SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mars 2022
Rejet non spécialement motivé
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10264 F
Pourvoi n° J 20-22.789
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 MARS 2022
La société Figeac Aéro, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-22.789 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [L] [N], domicilié [Adresse 1],
2°/ au syndicat CGT du personnel de Figeac Aéro, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Figeac Aéro, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [N] et du syndicat CGT du personnel de Figeac Aéro, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Figeac Aéro aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Figeac Aéro et la condamne à payer à M. [N] et au syndicat CGT du personnel de Figeac Aéro la somme globale de 1 500 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Figeac Aéro
La société Figeac aéro FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à M. [N] la somme de 3 228,20 €, majorée de la somme de 322,82 € pour les congés payés y afférents, pour la période de mai 2011 à mai 2019, qui devra être majorée, à compter du 1er juin 2019 et jusqu'au jour du règlement, d'un montant calculé comme suit : nombre de jours travaillés x taux horaire brut applicable x 1/6, et de l'AVOIR condamnée à payer au syndicat CGT des personnes Figeac aéro la somme de 1 500 € à titre de dommages-et-intérêts,
1. ALORS QUE l'attribution d'une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage suppose cumulativement que le salarié soit astreint au port d'une tenue de travail et qu'il ait l'obligation de la revêtir et de l'enlever sur leur lieu de travail ; que le constat d'un risque en cas de contact cutané direct avec un produit ne suffit pas à établir la nécessité de réaliser des opérations d'habillage et de déshabillage dans l'entreprise, s'il n'est pas constaté, d'une part, que le contact avec une tâche sur un vêtement est dangereux, d'autre part, que le risque de souillure par ce produit est régulier ; qu'en l'espèce, s'agissant des produits utilisés, l'employeur soulignait qu'il avait mis en oeuvre plusieurs mesures pour éviter un contact cutané (stockage dans des petits contenants, remplis à l'aide de bidons équipés de robinets, distribution de certains produits par la personne en charge du magasin général spécialement formée, conditionnement en seringue des produits présentant un danger par contact cutané, port de gants adaptés en cas de nécessité) et que le document d'évaluation du risque chimique précisait ainsi que « le risque de contact cutané avec le corps était limité aux faits accidentels », de sorte que si les tenues de travail permettaient d'éviter un contact des produits avec la peau, c'était en cas d'événement indésirable qui serait de l'ordre de l'exceptionnel (tonneau qui se renverse) (conclusions d'appel, p. 12) ; qu'en se bornant à affirmer que le caractère dangereux de nombreux produits utilisés au sein de la société et la nécessité qui en découlait de ne pas sortir du lieu de travail avec la tenue de travail potentiellement souillée par ces produits, étaient établis, notamment par le document d'évaluation du risque chimique indiquant que le port de vêtements de travail lavés par une entreprise extérieure était une des mesures mises en oeuvre pour limiter le risque de contact cutané avec ces produits, sans constater que le contact avec une tâche d'un de ces produits sur un vêtement présentait un danger, ni rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'éventualité d'une souillure de la tenue de travail par des produits présentant un risque par contact cutané n'était pas exceptionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-3 du code du travail dans sa rédaction tant antérieure que postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
2. ALORS QUE l'attribution d'une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage suppose cumulativement que le salarié soit astreint au port d'une tenue de travail et qu'il ait l'obligation de la revêtir et de l'enlever sur leur lieu de travail ; que lorsque cette dernière obligation n'est pas imposée par l'employeur ou un texte applicable dans l'entreprise, le salarié doit justifier être personnellement et à titre habituel exposé à des conditions de travail telles qu'elles rendent indispensable, pour sa sécurité ou celle des autres, la réalisation des opérations d'habillage et de déshabillage dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé, par motifs propres, que le salarié décrivait ses fonctions d'opérateur de commande numérique comme impliquant, d'une part, la réalisation, à partir de programmes informatiques, de différentes opérations d'usinage (fraisage, perçage, alésage, taraudage) en soi salissantes et lui imposant d'effectuer des réglages à l'intérieur des machines où les humilies et fluides de coupe s'écoulaient des parois, des pièces et du plafond et étaient présentes sous forme de brouillard en suspension, d'autre part, la réalisation d'un entretien complet, toutes les deux semaines, de la machine, intérieur et extérieur, et de la maintenance de premier niveau impliquant la manipulation de diverses huiles de graissage hydraulique ainsi que du liquide de refroidissement, et qu'au poste de contrôleur dimensionnel, le salarié avait pour mission de vérifier à chaque étape du processus de fabrication la conformité des produits/pièces usinées dans le respect des exigences qualité, coût, délai et sécurité ; que la Cour d'appel a également énoncé que M. [N] indiquait sans être utilement contredit qu'il manipulait des pièces usinées et divers produits salissants voire dangereux, que le caractère salissant de cet environnement résultait d'une part des interventions de l'inspection du travail qui avait demandé dans un courrier du 17 juillet 2001 à la société de lui indiquer la contrepartie qu'elle allait mettre en oeuvre pour le temps d'habillage et de déshabillage des salariés puis, dans un courrier du 20 février 2012, avait rappelé que les tenues et équipements de protection individuels ayant été en contact avec des agents dangereux, ils ne devaient pas être rapportés au domicile afin d'éviter tout risque pour la santé des salariés, d'autre part du courrier du médecin du travail du 13 juillet 2012 précisant qu'il serait préférable d'éviter le retour à domicile avec les tenues de travail fournies et entretenues par l'entreprise, enfin, du courrier de l'inspecteur du travail du 26 janvier 2015 faisant suite à une visite de contrôle du 20 janvier précédent, indiquant avoir « constaté la présence de brouillards et de fumées importantes dans plusieurs ateliers d'usinage. En effet, les ateliers "grande dimension" B5 et B6 ne disposent d'aucun dispositif de recyclage de l'air pollué (
) alors que de nombreux produits toxiques (notamment des huiles de coupe) sont utilisés afin d'usiner des métaux tels que de l'aluminium ou du titane (
) dans l'atelier B6, les centres d'usinage ne disposent d'aucun système d'aération », ces brouillards d'huiles étant susceptibles de souiller la tenue du salarié, que les photographies produites dans les constats d'huissier montraient un état de salissure important des vêtements ; que par motifs adoptés des premiers juges, la Cour d'appel a retenu que le salarié était constamment en contact avec des produits du type huiles d'usinage ou fluide de coupe qui souillaient nécessairement la tenue de travail, que cette salissure imprégnait le vêtement de travail qui n'était plus adapté pour des raisons d'hygiène évidentes pour évoluer en ville à l'issue de la journée de travail, que ce constat ressortait des notes techniques afférentes aux normes de sécurité rappelant que les produits chimiques étaient omniprésents spécialement dans les ateliers d'assemblage, mais aussi des photographies des ateliers et machines versées au dossier, ainsi que des correspondances et instructions de l'inspection du travail qui décrivaient les conditions de travail imposant des normes d'hygiène dont en particulier la préconisation pour les agents de production de ne pas rapporter au domicile la tenue du travail ; qu'en statuant de la sorte, quand au surplus le tribunal correctionnel de Cahors, dans son jugement du 6 juillet 2017, avait souligné que les appréciations de l'inspecteur du travail relatives à la présence de brouillards et fumées dans sa lettre du 26 janvier 2015 ne se fondaient sur aucun relevé scientifique et que les valeurs limites d'exposition étaient respectées, la cour d'appel n'a pas caractérisé en quoi les produits utilisés par le salarié ou les brouillards et fumées dans son atelier souillaient régulièrement sa tenue de travail de tâches présentant un danger en cas de déshabillage à l'extérieur de l'entreprise ; qu'elle a donc entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 3121-3 du code du travail dans sa rédaction tant antérieure que postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
3. ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (V. notamment p. 12-13), l'employeur contestait tout usage de produits dangereux par le salarié ; qu'en affirmant que M. [N] indiquait sans être utilement contredit qu'il manipulait dans le cadre de ses fonctions divers produits salissants voire dangereux, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'employeur en violation du principe susvisé et de l'article 4 du code de procédure civile ;
4. ALORS en outre QUE lorsque l'obligation de procéder aux opérations d'habillage et de déshabillage n'est pas imposée par l'employeur ou un texte applicable dans l'entreprise, le salarié ne peut prétendre à une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage que s'il justifie être personnellement et à titre habituel exposé à des conditions de travail telles qu'elles rendent indispensable, pour sa sécurité ou celle des autres, la réalisation de ces opérations dans l'entreprise ; que le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas reconnaissance de ce fait ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que l'employeur ne contestait pas le descriptif précis des fonctions par le salarié sur le poste d'opérateur de commande numérique, à savoir, d'une part, la réalisation, à partir de programmes informatiques, de différentes opérations d'usinage (fraisage, perçage, alésage, taraudage) en soi salissantes et lui imposant d'effectuer des réglages à l'intérieur des machines où les humilies et fluides de coupe s'écoulaient des parois, des pièces et du plafond et étaient présentes sous forme de brouillard en suspension, d'autre part, la réalisation d'un entretien complet, toutes les deux semaines, de la machine, intérieur et extérieur, et de la maintenance de premier niveau impliquant la manipulation de diverses huiles de graissage hydraulique ainsi que du liquide de refroidissement, et que M. [N] indiquait sans être utilement contredit qu'il manipulait dans le cadre de ses fonctions des pièces usinées et divers produits salissants voire dangereux, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;
5. ALORS QUE l'obligation des salariés de procéder aux opérations d'habillage et de déshabillage sur le lieu de travail ne peut être déduite ni de la présence de vestiaires et casiers, imposée par l'article R. 4228-1 du code du travail, ni de la prise en charge de l'entretien par l'employeur des tenues de travail, obligatoire lorsqu'il impose le port d'une tenue de travail ; qu'en fondant sa décision sur la présence de vestiaires et casiers et sur la prestation de nettoyage mise en place par l'employeur, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-3 du code du travail dans sa rédaction tant antérieure que postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
6. ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige, tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, en affirmant que le port obligatoire de chaussures de sécurité imposait de plus fort la nécessité d'un habillage et d'un déshabillage dans l'entreprise compte tenu de l'inconfort particulier de ce type de chaussures et de leur usage inadapté à la conduite automobile, quand le salarié ne se fondait aucunement sur le port de chaussures de sécurité pour justifier de l'obligation de s'habiller et de se déshabiller dans l'entreprise, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
7. ALORS QUE lorsque l'obligation de procéder aux opérations d'habillage et de déshabillage n'est pas imposée par l'employeur ou un texte applicable dans l'entreprise, le salarié ne peut prétendre à une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage que s'il justifie être personnellement et à titre habituel exposé à des conditions de travail telles qu'elles rendent indispensable, pour sa sécurité ou celle des autres, la réalisation de ces opérations dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait qu'il résultait des relevés de nettoyage que pour l'année 2017, les trois blouses blanches fournies au salarié avaient été lavées 14 fois et les trois pantalons 8 fois, ce qui démontrait qu'il ne changeait pas de tenue tous les jours et donc qu'il ne les considérait pas dans un état de salissure suffisant (conclusions d'appel, p. 10 ; prod. 12) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-3 du code du travail dans sa rédaction tant antérieure que postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.