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29/09/2021 | FRANCE | N°20-14611

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 septembre 2021, 20-14611


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 septembre 2021

Rejet

Mme AUROY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 569 F-B

Pourvoi n° V 20-14.611

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2021

1°/ M. [S] [C],
r>2°/ Mme [W] [I],

3°/ Mme [J] [C],

domiciliés tous trois [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° V 20-14.611 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2019 ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 septembre 2021

Rejet

Mme AUROY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 569 F-B

Pourvoi n° V 20-14.611

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2021

1°/ M. [S] [C],

2°/ Mme [W] [I],

3°/ Mme [J] [C],

domiciliés tous trois [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° V 20-14.611 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige les opposant :

1°/ à la commune de [Localité 3] représentée par son maire en exercice, domicilié [Adresse 3],

2°/ à l'établissement public de santé Alsace Nord, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à l'Agent judiciaire de l'Etat, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La commune de [Localité 3] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation, également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S] [C], de Mme [W] [I] et de Mme [J] [C], de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la commune de [Localité 3], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat, après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2019), le 27 mai 2014, le maire de la commune de [Localité 3] a, au motif d'un danger imminent pour la sûreté des personnes, décidé, sur le fondement de l'article L. 3213-2 du code de santé publique, de mesures provisoires à l'égard M. [C], prenant la forme d'une hospitalisation au sein de l'établissement public de santé Alsace Nord. Le représentant de l'Etat dans le département a, sur le fondement de l'article L. 3213-1 du même code, pris, le 28 mai, une décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, mesure qu'il a maintenue le 2 juin avant d'y mettre fin le 20 juin.

2. Contestant la régularité des décisions administratives, M. [C], sa compagne, Mme [I], et sa fille, Mme [J] [C] (les consorts [C]) ont assigné en responsabilité la commune, l'Etat et l'établissement public de santé sur le fondement de l'article L. 3216-1 du code la santé publique.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. Les consorts [C] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation des arrêtés préfectoraux des 28 mai et 2 juin 2014 ordonnant l'hospitalisation d'office de M. [C] ainsi que leurs demandes de réparation des préjudices subis, alors « que l'arrêté d'hospitalisation d'office doit être motivé et constater que les troubles mentaux de l'intéressé compromettaient la sûreté des personnes ou portaient gravement atteinte à l'ordre public ; que les exposants faisaient valoir que l'arrêté du 28 mai 2014 du préfet n'était pas motivé, le certificat médical du 27 mai 2014 du docteur [B] n'y étant pas annexé, et ce certificat n'étant ni motivé ni circonstancié ;qu'en se bornant à relever que l'arrêté préfectoral s'appropriait les termes du certificat médical du docteur [B], dont il était précisé qu'il était joint à la décision, sans vérifier ni la réalité de cette annexion ni la constatation par l'arrêté du préfet que les troubles mentaux de l'intéressé compromettaient la sûreté des personnes ou portaient gravement atteinte à l'ordre public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 3213-1, alinéa 1er, du code de la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'admission en soins nécessaire.

6. Si la décision peut satisfaire à l'exigence de motivation en se référant au certificat médical circonstancié, à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre ce certificat à la décision, elle doit également mettre en évidence que les troubles mentaux dont est atteint l'individu compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public.

7. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, d'une part, que l'arrêté préfectoral du 28 mai 2014 vise deux certificats médicaux dont il déclare s'approprier leur contenu tout en précisant que le premier est joint et le second conclut à la dangerosité de M. [C], celui-ci souffrant d'un délire paranoïaque et de persécuteurs clairement désignés, d'autre part, que, selon les termes même des certificats médicaux et de l'arrêté que les troubles mentaux dont souffre l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes.

8. De ces constatations, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a pu en déduire que la décision prise par le représentant de l'Etat était suffisamment motivée, justifiant légalement sa décision.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

9. Les consorts [C] font le même grief à l'arrêt, alors « que les exposants objectaient que ni l'arrêté préfectoral initial ni celui ordonnant la prolongation de l'hospitalisation d'office n'avaient été précédés d'une procédure contradictoire, permettant à l'intéressé de faire valoir ses observations ; qu'en se bornant à relever les mentions du certificat médical de 24 heures pour considérer que l'exposant avait pu s'expliquer et faire valoir son point de vue devant le médecin avant que la décision préfectorale ne fut prise, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les autorités hospitalière et préfectorale l'avaient entendu en ses observations avant les deux arrêtés, initial et de prolongation, d'hospitalisation forcée, la cour d'appel n'a conféré à sa décision aucune base légale au regard des articles L. 3213-1 et L. 3211-3 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article L. 3211-3, alinéa 2, du code de la santé publique, avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.

11. L'arrêt relève, d'une part, que le certificat de 24 heures, établi le 28 mai 2014, indique que, lors de l'entretien avec le patient, celui-ci a présenté un sens tenace et combatif de ses propres droits légitimes, estimant que les soins proposés étaient abusifs et non nécessaires, et souhaitant sortir le plus rapidement possible afin de poursuivre ses démarches judiciaires, d'autre part, que, le 30 mai, un médecin a informé le patient de la forme de sa prise en charge, ainsi que de ses droits, voies de recours et garanties, les observations de l'intéressé ayant été recueillies.

12. De ces constatations, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si la procédure contradictoire préalable susvisée avait été respectée avant la décision d'admission, à laquelle elle n'est pas applicable, a pu en déduire que M. [C] avait été informé du projet de maintien des soins et mis à même de faire valoir ses observations.

13. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision de ce chef.

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

14. La commune de [Localité 3] fait grief à l'arrêt d'annuler l'arrêté municipal du 27 mai 2014 et de la condamner à payer aux consorts [C] diverses sommes en réparation de leurs préjudices, ainsi qu'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'il appartient au maire, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, de prendre toutes les mesures provisoires nécessaires à l'égard des personnes dont le comportement relève des troubles mentaux manifestes ;qu'est suffisamment motivé à cet égard l'arrêté du maire qui, visant le certificat médical établi par un expert psychiatre, ordonne le placement provisoire d'urgence d'une personne dans un centre hospitalier en constatant que l'état mental et le comportement de cette personne constituent un danger pour elle-même et son entourage en compromettant leur sûreté et dont cet état nécessite, en conséquence, des soins psychiatriques dans un établissement spécialisé ; qu'en ayant jugé du contraire la cour d'appel a violé l'article L 3213-2 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

15. Selon l'article L. 3213-2 du code de la santé publique, lorsqu'en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire, ou, à [Localité 2], le commissaire de police, décident des mesures provisoires nécessaires à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes.

16. Selon l'article L. 211-2, 1°, du code des relations entre le public et l'administration, doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police.

17. Selon l'article L. 211-5 du même code, la motivation ainsi exigée doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

18. Selon l'article L. 211-6, lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une décision soit motivée, le défaut de motivation n'entache pas d'illégalité cette décision.

19. Il résulte de ces dispositions que le maire ou, à [Localité 2], le commissaire de police, lorsqu'il prononce une mesure d'hospitalisation d'office à titre provisoire, doit indiquer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure, sauf urgence absolue l'en ayant empêché, et que, s'il peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant à un avis médical, c'est à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre cet avis à la décision.

20. Ayant relevé, d'une part, que l'arrêté municipal du 27 mai 2014 ne mentionnait pas le moindre élément, laissant à penser que M. [C] était dangereux, d'autre part, que s'il visait le certificat d'un expert psychiatre, il ne précisait pas s'en approprier le contenu et n'indiquait pas que l'avis de ce praticien était joint à la décision, la cour d'appel a pu en déduire qu'il était insuffisamment motivé, et partant, irrégulier.

21. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [S] [C], Mme [W] [I] et Mme [J] [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [S] [C], Mme [W] [I] et Mme [J] [C], demandeurs au pourvoi principal.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes d'annulation des arrêtés préfectoraux des 28 mai et le 2 juin 2014 ordonnant l'hospitalisation d'office d'un agent technique de l'ONF (M. [C], exposant) et en réparation du préjudice subi par l'intéressé et sa famille (Mme [I] et Mme [C], également exposantes) ;

AUX MOTIFS QUE la nullité de la décision provisoire du maire de la commune n'entraînait pas automatiquement celle de la décision du préfet car la première n'était pas un préalable nécessaire à la seconde ; qu'à la différence de l'arrêté du maire, l'arrêté préfectoral s'appropriait les termes du certificat médical du docteur [B], dont il était précisé qu'il était joint à la décision ; qu'il visait pour information un deuxième certificat médical dit de 24 heures du 28 mai 2014, établi par le docteur [P], psychiatre à l'Etablissement public de Santé Alsace Nord de [Localité 1], lequel précisait que l'examen du docteur [B] s'était fait pendant la garde à vue du patient dans une enquête pour des menaces de mort à l'encontre de son employeur et notait un antécédent d'hospitalisation psychiatrique en 2006 pour trouble dépressif dans un contexte de maladie somatique et problèmes professionnels ; que, comme l'avaient pertinemment relevé les premiers juges, aucun motif de nullité du certificat de 24 heures ne pouvait résider dans le fait que le docteur [P] avait signé deux fois un certificat médical inchangé, sauf sur le numéro de l'article du code de la santé publique mentionné, qui était erroné sur un des deux exemplaires L 3213-5 au lieu de L 3215-1, une telle erreur de pure forme étant en tout état de cause insusceptible d'affecter la validité du certificat ; que l'expertise de M. [C] faite par le docteur [B], le 27 mai 2014, concluait à la dangerosité de l'intéressé qui souffrait d'un délire paranoïaque et de persécuteurs clairement désignés ; qu'au vu de l'ensemble des éléments précités, l'arrêté préfectoral critiqué apparaissait régulier ; que le certificat du docteur [P] faisait état du discours de M. [C] lors de l'entretien qu'ils avaient eu ensemble ; qu'il était même précisé que l'intéressé présentait un sens tenace et combatif de ses propres droits légitimes, qu'il estimait les soins proposés comme non nécessaires et abusifs, qu'il souhaitait sortir le plus rapidement possible afin de poursuivre ses démarches judiciaires ; que M. [C] avait pu ainsi s'expliquer et faire valoir son point de vue devant le médecin avant que la décision préfectorale ne fut prise ; que toutefois cette décision n'avait pu lui être notifiée par courrier interne que le 3 juin 2014, étant précisé que l'intéressé avait refusé de signer l'acte, au motif que la date indiquée n'était pas correcte, quand bien-même rien ne l'empêchait de mentionner à côté de sa signature la date exacte si celle indiquée ne l'était pas ; qu'eu égard aux circonstances de temps (week-end de l'Ascension) et compte tenu de l'absence de délai impératif pour la notification, il devait être considéré que cette notification avait été faite dans les meilleurs délais et n'était pas tardive ; qu'il avait été procédé, le 30 mai 2014, à l'examen des 72 heures par le docteur [F], praticien hospitalier, qui avait auditionné le patient et constaté la persistance des troubles initiaux, une psychorigidité, une fausseté du jugement, un raisonnement paralogique et des éléments projectifs, justifiant le maintien des soins psychiatriques sans consentement avec prise en charge sous forme d'hospitalisation complète ; qu'au vu de ce certificat, le préfet avait, le 2 juin 2014, arrêté que les soins de M. [C] se poursuivraient, la décision mentionnant les voies de recours, ce que l'intéressé ne pouvait sérieusement contester puisqu'il avait précisément saisi le juge des libertés et de la détention, le même jour et faisait le choix d'un avocat personnel en la personne de Me [V] [M] ; que, le 6 juin 2014, le juge des libertés et de la détention avait rejeté le recours de l'intéressé mais que, le 19 juin 2014, le docteur [N], qui avait examiné à nouveau celui-ci, avait noté une certaine évolution positive sur le plan clinique dans son discours, M. [C] manifestant une certaine ouverture d'esprit, acceptant le dialogue et n'excluant pas les incertitudes ; qu'il avait été constaté qu'il ne tenait plus aucun propos haineux ou rancunier envers sa direction avec laquelle il était en procès depuis des années, qu'il niait avoir proféré des menaces de mort envers l'un de ses employeurs ; que ce praticien concluait que M. [C] présentait des troubles de la personnalité qui pouvaient bénéficier d'un suivi psychiatrique régulier et ambulatoire, d'où la levée proposée de l'hospitalisation sous contrainte, ce que le préfet avait décidé par arrêté du 20 juin 2014 ; que M. [C] s'était ensuite désisté de son appel contre la décision du juge des libertés et de la détention ; qu'en définitive, seule la période correspondant à la privation de liberté résultant de l'arrêté municipal annulé n'était pas justifiée ; que les appelants ne justifiaient d'aucun grief à l'encontre de l'Etablissement public de santé Alsace Nord ; qu'ils devaient être déboutés de leurs demandes dirigées contre lui et contre l'agent judiciaire de l'Etat ;

ALORS QUE, d'une part, l'arrêté d'hospitalisation d'office doit être motivé et constater que les troubles mentaux de l'intéressé compromettaient la sûreté des personnes ou portaient gravement atteinte à l'ordre public ; que les exposants faisaient valoir (v. leurs concl., pp. 10 et 11) que l'arrêté du 28 mai 2014 du préfet n'était pas motivé, le certificat médical du 27 mai 2014 du Dr [B] n'y étant pas annexé, et ce certificat n'étant ni motivé ni circonstancié ; qu'en se bornant à relever que l'arrêté préfectoral s'appropriait les termes du certificat médical du docteur [B], dont il était précisé qu'il était joint à la décision, sans vérifier ni la réalité de cette annexion ni la constatation par l'arrêté du préfet que les troubles mentaux de l'intéressé compromettaient la sûreté des personnes ou portaient gravement atteinte à l'ordre public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique ;

ALORS QUE, d'autre part, les exposants objectaient (v. leurs concl., pp. 11-13) que ni l'arrêté préfectoral initial ni celui ordonnant la prolongation de l'hospitalisation d'office n'avaient été précédés d'une procédure contradictoire, permettant à l'intéressé de faire valoir ses observations ; qu'en se bornant à relever les mentions du certificat médical de 24 heures pour considérer que l'exposant avait pu s'expliquer et faire valoir son point de vue devant le médecin avant que la décision préfectorale ne fut prise, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les autorités hospitalière et préfectorale l'avaient entendu en ses observations avant les deux arrêtés, initial et de prolongation, d'hospitalisation forcée, la cour d'appel n'a conféré à sa décision aucune base légale au regard des articles L. 3213-1 et L. 3211-3 du code de la santé publique ;

ALORS QUE, enfin, les exposants demandaient la condamnation de l'établissement public de santé, solidairement avec l'agent judiciaire de l'Etat, à leur payer des dommages et intérêts pour défaut d'information sur les raisons de l'internement ainsi que la notification tardive des droits et voies de recours ; qu'en retenant qu'ils ne justifiaient d'aucun grief à l'encontre de l'établissement public, la cour d'appel a dénaturé leurs conclusions en violation de l'article 4 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la commune de [Localité 3], demanderesse au pourvoi incident.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé l'arrêt municipal du 27 mai 2014 et condamné la commune de [Localité 3] à payer :

- à M. [S] [C], 500 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice d'atteinte à sa liberté d'aller et de venir et 500 euros pour le préjudice découlant des conditions de l'internement du 23 au 24 mars 2014 ;

- à Mmes [W] [I] et [J] [C], la somme de 150 euros chacune, à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral ;

- aux consorts [C] ensemble la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « considérant que l'article L. 3213-2 du CSP visé par le maire de [Localité 3], prévoit, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, une procédure d'urgence l'autorisant aÌ prononcer l'admission en soins des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux ; que cette mesure provisoire, d'une durée maximale de 48 heures, devient caduque si, avant l'expiration de ce délai, le préfet, dûment informé, ne la confirme pas en prenant à son tour un arrêté d'admission en soins ;

Considérant qu'il appartient au maire d'indiquer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure, sauf lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une telle décision soit motivée ; que si elle peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant a avis médical, c'est à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre cet avis à la décision ;

Considérant que l'arrêté litigieux du 27 mai 2014 ne mentionne pas le moindre élément de fait de nature à donner à penser que M. [C] est dangereux ; que s'il vise le certificat médical du docteur [H] [B], expert psychiatre, il ne précise pas s'en approprier le contenu et il n'est pas indiqué que l'avis de ce praticien est joint à la décision du maire ;

Considérant encore que, le 5 juin 2014, le maire, M. [Y], a délivré une attestation sur l'honneur selon laquelle M. [C], arrivé en 2005 aÌ la maison forestière de [Localité 3], n'avait pas eu de problème ou d'altercation avec les citoyens du village, ni avec lui et qu'il considérait que M. [C] avait toujours fait son travail à la commune pour les travaux de bois et de rémanents ;

Considérant que le même jour, ce maire a pris un nouvel arrêté de retrait du premier au motif d'une erreur manifeste d'appréciation des motifs du placement provisoire ; qu'ainsi, de son propre aveu, les conditions exigées pour un placement provisoire n'étaient pas réunies ;

Considérant qu'au vu de ces éléments, l'arrêté critiqué, qui se borne à affirmer que l'intéressé est dangereux pour lui-même ou/et pour son entourage, que l'état mental et le comportement de cette personne constituent un danger pour lui-même, sa famille et son entourage en compromettant la sûreté des personnes, nécessitent des soins psychiatriques dans un établissement spécialisé, doit être annulé pour insuffisance de motivation ;

Considérant en conséquence que M. [C] a été irrégulièrement privé de sa liberté du 27 au 28 mai ; »
(arrêt, p. 7 et 8)

ALORS QU'il appartient au maire, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, de prendre toutes les mesures provisoires nécessaires à l'égard des personnes dont le comportement relève des troubles mentaux manifestes ; qu'est suffisamment motivé à cet égard l'arrêté du maire qui, visant le certificat médical établi par un expert psychiatre, ordonne le placement provisoire d'urgence d'une personne dans un centre hospitalier en constatant que l'état mental et le comportement de cette personne constituent un danger pour elle-même et son entourage en compromettant leur sûreté et dont cet état nécessite, en conséquence, des soins psychiatriques dans un établissement spécialisé ; qu'en ayant jugé du contraire la cour d'appel a violé l'article L 3213-2 du code de la santé publique.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-14611
Date de la décision : 29/09/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat - Troubles mentaux compromettant la sûreté des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public - Caractérisation - Nécessité

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat - Formalisme - Conditions - Détermination SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat - Procédure contradictoire (non)

Si la décision d'admission en soins psychiatriques prononcée par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique peut satisfaire à l'exigence de motivation en se référant au certificat médical circonstancié, à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre ce certificat à la décision, elle doit également mettre en évidence que les troubles mentaux dont est atteint l'individu compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public. La procédure contradictoire préalable prévue à l'article L. 3211-3, alinéa 2, du code de la santé publique, n'est pas applicable à la décision d'admission en soins psychiatriques. Le maire ou, à Paris, le commissaire de police, lorsqu'ils prononcent une mesure d'hospitalisation d'office à titre provisoire sur le fondement de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique, doivent indiquer dans leur décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure, sauf urgence absolue les en ayant empêché, et, s'ils peuvent satisfaire à cette exigence de motivation en se référant à un avis médical, c'est à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre cet avis à la décision


Références :

Article L. 3213-1, L. 3211-3, alinéa 2, L. 3213-2 du code de la santé publique.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 novembre 2019

A rapprocher : 1re Civ., 28 mai 2015, pourvoi n° 14-15686, Bull. 2015, I, n° 124 (rejet) ;

1re Civ., 10 février 2021, pourvoi n° 19-25224, Bull. 2021, (rejet) ;


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 29 sep. 2021, pourvoi n°20-14611, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Auroy (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.14611
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