LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 juin 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 488 FS-P
Pourvoi n° G 19-16.045
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUIN 2021
1°/ M. [U] [Q],
2°/ Mme [G] [A], épouse [Q],
domiciliés tous deux, [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° G 19-16.045 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2019 par la cour d'appel de [Localité 1] (pôle 4, chambre 4), dans le litige les opposant à l'établissement [Localité 1] Habitat-OPH, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [Q], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de l'établissement [Localité 1] Habitat-OPH, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Barbieri, Jessel, David, Jobert, conseillers, MM. Béghin, Jariel, Mme Aldigé, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mars 2019), M. et Mme [Q], locataires d'un logement appartenant à [Localité 1] Habitat-OPH, l'ont assigné en remboursement d'un supplément de loyer de solidarité payé depuis l'année 2009 et en annulation d'un commandement de payer un arriéré locatif leur ayant été signifié le 19 janvier 2016. Le bailleur a reconventionnellement demandé paiement d'un arriéré locatif.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. M. et Mme [Q] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes et de les condamner à payer un arriéré locatif, alors :
« 1°/ que selon les articles L. 441-3 et L. 441-4 du code de la construction et de l'habitation, le supplément de loyer de solidarité en sus du loyer principal et des charges locatives est calculé au regard « des ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer » ; qu'également, l'article 4 de l'arrêté du 29 juillet 1987 aux plafonds de ressources des bénéficiaires de la législation sur les habitations à loyer modéré prévoit que « le montant des ressources à prendre en considération (?) correspond à la somme des revenus fiscaux de référence (?) figurant sur les avis d'imposition de chaque personne composant le ménage », le ménage devant être entendu dans son acception de cellule économique et familiale ; qu'il en résulte, nonobstant les dispositions indicatives figurant à l'article L. 442-12 pour déterminer les personnes vivant au foyer, que le preneur d'un appartement à loyer modéré, est toujours recevable à rapporter la preuve des personnes vivant à son foyer et de leurs ressources ; qu'en refusant ce droit à M. et Mme [Q] au motif que leur fille de plus de 25 ans, dont elle reconnaissait pourtant qu'elle vivait au foyer et était « à la charge matérielle de ses parents », ne figurait plus sur leur déclaration de revenu, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles L. 441-3 et L. 441-4 du Code de l'habitation et de l'habitation ainsi que celles de l'arrêté du 29 juillet 1987 ;
2°/ que l'article L. 442-12 du code de la construction et de l'habitation permet aux personnes figurant sur les avis d'imposition du ou des titulaires du bail d'être considérées comme personnes vivant au foyer ; qu'en affirmant que ce texte ne visait que les avis d'imposition sur le revenu à l'exclusion notamment des avis de taxe d'habitation, la cour d'appel a ajouté au texte une condition qu'il ne contient pas ; que ce faisant, elle a violé les dispositions de l'article L. 442-12 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
3. Selon l'article L. 442-12 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 27 janvier 2017, sont considérées comme personnes vivant au foyer au titre des articles L. 441-1 et L. 441-4 le ou les titulaires du bail, les personnes figurant sur les avis d'imposition du ou des titulaires du bail, le concubin notoire du titulaire du bail, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité au titulaire du bail et les personnes réputées à charge au sens des articles 194, 196, 196 A bis et 196 B du code général des impôts.
4. La liste des personnes assimilées à des personnes vivant au foyer présente un caractère limitatif.
5. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'avis de taxe d'habitation ne peut être assimilé à l'avis d'imposition qui, lui seul, concerne les revenus, lesquels constituent la base de calcul du supplément de loyer.
6. Elle en a exactement déduit que Mme [V] [Q], enfant majeur ne figurant plus sur l'avis d'imposition de ses parents, quoique matériellement à leur charge, ne pouvait être assimilée à une personne vivant au foyer, au sens du texte précité, de sorte que les demandes de M. et Mme [Q] devaient être rejetées.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [Q] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [Q].
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux [Q] de leurs demandes et de les avoir condamnés à payer à [Localité 1] Habitat-OPH la somme de 18.028,38 ? au titre de l'arriéré locatif arrêté au 21 novembre 2018 ;
AUX MOTIFS QUE « Il est constant et reconnu par les époux [Q] que leur fille [V], aujourd'hui âgée de 37 ans, ne figure plus sur leur avis d'imposition sur le revenu.
M. et Mme [Q] évoquent la notion d' "avis imposition sur la taxe d'habitation" qui n'existe pas en droit fiscal, l'administration utilisant d'ailleurs dans les attestations produites la terminologie d' "avis de taxe d'habitation".
Il en résulte que l'avis de taxe d'habitation ne peut être assimilé à l'avis d'imposition qui, lui seul, concerne les revenus lesquels constituent la base de calcul du supplément de loyer.
Au demeurant, ils s'abstiennent de produire les avis de taxe d'habitation puisqu'ils admettent que leur fille n'y figure pas de sorte que, à supposer que l'avis de taxe d'habitation puisse être assimilé à l'avis d'imposition, le deuxième des critères de l'article susvisé ne serait néanmoins pas rempli.
M. et Mme [Q] considèrent néanmoins qu'elle doit être considérée comme une personne vivant au foyer au prétexte que l'administration fiscale a attesté en 2012 et 2016 que :
"[V] [Q] est bien prise en compte fiscalement dans la base de calcul de la taxe d'habitation de ses parents. Toutefois, puisque pour ce calcul, elle est rattachée fiscalement à ses parents et qu'elle n'augmente pas le montant de ladite taxe, son nom ne peut apparaître sur l'avis de taxe d'habitation reçu par ses parents"
Outre le fait que le sens de cette phrase reste obscur, cette indication est contraire à l'article 1411 III du code général des impôts selon lequel, pour la détermination de l'assiette de la taxe d'habitation, sont considérés comme personnes à la charge du contribuable : ses enfants ou les enfants qu'il a recueillis lorsqu'ils répondent à la définition donnée pour le calcul de l'impôt sur le revenu.
Or, l'article 6 du même code indique que chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérées comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196Abis.
Il précise que toute personne de moins de 21 ans ou de moins de 25 ans lorsqu'elle poursuit ses études ou, quel que soit son âge lorsqu'elle effectue son service militaire ou est atteinte d'une infirmité, peut demander le rattachement au foyer fiscal dont elle faisait partie avant sa majorité.
Il résulte de ces textes que lorsqu'un enfant majeur ne figure plus sur l'avis d'imposition de ses parents, parce qu'il ne peut plus prétendre être rattaché à leur foyer fiscal en raison de son âge et qu'il n'est pas, par ailleurs, infirme ou titulaire d'une carte portant la mention invalide au sens des articles 196 et 196Abis, il ne peut plus être considéré comme étant fiscalement une personne à charge de sorte qu'il n'ouvre plus droit à abattement au titre de la taxe d'habitation.
En conséquence, [V] [Q], quoique à la charge matérielle de ses parents, ne peut être assimilée à "une personne vivant au foyer" au sens de l'article L. 442-12 du Code de la construction et de l'habitation.
Enfin, aucune conséquence ne peut être tirée du fait que le nom de [V] [Q] figure dans la demande de renseignement pré-remplie sur les personnes vivant dans le logement puisqu'il est constant qu'elle était auparavant considérée par le bailleur, à tort ou à raison, comme entrant dans cette catégorie, le formulaire n'étant pas ensuite actualisé.
De la même façon, la prise en compte de [V] [Q] en tant que personne vivant au foyer à un moment donné n'est pas de nature à créer pour l'avenir un "droit acquis" dans le calcul du SLS.»
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Il leur [M. et Mme [Q]] appartient de démontrer qu'elle [leur fille [V]] figure sur leurs avis d'imposition. En l'absence de tout avis d'imposition des époux [Q] faisant mention de leur fille, cette preuve ne saurait résulter de la seule attestation du contrôleur des Finances Publiques du 25 octobre 2012 mentionnant que [V] [Q] est bien prise en compte fiscalement dans la base de calcul de la taxe d'habitation 2012 de ses parents mais que son nom ne peut apparaître sur ladite taxe puisqu'elle est rattachée fiscalement à ses parents pour le calcul de cette taxe et qu'elle n'augmente pas le montant de celle-ci.
Mme [V] [Q] ne peut donc être considérée comme personne vivant au foyer des titulaires du bail. Partant, ses ressources ne pouvaient être prises en considération dans le calcul du supplément de loyer de solidarité. »
ALORS, D'UNE PART, QUE selon les articles L. 441-3 et L. 441-4 du Code de la construction et de l'habitation, le supplément de loyer de solidarité en sus du loyer principal et des charges locatives est calculé au regard « des ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer » ; qu'également, l'article 4 de l'arrêté du 29 juillet 1987 (NOR: EQUC8700526A) relatif aux plafonds de ressources des bénéficiaires de la législation sur les habitations à loyer modéré prévoit que « le montant des ressources à prendre en considération (?) correspond à la somme des revenus fiscaux de référence (?) figurant sur les avis d'imposition de chaque personne composant le ménage », le ménage devant être entendu dans son acception de cellule économique et familiale ; qu'il en résulte, nonobstant les dispositions indicatives figurant à l'article L. 442-12 pour déterminer les personnes vivant au foyer, que le preneur d'un appartement à loyer modéré, est toujours recevable à rapporter la preuve des personnes vivant à son foyer et de leurs ressources ; qu'en refusant ce droit à M. et Mme [Q] au motif que leur fille de plus de 25 ans, dont elle reconnaissait pourtant qu'elle vivait au foyer et était « à la charge matérielle de ses parents », ne figurait plus sur leur déclaration de revenu, la Cour d'appel a méconnu les dispositions des articles L.441-3 et L. 441-4 du Code de l'habitation et de l'habitation ainsi que celles de l'arrêté du 29 juillet 1987 ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article L. 442-12 du Code de la construction et de l'habitation permet aux personnes figurant sur les avis d'imposition du ou des titulaires du bail d'être considérées comme personnes vivant au foyer ; qu'en affirmant que ce texte ne visait que les avis d'imposition sur le revenu à l'exclusion notamment des avis de taxe d'habitation, la Cour d'appel a ajouté au texte une condition qu'il ne contient pas ; que ce faisant, elle a violé les dispositions de l'article L. 442-12 du Code de la construction et de l'habitation.