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18/01/2023 | FRANCE | N°21-13268

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 janvier 2023, 21-13268


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 janvier 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 4 F-D

Pourvoi n° F 21-13.268

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023

M. [S] [M], domicilié [Adress

e 1], a formé le pourvoi n° F 21-13.268 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 janvier 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 4 F-D

Pourvoi n° F 21-13.268

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023

M. [S] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 21-13.268 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à la société Horizon vert, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [M], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Horizon vert, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 25 septembre 2020), M. [M] a été engagé par la société Horizon vert (la société) à compter du 5 janvier 2009 en qualité de paysagiste qualifié.

2. Après avoir pris acte, le 17 octobre 2016, de la rupture de son contrat de travail, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts, notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et harcèlement moral.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes d'annulation de l'avertissement du 1er août 2016 et d'indemnisation subséquente, alors « que le juge ne peut modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties, exprimées dans leurs conclusions ; qu'en l'espèce, il ressortait des conclusions d'appel des deux parties que l'avertissement litigieux était fondé sur deux griefs, tirés de la non fourniture de feuille de pointage du 4 juillet 2016 au 1er août 2016 et de l'utilisation d'un véhicule de société pour se rendre à son domicile matin et soir, et non sur un prétendu grief tenant au démarchage de la clientèle de l'entreprise ; qu'en retenant néanmoins que l'avertissement était fondé sur trois griefs : non fourniture de feuilles de pointage, démarchage de la clientèle de l'entreprise et utilisation du véhicule de l'entreprise, et était justifié au motif que les deux premiers étaient établis, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Pour débouter le salarié de ses demandes d'annulation de l'avertissement notifié le 1er août 2016 et d'indemnisation subséquente, l'arrêt, après avoir écarté comme non fondé le grief relatif à l'utilisation du véhicule de l'entreprise à des fins personnelles, retient que les deux autres griefs invoqués par l'employeur constitués par l'absence de feuilles de pointage et le démarchage de la clientèle de l'entreprise, justifient à eux seuls la sanction.

6. En statuant ainsi, alors que l'avertissement litigieux était fondé sur deux griefs tirés de la non fourniture des feuilles de pointage du 4 juillet 2016 au 1er août 2016 et de l'utilisation d'un véhicule de société pour se rendre à son domicile matin et soir, et ne visait pas le démarchage de la clientèle de l'entreprise qui faisait seulement l'objet d'une mise en garde, signalée après les motifs conduisant à la délivrance de l'avertissement, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

Et sur le troisième moyen pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre du harcèlement moral alors « qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses
droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les
documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, à charge pour l'employeur, le cas échéant, de prouver que l'intégralité des agissements invoqués ne sont pas
constitutifs d'un tel harcèlement et que toutes ses décisions sont justifiées
par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel concernant le harcèlement moral, il avait expressément fait valoir que l'employeur, après avoir tenté de lui imposer à deux reprises une rupture conventionnelle de son contrat de travail au printemps 2016, lui avait notifié, dans le mois qui avait suivi la fin de son arrêt maladie, un avertissement injustifié et une convocation à un entretien préalable à une mesure de licenciement, non suivie d'effet ; qu'en écartant néanmoins le harcèlement moral sans prendre en considération cette procédure de licenciement ni faire ressortir que l'employeur l'aurait justifiée par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 11154,1 du code du travail. »

Réponse de la cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction
issue de la loi 8 août 2016 :

8. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un
harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments
invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris
dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral
au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient
au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne
sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées
par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

9. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de
présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

10. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre du harcèlement moral,
l'arrêt, après avoir constaté que le salarié présentait des éléments laissant
supposer l'existence d'un harcèlement moral, retient que, si la société ne produit aucune explication de nature à contredire les allégations du salarié
relatives à la suppression de l'avantage constitué par l'utilisation du véhicule
de l'entreprise pour rentrer chez lui le soir, elle justifie, en revanche, d'éléments objectifs de nature à contredire utilement les autres agissements
invoqués par l'intéressé, de sorte que ce grief n'est pas suffisant pour être
constitutif de harcèlement moral.

11. En statuant ainsi sans prendre en considération, comme l'y invitait le salarié, la procédure de licenciement initiée par une convocation, le 6 septembre 2016, à un entretien préalable à laquelle il n'avait été donné aucune suite, ni faire ressortir que l'employeur l'aurait justifiée par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déboutant le salarié de ses demandes relatives à l'avertissement et au harcèlement moral, entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant ses demandes au titre de l'obligation de prévention de la dégradation des conditions de travail et de l'imputabilité de la rupture qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare M. [M] irrecevable en sa fin de non-recevoir, l'arrêt rendu le 25 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Horizon vert aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Horizon vert et la condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. [M]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. [M] irrecevable en sa fin de non-recevoir et en conséquence de l'AVOIR débouté de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE Sur la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [M] Il résulte des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile, que le conseiller de la mise en état est seul compétent, depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel. La fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [M] est donc irrecevable.

ALORS QUE le juge doit observer en toutes circonstances le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, en relevant d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la fin de non-recevoir soulevée par M. [M] en vertu des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile, tandis que la société Horizon vert n'avait nullement fait valoir un tel moyen, et sans susciter les observations préalables des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [M] de ses demandes d'annulation de l'avertissement du 1er août 2016 et d'indemnisation subséquente ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 1er août 2016 Il résulte des dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, la juridiction saisie apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction et qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'elle estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Aux termes de l'article L. 1333-2 du même code, la juridiction peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. En l'espèce, l'avertissement daté du 1er juillet 2016 est motivé par l'absence de fourniture de feuilles de pointage depuis le 4 juillet 2016, l'utilisation du véhicule de l'entreprise à des fins personnelles depuis le 26 juillet. Cette lettre comporte également une "mise en garde", reprochant au salarié de créer une concurrence déloyale et de démarcher la clientèle des sociétés Nature d'Intérieur et Horizon Vert. Il résulte des explications concordantes des parties sur ce point que cet avertissement a en réalité été adressé le 1er août. La mention du 1er juillet au lieu de cette dernière date résulte donc d'une simple erreur matérielle, sans conséquences préjudiciables et qui, contrairement aux allégations de Monsieur [M], ne justifie pas son annulation. Par lettre du 25 août, Monsieur [M] a contesté cet avertissement en expliquant que, faisant l'objet d'une "surveillance tatillonne", de la part de son employeur, il n'avait pas estimé nécessaire de fournir les feuilles et qu'il a utilisé le véhicule comme toujours depuis son embauche et comme ses collègues. Il contestait la mise en garde, ajoutant que rien dans son contrat n'interdisait la libre concurrence. Monsieur [M] reconnaît ainsi ne pas avoir fourni ses feuilles de temps, ne conteste pas le fait qu'elles étaient exigées par l'employeur mais ne fournit aucun élément probant de nature à établir la réalité des justifications alléguées. De plus, pour répondre au grief de "surveillance tatillonne", la société Horizon Vert expose, sans être contredite sur ce point, qu'au mois de juillet 2016, le gérant de la société, Monsieur [J], était très peu présent dans l'entreprise, effectuant des travaux à domicile pour préparer l'arrivée de son enfant à naître, que l'ancien gérant était en vacances du 13 juillet au 16 août 2016, alors qu'au mois d'août, Monsieur [M] n'a été présent que du 21 au 25. Le grief relatif à l'absence de feuilles de pointage est donc établi. De même, Monsieur [M] ne conteste pas formellement le démarchage de la clientèle de l'entreprise, se contentant de se prévaloir de l'absence de clause de non-concurrence, alors qu'un tel comportement constitue un manquement à l'obligation générale de loyauté du salarié. Ce grief est donc établi. En revanche, la société Horizon Vert ne contredit pas les allégations de Monsieur [M] selon lesquelles il pouvait, depuis son embauche, utiliser le véhicule de l'entreprise pour rentrer le soir de son travail, ce dont il résulte que ce grief n'est pas établi. Cependant, les deux autres griefs justifiaient à eux seuls, l'avertissement. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [M] de sa demande d'annulation de cet avertissement et de dommages et intérêts afférents.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE Sur l'annulation de la sanction et les dommages et intérêts s'y rapportant : Attendu que les pièces produites aux débats ne justifient pas du bien-fondé de cette demande ; Le conseil dit qu'il n'y pas lieu d'annuler la sanction du 1er juillet 2016 et que la demande de dommages et intérêts ne peut aboutir.

1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'une mise en garde ou un rappel à l'ordre ne constitue pas une sanction disciplinaire ; qu'en l'espèce, il ressortait clairement du courrier de l'employeur daté du 1er juillet 2016 adressé à M. [M] le 1er août 2016 que celui-ci s'était vu notifier un avertissement en raison de deux griefs : non fourniture de feuille de pointage du 4 juillet 2016 au 1er août 2016 et utilisation d'un véhicule de société pour se rendre à son domicile matin et soir (cf. production) ; qu'en retenant néanmoins que l'avertissement était fondé sur trois griefs : non fourniture de feuilles de pointage, démarchage de la clientèle de l'entreprise et utilisation du véhicule de l'entreprise, et était justifié au motif que les deux premiers étaient établis (cf. arrêt p. 4-5), la cour d'appel a dénaturé le courrier de l'employeur daté du 1er juillet 2016 adressé à M. [M] le 1er août 2016 (cf. production) et violé le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties, exprimées dans leurs conclusions ; qu'en l'espèce, il ressortait des conclusions d'appel des deux parties que l'avertissement litigieux était fondé sur deux griefs, tirés de la non fourniture de feuille de pointage du 4 juillet 2016 au 1er août 2016 et de l'utilisation d'un véhicule de société pour se rendre à son domicile matin et soir, et non sur un prétendu grief tenant au démarchage de la clientèle de l'entreprise (cf. conclusions d'appel des parties – productions) ; qu'en retenant néanmoins que l'avertissement était fondé sur trois griefs : non fourniture de feuilles de pointage, démarchage de la clientèle de l'entreprise et utilisation du véhicule de l'entreprise, et était justifié au motif que les deux premiers étaient établis (cf. arrêt p. 4-5), la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le juge prud'homal peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou encore disproportionnée par rapport à la faute commise ; qu'en l'espèce, M. [M] faisait valoir que l'avertissement daté du 1er juillet 2016 qui lui avait été notifié était injustifié et disproportionné (cf. conclusions d'appel du salarié p. 18) ; qu'en se bornant à statuer sur le bien-fondé de la sanction, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la sanction n'était pas à tout le moins disproportionnée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1333-1, L. 1333-2 et L. 1332-2, dans sa rédaction applicable au litige, du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [M] de ses demandes au titre du harcèlement moral ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur l'allégation de harcèlement moral Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Conformément aux dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles. En l'espèce, Monsieur [M] fait valoir que la nouvelle direction, arrivée dans l'entreprise en 2016, a d'abord tenté de lui imposer une rupture conventionnelle à des conditions défavorables et à la suite de son refus, a tenté de le pousser à la démission alors qu'il n'avait précédemment jamais fait l'objet de sanctions ou même d'observation négative sur son travail ; il produit à cet égard des attestations de clients louant ses compétences. Il fait tout d'abord valoir que l'employeur a modifié son contrat de travail de façon unilatérale en lui imposant des tâches humiliantes et dégradantes, telles que gratter de la peinture au sol sous une température très chaude au mois d'août, nettoyer des taches, des travaux de bricolage et de déménagement, alors que son contrat de travail stipulait que ses fonctions consistaient à effectuer l'entretien des plantes chez les clients, la réalisation de nouvelles installations, la livraison et reprise des plantes et décors dans le cadre du service location de plantes. A cet égard, il précise qu'alors que, précédemment, il avait, sauf exceptions, toujours travaillé en équipe sur les chantiers, il s'est retrouvé seul en juin, juillet et août 2016. Il produit au soutien de ces griefs des photographies le montrant gratter la peinture au sol, un tableau et des bons de travaux sur lesquels sont inscrits des tâches à accomplir. Monsieur [M] ajoute avoir fait l'objet d'un avertissement injustifié le 1er août 2016. Il résulte des explications qui précèdent que cet avertissement était justifié mais que l'un des trois griefs de l'employeur, celui relatif à l'utilisation du véhicule, ne l'était pas. Monsieur [M] fait également valoir qu'il faisait l'objet de remarques vexatoires et désobligeantes de l'employeur mais ne produit aucun élément à cet égard. Monsieur [M] fait également valoir qu'à partir de juillet 2016, ses tâches ont été écrites au jour le jour sur un tableau blanc, alors que, pendant toutes les années et mois précédents, ses plannings lui étaient remis une semaine avant, visant l'attribution des chantiers avec ses collègues. Il produit à cet égard des bons de travaux et des photographies du tableau en question. Monsieur [M] fait également valoir que l'employeur a supprimé les avantages dont il bénéficiait antérieurement (prime panier, paiement des heures supplémentaires, de l'épargne salariale et de l'avantage de l'usage de la voiture pour rentrer chez lui). Par lettre du 25 août 2016, tout en contestant son avertissement, il développait ces griefs. Il expose que ces faits ont entraîné une dégradation de son état de santé et il justifie avoir fait l'objet d'arrêts de travail du 3 juin au 1er juillet 2016 puis du 26 août au 21 octobre 2016 et produit un certificat médical du 21 février 2917 faisant état d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel déclaré en 2016. Certains des faits énoncés sont donc avérés. Pris dans leur ensemble, ils laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral. De son côté, la société Horizon Vert expose que Monsieur [M] n'a pas accepté les changements intervenus dans l'entreprise à partir du mois de juillet 2015 à la suite d'une fusion et d'un changement de dirigeant, que son comportement s'est progressivement dégradé, qu'au mois d'avril 2016, le nouveau gérant l'a invité à déjeuner afin de clarifier la situation mais que Monsieur [M] a alors marqué sa mauvaise humeur et sa démotivation en évoquant la possibilité d'une rupture conventionnelle, qu'il a ensuite continué de manifester son désintérêt pour l'entreprise, que les parties ne sont pas parvenues à se mettre d'accord sur les conditions de la rupture, que, parallèlement, il a annoncé qu'il avait pris des contacts et que des clients de la société étaient prêts à le suivre et que, pendant toutes ces semaines, il a continué à se plaindre auprès de ses collègues et a créé une ambiance délétère au sein de l'entreprise, qu'à son retour, le 22 août 2016, il a montré un désintérêt total pour l'exécution de son contrat de travail et que c'est ainsi que par lettre du 6 septembre 2016, elle l'a convoqué pour le 15 septembre à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Elle produit la lettre du 8 mars 2017 de Monsieur [H], ancien gérant, qui loue les qualités de courage, d'honnêteté et de professionnalisme de Monsieur [M] mais qui ajoute que son comportement a totalement changé lors des changements intervenus dans l'entreprise, qu'il a alors fait preuve de mauvais esprit et de nonchalance, qu'il s'est mis "à dos" le personnel des deux structures et s'est "embourbé dans une spirale infernale de laquelle il ne pouvait plus sortir" et qu'il s'est montré "incapable d'innover, d'accepter le moindre changement". Par lettre du 6 septembre 2016, la société Horizon Vert a contesté de façon circonstanciée les termes de celle que Monsieur [M] lui avait adressée le 25 août. Dans ses écritures, la société Horizon Vert conteste le grief de modification du contrat de travail en expliquant que le grattage de peinture, très occasionnel, entre dans le cadre des travaux de préparation et n'a rien de dégradant et produit des photographies montrant les autres salariés effectuer ces travaux. Elle ajoute que les faits allégués par Monsieur [M] concernent une période restreinte, puisqu'en juin 2016, il était très souvent en arrêt maladie, ce qui est établi par les pièces produites par ce dernier, qu'en juillet 2016, il a travaillé trois semaines et demi, pour partie à l'atelier en voie de réorganisation, que le 27 juillet, il n'a parlé à aucun membre de l'équipe, ne saluant pas même ses collègues et qu'au mois d'août, il était en vacances du 1er au 20, puis en arrêt de travail du 26 au 31, ce que mentionne effectivement sa fiche de paye. La société produit une photographie du tableau blanc, expliquant que, dans le cadre du fonctionnement quotidien de l'entreprise, toutes les informations y étaient affichées, précisant que, s'agissant d'une entreprise comportant quatre salariés, l'organisation est simple, accessible et efficace. Il apparaît en effet, au vu de ce tableau, que Monsieur [M] ne faisait pas l'objet d'un sort différent de celui de ces collègues en ce qui concerne la communication des plannings. Concernant le grief relatif à la suppression d'avantages, il convient tout d'abord de relever que Monsieur [M] ne forme aucune demande de rappel de salaires ou de primes. Plus spécifiquement en ce qui concerne le grief relatif aux heures supplémentaires, la société Horizon Vert produit un tableau montrant un solde négatif depuis le mois de janvier 2016. Concernant l'épargne salariale, elle expose, sans être contredite sur ce point, que Monsieur [M] avait changé de banque sans la prévenir, ce qui a occasionné un retard dans le virement. En revanche, la société Horizon Vert ne produit aucune explication de nature à contredire les allégations de Monsieur [M] relatives à la suppression de l'avantage constitué par l'utilisation du véhicule de l'entreprise pour rentrer chez lui le soir. Il résulte de ces considérations qu'hormis ce dernier grief, la société Horizon Vert produit des éléments objectifs de nature à contredire utilement les griefs de Monsieur [M]. A lui seul, ce grief n'est pas suffisant pour être constitutif de harcèlement moral. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [M] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE Sur les dommages et intérêts pour harcèlement : Attendu que M. [M] n'apporte pas de preuves justifiant l'octroi de dommages et intérêts pour harcèlement ; Le conseil ne fait pas droit à cette réclamation.

1°) ALORS QU'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que lorsque survient un litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [M] de ses demandes au titre du harcèlement moral, après avoir estimé que certains des faits énoncés par le salarié étaient avérés et que, pris dans leur ensemble, ils laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a retenu que l'employeur produisait un courrier de l'ancien gérant, louant les qualités professionnelles de M. [M] mais indiquant que celui-ci aurait brusquement changé lors de la cession de l'entreprise, que le grattage de peinture qui lui avait été demandé était occasionnel, que les faits litigieux n'avaient duré qu'une période restreinte, que l'utilisation du tableau blanc concernait tous les salariés, que le salarié ne formait aucune demande de rappel de salaires ou de primes, et qu'il avait changé de banque sans prévenir, et en a déduit que la société Horizon vert produisait des éléments objectifs de nature à contredire utilement les griefs de M. [M] (cf. arrêt attaqué p. 5 à 7) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'employeur aurait justifié l'ensemble des faits laissant présumer le harcèlement par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°) ALORS QU'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, à charge pour l'employeur, le cas échéant, de prouver que l'intégralité des agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que toutes ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (cf. production, p. 3, 11-12, 16-17), M. [M] avait expressément fait valoir que son employeur lui avait imposé une modification unilatérale de travail, en cessant brusquement, à son retour d'arrêt maladie en juillet 2016, de lui attribuer des tâches de paysagiste confirmé, telles que définies dans son contrat de travail, et en le confinant, un mois entier, seul, à l'atelier, pour y travailler en tant qu'homme à tout faire, tandis qu'auparavant il avait toujours travaillé en équipe sur les chantiers pour y accomplir son travail de paysagiste confirmé ; qu'en se bornant à relever que l'employeur avait contesté la modification du contrat de travail en expliquant que le grattage de peinture était très occasionnel et n'avait rien de dégradant, que les autres salariés l'avaient effectué, et que son affectation à l'atelier n'avait duré que 3 semaines et demi, sans prendre en compte le brusque retrait des attributions contractuelles du salarié habituellement accomplies ni faire ressortir que l'employeur l'aurait justifié par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°) ALORS QU'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, à charge pour l'employeur, le cas échéant, de prouver que l'intégralité des agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que toutes ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel concernant le harcèlement moral (cf. production, p. 17-18), M. [M] avait expressément fait valoir que l'employeur, après avoir tenté de lui imposer à deux reprises une rupture conventionnelle de son contrat de travail au printemps 2016, lui avait notifié, dans le mois qui avait suivi la fin de son arrêt maladie, un avertissement injustifié et une convocation à un entretien préalable à une mesure de licenciement, non suivie d'effet ; qu'en écartant néanmoins le harcèlement moral sans prendre en considération cette procédure de licenciement ni faire ressortir que l'employeur l'aurait justifiée par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. [M] de sa demande d'indemnisation au titre de la prévention de la dégradation de ses conditions de travail et du harcèlement moral ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de prévention de la dégradation des conditions de travail et du harcèlement Aux termes de l'article L. 1152-4 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. En l'espèce, Monsieur [M] ne fournit aucune explication autre que des considérations d'ordre théorique au soutien de son grief relatif à un manquement de l'employeur cette obligation. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté de sa demande de dommages et intérêts formée à cet égard.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE Sur les dommages et intérêts pour absence de prévention quant aux conditions de travail et harcèlement : Attendu que M. [M] n'a versé aux débats aucun élément justifiant le bien-fondé de cette prétention ; Le conseil le déboute de la demande formulée à ce titre.

ALORS QUE, tenu d'une obligation de sécurité de résultat quant à la santé physique et mentale de ses salariés dont il doit assurer l'effectivité, l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires à leur assurer des conditions de travail qui ne nuisent pas à leur santé ; que la preuve de ces mesures incombe à l'employeur ; qu'en l'espèce, en rejetant la demande du salarié au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, au motif que M. [M] ne fournissait aucune explication autre que des considérations d'ordre théorique au soutien de son grief relatif à un manquement de l'employeur à cette obligation, tandis que l'employeur n'avait produit aucun élément pour démontrer qu'il avait pris des mesures pour éviter la dégradation de l'état de santé du salarié, dont il était alerté et qui était avérée, ni même allégué qu'il en avait prises, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article L.1152-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-13268
Date de la décision : 18/01/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 25 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jan. 2023, pourvoi n°21-13268


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.13268
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