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30/03/2022 | FRANCE | N°21-82427

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 mars 2022, 21-82427


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° D 21-82.427 F- B

N° 00374

GM
30 MARS 2022

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 MARS 2022

M. [E] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 31 mars 2021, qui, dans la procédure suivi c

ontre lui pour violences aggravées en récidive, mise en danger de la vie d'autrui et dégradations volontaires, a prononcé su...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° D 21-82.427 F- B

N° 00374

GM
30 MARS 2022

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 MARS 2022

M. [E] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 31 mars 2021, qui, dans la procédure suivi contre lui pour violences aggravées en récidive, mise en danger de la vie d'autrui et dégradations volontaires, a prononcé sur sa requête en restitution d'objet saisi.

Un mémoire, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [E] [X], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 23 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement définitif du 4 mai 2020, le tribunal correctionnel de Grasse a déclaré M. [X] coupable de violences volontaires sur ascendants suivies d'incapacité inférieure à 8 jours en récidive, violences volontaires suivies d'incapacité inférieure à 8 jours par ancien concubin avec arme par destination en récidive, mise en danger de la vie d'autrui et dégradations volontaires du bien d'autrui et l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis probatoire, sans toutefois statuer sur la restitution du véhicule Volkswagen, placé sous scellé durant l'enquête et avec lequel le demandeur, qui transportait également leur enfant commun âgé de deux ans, avait percuté volontairement le véhicule de son ancienne compagne.

3. Le 11 décembre 2020, le procureur de la République de Grasse a refusé de faire droit à la demande de restitution formulée par M. [X] qui a interjeté appel de cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en ses sixième et septième branches

4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de restitution d'un véhicule saisi, présentée par M. [E] [X], alors :

« 1°/ que l'inconstitutionnalité et l'abrogation de l'article 41-4 du code de procédure pénale, qui permet de refuser la restitution de biens appartenant au prévenu, et qui ont été saisis pendant la procédure ayant abouti à sa condamnation, sans que leur confiscation qui pouvait être prononcée ait été ordonnée, invoquée par mémoire distinct que ne manquera pas de constater le Conseil constitutionnel entraînera l'annulation de l'arrêt attaqué par application des articles 61-1 et 62 de la Constitution ;

2°/ que les jugements définitifs ont autorité de la chose jugée ; que, par jugement du 4 mai 2020, le tribunal judiciaire de Grasse a condamné M. [X] à une peine d'emprisonnement, pour des violences volontaires ayant entraîné une ITT de moins de 8 jours sur son ancienne concubine, avec usage d'une arme et en récidive, commises le 30 avril 2020, à une peine de 18 mois d'emprisonnement dont 9 mois avec sursis ; que, par l'arrêt attaqué, la chambre de l'instruction a rejeté la requête en restitution du véhicule Tiguan que M. [X] avait utilisé le jour des faits en venant percuter le véhicule de son ex-concubine, en relevant que ce véhicule constituait l'arme par destination visées aux poursuites pour lesquelles il avait été condamné et ainsi l'instrument de l'infraction dont elle pouvait refuser la restitution et que la gravité des faits et la personnalité de M. [X] au moment des faits justifiaient de ne pas faire droit à la demande de restitution ; que, dès lors que le tribunal correctionnel saisi des poursuites n'avait pas condamné M. [X] à la peine de confiscation de ce véhicule, en refusant de le restituer au regard des critères de la peine, ce qui aboutissait à la confiscation de fait dudit véhicule que le tribunal correctionnel n'avait pas jugé nécessaire, la chambre de l'instruction a porté atteinte à l'autorité de la chose jugée par le tribunal correctionnel, en violation des articles 6 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en refusant la restitution au regard des critères de la peine et au vu des faits de violences volontaires par usage d'une arme par destination commis le 30 avril 2020, le véhicule étant considéré comme l'arme par destination utilisée au moment des faits et à ce titre l'instrument du délit dont la restitution pouvait être refusée, la chambre de l'instruction qui prononce ainsi une sanction à caractère punitif, équivalente à une confiscation, alors que M. [X] avait déjà été condamné pour les mêmes faits, a violé l'article 4 du Protocole n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

4°/ que portant atteinte au droit de propriété, la confiscation ou le refus de restitution de biens saisis doit être nécessaire et proportionné au but poursuivi ; que dès lors que le tribunal correctionnel n'avait pas jugé nécessaire de confisquer le véhicule de M. [X] dont il retenait pourtant la culpabilité pour violences volontaires par usage d'une arme par destination, le refus de restitution de ce véhicule, postérieurement au jugement de condamnation, fondé non sur la dangerosité intrinsèque du bien saisi mais sur le fait qu'il avait été utilisé pour commettre une infraction, sur la gravité des faits et sur la personnalité de M. [X] au moment des faits, ne pouvait être considéré comme nécessaire et proportionné au regard d'éléments que le tribunal correctionnel avait déjà appréciés ; que dès lors, en rejetant la demande de restitution qui ne pouvait être proportionnée au but poursuivi, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

5°/ qu'il appartient à la chambre de l'instruction à laquelle est déférée la décision de non-restitution de l'instrument de l'infraction rendue par le ministère public après que la juridiction de jugement saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, d'apprécier, sans porter atteinte aux droits du propriétaire de bonne foi, s'il y a lieu ou non de restituer le bien au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; que, par ailleurs, les juges ne peuvent prendre en considération les condamnations ayant entraîné une réhabilitation de plein droit, sauf pour les besoins de la récidive ; qu'en prenant en considération, pour apprécier la personnalité M. [X], des condamnations dont le juge de l'application des peines avait rappelé dans sa décision à laquelle l'arrêt attaqué se réfère qu'elles étaient réhabilitées de plein droit, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 133-16 du code pénal.»

Réponse de la Cour

Sur le moyen pris en sa première branche

6. Par décision du 3 décembre 2021 (Cons. Const. 3 décembre 2021, décision n° 2021-951 QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article 41-4 du code de procédure pénale.

7. Il en résulte que le moyen est devenu sans objet.

Sur le moyen pris en sa deuxième branche

8. Le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la décision de non-restitution a porté atteinte à l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal judiciaire l'ayant condamné pour violences volontaires mais sans statuer sur la confiscation ou la restitution de son véhicule placé sous scellé pendant l'enquête, véhicule, instrument de l'infraction, visé comme arme par destination à la prévention.

9. En effet, en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu l'article 6 du code de procédure pénale dès lors que la demande en restitution, initiée par le demandeur, n'a pas le même objet que les poursuites engagées contre celui-ci qui ont abouti au jugement de condamnation du 4 mai 2020, aujourd'hui définitif.

10. En conséquence, le grief ne saurait être accueilli.

Sur le moyen pris en sa troisième branche

11. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que l'article 4 du protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est applicable seulement lorsque sont concernées deux procédures de nature « pénale », visant la même infraction, la seconde, qui doit être nouvelle, constituant une répétition des poursuites déjà jugées définitivement dans le même Etat par la première.

12. La Cour européenne des droits de l'homme se fonde, pour écarter l'application de ces dispositions, sur plusieurs critères tenant à la fois à la nature de la seconde procédure mais également à celle de la mesure qui a été prononcée à l'issue de celle-ci. Elle considère ainsi que ne peut avoir un caractère punitif une mesure prise à titre préventif (CEDH, arrêt du 8 novembre 2018, Serazin c. Croatie, n° 19120/15 ; CEDH, arrêt du 20 mars 2001, Hangl c. Autriche, n° 38716/97).

13. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la Cour juge que les sanctions imposées pour les mêmes faits par des autorités différentes dans le cadre de procédures distinctes sont considérées comme faisant partie de la même procédure dès lors qu'il peut être constaté entre elles un lien, matériel et temporel, suffisamment étroit, telle que la mesure prise dans le cadre de la seconde procédure qui est la suite directe de la décision de condamnation et ne comporte pas un nouvel examen de l'infraction ou du comportement en cause (CEDH, arrêt du 13 décembre 2005, Nilsonn c. Suède, n° 73661/01 ; CEDH, arrêt du 21 septembre 2006, Maszni c. Roumanie, n° 59892/00, §§ 68-70).

14. Il résulte de ce qui précède le principe suivant : la décision de refus de restitution d'une juridiction, saisie sur le fondement de l'article 41-4 du code de procédure pénale par une personne reconnue coupable d'avoir commis des infractions et condamnée pénalement par une décision distincte d'une juridiction répressive qui a omis de se prononcer sur la restitution de biens saisis au cours de l'enquête ou de l'information, ne peut être considérée comme une décision statuant sur des poursuites au sens de l'article 4 du Protocole n° 7 à la Convention.

15. Il s'ensuit que le grief ne peut être accueilli.

Sur le moyen pris en sa quatrième branche

16. Pour refuser de restituer son véhicule à M. [X], l'arrêt attaqué relève qu'il est insuffisant que l'intéressé fasse des efforts de réadaptation sociale relevés par le juge d'application des peines, alors que la période probatoire n'est pas terminée et qu'un amendement durable et définitif est loin d'être acquis, que ce magistrat relève aussi que si M. [X] n'est pas dangereux sur le plan psychiatrique selon l'expert, « son état nécessite un suivi thérapeutique strict afin de prévenir le risque de réitération », que ce risque est largement illustré par ses conduites addictives anciennes de consommation de stupéfiants qui lui ont valu deux condamnations, ainsi que par d'autres condamnations précédentes des chefs de violences avec arme et dégradation du bien d'autrui prononcées en 2004 et en 2005, laissant penser qu'il peut s'agir de faits commis selon le même mode opératoire que celui au moyen de son véhicule Tiguan, et enfin par la condamnation intervenue le 12 février 2020 pour violences commises sur Mme [S] qui lui a valu d'être en récidive légale retenue par le jugement du 4 mai 2020.

17. En l'état de ces énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, dont il résulte qu'elle a apprécié le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété de l'intéressé au regard de la situation personnelle de ce dernier et de la gravité concrète des faits, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

18. Le grief ne peut qu'être écarté.

Sur le moyen pris en sa cinquième branche

19. Pour refuser de restituer son véhicule à M. [X], l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au paragraphe 16 de la présente décision.

20. En se déterminant ainsi, et dès lors qu'en application des dispositions combinées des articles 133-16 du code pénal et 769 du code de procédure pénale, la réhabilitation de plein droit d'une condamnation n'interdit pas à la juridiction de prendre en compte, lors de l'examen d'une demande de restitution d'un bien qui a servi à commettre les infractions, cet élément de personnalité figurant régulièrement au dossier de la procédure par sa mention au casier judiciaire, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

21. Dès lors le moyen n'est pas fondé.

22. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente mars deux mille vingt-deux.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

REHABILITATION - Réhabilitation de plein droit - Nouvelle condamnation - Demande de restitution - Condamnation réhabilitée figurant régulièrement sur le casier judiciaire - Nature - Élément de personnalité - Effet - Prise en compte possible

En application des dispositions combinées des articles 133-16 du code pénal et 769 du code de procédure pénale, la réhabilitation de plein droit d'une condamnation n'interdit pas à la juridiction de prendre en compte, lors de l'examen d'une demande de restitution d'un bien qui a servi à commettre les infractions, cet élément de personnalité figurant régulièrement au dossier de la procédure par sa mention au casier judiciaire


Références :

Sur le numéro 1 : Article 41-4 du code de procédure pénale.
Sur le numéro 2 : Article 133-16 du code pénal

article 769 du code de procédure pénale.

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, 31 mars 2021


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 30 mar. 2022, pourvoi n°21-82427, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle
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Composition du Tribunal
Président : M. Soulard
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 30/03/2022
Date de l'import : 26/04/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21-82427
Numéro NOR : JURITEXT000045470071 ?
Numéro d'affaire : 21-82427
Numéro de décision : C2200374
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2022-03-30;21.82427 ?
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