SOC.
ZB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 septembre 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10735 F
Pourvois n°
U 21-14.430
V 21-14.431
W 21-14.432
X 21-14.433
Y 21-14.434
Z 21-14.435
A 21-14.436
Z 21-14.780
J 21-17.963
K 21-17.964
B 21-22.004 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
1°/ M. [X] [H], domicilié [Adresse 12],
2°/ M. [B] [F], domicilié [Adresse 2],
3°/ M. [D] [M], domicilié [Adresse 10],
4°/ M. [C] [W], domicilié [Adresse 14],
5°/ M. [G] [V], domicilié [Adresse 3],
6°/ M. [A] [U], domicilié [Adresse 13],
7°/ M. [R] [E], domicilié [Adresse 11],
8°/ M. [O] [I], domicilié [Adresse 9],
9°/ M. [L] [K], domicilié [Adresse 5],
10°/ M. [T] [Z], domicilié [Adresse 7],
11°/ M. [J] [P], domicilié [Adresse 8],
ont formé respectivement les pourvois n° U 21-14.430 à A 21-14.436, Z 21-14.780, J 21-17.963, K 21-17.964 et B 21-22.004 contre onze arrêts rendus le 29 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans les litiges les opposant :
1°/ à la société [O] [Y] et A. [S], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], prise en personne de M. [O] [Y] en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM)
2°/ à M. [C] [N], domicilié [Adresse 6], pris en sa qualité de liquidateur amiable de la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM)
3°/ à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de Marseille, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. [H], [F], [M], [W], [V], [P], [E], [I], [K], [Z] et de M. [U], après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° U 21-14.430 à A 21-14.436, Z 21-14.780, J 21-17.963, K 21-17.964 et B 21-22.004 sont joints.
2. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre des décisions attaquées, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Pion, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens identiques produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [H] et les dix autres salariés, demandeurs aux pourvois n° U 21-14.430 à A 21-14.436, Z 21-14.780, J 21-17.963, K 21-17.964 et B 21-22.004
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'exposant fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à obtenir le versement de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété ;
1° ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ; que la dénaturation des conclusions peut être invoquée avec succès lorsque les juges du fond considèrent qu'un plaideur ne conteste pas un point ou qu'il ne dénie pas un fait alors que son système de défense impliquait une discussion sur ce point ; qu'en énonçant qu'« il n'était plus discuté devant la cour de céans que le régime de cessation anticipée d'activité pour les salariés marins ayant exercé des fonctions à la machine à bord de navires comportant des équipements contenant de l'amiante (selon la date de construction des navires) n'est pas assimilable au régime ACAATA prévu par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et que le salarié ne bénéficie pas, à ce titre, d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable » quand l'exposant faisait valoir que « si la cour devait dénier au demandeur le bénéfice de la présomption de préjudice d'anxiété » (cf. prod n° 3, p. 21 § 5), ce dont il résultait qu'il faisait précédemment valoir dans le corps de ses écritures d'appel qu'il bénéficiait d'une présomption de préjudice d'anxiété (cf. prod n° 3, p. 10 à p. 21), la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE le salarié ayant travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqué ou traité de l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux régulier, et, partant, subit un préjudice spécifique d'anxiété ; que le préjudice d'anxiété est présumé du fait de l'accomplissement d'un travail salarié dans un établissement classé « amiante » au même titre que les ouvriers d'État des établissements industriels ayant travaillé ou travaillant dans des entreprises de construction et de réparation navale listées ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'exposant pouvait bénéficier de ce régime au prétexte qu'il n'aurait plus été discuté devant la cour de céans que le régime de cessation anticipée d'activité pour les salariés marins ayant exercé des fonctions à la machine à bord de navires comportant des équipements contenant de l'amiante n'était pas assimilable au régime ACAATA prévu par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;
3° ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHÈSE en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; que le préjudice d'anxiété naît d'une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'il appartient au salarié de démontrer son exposition au risque sans avoir à démontrer qu'il doive se soumettre à des contrôles et examens médicaux réguliers ; qu'en déboutant les salariés de leur demande en paiement de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice d'anxiété aux motifs que le salarié ne faisait état que d'un préjudice « indiscutable » résultant « nécessairement » d'une exposition aux poussières d'amiante entraînant un risque de développer à tout moment une pathologie grave potentiellement mortelle et qu'ils ne versaient aucune pièce aux fins d'établir leur état d'inquiétude ou d'angoisse, telle que notamment un suivi ou une surveillance médicale rendue nécessaire du fait de l'exposition à un risque pour leur santé de sorte qu'ils ne démontraient pas avoir subi directement et personnellement un préjudice d'anxiété en lien avec un manquement de la SNCM à ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'article L. 5545-9 du code des transports.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'exposant fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'indemnisation relative à la mise en danger de la vie d'autrui ;
1° ALORS QUE l'application des dispositions de l'article 4 du code de procédure pénale est subordonnée à la mise en oeuvre de l'action publique ; qu'en énonçant que l'existence d'une plainte ou d'une action pénale en matière de mise en danger délibérée de la vie d'autrui n'est pas établie en l'espèce quand elle avait pourtant relevé que le liquidateur avait fait valoir qu'il avait été informé qu'une plainte avec constitution de partie civile avait été déposée bien avant la liquidation judiciaire contre la société SNCM pour une infraction d'homicide involontaire et mise en danger de la vie d'autrui devant le doyen des juges d'instruction de Marseille, précisément à raison d'une prétendue exposition à l'amiante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, ensemble l'article 4 du code de procédure pénale ;
2° ALORS QUE la caractérisation de l'infraction de la mise en danger de la vie d'autrui en matière d'amiante ne se rapporte pas à la mort ou aux blessures, qui n'ont pas à survenir immédiatement après l'exposition au risque, mais a trait au lien de causalité entre, d'une part, la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité et, d'autre part, le risque de mort ou de blessures ; qu'en déboutant le salarié de sa demande au prétexte qu'il ne précisait pas la nature du préjudice qu'il aurait effectivement subi qui se distinguerait du préjudice d'anxiété, quand seul le fait de faire courir un risque au salarié ouvrait droit au paiement de dommages et intérêts, la cour d'appel a méconnu violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, ensemble l'article L. 221-3 du code pénal.