse 4],
9°/ à M. [T] [C] [Y] [M], domicilié [Adresse 5], en sa qualité d'ayant droit de [R] [M], son père,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [P], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. et Mme [J], M. et Mme [L], Mme [K] [M], Mme [F] [V] [M], prise tant en son nom personnel qu'en ses qualités d'ayant droit de [R] [M] et de représentante légale de [D], [H] et [N] [M], ayants droit de [R] [M], et M. [T] [M], en sa qualité d'ayant droit de [R] [M], après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 28 octobre 2021), M. [P] (le bailleur) a donné à bail à M. et Mme [J], M. et Mme [L], [R] [M], Mmes [F] [V] et [K] [M] et Mme [I] (les locataires) des locaux situés à [Localité 2].
2. Invoquant le danger, pour ses occupants, résultant de l'état de vétusté de l'immeuble, le bailleur a assigné les locataires en résiliation des baux et en expulsion pour perte de la chose louée.
3. Les locataires ont formé une demande reconventionnelle en indemnisation de leur trouble de jouissance.
4. [R] [M] étant décédé, M. [T] [M] et [D], [H] et [N] [M] ont repris l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le bailleur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en résiliation des baux et en expulsion des locataires et de le condamner en paiement de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ qu'en vertu de l'article 1741 du code civil, le contrat de louage se résout notamment par la perte de la chose louée ; qu'en se bornant à relever, pour rejeter la demande de résiliation motivée par l'inhabitabilité du bien loué due à son état de ruine irrémédiable, sur l'inapplicabilité en la cause de l'article 1722 de ce code, dès lors que la destruction totale de l'immeuble au sens de cette disposition n'était pas imputable à un cas fortuit, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'impossibilité établie, pour le bailleur, de mettre à la disposition des locataires des logements salubres et sûrs ne constituait pas une cause suffisamment grave pour justifier la mise en oeuvre du pouvoir, qu'elle tenait de l'article 1741 précité, de se prononcer sur la résiliation du bail, la cour d'appel, à laquelle il revenait d'appliquer la règle de droit appropriée en vertu de l'article 5 du code de procédure civile de Polynésie française, laquelle rendait en outre inopérante l'irrégularité formelle du congé, a privé sa décision de base légale au regard de ces deux dispositions ;
2°/ qu'en vertu de l'article 1741 du code civil, le contrat de louage se résout notamment par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande de résiliation de baux de laquelle elle était saisie, sur l'inapplicabilité de l'article 1722 de ce code, faute de destruction imputable à un cas fortuit, et sur l'irrégularité du congé pour vendre délivré aux locataires, sans rechercher comme elle y était invitée si d'une part l'impossibilité établie, pour le bailleur, de mettre à la disposition des locataires des logements salubres et sûrs, d'autre part le défaut allégué de paiement par les locataires de tout loyer depuis des années ne constituaient pas, de la part de l'une et l'autre des parties des manquements suffisamment graves pour justifier la mise en oeuvre du pouvoir qu'elle tenait de la disposition légale précitée de se prononcer sur la résolution du bail, la cour d'appel, à laquelle il revenait d'appliquer la règle de droit appropriée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1741 du code civil et de l'article 5 du code de procédure civile de Polynésie française. »
Réponse de la Cour
6. Ayant relevé que le bailleur sollicitait la résiliation des baux sans dédommagement sur le seul fondement de l'article 1722 du code civil, et souverainement retenu que l'insalubrité et l'état de délabrement de l'immeuble résultaient d'un défaut d'entretien imputable au bailleur, exclusif de l'application de ce texte, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de rechercher si les demandes du bailleur pouvaient être accueillies sur le fondement de l'article 1741 du code civil, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne :
- à payer à M. et Mme [J], M. et Mme [L], Mme [K] [M], Mme [F] [V] [M], prise tant en son nom personnel qu'en ses qualités d'ayant droit de [R] [M] et de représentante légale de [D], [H] et [N] [M], ayants droit de [R] [M], et M. [T] [M], en sa qualité d'ayant droit de [R] [M], la somme globale de 1 500 euros,
- à payer à la société civile professionnelle Claire Leduc et Solange Vigand la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille vingt-quatre.