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09/03/2022 | FRANCE | N°21-82580

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 mars 2022, 21-82580


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° V 21-82.580 F-B

N° 00287

ECF
9 MARS 2022

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 MARS 2022

M. [H] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 6 avril 2021, qui, pour vol aggravé, l'a condamné à six mois d'

emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° V 21-82.580 F-B

N° 00287

ECF
9 MARS 2022

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 MARS 2022

M. [H] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 6 avril 2021, qui, pour vol aggravé, l'a condamné à six mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [H] [P], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement du 8 décembre 2020, le tribunal correctionnel, après avoir rejeté des exceptions de nullité, a condamné M. [H] [P] pour vols, la récidive étant retenue à l'égard du plus ancien de ces délits, à huit mois d'emprisonnement, a ordonné la révocation du sursis prononcé par jugement du 2 mai 2019 par le tribunal correctionnel de Paris et a statué sur les intérêts civils.

3. M. [P] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du procès-verbal de comparution immédiate, alors :

« 1°/ qu'en vertu de l'article 393 du code de procédure pénale, en cas de procédure de comparution immédiate, l'avocat ou la personne déférée lorsqu'elle n'est pas assistée par un avocat peut consulter sur-le-champ le dossier ; qu'en l'espèce, le prévenu a soulevé la nullité du procès-verbal de comparution immédiate pour défaut de consultation effective du dossier dès lors qu'il avait été remis à son conseil sous forme d'un CD-ROM sans mise à disposition du matériel adéquat pour le consulter ; qu'en rejetant ce moyen de nullité, au motif qu'aucune obligation légale ne prévoit que le conseil du prévenu puisse disposer d'un moyen de lecture du CD-ROM fourni par l'autorité judiciaire, sans rechercher si cette mise à disposition n'est pas rendue nécessaire dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles préliminaire et 393 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'il ressort de la procédure que le procureur de la République a refusé d'entendre les observations présentées par le conseil de M. [P] lors d'une premier entretien auquel il a mis fin unilatéralement puis a décidé de le déférer lors d'un second entretien, sans la présence de son avocat qui a été prévenu tardivement et sans qu'il ait donc la possibilité de faire ses observations sur les éventuelles irrégularités du dossier et sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes d'enquête ; que ce faisant, la procédure est entachée de nullité au regard des articles préliminaire et 393 du code de procédure pénale, et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme et 393 du code de procédure pénale :

5. Selon le premier de ces textes, toute personne poursuivie a le droit de disposer du temps et des facultés nécessaires à la préparation de sa défense.

6. Il résulte du second que, lorsque une personne est déférée devant le procureur de la République, en vue de sa comparution devant le tribunal correctionnel, selon la procédure de la comparution immédiate ou de la comparution différée, son avocat, ou la personne déférée elle-même, lorsqu'elle n'est pas assistée par un avocat, peut consulter sur le champ le dossier.

7. Pour répondre à l'exception de nullité de la comparution immédiate, soulevée par le prévenu au motif que, lors de son déferrement, son avocat n'avait pu consulter de manière effective le dossier de la procédure, qui lui avait été remis sous la forme d'un CD-ROM, sans mise à disposition d'un matériel permettant de le consulter, la cour d'appel énonce qu'aucune disposition légale ne prévoit la mise à disposition, par l'autorité judiciaire, d'un tel matériel au conseil du prévenu, lors d'un déferrement en vue d'une comparution immédiate.

8. En prononçant ainsi, alors que la libre consultation du dossier de la procédure implique la mise à disposition, de la personne déférée et de son avocat, du matériel nécessaire à sa lecture effective, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la procédure d'appel, alors :

« 1°/ que toute personne suspectée ou poursuivie et qui ne comprend pas la langue française a droit, dans une langue qu'elle comprend et jusqu'au terme de la procédure, à l'assistance d'un interprète et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès ; qu'en l'espèce, en rejetant la demande de nullité du recours à la visioconférence pour l'audience devant la cour, tirée d'une absence de traduction de l'avis d'audience prévoyant ce recours, au motif que cet avis d'audience n'est pas visé par l'article D. 594-6 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé les articles préliminaire, 706-71 et 803-5 du code de procédure pénale, et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'en rejetant la demande de nullité du recours à la visioconférence pour l'audience devant la cour, tirée d'une absence de traduction de l'avis d'audience, au motif inopérant que l'avocat du prévenu avait été informé du recours à la visioconférence, la cour d'appel a violé les articles préliminaire, 706-71 et 803-5 du code de procédure pénale, et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles préliminaire et 706-71 du code de procédure pénale :

10. Selon le premier de ces textes, la personne poursuivie, si elle ne comprend pas la langue française, a droit, dans une langue qu'elle comprend, à l'assistance d'un interprète, et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense.

11. Il résulte du second qu'avec l'accord du prévenu, la comparution de celui-ci devant le tribunal correctionnel peut avoir lieu par télécommunication audiovisuelle.

12. Pour écarter le moyen de nullité, tiré de l'absence de traduction de l'avis informant le prévenu que sa comparution devant la cour d'appel aurait lieu par le recours à la visioconférence, l'arrêt attaqué énonce que, cet avis n'étant pas visé par les 1° à 4° de l'article D. 594-6 du code de procédure pénale, sa traduction écrite ou par le biais d'un interprète n'est pas obligatoire.

13. Les juges ajoutent qu'à titre surabondant, ils constatent que plus d'un mois avant la transmission de l'avis d'audience au prévenu, son avocat a été informé par le parquet général qu'il comparaîtrait par visioconférence, qu'ainsi les droits de M. [P] ont été préservés, l'avocat ayant pu faire toutes observations sur le recours à la visioconférence avant l'audience, de sorte que le prévenu ne peut se prévaloir d'un grief tiré de l'absence de traduction écrite ou de notification par le biais d'un interprète.

14. En prononçant ainsi, alors que, si l'avis sollicitant l'accord du prévenu pour comparaître devant la juridiction de jugement par visioconférence à l'occasion de son jugement sur le fond ne figure pas à l'énumération des paragraphes 1° à 4° de l'article D. 594-6 du code de procédure pénale, il n'en constitue pas moins une pièce essentielle à la garantie du caractère équitable du procès, ce qui impose sa traduction, lorsque le prévenu ne comprend pas le français, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés.

15. La cassation est par conséquent à nouveau encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles en date du 6 avril 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf mars deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-82580
Date de la décision : 09/03/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DROITS DE LA DEFENSE - Droits de la personne suspectée ou poursuivie - Traduction des pièces essentielles - Domaine d'application - Avis sollicitant l'accord du prévenu pour comparaître par visioconférence

Si l'avis sollicitant l'accord du prévenu pour comparaître par visioconférence à l'occasion de son jugement n'est pas visé par l'article D. 594-6 du code de procédure pénale, il n'en constitue pas moins une pièce essentielle à la garantie du caractère équitable du procès, ce qui impose sa traduction au cas où le prévenu ne comprend pas le français


Références :

Sur le numéro 1 : Article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme

article 393 du code de procédure pénale.
Sur le numéro 2 : Articles préliminaire, 706-71 et D. 594-6 du code de procédure pénale.

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 06 avril 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 mar. 2022, pourvoi n°21-82580, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.82580
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