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27/05/2021 | FRANCE | N°19-17676

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 mai 2021, 19-17676


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 458 F-P

Pourvoi n° F 19-17.676

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 MAI 2021

La société Boehringer Ingelheim Animal

Health France, anciennement dénommée société Merial, société en commandite simple, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 19-17....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 458 F-P

Pourvoi n° F 19-17.676

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 MAI 2021

La société Boehringer Ingelheim Animal Health France, anciennement dénommée société Merial, société en commandite simple, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 19-17.676 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2019 et rectifié par arrêt du 30 avril 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Virbac, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Alfamed, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Francodex santé animale,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mollard, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Boehringer Ingelheim Animal Health France, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Virbac et Alfamed, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Mollard, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 mars 2019, rectifié le 30 avril 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 31 janvier 2018, pourvoi n° 15-20.796), la société Merial, société pharmaceutique diffusant des médicaments destinés aux animaux, est titulaire de la marque verbale « Frontline », déposée le 3 mars 1994, sous le numéro 94 509 301, et renouvelée le 8 décembre 2003, pour désigner, en classe 5, les « insecticides et produits anti-parasitaires à usage vétérinaire », sous laquelle elle commercialise un antiparasitaire à base d'un principe actif dénommé « fipronil ».

2. La société Virbac, qui exerce la même activité, a déposé, le 17 juillet 2008, sous le numéro 3 588 921, la marque française « Fiproline » pour désigner, en classe 5, les « préparations vétérinaires, en particulier un anti-parasitaire externe ». Depuis que le brevet qui couvrait le fipronil est tombé dans le domaine public, en mai 2009, elle commercialise sous cette marque un antiparasitaire pour chiens et chats à base de ce principe actif, fabriqué par la société Alfamed.

3. La société Merial, devenue Boehringer Ingelheim Animal Health France (la société Boehringer), a assigné les sociétés Virbac et Alfamed en paiement de dommages-intérêts et annulation de la marque « Fiproline » pour atteinte à la renommée de sa marque « Frontline », subsidiairement, pour contrefaçon de celle-ci, ainsi qu'en annulation de la marque « Fiproline » sur le fondement des articles L. 711-3, b), du code de la propriété intellectuelle et R. 5141-1-1 du code de la santé publique.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, le deuxième moyen et le quatrième moyen, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Boehringer fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande pour atteinte à la renommée de sa marque « Frontline » sur le fondement de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, alors « que la protection conférée aux marques jouissant d'une renommée n'est pas subordonnée à la constatation d'un risque de confusion ; qu'en affirmant qu'il convient, pour apprécier l'existence d'une atteinte à la renommée d'une marque, sur le fondement de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, de rechercher "l'existence d'éléments de ressemblance visuelle, auditive ou conceptuelle avec la marque ?Fiproline' de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public concerné par les produits", et en déduisant ensuite l'absence d'une telle atteinte du constat de l'absence de risque de confusion entre les deux marques, la cour d'appel a violé l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

6. L'usage d'un signe qui ne présente aucune similitude avec une marque n'est pas de nature à permettre de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque ou à leur porter préjudice, au sens de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019.

7. L'arrêt retient que la comparaison des signes selon une approche globale écarte toute similitude entre les marques « Frontline » et « Fiproline », qu'elle soit visuelle, auditive ou intellectuelle.

8. Il en résulte que l'usage de la marque « Fiproline » n'a pas pu porter atteinte à la renommée, à la supposer établie, de la marque « Frontline ».

9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. La société Boehringer fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'annulation de la marque française « Fiproline », alors « que tout tiers intéressé est recevable à solliciter la nullité d'une marque, sur le fondement des articles R. 5141-1-1 du code de la santé publique et L. 711-3, b), du code de la propriété intellectuelle ; que la recevabilité d'une telle action, qui n'est pas réservée aux seules autorités de santé, ne suppose pas que la marque en cause ait préalablement fait l'objet d'une interdiction d'utilisation ; qu'en retenant que la société Merial serait irrecevable à se prévaloir des dispositions susvisées, parce que la marque "Fiproline" n'a fait l'objet d'aucune interdiction d'utilisation par les autorités de santé, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la société Merial ne justifierait d'aucun intérêt à obtenir la nullité de cette marque, a violé les articles 31 du code de procédure civile, L. 711-3, L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle et R. 5141-1-1 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 711-3, b), et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, et R. 5141-1-1 du code de la santé publique :

11. Aux termes des deux premiers textes, est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque contraire à l'ordre public ou aux bonnes m?urs, ou dont l'utilisation est légalement interdite.

12. Il résulte du dernier que, lorsque le nom d'un médicament vétérinaire est un nom de fantaisie, celui-ci ne peut se confondre avec une dénomination commune.

13. Pour débouter la société Merial de sa demande d'annulation de la marque « Fiproline », l'arrêt énonce que cette marque n'a fait l'objet d'aucune interdiction d'utilisation par les autorités de santé, de sorte qu'elle ne saurait être considérée comme contraire à l'ordre public et que la société Merial est irrecevable à se prévaloir des dispositions combinées des articles R. 5141-1-1 du code de la santé publique et L. 711-3, b), du code de la propriété intellectuelle.

14. En statuant ainsi, alors que la recevabilité d'une action en annulation d'une marque fondée sur les articles L. 711-3, b), du code de la propriété intellectuelle et R. 5141-1-1 du code de la santé publique n'est pas subordonnée à l'interdiction préalable de la marque par les autorités de santé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Merial de sa demande d'annulation de la marque française « Fiproline », en tant que celle-ci est fondée sur les articles L. 711-3, b), du code de la propriété intellectuelle et R. 5141-1-1 du code de la santé publique, l'arrêt rendu le 12 mars 2019 et rectifié le 30 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne les sociétés Virbac et Alfamed aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Boehringer Ingelheim Animal Health France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Merial de sa demande pour atteinte à la renommée de sa marque « Frontline » sur le fondement de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;

AUX MOTIFS QUE : « La société MERIAL fait valoir :

- que la marque Fiproline porte atteinte à la renommée de la marque antérieure FRONTLINE,
- que la notoriété de sa marque ressort des sondages réalisés par les instituts d'études les plus réputés réalisés en 2010 et 2011 (IPSOS et SORGEM) et d'une étude TNS HEALTHCARE de 2008 la faisant apparaître comme le 'leader' incontestable des produits anti-parasitaires pour animaux sur le marché français et des importantes campagnes de publicité réalisées en 2009/2010,
- que les documents qu'elle invoque ne concernent pas la seule marque Frontline Combo et qu'en tout état de cause, l'usage de cette marque en combinaison avec la marque Frontline constitue une preuve de la réputation de la marque, que la marque Frontline Combo participe à la notoriété de la marque Frontline dont elle est une marque dérivée,
- que la première phase de l'étude TNS HEALTH CARE d'août 2008, aucun spot télévisé n'avait été préalablement diffusé aux sondés de sorte que les résultats mesurés au cours de cette phase sont pertinents et confirment la notoriété de la marque Frontline,
- que le monopole dont elle disposait jusqu'en 2008 sur le Fipronil n'est pas synonyme d'un monopole sur le marché des produits anti-parasitaires pour animaux, que les sondages de 2011 sont postérieurs à la perte du monopole du brevet Fipronil et qu'il en ressort en tout état de cause un fort niveau de connaissance des autres produits de la gamme Frontline,
- que l'article L.713-5 s'applique même en présence de produits similaires à ceux couverts par la marque,
- que les signes en présence présentent des similitudes, visuelles comme étant de longueur identique, avec 7 lettre identiques, placées selon le même ordre avec le même suffixe, ce qui leur confère une physionomie très proche, que l'impression produite par les deux signes en cause est très similaire, que la partie finale est 'évidemment' prononcée à l'identique, que la banalité du suffixe 'line' n'est pas démontrée dans le domaine des produits en cause pour des consommateurs français, que l'accent tonique est localisé au même endroit des deux marques,
- que la dénomination FIPROLINE évoque inévitablement le composant Fipronil de sorte qu'il existe une ressemblance conceptuelle entre les produits en cause, alors qu'il est improbable que le consommateur moyen soit apte à comprendre le terme Frontline comme signifiant ligne de front,
- qu'une ligne de produits en matière de médicaments est dépourvue de sens de sorte que le suffixe 'line' ne saurait être perçu en ce sens par le public,
- que les décisions des différents offices nationaux rejetant son opposition au dépôt de la marque FIPROLINE ne sont pas pertinentes au regard de la perception différente des similitudes par un public étranger, qu'en outre le tribunal administratif du Costa Rica, la cour d'appel de BUENOS AIRES et la cour suprême de Nouvelle Zélande ont rejeté l'enregistrement au motif que les marques étaient similaires et retenu l'existence d'un risque de confusion.
Les intimées font valoir en réponse :
- que la protection édictée par l'article L.713-5 n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce dès lors qu'en l'absence d'imitation de le marque Frontline par l'usage de la marque Fiproline, il ne peut y avoir aucune atteinte à la marque Frontline,
- qu'il n'y a pas de similitude entre les signes ni de risque de confusion, tant au plan visuel qu'au plan sonore, le rythme étant différent avec deux syllabes pour la première marque et trois pour la seconde, une séquence d'attaque radicalement différente, une séquence finale visuellement commune mais de prononciation différente,
- que, sur le plan intellectuel, aucun des deux signes n'a de signification particulière en langue française, Frontline pouvant avoir une signification en langue anglaise avec la connotation défensive de faire barrage,
- que le consommateur moyen est familier de la signification du vocable 'line', ligne en anglais, alors que la marque Fiproline est un néologisme arbitraire par rapport aux produits qu'elle désigne pour le grand public, seul un public de professionnel étant à même de comprendre l'évocation par l'emploi du radical FIPRO, de la substance active composant les produits vendus, que l'évocation du Fipronil est absent dans la marque Frontline,
- que les seize procédures d'opposition introduites par MERIAL à l'encontre de la marque Fiproline ont été rejetées par les offices nationaux,
- que les études invoquées par la société MERIAL ne sont pas probantes,
- que la renommée de la marque FRONTLINE n'est pas établie, la société MERIAL ne justifiant d'aucun usage et d'aucune communication promotionnelle en faveur de la marque FRONTLINE sur le territoire français antérieurement au dépôt de la marque FIPROLINE, ses publicités ne portant que sur le vocable « FRONTLINE COMBO » marque distincte de celle invoquée, portant sur des produits distincts et faisant l'objet d'une exploitation distincte,
- qu'en l'absence d'imitation de la marque FRONTLINE, il ne peut y avoir atteinte à sa renommée.
Selon l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. »
Selon l'article L.713-5 alinéa 1, la reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.
La contrefaçon sur le fondement de l'article L.713-3 ou l'atteinte à la renommée sur le fondement de l'article L.713-5 supposent s'agissant de produits similaires, la démonstration d'une imitation du signe distinctif de la marques. Il convient en conséquence de rechercher préalablement à la détermination de la renommée de la marque FRONTLINE, l'existence d'éléments de ressemblance visuelle, auditive ou conceptuelle avec la marque FIPROLINE de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public concerné par les produits.
L'appréciation de la singularité des signes doit être faite sur l'impression d'ensemble qu'ils produisent sur le public concerné en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants, ce qui limite la comparaison aux signes entre eux à l'exclusion de tous éléments extrinsèques.
En l'espèce, le rythme de chacun des signes est différent, FRONTLINE ayant deux syllabes alors que Fripronil [sic] en a trois. La séquence d'attaque de chacun des signes, FRONT et FIPRO n'ont rien de commun sis ce n'est la lettre F. Le O de FRONT s'entend comme ON et non comme O, contrairement à celui de FIPRO de sorte qu'aucune ressemblance ne saurait ressortir de l'emploi commun de cette lettre.
La séquence finale « line », si elle est visuellement identique, se prononce à l'anglaise s'agissant de FRONTLINE alors que pour FIPROLINE, la prononciation française sera la plus naturelle, cette analyse étant confirmée en tant que de besoin par les publicités radio et télévisées respectives des parties qui témoignent de la prononciation différente de la syllabe finale dans les deux signes.
Enfin, les intimées produisent aux débats de multiples exemples de marques employant le suffixe « line », perçu en général comme une référence à une ligne de produits, faisant apparaître celui-ci comme très peu distinctif de sorte que l'attention du public ne se porte pas sur lui.
La syllabe d'attaque, perçue en premier, et la syllabe centrale, qui sont prépondérantes par rapport à la terminaison identique, donnent une sonorité et une apparence distinctes à l'ensemble et suffisent à différencier les signes.
Il en résulte que la perception tant auditive que visuelle des deux marques est différente.
Sur le plan conceptuel, si FRONTLINE peut avoir une signification en langue anglaise avec la connotation défensive de faire barrage, la marque FIPROLINE est un néologisme arbitraire par rapport aux produits qu'elle désigne pour le grand public, seul un public de professionnel étant à même de comprendre l'évocation par l'emploi du radical FIPRO, de la substance active composant les produits vendus alors que l'évocation du Fipronil est absent dans la marque FRONTLINE.
La comparaison des signes selon cette approche globale écarte toute similitude entre les marques qu'elle soit visuelle, auditive ou intellectuelle. Il en résulte l'absence de risque de confusion entre les deux marques et par là même l'absence de contrefaçon ou d'atteinte à la marque FRONTLINE sans qu'il y ait lieu de rechercher si celle-ci répond aux critères de la marque renommée. » ;

1°) ALORS QUE la protection conférée aux marques jouissant d'une renommée n'est pas subordonnée à la constatation d'un risque de confusion ; qu'en affirmant qu'il convient, pour apprécier l'existence d'une atteinte à la renommée d'une marque, sur le fondement de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, de rechercher « l'existence d'éléments de ressemblance visuelle, auditive ou conceptuelle avec la marque « Fiproline » de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public concerné par les produits », et en déduisant ensuite l'absence d'une telle atteinte du constat de l'absence de risque de confusion entre les deux marques, la cour d'appel a violé l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) ALORS QUE la protection conférée aux marques jouissant d'une renommée n'est pas subordonnée à la constatation d'un risque de confusion ; qu'il suffit que le degré de similitude entre une telle marque et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque ; qu'une atteinte à une marque renommée peut ainsi être la conséquence d'un degré de similitude moindre que celui exigé pour la caractérisation d'un risque de confusion ; qu'en s'attachant à rechercher l'existence de ressemblances entre les signes de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public, et en appréciant ainsi la similitude des signes au regard d'un tel risque de confusion, sans rechercher, comme elle le devait, si les ressemblances existant entre les signes n'étaient pas suffisantes pour conduire le consommateur à faire un lien entre eux, la cour d'appel a violé l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) ALORS QUE l'existence d'une atteinte à une marque renommée s'apprécie en fonction des ressemblances, et non des différences ; qu'en se focalisant sur les différences relevées entre les signes, sans rechercher si les ressemblances qui résultent de ses propres constatations (lettre d'attaque « F » et séquence finale « line ») et celles également invoquées par la société Merial (longueur identique des signes, présence de sept lettres communes formant des séquences communes [F], [RO] et [LINE]?) n'étaient pas suffisantes pour conduire le consommateur à faire un lien entre eux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) ALORS QU'en affirmant, à la fois, d'une part, que la marque « Fiproline » serait un « néologisme arbitraire par rapport aux produits qu'elle désigne », « seul un public de professionnels étant à même de comprendre l'évocation par l'emploi du radical « Fipro », de la substance active composant les produits vendus », et, d'autre part, dans sa motivation sur la validité de la marque « Fiproline », que cette dernière a pu être considérée, par la clientèle, consistant en un « public de particuliers constitué de consommateurs de produits vétérinaires pour chiens et chats », comme évocatrice du principe actif « fipronil », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, débouté la société Merial de sa demande en contrefaçon de la marque « Frontline » ;

AUX MOTIFS QUE : « La société MERIAL fait valoir :
- que la marque Fiproline porte atteinte à la renommée de la marque antérieure FRONTLINE,
- que la notoriété de sa marque ressort des sondages réalisés par les instituts d'études les plus réputés réalisés en 2010 et 2011 (IPSOS et SORGEM) et d'une étude TNS HEALTHCARE de 2008 la faisant apparaître comme le 'leader' incontestable des produits anti-parasitaires pour animaux sur le marché français et des importantes campagnes de publicité réalisées en 2009/2010,
- que les documents qu'elle invoque ne concernent pas la seule marque Frontline Combo et qu'en tout état de cause, l'usage de cette marque en combinaison avec la marque Frontline constitue une preuve de la réputation de la marque, que la marque Frontline Combo participe à la notoriété de la marque Frontline dont elle est une marque dérivée,
- que la première phase de l'étude TNS HEALTH CARE d'août 2008, aucun spot télévisé n'avait été préalablement diffusé aux sondés de sorte que les résultats mesurés au cours de cette phase sont pertinents et confirment la notoriété de la marque Frontline,
- que le monopole dont elle disposait jusqu'en 2008 sur le Fipronil n'est pas synonyme d'un monopole sur le marché des produits anti-parasitaires pour animaux, que les sondages de 2011 sont postérieurs à la perte du monopole du brevet Fipronil et qu'il en ressort en tout état de cause un fort niveau de connaissance des autres produits de la gamme Frontline,
- que l'article L.713-5 s'applique même en présence de produits similaires à ceux couverts par la marque,
- que les signes en présence présentent des similitudes, visuelles comme étant de longueur identique, avec 7 lettre identiques, placées selon le même ordre avec le même suffixe, ce qui leur confère une physionomie très proche, que l'impression produite par les deux signes en cause est très similaire, que la partie finale est 'évidemment' prononcée à l'identique, que la banalité du suffixe 'line' n'est pas démontrée dans le domaine des produits en cause pour des consommateurs français, que l'accent tonique est localisé au même endroit des deux marques,
- que la dénomination FIPROLINE évoque inévitablement le composant Fipronil de sorte qu'il existe une ressemblance conceptuelle entre les produits en cause, alors qu'il est improbable que le consommateur moyen soit apte à comprendre le terme Frontline comme signifiant ligne de front,
- qu'une ligne de produits en matière de médicaments est dépourvue de sens de sorte que le suffixe 'line' ne saurait être perçu en ce sens par le public,
- que les décisions des différents offices nationaux rejetant son opposition au dépôt de la marque FIPROLINE ne sont pas pertinentes au regard de la perception différente des similitudes par un public étranger, qu'en outre le tribunal administratif du Costa Rica, la cour d'appel de BUENOS AIRES et la cour suprême de Nouvelle Zélande ont rejeté l'enregistrement au motif que les marques étaient similaires et retenu l'existence d'un risque de confusion.
Les intimées font valoir en réponse :
- que la protection édictée par l'article L.713-5 n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce dès lors qu'en l'absence d'imitation de le marque Frontline par l'usage de la marque Fiproline, il ne peut y avoir aucune atteinte à la marque Frontline,
- qu'il n'y a pas de similitude entre les signes ni de risque de confusion, tant au plan visuel qu'au plan sonore, le rythme étant différent avec deux syllabes pour la première marque et trois pour la seconde, une séquence d'attaque radicalement différente, une séquence finale visuellement commune mais de prononciation différente,
- que, sur le plan intellectuel, aucun des deux signes n'a de signification particulière en langue française, Frontline pouvant avoir une signification en langue anglaise avec la connotation défensive de faire barrage,
- que le consommateur moyen est familier de la signification du vocable 'line', ligne en anglais, alors que la marque Fiproline est un néologisme arbitraire par rapport aux produits qu'elle désigne pour le grand public, seul un public de professionnel étant à même de comprendre l'évocation par l'emploi du radical FIPRO, de la substance active composant les produits vendus, que l'évocation du Fipronil est absent dans la marque Frontline,
- que les seize procédures d'opposition introduites par MERIAL à l'encontre de la marque Fiproline ont été rejetées par les offices nationaux,
- que les études invoquées par la société MERIAL ne sont pas probantes,
- que la renommée de la marque FRONTLINE n'est pas établie, la société MERIAL ne justifiant d'aucun usage et d'aucune communication promotionnelle en faveur de la marque FRONTLINE sur le territoire français antérieurement au dépôt de la marque FIPROLINE, ses publicités ne portant que sur le vocable 'FRONTLINE COMBO' marque distincte de celle invoquée, portant sur des produits distincts et faisant l'objet d'une exploitation distincte,
- qu'en l'absence d'imitation de la marque FRONTLINE, il ne peut y avoir atteinte à sa renommée.
Selon l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. »
Selon l'article L.713-5 alinéa 1, la reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.
La contrefaçon sur le fondement de l'article L.713-3 ou l'atteinte à la renommée sur le fondement de l'article L.713-5 supposent s'agissant de produits similaires, la démonstration d'une imitation du signe distinctif de la marques. Il convient en conséquence de rechercher préalablement à la détermination de la renommée de la marque FRONTLINE, l'existence d'éléments de ressemblance visuelle, auditive ou conceptuelle avec la marque FIPROLINE de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public concerné par les produits.
L'appréciation de la singularité des signes doit être faite sur l'impression d'ensemble qu'ils produisent sur le public concerné en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants, ce qui limite la comparaison aux signes entre eux à l'exclusion de tous éléments extrinsèques.
En l'espèce, le rythme de chacun des signes est différent, FRONTLINE ayant deux syllabes alors que Fripronil [sic] en a trois. La séquence d'attaque de chacun des signes, FRONT et FIPRO n'ont rien de commun si ce n'est la lettre F. Le O de FRONT s'entend comme ON et non comme O, contrairement à celui de FIPRO de sorte qu'aucune ressemblance ne saurait ressortir de l'emploi commun de cette lettre.
La séquence finale « line », si elle est visuellement identique, se prononce à l'anglaise s'agissant de FRONTLINE alors que pour FIPROLINE, la prononciation française sera la plus naturelle, cette analyse étant confirmée en tant que de besoin par les publicités radio et télévisées respectives des parties qui témoignent de la prononciation différente de la syllabe finale dans les deux signes.
Enfin, les intimées produisent aux débats de multiples exemples de marques employant le suffixe « line », perçu en général comme une référence à une ligne de produits, faisant apparaître celui-ci comme très peu distinctif de sorte que l'attention du public ne se porte pas sur lui.
La syllabe d'attaque, perçue en premier, et la syllabe centrale, qui sont prépondérantes par rapport à la terminaison identique, donnent une sonorité et une apparence distinctes à l'ensemble et suffisent à différencier les signes.
Il en résulte que la perception tant auditive que visuelle des deux marques est différente.
Sur le plan conceptuel, si FRONTLINE peut avoir une signification en langue anglaise avec la connotation défensive de faire barrage, la marque FIPROLINE est un néologisme arbitraire par rapport aux produits qu'elle désigne pour le grand public, seul un public de professionnel étant à même de comprendre l'évocation par l'emploi du radical FIPRO, de la substance active composant les produits vendus alors que l'évocation du Fipronil est absent dans la marque FRONTLINE.
La comparaison des signes selon cette approche globale écarte toute similitude entre les marques qu'elle soit visuelle, auditive ou intellectuelle. Il en résulte l'absence de risque de confusion entre les deux marques et par là même l'absence de contrefaçon ou d'atteinte à la marque FRONTLINE sans qu'il y ait lieu de rechercher si celle-ci répond aux critères de la marque renommée. » ;

1°) ALORS QUE le risque de confusion s'apprécie en fonction des ressemblances, et non des différences ; qu'en se focalisant sur les différences relevées entre les signes, sans rechercher si les ressemblances existant entre les signes n'étaient pas de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément les deux signes sous les yeux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) ALORS QU'en affirmant, à la fois, d'une part, que la marque « Fiproline » serait un « néologisme arbitraire par rapport aux produits qu'elle désigne », « seul un public de professionnels étant à même de comprendre l'évocation par l'emploi du radical « Fipro », de la substance active composant les produits vendus », et, d'autre part, dans sa motivation sur la validité de la marque « Fiproline », que cette dernière a pu être considérée, par la clientèle, consistant en un « public de particuliers constitué de consommateurs de produits vétérinaires pour chiens et chats », comme évocatrice du principe actif « fipronil », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Merial de sa demande de nullité de la marque française « Fiproline » ;

AUX MOTIFS QUE « La société MERIAL fait valoir :
- que la marque FIPROLINE est nulle en application de l'article R.5141-1-1 du code de la santé publique au terme duquel si le nom d'un médicament vétérinaire peut être un nom de fantaisie, celui-ci ne peut se confondre avec la dénomination commune usuelle ou celle recommandée par l'organisation mondiale de la santé (DCI), l'usage de ces dénominations devant rester libres d'usages par tous les concurrents et rester dans le domaine public,
- que le nom FIPROLINE peut se confondre avec la dénomination commune Fipronil, de sorte que celui-ci se confond avec la substance active,
- qu'en application de l'article L.711-3 b) du CPI, elle constitue une marque dont l'utilisation est légalement interdite, qu'il s'agit d'une nullité absolue qui peut être soulevée par toute personne et que le fait que l'INPI ou l'AFSSA n'aient pas fait obstacle à son enregistrement ou à sa mise sur le marché n'est pas déterminant de sa validité - qu'en tout état de cause, la marque se confondant avec la dénomination commune Fipronil et désignant le principe actif qu'elle contient de sorte qu'elle est descriptive de la composition du produit et qu'elle est nulle comme dépourvue de caractère distinctif et dénuée d'arbitraire au regard du produit désigné en application de l'article L.711-2 b) du code de la propriété intellectuelle, dans au moins un des usages que pourrait en faire son titulaire, à savoir une préparation vétérinaire à base de Fipronil, qu'elle serait en outre trompeuse s'agissant des préparations ne contenant pas de Fipronil,
- que le consommateur est tout à fait en mesure d'identifier le terme « Fipronil » comme la substance active du produit en cause, compte tenu du succès du produit FRONTLINE dont tous les emballages précisent le nom du principe actif et son dosage.
Les sociétés VIRBAC et ALFAMED font valoir en réponse :
- que la société MERIAL n'a pas qualité ni intérêt à agir sur le fondement de l'article L.711-3 b) combiné avec l'article R.5141-1-1 du code de la santé publique, faute d'avoir le statut d'une autorité publique,
- que les autorités sanitaires n'ont pas vu d'objection à l'adoption de la dénomination FIPROLINE lors du dépôt de la demande d'AMM, que la société MERIAL n'a elle-même pas formé opposition au dépôt de la marque litigieuse et qu'elle a elle-même déposé la marque FIPRO ONLINE au Brésil,
- qu'en tout état de cause la terminaison de la marque Fiproline n'est pas identique à celle de la DCI, la consonance intellectuelle étant distincte de la terminaison NIL, que la pratique d'utiliser un radical évoquant la substance active composant le produit est courante et non répréhensible,
- que le libellé de produits de la marque FIPROLINE ne fait aucune référence au produit Fipronil,
- que le public visé par la marque, en l'occurrence le consommateur moyen susceptible d'acheter des produits à usage vétérinaire pour animaux de compagnie, à l'exclusion du professionnel, (jardineries, animaleries et pharmacies), ignore la molécule Fipronil, son éventuel effet vétérinaire ou même sa dénomination de sorte que la marque ne peut être considérée comme descriptive,
- que la marque est arbitraire pour le grand public qui ne connaît pas les composants chimiques du produit ou les molécules actives de celui-ci,
- que les emballages du produit n'ont pas à être pris en considération,
- qu'une marque évocatrice n'est pas dépourvue de caractère distinctif, il n'est pas la désignation nécessaire, générique ou usuelle d'une des caractéristiques des produits désignés.
Selon l'article R.5141-1-1 du code de la santé publique, « Le nom d'un médicament vétérinaire peut être soit un nom de fantaisie, soit une dénomination commune ou scientifique assortie d'une marque ou du nom du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou de l'entreprise assurant l'exploitation du médicament. Le nom de fantaisie ne peut se confondre avec la dénomination commune.
Sans préjudice de l'application de la législation relative aux marques de fabrique, de commerce et de service, le nom de fantaisie est choisi de façon à éviter une confusion avec d'autres médicaments et à ne pas induire en erreur sur la qualité ou les propriétés du médicament vétérinaire. »'
Selon l'article L.711-3 b) du code de la propriété intellectuelle, « Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe :
a) Exclu par l'article 6 ter de la convention de Paris en date du 20 mars 1883, révisée, pour la protection de la propriété industrielle ou par le paragraphe 2 de l'article 23 de l'annexe I C à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce ;
b) Contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ou dont l'utilisation est légalement interdite ;
c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. »
La marque FIPROLINE n'a fait l'objet d'aucune interdiction d'utilisation par les autorités de santé de sorte qu'elle ne saurait être considérée comme contraire à l'ordre public et que la société MERIAL est irrecevable à se prévaloir des dispositions combinées des articles R.5141-1-1 du code de la santé publique et L.711-3 b) du code de la propriété intellectuelle. » ;

1°) ALORS QUE dans les procédures d'appel avec représentation obligatoire, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions d'appel ; qu'en se prononçant sur la recevabilité de la société Merial à se prévaloir des articles L. 711-3 b) du code de la propriété intellectuelle et R. 5141-1-1 du code de la santé publique, cependant qu'aucune fin de non-recevoir tendant à faire déclarer cette société irrecevable en sa demande en nullité de la marque « Fiproline » n'était énoncée au dispositif des dernières conclusions des sociétés Virbac et Alfamed, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en déboutant la société Merial de sa demande de nullité de la marque « Fiproline » fondée sur les articles L. 711-3 b) du code de la propriété intellectuelle et R. 5141-1-1 du code de la santé publique, après avoir jugé que la société Merial était irrecevable à se prévaloir de ces dispositions, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 122 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE tout tiers intéressé est recevable à solliciter la nullité d'une marque, sur le fondement des articles R. 5141-1-1 du code de la santé publique et L. 711-3 b) du code de la propriété intellectuelle ; que la recevabilité d'une telle action, qui n'est pas réservée aux seules autorités de santé, ne suppose pas que la marque en cause ait préalablement fait l'objet d'une interdiction d'utilisation ; qu'en retenant que la société Merial serait irrecevable à se prévaloir des dispositions susvisées, parce que la marque « Fiproline » n'a fait l'objet d'aucune interdiction d'utilisation par les autorités de santé, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la société Merial ne justifierait d'aucun intérêt à obtenir la nullité de cette marque, a violé les articles 31 du code de procédure civile, L. 711-3, L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle et R. 5141-1-1 du code de la santé publique ;

4°) ALORS QUE la recevabilité d'une action n'est pas subordonnée à la démonstration de son bien-fondé ; qu'en déduisant l'irrecevabilité de la demande de nullité de marque Fiproline, présentée par la société Merial sur le fondement des articles R. 5141-1-1 du code de la santé publique et L.711-3 b) du code de la propriété intellectuelle, de ce que cette marque ne serait pas contraire à l'ordre public faute d'avoir fait l'objet d'une interdiction d'utilisation par les autorités de santé, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

5°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'adoption et l'usage, pour désigner un médicament vétérinaire, d'un nom de fantaisie qui peut se confondre avec la dénomination commune, sont non seulement légalement interdits mais également contraires à l'ordre public ; qu'en se fondant, pour retenir que la marque « Fiproline » ne serait pas contraire à l'ordre public, sur la circonstance inopérante que cette marque n'a fait l'objet d'aucune interdiction d'utilisation par les autorités de santé, quand il lui appartenait de rechercher elle-même si la dénomination « Fiproline » ne pouvait pas se confondre avec la dénomination commune « fipronil » et n'était ainsi pas contraire à l'article R. 5141-1-1 du code de la santé publique, la cour d'appel a violé les articles L. 711-3 b) du code de la propriété intellectuelle et R. 5141-1-1 du code de la santé publique ;

6°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs ou dont l'utilisation est légalement interdite ; qu'en retenant que la marque « Fiproline » ne saurait être considérée comme contraire à l'ordre public, sans rechercher également, comme elle y était invitée, si cette marque ne constituait pas un signe « dont l'utilisation est légalement interdite », au sens de l'article L. 711-3 b) du code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce dernier texte.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Merial de sa demande de nullité de la marque française « Fiproline » ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'atteinte à la marque
[...]
Sur le plan conceptuel, si FRONTLINE peut avoir une signification en langue anglaise avec la connotation défensive de faire barrage, la marque FIPROLINE est un néologisme arbitraire par rapport aux produits qu'elle désigne pour le grand public, seul un public de professionnel étant à même de comprendre l'évocation par l'emploi du radical FIPRO, de la substance active composant les produits vendus alors que l'évocation du Fipronil est absent dans la marque FRONTLINE.
[...]
Selon l'article L.711-1 du code de la propriété intellectuelle, 'la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale.'
Selon l'article L.711-2, 'Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés.
Sont dépourvus de caractère distinctif :
a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;
b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service
c) [...]
Selon l'article L.714-3, alinéa 1, 'Est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4".
En application de cette disposition, l'absence de caractère distinctif constitue une cause de nullité d'une marque enregistrée. Cette exclusion n'interdit pas de choisir un signe qui, sans véritablement décrire telle caractéristique d'un produit ou service, l'évoque ou la suggère plus ou moins directement. Il en résulte qu'un signe peut être distinctif tout en évoquant les produits et services qu'il désigne et que le signe évocateur peut être constitué exclusivement de signes eux-mêmes descriptifs, mais pris dans un ordre inhabituel.
Le caractère distinctif d'une marque enregistrée au sens de l'article L.711-2 doit être apprécié d'une part par rapport aux produits ou services désignés à son enregistrement, à l'exclusion de tout autre élément extrinsèque et, d'autre part, par rapport à la perception qu'en a le public auquel cette marque est destinée.
En l'espèce, le dépôt de la marque FIPROLINE désigne des préparations vétérinaires et en particulier un antiparasite externe. Le Fipronil est le principe actif de l'antiparasite externe commercialisé par la société VIRBAC sous cette marque.
Le public pertinent à prendre en considération est un public de particuliers constitué de consommateurs de produits vétérinaires pour chiens et chats s'agissant d'une marque vendue en libre service dans les jardineries et animaleries, de sorte que celle-ci a pu être considérée par la clientèle comme évocatrice du principe actif Fipronil contenu dans les produits dont la société MERIAL avait l'exclusivité jusqu'en 2009.
Toutefois, le signe FIPROLINE n'est pas un mot du langage courant servant à désigner un antiparasite externe pour chiens et chats de sorte qu'il ne constitue pas la désignation nécessaire, générique ou usuelle du Fipronil.
D'autre part, le suffixe LINE, très répandu en matière de marques, est perçu par le consommateur moyen comme désignant une ligne de produits et la présence du radical FIPRO ne saurait conduire à considérer la marque litigieuse comme descriptive.
Il en résulte que le signe FIPROLINE répond à l'exigence de distinctivité posé par l'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle et que la marque FIPROLINE n'est pas nulle du seul fait de sa proximité avec la dénomination commune Fipronil.
Il convient en conséquence de débouter la société MERIAL de sa demande de nullité de la marque et de ses demandes subséquentes.

Sur la concurrence déloyale
La cassation intervenue n'étant que partielle, il a été définitivement jugé que le dépôt de la marque FIPROLINE était constitutif d'un acte de concurrence déloyale à l'égard de la société MERIAL comme de nature à induire une préférence d'utilisation pour le consommateur.
[...]
La marque FIPROLINE a pu être considérée par une partie de la clientèle comme évocatrice du principe actif Fipronil contenu dans les produits dont la société MERIAL avait l'exclusivité jusqu'en 2009 et attirer cette clientèle vers le produit plus rapidement que par le jeu de la concurrence normale de sorte que la préférence d'utilisation induite par la proximité du nom de la marque avec le principe actif a constitué un élément favorable à la percée du produit FIPROLINE sur le marché. » ;

1°) ALORS QUE pour qu'un signe soit descriptif, il suffit que le public pertinent puisse établir immédiatement et sans autre réflexion un rapport concret et direct entre ledit signe et les produits et les services visés par la marque ; qu'en écartant le caractère descriptif de la marque « Fiproline » pour les « préparations vétérinaires et en particulier un antiparasite externe », tout en relevant qu'il avait été « définitivement jugé que le dépôt de la marque Fiproline était constitutif d'un acte de concurrence déloyale à l'égard de la société Merial comme de nature à induire une préférence d'utilisation pour le consommateur » et que la marque « Fiproline » a pu attirer la clientèle « vers le produit plus rapidement que par le jeu de la concurrence normale de sorte que la préférence d'utilisation induite par la proximité du nom de la marque avec le principe actif a constitué un élément favorable à la percée du produit Fiproline sur le marché », ce dont il résulte que le consommateur pouvait établir immédiatement et sans autre réflexion un rapport concret et direct entre la marque « Fiproline » et les produits en cause, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en affirmant, dans sa motivation sur l'atteinte à la marque « Frontline », que « seul un public de professionnels » serait à même de comprendre l'évocation par l'emploi du radical « Fipro », de la substance active composant les produits vendus, tout en relevant qu'en l'état de la cassation partielle intervenue, il avait été « définitivement jugé que le dépôt de la marque Fiproline était constitutif d'un acte de concurrence déloyale à l'égard de la société Merial comme de nature à induire une préférence d'utilisation pour le consommateur », la cour d'appel a méconnu la portée de ses constatations, en violation des articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

3°) ALORS, PLUS SUBSIDIAIREMENT, QU'en affirmant, dans sa motivation sur l'atteinte à la marque « Frontline », que « seul un public de professionnels » serait à même de comprendre l'évocation par l'emploi du radical « Fipro », de la substance active composant les produits vendus, tout en relevant que la marque « Fiproline » a pu être considérée, par la clientèle constituée de consommateurs de produits vétérinaires pour chiens et chats, comme évocatrice du principe actif « fipronil », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU'en déboutant la société Merial de sa demande de nullité de la marque « Fiproline », sans répondre à ses conclusions d'appel faisant valoir que la marque « Fiproline » était trompeuse pour les préparations vétérinaires ne comprenant pas de fipronil, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-17676
Date de la décision : 27/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

PROPRIETE INDUSTRIELLE - Marques - Contentieux - Action en annulation - Marque dont l'utilisation est légalement interdite - Applications diverses - Confusion entre le nom de fantaisie d'un médicament et sa dénomination commune - Conditions - Interdiction préalable de la marque par les autorités de santé (non)

MARQUE DE FABRIQUE - Contentieux - Action en annulation - Marque dont l'utilisation est légalement interdite - Applications diverses - Confusion entre le nom de fantaisie d'un médicament et sa dénomination commune SANTE PUBLIQUE - Produits pharmaceutiques - Médicament vétérinaire - Marque - Action en nullité

En vertu des articles L. 711-3, b), et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, la marque dont l'utilisation est légalement interdite doit être déclarée nulle. Selon l'article R. 5141-1-1 du code de la santé publique, lorsque le nom d'un médicament vétérinaire est un nom de fantaisie, il ne peut se confondre avec la dénomination commune. L'annulation d'une marque fondée sur ce dernier texte n'est pas subordonnée à l'interdiction préalable de la marque par les autorités de santé


Références :

articles L. 711-3, b), et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019

article R. 5141-1-1 du code de la santé publique.

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 12 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 mai. 2021, pourvoi n°19-17676, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.17676
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