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18/01/2023 | FRANCE | N°20-12601

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 janvier 2023, 20-12601


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 janvier 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 17 F-D

Pourvoi n° K 20-12.601

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023

La société Vorwerk France, s

ociété en commandite simple, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 20-12.601 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la cour...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 janvier 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 17 F-D

Pourvoi n° K 20-12.601

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023

La société Vorwerk France, société en commandite simple, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 20-12.601 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [I] [M], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Vorwerk France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [M], après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 16 janvier 2020), Mme [M] a été engagée par la société Vorwerk France (la société) à compter du 1er janvier 2013 en qualité de responsable de secteur, au statut de voyageur-représentant-placier (VRP) non exclusif puis à celui de VRP exclusif en vertu d'un nouveau contrat de travail conclu le 1er janvier 2016.

2. Elle a pris acte de la rupture de ce contrat le 27 mai 2017.

3. Elle a saisi le 3 novembre 2017 la juridiction prud'homale afin de dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir en conséquence diverses indemnités.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de nullité de la requête introductive présentée par la salariée, alors « qu'aux termes de l'article R. 1452-2, alinéa 2, du code du travail, la requête comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 58 du code de procédure civile ; qu'aux termes de ce dernier texte, sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ; que la circonstance que la procédure propre à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail dispense du préalable de conciliation ne constitue pas un motif légitime au sens de ce texte, dès lors que le préalable de conciliation ne se confond pas avec les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, qui s'imposent en toute matière ; qu'au contraire, une telle dispense, étant rappelé que l'auteur de la prise d'acte est également dispensé des obligations résultant de l'article 1226 du code civil imposant la mise en demeure préalable avant la résolution unilatérale d'un contrat, rend les diligences visées par l'article 58 du code de procédure d'autant plus nécessaires ; qu'une carence à cet égard n'impose nullement la preuve d'un grief ; que, pour dire que la requête de Mme [M], qui ne faisait pas état des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, n'était pas entachée de nullité, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que la procédure accélérée prévue par le code du travail en matière de prise d'acte s'analysait en un motif légitime tenant à l'urgence, et que la preuve d'un grief n'était pas faite ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 58 et 114 du code de procédure civile, R. 1252 et L. 1451-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article R. 1452-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017, l'acte de saisine de la juridiction prud'homale comporte les mentions prescrites à peine de nullité par l'article 58 du code de procédure civile.

6. Aux termes de ce texte, dans sa rédaction applicable au litige issue du décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, la requête ou la déclaration (?) contient à peine de nullité :
1° Pour les personnes physiques : l'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;
Pour les personnes morales : l'indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l'organe qui les représente légalement ;
2° L'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
3° L'objet de la demande.

7. Le troisième alinéa de ce texte ajoute que sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, la requête ou la déclaration précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

8. Il en résulte que l'obligation de préciser dans la requête ou la déclaration les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige n'est assortie d'aucune sanction et ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public. S'il n'est pas justifié de son respect, le juge ne peut, selon l'article 127 du code de procédure civile, que proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation.

9. Le moyen, qui postule que cette exigence est prescrite à peine de nullité, n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la rupture des relations contractuelles entre la salariée et la société présente la nature d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer à la salariée certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de le condamner à rembourser à Pôle emploi les sommes correspondant aux indemnités de chômage versées à l'intéressée dans la limite de trois mois avec intérêts de droit à compter de la décision, et de le débouter de sa demande tendant à la condamnation de la salariée à lui payer une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, alors « que les juges sont tenus de respecter les termes du litige ; qu'en l'espèce, tant au soutien de sa lettre de prise d'acte du 15 mai 2017 que dans ses écritures, la salariée ne reprochait nullement à l'employeur de ne pas lui avoir donné d'objectifs pour les années 2016 et 2017, soit entre la signature de son nouveau contrat du 1er janvier 2016 et sa prise d'acte, mais de ne pas l'avoir informée de ses objectifs avant qu'elle ne signe ce contrat, prétendant en particulier qu'elle n'en aurait pris connaissance qu' ''au début du mois de janvier 2016, par son intranet'', et faisait également valoir que ces objectifs n'auraient pas été réalisables ; qu'en retenant, pour dire la prise d'acte fondée, qu'il n'était pas démontré que les objectifs de la salariée lui auraient été fixés tant pour l'année 2016 que pour l'année 2017, en sorte qu'elle aurait été dans l'impossibilité de connaître le montant de sa rémunération, ce qui était contraire à la thèse soutenue par l'intéressée se plaignant d'objectifs non-réalisables et dont elle n'aurait pris connaissance qu'au début du mois de janvier 2016, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

11. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

12. Pour déclarer bien fondée la prise d'acte par la salariée de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, l'arrêt retient, d'abord, que la société ne démontre pas que les dispositions de l'avenant concernant la fixation des objectifs ont été respectées tant pour l'année 2016 que pour l'année 2017, que le tableau produit par l'employeur ne constitue qu'une simulation fondée sur les résultats des années 2014 et 2015 et n'indique ni la date à laquelle il a été établi, ni le nom du salarié qu'il concerne, et que le tableau figurant au paragraphe « modalités de calcul des primes mensuelles sus nommées » constitue un cadre général qui ne permet pas en lui-même au salarié de déterminer l'objectif qui lui est assigné et la rémunération dont il peut bénéficier.

13. L'arrêt retient, ensuite, que compte tenu de cette absence de notification des objectifs à la salariée, l'employeur ne démontre pas que la baisse de rémunération qu'a connue l'intéressée pour l'année 2016 trouve son origine exclusivement dans une baisse d'activité de celle-ci, et qu'il ressort de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la salariée, que l'impossibilité pour celle-ci de prévoir le montant de sa rémunération du fait du manquement de l'employeur a rendu le maintien de la relation contractuelle impossible et que la prise d'acte présente la nature d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

14. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appel la salariée n'invoquait pas un défaut de notification des objectifs pour l'année 2016, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la société Vorwerk France de sa demande en nullité de la requête introductive d'instance présentée par Mme [M], l'arrêt rendu le 16 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;

Condamne Mme [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Vorwerk France

PREMER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmant le jugement de ce chef, d'AVOIR débouté l'exposante de sa demande de nullité de la requête introductive présentée par Madame [M] et, par suite, infirmant pour le surplus le jugement et statuant à nouveau, d'AVOIR dit que la rupture des relations contractuelles entre Madame [M] et la société VORWERK FRANCE présente la nature d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société VORWERK FRANCE à payer à Madame [M] les sommes de 9.450 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 945 € au titre des congés payés afférents, 4.500 € au titre de l'indemnité de licenciement, 18.900 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR condamné la société VORWERK FRANCE à rembourser à Pôle-Emploi, les sommes correspondant aux indemnités de chômage versées à Madame [M] dans la limite de trois mois avec intérêts de droit à compter de sa décision, et d'AVOIR débouté la société VORWERK FRANCE de sa demande tendant à la condamnation de Madame [M] à lui verser la somme de 9.451,21 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

AUX MOTIFS QUE « sur la nullité tirée de la requête présentée par Madame [M] ; L'article 58 du code de procédure civile dispose que : 'La requête ou la déclaration est l'acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé ; Elle contient à peine de nullité...Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige...' ; L'article 127 du même code précise que : 'S'il n'est pas justifié, lors de l'introduction de l'instance et conformément aux dispositions des articles 56 et 58, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation' ;L'article R 1452-2 du code du travail précise que :'La requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes. Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 58 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions...' ; Conformément aux dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité prévue par ces textes ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La société Vorwerk France expose que la requête déposée par Madame [M] devant le conseil de prud'hommes est nulle en ce que d'une part elle n'a pas été précédée d'une tentative de règlement amiable du litige, et d'autre par qu'elle ne contient pas les motivations de la demande. Toutefois, sur le premier point, la société Vorwerk France ne démontre pas le grief que lui aurait causé l'absence de tentative préalable de règlement amiable du litige, d'autant que la procédure accélérée applicable en matière de prise d'acte constitue le motif légitime visé à l'article 58 du code de procédure civile rappelé plus haut. Sur le second point, il ressort des termes de la requête déposée par Madame [M] que cet acte contient l'exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Compte tenu de ce qui précède, il convient de dire la requête présentée par Madame [M] recevable, de rejeter l'exception de nullité soulevée, et en conséquence de confirmer la décision entreprise sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article R. 1452-2 du code du travail précise dans le cadre du décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017 – art. 2, que la requête faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes doit comporter les mentions prescrites à peine de nullité par l'article 58 du code de procédure civile ; que l'article 58 du code de procédure civile dispose que la requête ou la déclaration par laquelle le demandeur saisit une juridiction de première instance doit préciser les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, sauf justification tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public ; que l'article L. 1451-1 du code du travail créé par la loi n° 2014-743 du 1er juillet 2014 mentionne que lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans le délai d'un mois de sa saisine ; qu'en l'espèce la demande de requalification d'une prise d'acte est donc considérée par la loi comme une procédure d'urgence ; qu'en l'espèce, la nécessité de justifier dans la requête introductive d'instance des diligences en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ne s'applique pas à la précédente procédure, faisant partie des cas de saisine d'urgence et d'exception nécessitant la convocation directe devant le bureau de jugement sans obligation de passer par un bureau de conciliation ; qu'en conséquence, la demande de nullité de la requête introductive d'instance et à titre subsidiaire la demande de renvoi du dossier devant le bureau de conciliation et d'orientation, formulées par la société VORWERK FRANCE ne sont pas fondées » ;

ALORS QU'aux termes de l'article R. 1452-2, alinéa 2, du code du travail, la requête comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 58 du code de procédure civile ; qu'aux termes de ce dernier texte, sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ; que la circonstance que la procédure propre à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail dispense du préalable de conciliation ne constitue pas un motif légitime au sens de ce texte, dès lors que le préalable de conciliation ne se confond pas avec les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, qui s'imposent en toute matière ; qu'au contraire, une telle dispense, étant rappelé que l'auteur de la prise d'acte est également dispensé des obligations résultant de l'article 1226 du code civil imposant la mise en demeure préalable avant la résolution unilatérale d'un contrat, rend les diligences visées par l'article 58 du code de procédure d'autant plus nécessaires ; qu'une carence à cet égard n'impose nullement la preuve d'un grief ; que, pour dire que la requête de Madame [M], qui ne faisait pas état des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, n'était pas entachée de nullité, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que la procédure accélérée prévue par le code du travail en matière de prise d'acte s'analysait en un motif légitime tenant à l'urgence, et que la preuve d'un grief n'était pas faite ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 58 et 114 du code de procédure civile, R. 1252 et L. 1451-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit que la rupture des relations contractuelles entre Madame [M] et la société VORWERK FRANCE présente la nature d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société VORWERK FRANCE à payer à Madame [M] les sommes de 9.450 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 945 € au titre des congés payés afférents, 4.500 € au titre de l'indemnité de licenciement, 18.900 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR condamné la société VORWERK FRANCE à rembourser à Pôle-Emploi, les sommes correspondant aux indemnités de chômage versées à Madame [M] dans la limite de trois mois avec intérêts de droit à compter de sa décision, et d'AVOIR débouté la société VORWERK FRANCE de sa demande tendant à la condamnation de Madame [M] à lui verser la somme de 9.451,21 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

AUX MOTIFS QUE « sur la prise d'acte ; Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail. En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur. Par lettre du 19 mai 2017, Madame [M] a notifié à son employeur la société Vorwerk France une prise d'acte en raison de manquements de celui-ci à ses obligations contractuelles. I) Sur le grief relatif au manquement à l'obligation de sécurité ; Madame [M] a reproché à l'employeur de n'avoir pris aucune mesure consécutivement à l'envoi par la salariée d'un courrier l'alertant sur ses conditions de travail et les conséquences de celles-ci sur sa santé. Il ressort des pièces médicales versées au dossier que Madame [M] a été placée en arrêt de travail pour un syndrome dépressif d'origine professionnelle à compter du 2 février 2017 ; qu'elle a adressé un courrier de cette nature le 1er mars 2017, reçu par l'employeur le lendemain ; que celui-ci, ainsi que les membres du CHSCT, ont contacté Madame [M] le 7 avril suivant, le premier par courriel et les seconds par téléphone ; Il ressort de la pièce 105 du dossier de l'appelante que les membres du CHSCT ont alerté la direction de l'entreprise sur la situation de Madame [M], mais que l'employeur n'a apporté aucune information postérieurement à cette alerte ;Toutefois, il convient de constater que, durant la période concernée, le contrat de travail était suspendu et qu'il ne peut donc être reproché à l'employeur de ne pas avoir diligenté une enquête ou d'avoir pris des 'mesures correctrices' durant la période d'absence de la salariée. Ce grief ne sera donc pas retenu. II) Sur le grief relatif à la dégradation des conditions de travail en raison de la prise en charge de conseillers supplémentaires ; Madame [M] expose qu'elle a dû prendre en charge 5 conseillers supplémentaires sans accompagnement de la part de l'employeur, ce qui a généré un stress supplémentaire et a réduit ses capacités personnelles à gérer des commissions en raison du temps qu'elle passait à encadrer ces conseillers. Toutefois, Madame [M] ne démontre pas comme elle le soutient que les conseillers qui lui ont été confiés du fait de l'absence d'une collègue n'étaient pas en mesure d'effectuer le chiffre d'affaires qui leur était fixé ; qu'il n'est pas contesté que Madame [M] était commissionnée sur ce chiffre d'affaires et qu'elle ne démontre pas qu'elle a, du fait de l'encadrement de ces nouveaux conseillers, perdu un montant de commission à titre personnel supérieur à celui dont elle a bénéficié du fait de son commissionnement sur l'activité des conseillers ; Ce grief sera donc rejeté. III) Sur le grief relatif aux modifications contractuelles entraînant une baisse de rémunération ; Madame [M] expose qu'elle a accepté un avenant à son contrat de travail prévoyant de nouvelles conditions de rémunération qui se sont révélées défavorables, l'employeur ne lui ayant pas communiqué les informations lui permettant d'apprécier l'impact sur sa situation de ces nouvelles condition. Il ressort du dossier que, par avenant signé le 1er janvier 2016 applicable à compter de cette date, Madame [M] a accepté une modification de ses conditions de rémunérations, fondée sur cinq éléments cumulatifs, dont un 'bonus sur objectifs mensuels', qui, au regard de l'organisation commerciale de la société, constituait l'élément principal de rémunération ; que cet élément était lui-même constitué de deux objectifs, l'un relatif au 'nombre de productifs' et l'autre aux 'ventes budgetées' ; que l'avenant prévoit que le montant des primes relatifs à ces objectifs est calculé par rapport à un objectif mensuel et annuel déterminé chaque année par la direction commerciale. La société Vorwerk soutient que Madame [M] connaissant ces objectifs, qui lui avaient été communiqués par ses responsables, que le contrat comprenait un paragraphe détaillant les modalités de calcul de ces primes, et qu'en tout état de cause la diminution de la rémunération de la salariée trouve son origine dans la baisse de l'activité de celle-ci. Toutefois, la société Vorwerk ne démontre pas que les dispositions de l'avenant concernant la fixation des objectifs ont été respectées tant pour l'année 2016 que pour l'année 2017, les attestations versées sur ce point étant imprécises quant à la date et les modalités de l'information dont il s'agit ; par ailleurs, le tableau figurant en pièce nº 12 de son dossier, qui ne constitue en réalité qu'une simulation fondée sur les résultats des années 2014 et 2015, n'indiquent ni la date à laquelle a été établi ce tableau ni le nom du salarié qu'il concernerait ; enfin, le tableau figurant au paragraphe 'modalités de calcul des primes mensuelles sus nommées', constitue un cadre général qui ne permet pas en lui-même au salarié de déterminer l'objectif qui lui est assigné et la rémunération dont il peut bénéficier. Enfin, compte tenu de cette absence de notification des objectifs à la salariée, la société Vorwerk ne démontre pas que la baisse de rémunération qu'a connue Madame [M] pour l'année 2016 trouve son origine exclusivement dans une baisse d'activité de celle-ci ; En conséquence, il ressort de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par Madame [M], que l'impossibilité pour la salariée de prévoir le montant de sa rémunération du fait du manquement de l'employeur a rendu le maintien de la relation contractuelle impossible ; il convient donc de dire que la prise d'acte présente la nature d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'infirmer la décision entreprise ; Sur l'indemnisation ; Sur l'indemnité compensatrice de préavis ; Compte tenu de la rémunération mensuelle moyenne brute de Madame [M], soit 3 150 euros, et de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, aux dispositions de l'article 12 de la convention collective applicable, et dans la limite de la demande, à la somme de 9 450 euros, outre la somme de 945 euros au titre des congés payés afférents. Il sera fait droit à la demande sur ce point pour cette somme ; - Sur l'indemnité de licenciement ; Compte tenu de la rémunération mensuelle moyenne brute de Madame [M] et de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, l'indemnité de licenciement sera fixée, conformément aux dispositions de la convention collective applicable, et dans la limite de la demande, à la somme de 4 500 euros. Il sera donc fait droit à la demande sur ce point.- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Madame [M] avait à la date de la rupture de la relation contractuelle une ancienneté dans l'entreprise supérieure à deux ans, et la société Vorwerk ne conteste pas employer plus de 11 salariés à cette date ; Madame [M] a retrouvé un emploi à compter du 29 mai 2017 ; Il sera fait droit à la demande à hauteur de 6 mois de rémunération, soit la somme de 18 900 euros. Il y a lieu de condamner la société Vorwerk à rembourser à Pôle emploi les sommes correspondant aux indemnités de chômage versées à Madame [M] dans la limite de trois mois et ce, avec intérêts de droit à compter de la présente décision » ;

1. ALORS QUE les juges sont tenus de respecter les termes du litige ; qu'en l'espèce, tant au soutien de sa lettre de prise d'acte du 15 mai 2017 que dans ses écritures, la salariée ne reprochait nullement à l'employeur de ne pas lui avoir donné d'objectifs pour les années 2016 et 2017, soit entre la signature de son nouveau contrat du 1er janvier 2016 et sa prise d'acte, mais de pas l'avoir informée de ses objectifs avant qu'elle ne signe ce contrat, prétendant en particulier qu'elle n'en aurait pris connaissance qu'« au début du mois de janvier 2016, par son intranet » , et faisait également valoir que ces objectifs n'auraient pas été réalisables ; qu'en retenant, pour dire la prise d'acte fondée, qu'il n'était pas démontré que les objectifs de la salariée lui auraient été fixés tant pour l'année 2016 que pour l'année 2017, en sorte qu'elle aurait été dans l'impossibilité de connaître le montant de sa rémunération, ce qui était contraire à la thèse soutenue par l'intéressée se plaignant d'objectifs non-réalisables et dont elle n'aurait pris connaissance qu'au début du mois de janvier 2016, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2. ALORS en outre QUE si la lettre de prise d'acte ne fixe pas le limites du litige quant aux griefs qui sont invoqués au soutien de cette dernière, seuls ceux dont se prévaut le salarié dans le cadre du procès prud'homal sont susceptibles d'être retenus au soutien de la prise d'acte ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;

3. ALORS en outre QUE l'annexe 1 du contrat de travail du 1er janvier 2016, signée par les parties au contrat, et intitulée « secteur, objectifs commerciaux » précisait que le responsable de secteur s'engage à réaliser entre 6 et 8 ventes personnelles par mois et 30 ventes groupe par mois ; qu'en s'abstenant de rechercher si les objectifs qu'elle a estimé non assignés, ce qui n'était pas soutenu, ne résultaient pas de cette annexe versée aux débats par les deux parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1103, anciennement 1134, du code civil ;

4 ALORS en outre QU'en supposant même que la cour d'appel ait entendu se fonder sur un défaut de fixation des objectifs, avant la signature du contrat, en s'abstenant de rechercher si cela constituait une faute, quand, lorsque le contrat renvoie à une détermination annuelle des objectifs, l'employeur est seulement tenu de les communiquer au salarié en début d'exercice – ce qui correspondait aux prétentions de la salariée, laquelle affirmait en avoir pris connaissance au début du mois de janvier 2016 – et d'assigner des objectifs réalisables – ce qui n'a pas été examiné, la cour d'appel aurait en tout état de cause privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail ;

5. ALORS, en tout état de cause QUE le seul défaut de fixation des objectifs n'est pas en lui-même, sauf pour les juges à caractériser l'incidence de ce manquement sur la rémunération du salarié, de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en se fondant sur la non-fixation des objectifs afférents au nouveau contrat de la salariée, sans caractériser en quoi cela aurait fait obstacle à la poursuite de la relation de travail, ce d'autant que l'exposante soulignait que Madame [M], qui invoquait une grande variété de manquements, chiffrait elle-même ceux rattachés aux conditions de rémunération résultant du contrat du 1er janvier 2016 à une somme mineure, ce qui n'avait pas été démenti par l'intéressée qui s'était bornée à objecter que « ni la loi ni la jurisprudence n'imposent de perte de salaire importante pour fonder la légitimité d'une prise d'acte » et que « surtout cette baisse de rémunération est l'un des nombreux griefs que l'appelante reproche à son employeur », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail ;

6. ALORS QU'en affirmant que le cinquième élément de la rémunération contractuelle de la salariée, à savoir le « bonus sur objectifs mensuels » aurait constitué « au regard de l'organisation commerciale de la société, l'élément principal de la rémunération », ce qui n'était soutenu par aucune des parties, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

7. ALORS QUE c'est au salarié qu'il revient d'établir les faits invoqués au soutien de la prise d'acte ; que pour dire la prise d'acte justifiée, la cour d'appel a retenu que « la société VORWERK ne démontre pas que les dispositions de l'avenant concernant la fixation des objectifs ont été respectées tant pour l'année 2016 que pour l'année 2017 », et « ne démontre pas que la baisse de rémunération qu'a connue Madame [M] pour l'année 2016 trouve son origine exclusivement dans une baisse d'activité de celle -ci » ; qu'en statuant ainsi, elle a violé L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1353, anciennement 1315, du code civil ;

8. ALORS QUE la diminution de la rémunération variable du salarié, même non exclusivement imputable à une baisse de l'activité de ce dernier, n'est pas en elle-même constitutive d'une faute de l'employeur, le salarié ne disposant d'aucun droit au maintien du niveau de ladite rémunération ; qu'en affirmant que l'employeur « ne démontre pas que la baisse de rémunération qu'a connue Madame [M] pour l'année 2016 trouve son origine exclusivement dans une baisse d'activité de celle-ci », la cour d'appel a violé L. 1231-1 du code du travail, ensemble son article L. 1221-1, et l'article 1103, anciennement 1134, du code civil.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 16 janvier 2020


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 18 jan. 2023, pourvoi n°20-12601

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Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 18/01/2023
Date de l'import : 24/01/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20-12601
Numéro NOR : JURITEXT000047023597 ?
Numéro d'affaire : 20-12601
Numéro de décision : 52300017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2023-01-18;20.12601 ?
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