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26/05/2021 | FRANCE | N°19-15102

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 mai 2021, 19-15102


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 mai 2021

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 421 FS-P

Pourvoi n° G 19-15.102

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MAI 2021

1°/ La société Mienta France, société par actions simplifiée, do

nt le siège est [Adresse 1],

2°/ la société [M]-[X]-[S], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], agissa...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 mai 2021

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 421 FS-P

Pourvoi n° G 19-15.102

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MAI 2021

1°/ La société Mienta France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ la société [M]-[X]-[S], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], agissant en qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société Mienta France,

3°/ la société [D], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], agissant en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Mienta France,

ont formé le pourvoi n° G 19-15.102 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Groupe SEB-Moulinex, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la société SEB, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la société Blendex Egypt SAE, dont le siège est [Adresse 5] (Égypte),

4°/ à la société Bouri Center, dont le siège est [Adresse 6] (Liban),

5°/ à la société Bouri Général Trading, dont le siège est [Adresse 7] (Égypte),

6°/ à la société International Polytrade, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8]),

7°/ à la société Misr Intercommerce, dont le siège est [Adresse 9] (Égypte), société de droit égyptien,

8°/ à la société Nile intercommerce, dont le siège est [Adresse 7] (Égypte),

défenderesses à la cassation.

Parties intervenantes :

- la société Misr Intercommerce, société de droit égyptien,

- la société Blendex Egypt SAE, société de droit égyptien.

Les sociétés Misr Intercommerce et Blendex Egypt Sae ont formé, chacune, un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les sociétés Mienta France, [M]-[X]-[S], ès qualités, [D], ès qualités, demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La société Misr Intercommerce demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La société Blendex Egypt SAE demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat des sociétés Mienta France, Misr Intercommerce, Blendex Egypt, [M]-[X]-[S], ès qualités, et [D], ès qualités, de la SCP Alain Bénabent, avocat des sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 avril 2021 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Hascher, Mmes Antoine, Bozzi, Poinseaux, M. Fulchiron, Mme Dard, conseillers, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Mienta France, à la société [M]-[X]-[S], en qualité d'administrateur judiciaire, et à la société [D], en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Mienta France, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Blendex Egypt, Bouri Center, Bouri Général Trading, International Polytrade, Misr Intercommerce et Nile Intercommerce.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mai 2018), par un accord du 18 novembre 2002, les sociétés Groupe SEB-Moulinex et SEB (le groupe SEB), ayant repris les actifs de la société Moulinex, ont défini le cadre dans lequel se poursuivrait la relation commerciale avec les sociétés égyptiennes Misr Intercommerce (la société Intercommerce) et Blendex Egypt (la société Blendex), filiales du groupe Bouri, ayant toutes deux pour activité le négoce, la fabrication, l'importation et la distribution d'équipements domestiques et électroménagers. Le Groupe SEB-Moulinex a concédé à la société Intercommerce la représentation et la distribution exclusive des produits finis électroménagers de la marque Moulinex sur le territoire égyptien et à la société Blendex, pour le même territoire, premièrement, une licence d'exploitation exclusive des marques internationales Moulinex, deuxièmement, une licence de fabrication de certains produits, troisièmement, un prêt de moules et la fourniture de produits et composants nécessaires à la fabrication des appareils portant la marque Moulinex.

3. Un différend ayant opposé les parties lors de la cessation de leurs relations contractuelles, le groupe SEB a assigné les sociétés Intercommerce et Blendex en responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales établies.

4. Le groupe SEB a assigné en intervention forcée la société Mienta France, en lui reprochant de fabriquer elle-même et de faire fabriquer par la société Blendex, sous la marque Mienta, des articles de petit électroménager présentant avec les siens des similarités ayant pour objet ou pour effet de créer dans l'esprit du public une confusion dommageable à ses propres produits, et de les commercialiser sur le marché égyptien, par elle-même, ou dans les « Bouri Center », ou encore, par l'intermédiaire de la société Intercommerce.

5. Invoquant des faits de concurrence déloyale et de parasitisme, le groupe SEB a demandé, sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, la condamnation in solidum des sociétés Mienta France, Intercommerce et Bendex à lui payer des dommages-intérêts et à cesser la fabrication et la commercialisation des produits litigieux.

6. La société Mienta France a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du 23 mai 2019, la société [M]-[X]-[S] étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la société [D] en qualité de mandataire judiciaire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal, le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, les quatrième et cinquième moyens des pourvois incidents, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

8. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »), l'article 12 du code de procédure civile et les principes de primauté et d'effectivité du droit de l'Union européenne :

9. Le premier de ces textes dispose :

«1.La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être.

2. Lorsqu'un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, l'article 4 est applicable.

(...)

4. Il ne peut être dérogé à la loi applicable en vertu du présent article par un accord tel que mentionné à l'article 14. »

10. Il résulte du second de ces textes et des principes susvisés que si le juge n'a pas, sauf règles particulières, l'obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d'ordre public issues du droit de l'Union européenne, telle une règle de conflit de lois lorsqu'il est interdit d'y déroger, même si les parties ne les ont pas invoquées.

11. Pour condamner les sociétés Mienta France, Blendex et Intercommerce à payer des dommages-intérêts au groupe SEB en application du droit français, l'arrêt retient que ces sociétés, en entretenant délibérément, par la gamme et la présentation de leurs articles, une confusion entre les produits de marque Mienta et ceux de marque Moulinex, pour profiter de la notoriété de cette dernière en Egypte, et en utilisant à cette fin les moules et les techniques de fabrication du groupe Moulinex, ainsi que son réseau de distribution en Egypte, ont commis des actes de parasitisme et de concurrence déloyale.

12. En statuant ainsi, sans mettre en oeuvre d'office, comme il le lui incombait, les dispositions impératives de l'article 6 du règlement « Rome II » pour déterminer la loi applicable au litige, la cour d'appel a violé les textes et les principes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Groupe SEB-Moulinex et la société SEB aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour les sociétés Mienta France, [M]-[X]-[S], ès qualités, et [D], ès qualités, demanderesses au pourvoi principal.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un fabricant de produits électroménagers (la société Mienta France, l'exposante), in solidum avec d'autres (les sociétés Blendex Egypt et Misr Intercommerce), à payer à leurs concurrents (les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB) la somme de trois millions d'euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre d'une concurrence déloyale ;

AUX MOTIFS propres et adoptés QU'il résultait de la comparaison effectuée entre modèles que cinq produits de la marque Mienta constituaient des copies serviles des produits de la société SEB Moulinex ; que le seul élément distinctif entre les appareils Moulinex et Mienta consistait dans le nom de la marque apposée sur l'appareil, qui au demeurant commençait par un M et qui ne pouvait en l'état constituer un élément suffisant de différenciation entre les deux appareils ; qu'il résultait de ces éléments que la présentation des emballages, la configuration elle-même des produits et leurs dénominations induisaient une confusion délibérément entretenue quant à l'origine respective des produits, Moulinex et Mienta, le positionnement commercial étant au surplus identique puisque le groupe Bouri avait substitué la distribution des produits Mienta à celle des produits SEB Moulinex dès février 2012 ; que cette confusion était de nature à induire en erreur les consommateurs normalement avisés et raisonnablement attentifs sur les liens entre les deux sociétés ; que la société SEB produisait à cet égard le témoignage d'un consommateur posté sur la page Facebook de Moulinex Egypte ainsi rédigé : « Pouvez-vous me dire s'il vous plaît la différence entre Mienta et Moulinex parce que j'ai acheté un blender Moulinex et un hachoir à viande Moulinex mais le hachoir à légumes et le blender que j'ai achetés étaient Mienta et on m'a dit qu'ils proviennent de la même usine et que Moulinex n'est plus commercialisé et a été remplacé par Mienta (...) Au fait, c'est ce que le distributeur Moulinex à Béni Swefm' a raconté et plusieurs de mes proches ont acheté des produits Mienta en pensant qu'il s'agit du nouveau nom de Moulinex » ; que la société Mienta France était impliquée dans la fabrication et la commercialisation des produits de sa marque ; que, en effet, il résultait de son catalogue qu'elle commercialisait les produits de la marque Mienta, elle-même ou dans les Bouri Center situés en Égypte ; que l'attestation de son expert-comptable était sans portée, celui-ci se contentant d'attester que les produits Moulinex concernés n'étaient ni distribués ni fabriqués par la société Mienta ; qu'il résultait par contre du constat d'huissier effectué le 23 avril 2015 sur son site Internet que celle-ci proposait à la vente les marques Mienta litigieuses ; qu'elle ne pouvait donc soutenir n'avoir fabriqué et commercialisé que deux produits, le Blender Mienta 500 et le Blender Mienta 600 ; que, de même, la société Blendex Égypte fabriquait des produits de la marque Mienta en Egypte, ce qui était attesté par la mention de cette société sur le fond de l'emballage du produit Genuine Plus de Mienta ; que cette société ne contestait pas par ailleurs être titulaire d'un contrat de licence pour distribuer cette marque ; que, pareillement, la société Misr Intercommerce ne contestait pas utilement distribuer les produits Mienta en Égypte ; que cet état de fait était d'ailleurs corroboré par des attestations de salariés de cette société ; que si les sociétés du groupe Bouri prétendaient être propriétaires des moules servant à la fabrication de ces produits, il résultait des pièces versées aux débats par la société SEB, d'une part, que seuls les moules de certaines pièces des appareils avaient été prêtés par la société Moulinex, et, d'autre part, que c'était la copie servile des cinq modèles de Moulinex qui était constitutive de concurrence déloyale ; que, par ailleurs, les sociétés du groupe Bouri et la société Mienta ne démontraient pas que la forme de ces modèles, prétendument passée dans le domaine public, serait devenue une norme commune ; que, en outre, le fait que certains produits fussent fabriqués par d'autres marques concurrentes, de faible notoriété, chinoises ou autres, produisant elles aussi des copies serviles, n'était pas une cause d'exonération de responsabilité des sociétés du groupe Bouri ; qu'il n'était pas démontré que les modèles concernés ne seraient été distribués et proposés aux consommateurs par les sociétés du groupe SEB et seraient périmés, seules des modifications marginales ayant été apportées aux modèles concernés; que, au demeurant, la pratique de concurrence déloyale n'en serait pas moins constituée, si elle induisait chez les consommateurs égyptiens la croyance erronée d'acheter des produits Moulinex sous la marque Mienta, quand ces produits seraient en réalité périmés dans la gamme originale Moulinex ; qu'il y avait lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait estimé que la fabrication et la commercialisation en Egypte des petits appareils électroménagers Mienta identiques à ceux produits par Moulinex constituaient des actes de concurrence déloyale ; qu'il s'inférait nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un trouble commercial constitutif de préjudice pour la société qui en était victime (v. arrêt attaqué, p. 13, 2ème alinéa, à p. 14, 5ème alinéas ; p. 15, 6ème alinéa) ; qu'il résultait de la comparaison détaillée desdits produits effectuée au cours de l'audience et de l'examen attentif des photos produites par les demanderesses à l'action, auquel le tribunal s'était livré, que ne pouvait être contestée la réalité de ressemblances très significatives entre les produits SEB, à savoir : Multi-moulinette, Easy Max Compact, The Genuine, Super Blender et Moulinette S, et les produits équivalents commercialisés sous la marque Mienta, à savoir : Mini Chopper, Easy Plus, Genuine lus, Super Blender et Chopper plus Combi ; que les similitudes avérées risquaient de créer une confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne, tandis que seule l'utilisation de moules identiques à ceux du groupe SEB permettait d'obtenir les produits Mienta incriminés ; qu'il n'était pas rapporté par les défenderesses à l'action l'existence d'un quelconque impératif technique qui justifierait l'extrême similitude des produits ; qu'il n'était pas plus rapporté que le groupe SEB aurait concédé l'autorisation de fabrication sous une autre marque ; qu'il était donc patent que les choix effectués par la société Mienta n'étaient pas, de toute évidence, fortuits mais délibérés, l'ensemble de ces produits créant de surcroît un effet de gamme ; qu'il s'ensuivait que la fabrication et la commercialisation par la société Mienta d'appareils de petit électroménager quasi identiques aux produits désignés sous le nom de Multi-moulinette, Easy Max Compact, The Genuine, Super Blender et Moulinette S, fabriqués et commercialisés par le Groupe SEB, avec au surplus des dénominations très proches de ces derniers, constituaient des actes de concurrence déloyale ; qu'il s'inférait nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un trouble commercial constitutif de préjudice pour la société qui en était victime, eût-il été simplement moral ; que la responsabilité délictuelle de la société Mienta était établie (v. jugement entrepris, p. 14, 1er à 3ème, 5ème et 6ème alinéas) ;

ALORS QUE, en matière de concurrence déloyale, le juge est tenu de mettre en oeuvre, même d'office, la règle de conflit de lois ; que, lorsque les actes de concurrence déloyale ont un effet sur un marché déterminé, la loi applicable pour régir l'action est celle du lieu où le marché est affecté par l'activité litigieuse; que, pour imputer à l'exposante des actes de concurrence déloyale, l'arrêt attaqué a énoncé qu'elle avait fabriqué et commercialisé en Egypte, à destination de consommateurs égyptiens, des petits appareils électroménagers de la marque Mienta qui constituaient des copies serviles de produits de la marque Moulinex ; qu'en statuant ainsi exclusivement au regard du droit français, sans vérifier si, compte tenu du marché affecté par l'activité prétendument illicite, la loi égyptienne était applicable à l'action diligentée à l'encontre de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil, ensemble de l'article 12 du code de procédure civile et de l'article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 dit "Rome II" ;

ALORS QUE, subsidiairement, l'action en concurrence déloyale, qui est fondée sur la responsabilité civile délictuelle, suppose l'existence d'une faute commise par une personne au préjudice d'une autre ; que, pour engager la responsabilité de l'exposante, l'arrêt attaqué a énoncé qu'elle commercialisait des produits de la marque Mienta elle-même ou dans les Bouri center et que, sur son site internet, elle proposait à la vente les marques Mienta litigieuses ; qu'en statuant ainsi, sans constater que l'exposante fabriquait ou distribuait en Egypte les cinq produits incriminés et que son site internet français était accessible aux consommateurs égyptiens, la cour d'appel n'a conféré à sa décision aucune base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS QUE, enfin, les juges ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que, pour imputer à l'exposante la commercialisation des cinq appareils litigieux, l'arrêt attaqué a déclaré qu'elle était impliquée dans la fabrication et la commercialisation des produits de sa marque ; qu'en se prononçant de la sorte quand il résultait du certificat de l'enregistrement à l'INPI et de l'accord de sous-licence de marque conclu avec une autre société que l'exposante n'était pas titulaire de la marque Mienta, de sorte qu'elle ne pouvait être responsable que des produits de la marque qu'elle-même fabriquait ou commercialisait, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces actes en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un fabricant de produits électroménagers (la société Mienta France, l'exposante), in solidum avec d'autres (les sociétés Blendex Egypt et Misr Intercommerce), à payer à leurs concurrents (les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB) la somme de trois millions d'euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre d'une concurrence parasitaire ;

AUX MOTIFS propres et adoptés QU'il n'était pas contesté, ainsi que l'avaient relevé les premiers juges, que les produits Moulinex jouissaient d'une notoriété certaine en Égypte et les sociétés du groupe Bouri avaient, sans bourse délier, utilisé les moules et les techniques de fabrication résultant des investissements du groupe Moulinex, ainsi que son réseau de distribution en Egypte ; qu'il y avait donc lieu de confirmer également le jugement entrepris en ce qu'il avait qualifié les agissements litigieux de concurrence parasitaire, ces pratiques impliquant les sociétés Blendex Égypte, Misr Intercommerce et Mienta ; qu'il s'inférait nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un trouble commercial constitutif de préjudice pour la société qui en était victime (v. arrêt attaqué, p. 14, 7ème et 8ème alinéas ; p. 15, 6ème alinéa) ; qu'il ne pouvait être contesté que la notoriété des produits de la société Groupe SEB Moulinex était bien établie, y compris en Egypte ; que, d'autre part, il était indubitable que l'utilisation de moules et de techniques de fabrication, qui résultaient d'investissements du Groupe SEB Moulinex, avait été faite sans bourse délier par le groupe Bouri, les copies de moules étant, selon les explications des parties, peu onéreuses ; qu'il s'ensuivait que les agissements de la société Mienta étaient constitutifs de concurrence parasitaire ; qu'il s'inférait nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un trouble commercial constitutif de préjudice pour la société qui en était victime, eût-il été simplement moral ; que la responsabilité délictuelle de la société Mienta était établie (jugement entrepris, p. 14, 3ème à 5ème alinéas) ;

ALORS QUE, en matière de concurrence déloyale, le juge est tenu de mettre en oeuvre, même d'office, la règle de conflit de lois ; que, lorsque les actes de concurrence déloyale ont un effet sur un marché déterminé, la loi applicable pour régir l'action est celle du lieu où le marché est affecté par l'activité litigieuse ; que, pour imputer à l'exposante des actes de concurrence parasitaire, l'arrêt attaqué a énoncé qu'elle avait profité tant de la notoriété que la marque de son concurrent avait acquise en Egypte que de son réseau de distribution égyptien ; qu'en statuant ainsi exclusivement au regard du droit français, sans vérifier si, compte tenu du marché affecté par l'activité prétendument litigieuse, la loi égyptienne était applicable à l'action diligentée à l'encontre de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil, ensemble de l'article 12 du code de procédure civile et de l'article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 dit "Rome II".

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un fabricant de produits électroménagers (la société Mienta France, l'exposante), in solidum avec d'autres (les sociétés Blendex Egypt et Misr Intercommerce), à payer à leurs concurrents (les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB) la somme de trois millions d'euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une concurrence déloyale ;

AUX MOTIFS QUE, appuyées sur un rapport établi par le cabinet Ricol Lasteyrie, les sociétés appelantes, dont la société Mienta France, demandaient à la cour d'écarter le rapport établi par le cabinet [R], celui-ci n'ayant pas permis de débattre contradictoirement des éléments repris en son sein, la plupart des données étant couvertes par le principe de confidentialité ; qu'il s'inférait nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un trouble commercial constitutif de préjudices pour la société qui en était victime ; que, pour calculer le préjudice subi par la société Groupe SEB Moulinex à la suite des actes de concurrence déloyale, le rapport [R] avait évalué la marge qu'aurait réalisée la société SEB sur les cinq produits faisant l'objet d'imitations, de juin 2012 à fin décembre 2016, en l'absence des pratiques ; qu'à cet effet, il avait déterminé les ventes de produits réalisées par Mienta, la part de ces ventes qui auraient pu être réalisées par SEB (taux de report), puis estimé la marge que SEB aurait pu réaliser sur ces ventes ; que, ne disposant pas de données sur les ventes réalisées par Mienta sur les cinq produits copiés pendant la période, l'expert avait estimé que la baisse des ventes réalisées par SEB sur ces cinq produits à compter de juin 2012 était due aux pratiques de concurrence déloyale de Mienta et que toutes les quantités perdues avaient été prises par Mienta ; qu'il avait comparé les quantités normales annuelles qu'auraient dû générer les cinq produits copiés pendant la période (calculées sur la base de la moyenne annuelle des quantités vendues par SEB avant la mise en oeuvre des pratiques, soit entre 2009 et 2011 : 277 003 produits) aux quantités réelles vendues ; qu'il avait ensuite considéré que 80 % de ces ventes réalisées par Mienta auraient bénéficié à SEB, pour tenir compte de la circonstance que les prix de Mienta étaient plus faibles que ceux des produits copiés, ce qui expliquait que le taux de report fût inférieur à 100 %, les consommateurs étant sensibles aux prix. ; que cet effet avait été compensé par la notoriété des produits Moulinex ; que les quantités perdues s'élevaient ainsi à 813 056 produits ; que le chiffre d'affaires perdu, calculé en valorisant les quantités perdues sur la base des prix de vente moyens correspondant aux années litigieuses, avait ensuite permis de calculer la marge sur coûts variables perdue, soit la somme de 4,3 millions d'euros ; que la cour validait le principe de ces calculs et estimait qu'il n'y avait pas lieu d'écarter a priori le rapport [R], celui-ci ayant été soumis au contradictoire ; que, les chiffres n'étaient cependant étayés d'aucune pièce comptable, même si des tableaux de calcul figuraient en annexes, dont certains résultaient des chiffres de Blendex (quantités vendues par SEB entre 2009 et 2011) ; que les comptes de la société SEB n'étaient pas versés aux débats, ni les calculs permettant d'évaluer sa marge sur coûts variables ; qu'enfin, on pouvait penser qu'une partie des baisses de vente de la société SEB sur les cinq produits provenait également, en 2012 et une partie de l'année 2013, du non-renouvellement des contrats entre SEB et le groupe Bouri, de sorte que le chiffre calculé par le rapport [R] était surévalué ; que, pour ces raisons, la cour approuvait le tribunal d'avoir évalué à trois millions d'euros le préjudice résultant des pratiques de concurrence déloyale (v. arrêt attaqué, p. 15, 4ème alinéa, à p. 16, 4ème alinéa) ; que les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB réclamaient la somme totale de 9 597 939 ? au titre de la perte subie et du gain manqué ; que ce montant comprenait la perte au titre de la rupture brutale alléguée et 3 600 000 ? au titre de l'atteinte à l'image et à la notoriété ; qu'il y avait lieu cependant de ne tenir compte que des préjudices liés aux actes de concurrence déloyale et de parasitisme ; que des pièces versées aux débats par les demanderesses il ressortait, pour l'exercice 2011/2012, que la marge brute réalisée par le groupe SEB avec le groupe Bouri sur les produits Moulinex était de 1 891 000 ? ; que le chiffre d'affaires réalisé par le groupe Bouri sur les produits incriminés n'était pas divulgué ; que, en conséquence, le tribunal, usant de son pouvoir d'appréciation, fixerait les dommages et intérêts au titre du préjudice commercial et de la perte d'image dus aux agissements déloyaux et parasitaires, à la somme de trois millions d'euros et condamnerait la seule société Mienta à verser aux sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB la somme de trois millions d'euros à titre de dommages et intérêts, tous préjudices confondus, outre les intérêts légaux calculés à compter du 8 octobre 2013 avec anatocisme, déboutant du surplus (v. jugement entrepris, p. 14, dernier alinéa, et p. 15, 1er et 2ème alinéas) ;

ALORS QUE, d'une part, si un rapport d'expertise amiable établi non contradictoirement peut, lorsqu'il a été soumis à la discussion des parties, être utilisé à titre de preuve, il ne saurait constituer l'unique fondement de la décision ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que l'évaluation du préjudice résultait d'un rapport d'expertise amiable établi de façon non contradictoire par le cabinet [R] qui n'était assorti d'aucun document comptable contemporain des actes reprochés à l'exposante ; qu'en se fondant néanmoins exclusivement sur ce document pour arbitrer le montant alloué aux concurrents, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, d'autre part, l'arrêt attaqué a présupposé qu'« on p(ouvait) penser qu'une partie des baisses de vente de la société SEB sur les cinq produits prov(enait) également, en 2012 et une partie de l'année 2013, du non-renouvellement des contrats entre SEB et le groupe Bouri, de sorte que le chiffre calculé par le rapport [R] (était) surévalué » ; qu'en se fondant sur une simple supposition pour fixer le montant du préjudice subi par les concurrents, la cour d'appel a statué par un motif hypothétique, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir interdit à un fabricant de produits électroménagers (la société Mienta France, l'exposante), in solidum avec d'autres (les sociétés Blendex Egypt et Misr Intercommerce), de fabriquer et commercialiser les produits d'une marque dont il était licencié ;

ALORS QUE, d'une part, tout jugement doit être motivé ; qu'en interdisant à l'exposante de fabriquer et commercialiser les produits de la marque dont elle était la licenciée sans préciser ni analyser, même succinctement, les éléments sur lesquels elle se serait fondée pour justifier la solution retenue, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, d'autre part, la mesure d'interdiction doit être proportionnée à la nécessité de faire cesser les actes de concurrence déloyale et de prévenir leur renouvellement ; qu'en interdisant à l'exposante de fabriquer et commercialiser les produits de la marque dont elle était la licenciée, quand cinq produits seulement étaient visés par l'action en concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Misr Intercommerce, demanderesse au pourvoi incident.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté un distributeur exclusif (la société Misr Intercommerce, l'exposante) de sa demande indemnitaire en réparation du préjudice subi du fait d'une rupture abusive du contrat l'ayant lié à ses mandants (les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB) ;

AUX MOTIFS propres et adoptés QUE, après une période initiale de trois ans, le contrat de distribution du 20 février 2003 se renouvelait par période de deux ans ; que l'article 2 de cet accord prévoyait : « Le présent contrat est conclu pour une durée de trois ans à compter de la date des présentes. Il se renouvellera ensuite par période de deux ans dans les conditions suivantes : dans les soixante (60) jours précédant l'expiration de chaque période contractuelle (y compris la période initiale), les parties se concerteront afin d'examiner l'opportunité d'un renouvellement du présent contrat, et en particulier, afin de définir ensemble les nouveaux objectifs d'achats prévus à l'article 4.11 ci-après. À défaut d'accord entre les parties, le présent contrat ne sera pas renouvelé » ; que ce contrat n'était donc pas un contrat tacitement reconductible, le renouvellement étant soumis à l'accord de volontés des deux parties ; que, en l'espèce, le groupe SEB avait usé de son droit de ne pas poursuivre les relations contractuelles en adressant aux sociétés Misr Intercommerce et Blendex, du groupe Bouri, le 12 décembre 2011, des lettres notifiant le non-renouvellement des contrats à la date du 20 février 2012, soit à l'expiration du terme du renouvellement de deux ans des contrats ; que cette notification était intervenue plus de 60 jours avant l'expiration de cette période contractuelle ; que les sociétés appelantes ne pouvaient pas soutenir que le groupe Seb n'aurait pas respecté la procédure et les conditions contractuellement définies pour le non renouvellement du contrat de distribution ; qu'en effet, l'article 2 ne prévoyait que les conditions du renouvellement du contrat et non celles du non renouvellement qui intervenait au terme de chaque période de deux ans ; qu'il était donc loisible aux parties de décider unilatéralement de ne pas renouveler les contrats, seul le renouvellement étant subordonné à un accord des parties, les premiers juges ayant justement relevé que l'interprétation de l'article 2 par les appelantes reviendrait à priver les parties de leur faculté de non renouvellement de contrats à durée déterminée mais également à les maintenir dans un lien contractuel perpétuel prohibé ; que la circonstance, alléguée par les sociétés du groupe Bouri, que l'article 2 prévoyait une obligation de négociation en vue d'un éventuel renouvellement ne privait pas les partenaires de la faculté de profiter de l'expiration automatique du contrat au terme de chaque période de deux ans ; que cette obligation de négociation était, dans cette hypothèse, vide de sens, puisque le groupe Seb avait pris la décision de ne pas renouveler les contrats ; qu'il résultait, en outre, de l'instruction que le groupe Seb avait informé le groupe Bouri, lors de réunions en octobre 2010 et en novembre 2011, que son objectif était de contrôler la distribution de ses produits sous les marques Moulinex, Krups et Rowenta en Égypte, en établissant une société de distribution qui en aurait la charge ; qu'il était en effet fait référence à ces réunions dans les lettres notifiant la décision de non renouvellement adressées aux sociétés Misr Intercommerce et Blendex par Seb, l'existence de ces réunions n'ayant jamais été contestée par le groupe Bouri dans ses courriers en réponse du 18 février 2012, celle-ci l'ayant été pour la première fois dans ses écritures du 27 juin 2014 (v. arrêt attaqué, p. 10, 2ème alinéa, à p. 11, 2ème alinéa) ; qu'il résultait des termes de l'article 2 du contrat de distribution que le renouvellement de la convention ne s'effectuait pas par tacite reconduction, mais qu'« (elle) se renouveller(ait) par périodes de deux ans dans les conditions suivantes : dans les soixante jours précédant l'expiration de chaque période contractuelle, les parties se concerteraient afin d'examiner l'opportunité d'un renouvellement du présent contrat et, en particulier, afin de définir ensemble les nouveaux objectifs d'achat, que, à défaut d'accord entre les parties, le présent contrat ne sera(it) pas renouvelé » ; qu'il s'ensuivait que chacune des parties au contrat pouvait librement décider qu'elle n'avait pas convenance à le renouveler, sous réserve du strict respect des termes du contrat ; que la société Groupe SEB Moulinex, dans sa lettre du 12 décembre 2011, faisait référence aux discussions qui avaient eu lieu en octobre 2010 (à Dubaï lors du séminaire International Distributors Meeting - 11 au 13 octobre 2010) et au Caire le 15 novembre 2011, au sujet de son intention de contrôler la distribution de ses produits en Egypte ; que ces discussions alléguées étaient contestées par la société Misr Intercommerce ; qu'elles n'avaient donné lieu à aucun compte rendu, et que les demanderesses ne produisaient aucune note manuscrite de ces réunions ; qu'il paraissait cependant peu vraisemblable qu'un changement de méthode de distribution tel que l'envisageait la société Groupe SEB Moulinex, n'eût pas donné lieu à discussions, au moins verbales, entre les personnes concernées (v. jugement entrepris, p. 10, 6ème à 8ème alinéas) ;

ALORS QUE, d'une part, le contrat stipulait qu'il « (était) conclu pour une durée de trois ans à compter de la date des présentes » et qu'il « se renouvellera(it) ensuite par période de deux ans dans les conditions suivantes : dans les soixante (60) jours précédant l'expiration de chaque période contractuelle (y compris la période initiale), les parties se concerter(aient) afin d'examiner l'opportunité d'un renouvellement du présent contrat, et en particulier, afin de définir ensemble les nouveaux objectifs d'achats prévus à l'article 4.11 ci-après », puis que, « à défaut d'accord entre les parties, le présent contrat ne sera(it) pas renouvelé » ; qu'en décidant que le contrat prévoyait les conditions de son renouvellement et non celles de son non renouvellement, quand il n'instituait aucune distinction entre ces deux situations, la cour d'appel a dénaturé cet acte en violation de l'article 1134 du code civil ;

ALORS QUE, d'autre part, en cause d'appel, l'exposante faisait valoir (v. ses concl., pp 20 et 21) que l'article 2 du contrat de distribution devait être apprécié au regard des contrats de prêt de moules, de licence de savoir-faire et de licence de marque, ayant un caractère indivisible, dont le renouvellement était stipulé par reconduction tacite, ainsi que du comportement de ses partenaires qui n'avaient jamais mis en oeuvre de négociations pour le renouvellement aux échéances antérieures et avaient accepté son renouvellement tacite ; qu'en délaissant ces écritures pour déduire de la seule lettre de l'article 2 du contrat de distribution que celui-ci était à durée déterminée, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, enfin, le juge ne peut se prononcer par voie de simple affirmation ; qu'en reprenant l'allégation des cocontractants prétendant que, lors de réunions en octobre 2010 et en novembre 2011, le distributeur avait été informé de la réorganisation du circuit de distribution des produits et donc de la fin de leur collaboration, se déterminant de la sorte sur le fondement d'une simple déclaration de l'intéressé en sa faveur, à l'exclusion de tout autre élément de preuve qu'elle aurait dû par ailleurs analyser, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le distributeur exclusif d'une marque (la société Misr Intercommerce, l'exposante), in solidum avec d'autres (les sociétés Mienta France et Blendex Egypt), à payer à leurs concurrents (les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB) la somme de trois millions d'euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du chef d'une concurrence déloyale ;

AUX MOTIFS propres et adoptés QU'il résultait de la comparaison effectuée entre modèles que cinq produits de la marque Mienta constituaient des copies serviles des produits de la société SEB Moulinex ; que le seul élément distinctif entre les appareils Moulinex et Mienta consistait dans le nom de la marque apposée sur l'appareil, qui au demeurant commençait par un M, et qui ne pouvait en l'état constituer un élément suffisant de différenciation entre les deux appareils ; qu'il résultait de ces éléments que la présentation des emballages, la configuration elle-même des produits et leurs dénominations induisaient une confusion délibérément entretenue quant à l'origine respective des produits, Moulinex et Mienta, le positionnement commercial étant au surplus identique puisque le groupe Bouri avait substitué la distribution des produits Mienta à celle des produits SEB Moulinex dès février 2012 ; que cette confusion était de nature à induire en erreur les consommateurs normalement avisés et raisonnablement attentifs sur les liens entre les deux sociétés ; que la société SEB produisait à cet égard le témoignage d'un consommateur posté sur la page Facebook de Moulinex Egypte ainsi rédigé : « Pouvez-vous me dire s'il vous plaît la différence entre Mienta et Moulinex parce que j'ai acheté un blender Moulinex et un hachoir à viande Moulinex mais le hachoir à légumes et le blender que j'ai achetés étaient Mienta et on m'a dit qu'ils proviennent de la même usine et que Moulinex n'est plus commercialisé et a été remplacé par Mienta (...) Au fait, c'est ce que le distributeur Moulinex à Béni Swefm' a raconté et plusieurs de mes proches ont acheté des produits Mienta en pensant qu'il s'agit du nouveau nom de Moulinex » ; que la société Mienta France était impliquée dans la fabrication et la commercialisation des produits de sa marque ; que, en effet, il résultait de son catalogue qu'elle commercialisait les produits de la marque Mienta, elle-même ou dans les Bouri Center situés en Égypte; que l'attestation de son expert-comptable était sans portée, celui-ci se contentant d'attester que les produits Moulinex concernés n'étaient ni distribués ni fabriqués par la société Mienta ; qu'il résultait par contre du constat d'huissier effectué le 23 avril 2015 sur son site Internet que celle-ci proposait à la vente les marques Mienta litigieuses ; qu'elle ne pouvait donc soutenir n'avoir fabriqué et commercialisé que deux produits le Blender Mienta 500 et le Blender Mienta 600 ; que, de même, la société Blendex Égypte fabriquait des produits de la marque Mienta en Egypte, ce qui était attesté par la mention de cette société sur le fond de l'emballage du produit Genuine Plus de Mienta ; que cette société ne contestait pas par ailleurs être titulaire d'un contrat de licence pour distribuer cette marque ; que, pareillement, la société Misr Intercommerce ne contestait pas utilement distribuer les produits Mienta en Égypte ; que cet état de fait était d'ailleurs corroboré par des attestations de salariés de cette société ; que si les sociétés du groupe Bouri prétendaient être propriétaires des moules servant à la fabrication de ces produits, il résultait des pièces versées aux débats par la société SEB, d'une part, que seuls les moules de certaines pièces des appareils avaient été prêtés par la société Moulinex, et, d'autre part, que c'est la copie servile des cinq modèles de Moulinex qui était constitutive de concurrence déloyale ; que, par ailleurs, les sociétés du groupe Bouri et la société Mienta ne démontraient pas que la forme de ces modèles, prétendument passée dans le domaine public, serait devenue une norme commune ; que, en outre, le fait que certains produits fussent fabriqués par d'autres marques concurrentes, de faible notoriété, chinoises ou autres, produisant elles aussi des copies serviles, n'était pas une cause d'exonération de responsabilité des sociétés du groupe Bouri ; qu'il n'était pas démontré que les modèles concernés ne seraient plus distribués et proposés aux consommateurs par les sociétés du groupe SEB et seraient périmés, seules des modifications marginales ayant été apportées aux modèles concernés ; que, au demeurant, la pratique de concurrence déloyale n'en serait pas moins constituée si elle induisait chez les consommateurs égyptiens la croyance erronée d'acheter des produits Moulinex sous la marque Mienta, quand ces produits seraient en réalité périmés dans la gamme originale Moulinex ; qu'il y avait lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait estimé que la fabrication et la commercialisation en Egypte des petits appareils électroménagers Mienta identiques à ceux produits par Moulinex constituaient des actes de concurrence déloyale ; qu'il s'inférait nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un trouble commercial constitutif de préjudice pour la société qui en était victime (v. arrêt attaqué, p. 13, 2ème alinéa, à p. 14, 5ème alinéas ; p. 15, 6ème alinéa) ; qu'il résultait de la comparaison détaillée desdits produits effectuée au cours de l'audience et de l'examen attentif des photos produites par les demanderesses à l'action auquel le tribunal s'était livré, que ne pouvait être contestée la réalité de ressemblances très significatives entre les produits SEB, à savoir : Multi-moulinette, Easy Max Compact, The Genuine, Super Blender et Moulinette S et les produits équivalents commercialisés sous la marque Mienta, à savoir : Mini Chopper, Easy Plus, Genuine lus, Super Blender et Chopper plus Combi ; que les similitudes avérées risquaient de créer une confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne de ces produits, tandis que seule l'utilisation de moules identiques à ceux du groupe SEB permettait d'obtenir les produits Mienta incriminés ; qu'il n'était pas rapporté par les défenderesses à l'action l'existence d'un quelconque impératif technique qui aurait justifié l'extrême similitude des produits ; qu'il n'était pas plus rapporté que le groupe SEB aurait concédé l'autorisation de fabrication sous une autre marque (v. jugement entrepris, p. 14, 1er à 3ème alinéas) ;

ALORS QUE, en matière de concurrence déloyale, le juge est tenu de mettre en oeuvre, même d'office, la règle de conflit de lois ; que, lorsque les actes de concurrence déloyale ont un effet sur un marché déterminé, la loi applicable pour régir l'action est celle du lieu où le marché est affecté par l'activité litigieuse ; que, pour imputer à l'exposante des actes de concurrence déloyale, l'arrêt attaqué a énoncé qu'elle avait fabriqué et commercialisé en Egypte, à destination de consommateurs égyptiens, des petits appareils électroménagers de la marque Mienta qui constituaient des copies serviles de produits de la marque Moulinex ; qu'en statuant ainsi exclusivement au regard du droit français, sans vérifier si, compte tenu du marché affecté par l'activité prétendument illicite, la loi égyptienne était applicable à l'action diligentée à l'encontre de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil, ensemble de l'article 12 du code de procédure civile et de l'article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 dit "Rome II" ;

ALORS QUE, subsidiairement, l'action en concurrence déloyale, qui est fondée sur la responsabilité civile délictuelle, suppose l'existence d'une faute commise par une personne au préjudice d'une autre ; que, pour engager la responsabilité de l'exposante, l'arrêt attaqué a énoncé qu'elle commercialisait les cinq produits litigieux ; qu'en statuant ainsi quand elle relevait qu'il était fait mention de son existence seulement sur l'emballage de l'un d'entre eux, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS QUE, en engageant la responsabilité de l'exposante pour la raison qu'elle était licenciée de la marque Mienta quand cette circonstance ne suffisait pas à elle seule à administrer la preuve qu'elle avait fabriqué et commercialisé les cinq produits litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article 1134 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le distributeur exclusif d'une marque (la société Misr Intercommerce, l'exposante), in solidum avec d'autres (les sociétés Mienta France et Blendex Egypt), à payer à leurs concurrents (les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB) la somme de trois millions d'euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du chef d'une concurrence parasitaire ;

AUX MOTIFS propres et adoptés QU'il n'était pas contesté, ainsi que l'avaient relevé les premiers juges, que les produits Moulinex jouissaient d'une notoriété certaine en Égypte et que les sociétés du groupe Bouri avaient, sans bourse délier, utilisé les moules et les techniques de fabrication résultant des investissements du groupe Moulinex, ainsi que son réseau de distribution en Egypte ; qu'il y avait donc lieu de confirmer également le jugement entrepris en ce qu'il avait qualifié les agissements litigieux de concurrence parasitaire ; que ces pratiques impliquaient les sociétés Blendex Égypte, Misr Intercommerce et Mienta ; qu'il s'inférait nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un trouble commercial constitutif de préjudice pour la société qui en était victime (v. arrêt attaqué, p. 14, 7ème et 8ème alinéas ; p. 15, 6ème alinéa) ; qu'il ne pouvait être contesté que la notoriété des produits de la société Groupe SEB Moulinex était bien établie, y compris en Egypte ; qu'il était par ailleurs indubitable que l'utilisation de moules et de techniques de fabrication qui résultaient d'investissements du Groupe SEB Moulinex avait été faite sans bourse délier par le groupe Bouri, les copies de moules étant selon les explications des parties peu onéreuses (jugement entrepris, p. 14, 3ème et 4ème alinéas) ;

ALORS QUE, en matière de concurrence déloyale, le juge est tenu de mettre en oeuvre, même d'office, la règle de conflit de lois ; que, lorsque les actes de concurrence déloyale ont un effet sur un marché déterminé, la loi applicable pour régir l'action est celle du lieu où le marché est affecté par l'activité litigieuse ; que, pour imputer à l'exposante des actes de concurrence parasitaire, l'arrêt attaqué a énoncé qu'elle avait profité tant de la notoriété que la marque de son concurrent avait acquise en Egypte que de son réseau de distribution égyptien ; qu'en statuant ainsi exclusivement au regard du droit français, sans vérifier si, compte tenu du marché affecté par l'activité prétendument litigieuse, la loi égyptienne était applicable à l'action diligentée l'encontre de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil, ensemble de l'article 12 du code de procédure civile et de l'article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 dit "Rome II".

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le distributeur exclusif d'une marque (la société Misr Intercommerce, l'exposante), in solidum avec d'autres (les sociétés Mienta France et Blendex Egypt), à payer à leurs concurrents (les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB) la somme de trois millions d'euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du chef d'une concurrence déloyale ;

AUX MOTIFS QUE, appuyées sur un rapport établi par le cabinet Ricol Lasteyrie, les sociétés appelantes, dont la société Blendex Egypt, demandaient à la cour d'écarter le rapport établi par le cabinet [R], celui-ci n'ayant pas permis de débattre contradictoirement des éléments repris en son sein, la plupart des données étant couvertes par le principe de confidentialité ; qu'il s'inférait nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un trouble commercial constitutif de préjudices pour la société qui en était victime ; que, pour calculer le préjudice subi par la société Groupe SEB Moulinex à la suite des actes de concurrence déloyale, le rapport [R] avait évalué la marge qu'aurait réalisée la société SEB sur les cinq produits faisant l'objet d'imitations, de juin 2012 à fin décembre 2016, en l'absence des pratiques ; qu'à cet effet, il avait déterminé les ventes de produits réalisées par Mienta, la part de ces ventes qui auraient pu être réalisées par SEB (taux de report), puis estimé la marge que SEB aurait pu dégager sur ces ventes ; que, ne disposant pas de données sur les ventes réalisées par Mienta sur les cinq produits copiés pendant la période, l'expert avait estimé que la baisse des ventes réalisées par SEB sur ces cinq produits à compter de juin 2012 était due aux pratiques de concurrence déloyale de Mienta et que toutes les quantités perdues avaient été prises par Mienta ; qu'il avait comparé les quantités normales annuelles qu'auraient dû générer les cinq produits copiés pendant la période (calculées sur la base de la moyenne annuelle des quantités vendues par SEB avant la mise en oeuvre des pratiques, soit entre 2009 et 2011 : 277 003 produits) aux quantités réelles vendues ; qu'il avait ensuite considéré que 80 % de ces ventes réalisées par Mienta auraient bénéficié à SEB, pour tenir compte de la circonstance que les prix de Mienta étaient plus faibles que ceux des produits copiés, ce qui expliquait que le taux de report fût inférieur à 100 %, les consommateurs étant sensibles aux prix ; que cet effet avait été compensé par la notoriété des produits Moulinex ; que les quantités perdues s'élevaient ainsi à 813 056 produits ; que le chiffre d'affaires perdu, calculé en valorisant les quantités perdues sur la base des prix de vente moyens correspondant aux années litigieuses, avait ensuite permis de calculer la marge sur coûts variables perdue, soit la somme de 4,3 millions d'euros ; que la cour validait le principe de ces calculs et estimait qu'il n'y avait pas lieu d'écarter a priori le rapport [R], celui-ci ayant été soumis au contradictoire ; que les chiffres n'étaient cependant étayés d'aucune pièce comptable, même si des tableaux de calcul figuraient en annexes, dont certains résultaient des chiffres de Blendex (quantités vendues par SEB entre 2009 et 2011) ; que les comptes de la société SEB n'étaient pas versés aux débats, ni les calculs permettant d'évaluer sa marge sur coûts variables ; qu'enfin, on pouvait penser qu'une partie des baisses de vente de la société SEB sur les cinq produits provenait également, en 2012 et une partie de l'année 2013, du non-renouvellement des contrats entre SEB et le groupe Bouri, de sorte que le chiffre calculé par le rapport [R] était surévalué ; que, pour ces raisons, la cour approuvait le tribunal d'avoir évalué à trois millions d'euros le préjudice résultant des pratiques de concurrence déloyale (v. arrêt attaqué, p. 15, 4ème alinéa, à p. 16, 4ème alinéa) ; que les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB réclamaient la somme totale de 9 597 939 ? au titre de la perte subie et du gain manqué ; que ce montant comprenait la perte au titre de la rupture brutale alléguée et 3 600 000 ? au titre de l'atteinte à l'image et à la notoriété ; qu'il y avait lieu cependant de ne tenir compte que des préjudices liés aux actes de concurrence déloyale et de parasitisme ; que des pièces versées aux débats par les demanderesses à l'action il ressortait, pour l'exercice 2011/2012, que la marge brute réalisée par le groupe SEB avec le groupe Bouri sur les produits Moulinex était de 1 891 000 ? ; que le chiffre d'affaires réalisé par le groupe Bouri sur les produits incriminés n'était pas divulgué ; que, en conséquence, le tribunal, usant de son pouvoir d'appréciation, fixerait les dommages et intérêts au titre du préjudice commercial et de la perte d'image dus aux agissements déloyaux et parasitaires, à la somme de trois millions d'euros et condamnerait la seule société Mienta à verser aux sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB la somme de trois millions d'euros à titre de dommages et intérêts tous préjudices confondus, outre les intérêts légaux calculés à compter du 8 octobre 2013 avec anatocisme, déboutant du surplus (v. jugement entrepris, p. 14, dernier alinéa, et p. 15, 1er et 2ème alinéas) ;

ALORS QUE, d'une part, si un rapport d'expertise amiable établi non contradictoirement peut, lorsqu'il a été soumis à la discussion des parties, être utilisé à titre de preuve, il ne saurait constituer l'unique fondement de la décision ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que l'évaluation du préjudice résultait d'un rapport d'expertise amiable établi de façon non contradictoire par le cabinet [R] qui n'était assorti d'aucun document comptable contemporain des actes reprochés à l'exposante ; qu'en se fondant néanmoins exclusivement sur ce document pour arbitrer le montant alloué aux concurrents, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, d'autre part, l'arrêt attaqué a présupposé qu'« on p(ouvait) penser qu'une partie des baisses de vente de la société SEB sur les cinq produits prov(enait) également, en 2012 et une partie de l'année 2013, du non-renouvellement des contrats entre SEB et le groupe Bouri, de sorte que le chiffre calculé par le rapport [R] (était) surévalué » ; qu'en fondant sa décision sur une simple supposition pour fixer le montant du préjudice subi par les concurrents, la cour d'appel a statué par un motif hypothétique en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir interdit au distributeur exclusif d'une marque (la société Misr Intercommerce, l'exposante), in solidum avec d'autres (les sociétés Mienta France et Blendex Egypt), de fabriquer et commercialiser les produits de cette marque ;

ALORS QUE, d'une part, tout jugement doit être motivé ; qu'en interdisant à l'exposante de fabriquer et commercialiser les produits de la marque dont elle était la sous-licenciée sans préciser ni analyser, même succinctement, les éléments sur lesquels elle se serait fondée pour justifier la solution retenue, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, d'autre part, la mesure d'interdiction doit être proportionnée à la nécessité de faire cesser les actes de concurrence déloyale et de prévenir leur renouvellement ; qu'en interdisant à l'exposante de fabriquer et commercialiser les produits de la marque dont elle était la sous-licenciée, quand cinq produits seulement étaient visés par l'action en concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. Moyens produits produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Blendex Egypt Sae, défenderesse au pourvoi incident.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le sous-licencié d'une marque (la société Blendex Egypt, l'exposante) de sa demande indemnitaire en réparation du préjudice subi du fait d'une rupture abusive du contrat l'ayant lié à ses mandants (les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB) ;

AUX MOTIFS propres et adoptés QUE, après une période initiale de trois ans, le contrat de distribution du 20 février 2003 se renouvelait par période de deux ans ; que l'article 2 de cet accord prévoyait : « Le présent contrat est conclu pour une durée de trois ans à compter de la date des présentes. Il se renouvellera ensuite par période de deux ans dans les conditions suivantes : dans les soixante (60) jours précédant l'expiration de chaque période contractuelle (y compris la période initiale), les parties se concerteront afin d'examiner l'opportunité d'un renouvellement du présent contrat, et en particulier, afin de définir ensemble les nouveaux objectifs d'achats prévus à l'article 4.11 ci-après. À défaut d'accord entre les parties, le présent contrat ne sera pas renouvelé » ; que ce contrat n'était donc pas un contrat tacitement reconductible, le renouvellement étant soumis à l'accord de volontés des deux parties ; que, en l'espèce, le groupe SEB avait usé de son droit de ne pas poursuivre les relations contractuelles en adressant aux sociétés Misr Intercommerce et Blendex, du groupe Bouri, le 12 décembre 2011, des lettres notifiant le non-renouvellement des contrats à la date du 20 février 2012, soit à l'expiration du terme du renouvellement de deux ans des contrats ; que cette notification était intervenue plus de 60 jours avant l'expiration de cette période contractuelle ; que les sociétés appelantes ne pouvaient pas soutenir que le groupe Seb n'aurait pas respecté la procédure et les conditions contractuellement définies pour le non renouvellement du contrat de distribution ; qu'en effet, l'article 2 ne prévoyait que les conditions du renouvellement du contrat et non celles du non renouvellement qui intervenait au terme de chaque période de deux ans ; qu'il était donc loisible aux parties de décider unilatéralement de ne pas renouveler les contrats, seul le renouvellement étant subordonné à un accord des parties, les premiers juges ayant justement relevé que l'interprétation de l'article 2 par les appelantes reviendrait à priver les parties de leur faculté de non renouvellement de contrats à durée déterminée mais également à les maintenir dans un lien contractuel perpétuel prohibé ; que la circonstance, alléguée par les sociétés du groupe Bouri, que l'article 2 prévoyait une obligation de négociation en vue d'un éventuel renouvellement ne privait pas les partenaires de la faculté de profiter de l'expiration automatique du contrat au terme de chaque période de deux ans ; que cette obligation de négociation était, dans cette hypothèse, vide de sens, puisque le groupe Seb avait pris la décision de ne pas renouveler les contrats ; qu'il résultait, en outre, de l'instruction que le groupe Seb avait informé le groupe Bouri, lors de réunions en octobre 2010 et en novembre 2011, que son objectif était de contrôler la distribution de ses produits sous les marques Moulinex, Krups et Rowenta en Égypte, en établissant une société de distribution qui en aurait la charge ; qu'il était en effet fait référence à ces réunions dans les lettres notifiant la décision de non renouvellement adressées aux sociétés Misr Intercommerce et Blendex par Seb, l'existence de ces réunions n'ayant jamais été contestée par le groupe Bouri dans ses courriers en réponse du 18 février 2012, celle-ci l'ayant été pour la première fois dans ses écritures du 27 juin 2014 (v. arrêt attaqué, p. 10, 2ème alinéa, à p. 11, 2ème alinéa) ; qu'il résultait des termes de l'article 2 du contrat de distribution que le renouvellement de la convention ne s'effectuait pas par tacite reconduction, mais qu'« (elle) se renouveller(ait) par périodes de deux ans dans les conditions suivantes : dans les soixante jours précédant l'expiration de chaque période contractuelle, les parties se concerteraient afin d'examiner l'opportunité d'un renouvellement du présent contrat et, en particulier, afin de définir ensemble les nouveaux objectifs d'achat, que, à défaut d'accord entre les parties, le présent contrat ne sera(it) pas renouvelé » ; qu'il s'ensuivait que chacune des parties au contrat pouvait librement décider qu'elle n'avait pas convenance à le renouveler, sous réserve du strict respect des termes du contrat ; que la société Groupe SEB Moulinex, dans sa lettre du 12 décembre 2011, faisait référence aux discussions qui avaient eu lieu en octobre 2010 (à Dubaï lors du séminaire International Distributors Meeting -11 au 13 octobre 2010) et au Caire le 15 novembre 2011, au sujet de son intention de contrôler la distribution de ses produits en Egypte ; que ces discussions alléguées étaient contestées par la société Misr Intercommerce ; qu'elles n'avaient donné lieu à aucun compte rendu, et que les demanderesses ne produisaient aucune note manuscrite de ces réunions ; qu'il paraissait cependant peu vraisemblable qu'un changement de méthode de distribution tel que l'envisageait la société Groupe SEB Moulinex, n'eût pas donné lieu à discussions, au moins verbales, entre les personnes concernées (v. jugement entrepris, p. 10, 6ème à 8ème alinéas) ;

ALORS QUE, d'une part, le contrat stipulait qu'il « (était) conclu pour une durée de trois ans à compter de la date des présentes » et qu'il « se renouvellera(it) ensuite par période de deux ans dans les conditions suivantes : dans les soixante (60) jours précédant l'expiration de chaque période contractuelle (y compris la période initiale), les parties se concerter(aient) afin d'examiner l'opportunité d'un renouvellement du présent contrat, et en particulier, afin de définir ensemble les nouveaux objectifs d'achats prévus à l'article 4.11 ci-après », puis que, « à défaut d'accord entre les parties, le présent contrat ne sera(it) pas renouvelé » ; qu'en décidant que le contrat prévoyait les conditions de son renouvellement et non celles de son non renouvellement, quand il n'instituait aucune distinction entre ces deux situations, la cour d'appel a dénaturé cet acte en violation de l'article 1134 du code civil ;

ALORS QUE, d'autre part, en cause d'appel, l'exposante faisait valoir (v. ses concl., pp 20 et 21) que l'article 2 du contrat de distribution devait être apprécié au regard des contrats de prêt de moules, de licence de savoir-faire et de licence de marque, ayant un caractère indivisible, dont le renouvellement était stipulé par reconduction tacite, ainsi que du comportement de ses partenaires qui n'avaient jamais mis en oeuvre de négociations pour le renouvellement aux échéances antérieures et avaient accepté son renouvellement tacite ; qu'en délaissant ces écritures pour déduire de la seule lettre de l'article 2 du contrat de distribution que celui-ci était à durée déterminée, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, enfin, le juge ne peut se prononcer par voie de simple affirmation ; qu'en reprenant l'allégation des cocontractants prétendant que, lors de réunions en octobre 2010 et en novembre 2011, le sous licencié avait été informé de la réorganisation du circuit de distribution des produits et donc de la fin de leur collaboration, se déterminant de la sorte sur le fondement d'une simple déclaration de l'intéressé en sa faveur, à l'exclusion de tout autre élément de preuve qu'elle aurait dû par ailleurs analyser, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le sous-licencié d'une marque (la société Blendex Egypt, l'exposante), in solidum avec d'autres (les sociétés Mienta France et Misr Intercommerce), à payer à leurs concurrents (les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB) la somme de trois millions d'euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du chef d'une concurrence déloyale ;

AUX MOTIFS propres et adoptés QU'il résultait de la comparaison effectuée entre modèles que cinq produits de la marque Mienta constituaient des copies serviles des produits de la société SEB Moulinex ; que le seul élément distinctif entre les appareils Moulinex et Mienta consistait dans le nom de la marque apposée sur l'appareil, qui au demeurant commençait par un M, et qui ne pouvait en l'état constituer un élément suffisant de différenciation entre les deux appareils ; qu'il résultait de ces éléments que la présentation des emballages, la configuration elle-même des produits et leurs dénominations induisaient une confusion délibérément entretenue quant à l'origine respective des produits, Moulinex et Mienta, le positionnement commercial étant au surplus identique puisque le groupe Bouri avait substitué la distribution des produits Mienta à celle des produits SEB Moulinex dès février 2012 ; que cette confusion était de nature à induire en erreur les consommateurs normalement avisés et raisonnablement attentifs sur les liens entre les deux sociétés ; que la société SEB produisait à cet égard le témoignage d'un consommateur posté sur la page Facebook de Moulinex Egypte ainsi rédigé : « Pouvez-vous me dire s'il vous plaît la différence entre Mienta et Moulinex parce que j'ai acheté un blender Moulinex et un hachoir à viande Moulinex mais le hachoir à légumes et le blender que j'ai achetés étaient Mienta et on m'a dit qu'ils proviennent de la même usine et que Moulinex n'est plus commercialisé et a été remplacé par Mienta (...) Au fait, c'est ce que le distributeur Moulinex à Béni Swefm' a raconté et plusieurs de mes proches ont acheté des produits Mienta en pensant qu'il s'agit du nouveau nom de Moulinex » ; que la société Mienta France était impliquée dans la fabrication et la commercialisation des produits de sa marque ; que, en effet, il résultait de son catalogue qu'elle commercialisait les produits de la marque Mienta, elle-même ou dans les Bouri Center situés en Égypte; que l'attestation de son expert-comptable était sans portée, celui-ci se contentant d'attester que les produits Moulinex concernés n'étaient ni distribués ni fabriqués par la société Mienta ; qu'il résultait par contre du constat d'huissier effectué le 23 avril 2015 sur son site Internet que celle-ci proposait à la vente les marques Mienta litigieuses ; qu'elle ne pouvait donc soutenir n'avoir fabriqué et commercialisé que deux produits le Blender Mienta 500 et le Blender Mienta 600 ; que, de même, la société Blendex Égypte fabriquait des produits de la marque Mienta en Egypte, ce qui était attesté par la mention de cette société sur le fond de l'emballage du produit Genuine Plus de Mienta ; que cette société ne contestait pas par ailleurs être titulaire d'un contrat de licence pour distribuer cette marque ; que, pareillement, la société Misr Intercommerce ne contestait pas utilement distribuer les produits Mienta en Égypte ; que cet état de fait était d'ailleurs corroboré par des attestations de salariés de cette société ; que si les sociétés du groupe Bouri prétendaient être propriétaires des moules servant à la fabrication de ces produits, il résultait des pièces versées aux débats par la société SEB, d'une part, que seuls les moules de certaines pièces des appareils avaient été prêtés par la société Moulinex, et, d'autre part, que c'est la copie servile des cinq modèles de Moulinex qui était constitutive de concurrence déloyale ; que, par ailleurs, les sociétés du groupe Bouri et la société Mienta ne démontraient pas que la forme de ces modèles, prétendument passée dans le domaine public, serait devenue une norme commune ; que, en outre, le fait que certains produits fussent fabriqués par d'autres marques concurrentes, de faible notoriété, chinoises ou autres, produisant elles aussi des copies serviles, n'était pas une cause d'exonération de responsabilité des sociétés du groupe Bouri ; qu'il n'était pas démontré que les modèles concernés ne seraient plus distribués et proposés aux consommateurs par les sociétés du groupe SEB et seraient périmés, seules des modifications marginales ayant été apportées aux modèles concernés ; que, au demeurant, la pratique de concurrence déloyale n'en serait pas moins constituée si elle induisait chez les consommateurs égyptiens la croyance erronée d'acheter des produits Moulinex sous la marque Mienta, quand ces produits seraient en réalité périmés dans la gamme originale Moulinex ; qu'il y avait lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait estimé que la fabrication et la commercialisation en Egypte des petits appareils électroménagers Mienta identiques à ceux produits par Moulinex constituaient des actes de concurrence déloyale ; qu'il s'inférait nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un trouble commercial constitutif de préjudice pour la société qui en était victime (v. arrêt attaqué, p. 13, 2ème alinéa, à p. 14, 5ème alinéas ; p. 15, 6ème alinéa) ; qu'il résultait de la comparaison détaillée desdits produits effectuée au cours de l'audience et de l'examen attentif des photos produites par les demanderesses à l'action auquel le tribunal s'était livré, que ne pouvait être contestée la réalité de ressemblances très significatives entre les produits SEB, à savoir : Multi-moulinette, Easy Max Compact, The Genuine, Super Blender et Moulinette S et les produits équivalents commercialisés sous la marque Mienta, à savoir : Mini Chopper, Easy Plus, Genuine lus, Super Blender et Chopper plus Combi ; que les similitudes avérées risquaient de créer une confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne de ces produits, tandis que seule l'utilisation de moules identiques à ceux du groupe SEB permettait d'obtenir les produits Mienta incriminés ; qu'il n'était pas rapporté par les défenderesses à l'action l'existence d'un quelconque impératif technique qui aurait justifié l'extrême similitude des produits ; qu'il n'était pas plus rapporté que le groupe SEB aurait concédé l'autorisation de fabrication sous une autre marque (v. jugement entrepris, p. 14, 1er à 3ème alinéas) ;

ALORS QUE, en matière de concurrence déloyale, le juge est tenu de mettre en oeuvre, même d'office, la règle de conflit de lois ; que, lorsque les actes de concurrence déloyale ont un effet sur un marché déterminé, la loi applicable pour régir l'action est celle du lieu où le marché est affecté par l'activité litigieuse ; que, pour imputer à l'exposante des actes de concurrence déloyale, l'arrêt attaqué a énoncé qu'elle avait fabriqué et commercialisé en Egypte, à destination de consommateurs égyptiens, des petits appareils électroménagers de la marque Mienta qui constituaient des copies serviles de produits de la marque Moulinex ; qu'en statuant ainsi exclusivement au regard du droit français, sans vérifier si, compte tenu du marché affecté par l'activité prétendument illicite, la loi égyptienne était applicable à l'action diligentée à l'encontre de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil, ensemble de l'article 12 du code de procédure civile et de l'article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 dit "Rome II" ;

ALORS QUE, subsidiairement, l'action en concurrence déloyale, qui est fondée sur la responsabilité civile délictuelle, suppose l'existence d'une faute commise par une personne au préjudice d'une autre ; que, pour engager la responsabilité de l'exposante, l'arrêt attaqué a énoncé qu'elle commercialisait les cinq produits litigieux ; qu'en statuant ainsi quand elle relevait qu'il était fait mention de son existence seulement sur l'emballage de l'un d'entre eux, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS QUE, en engageant la responsabilité de l'exposante pour la raison qu'elle était licenciée de la marque Mienta quand cette circonstance ne suffisait pas à elle seule à administrer la preuve qu'elle avait fabriqué et commercialisé les cinq produits litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article 1134 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le sous-licencié d'une marque (la société Blendex Egypt, l'exposante), in solidum avec d'autres (les sociétés Mienta France et Misr Intercommerce), à payer à leurs concurrents (les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB) la somme de trois millions d'euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du chef d'une concurrence parasitaire ;

AUX MOTIFS propres et adoptés QU'il n'était pas contesté, ainsi que l'avaient relevé les premiers juges, que les produits Moulinex jouissaient d'une notoriété certaine en Égypte et que les sociétés du groupe Bouri avaient, sans bourse délier, utilisé les moules et les techniques de fabrication résultant des investissements du groupe Moulinex, ainsi que son réseau de distribution en Egypte ; qu'il y avait donc lieu de confirmer également le jugement entrepris en ce qu'il avait qualifié les agissements litigieux de concurrence parasitaire ; que ces pratiques impliquaient les sociétés Blendex Égypte, Misr Intercommerce et Mienta ; qu'il s'inférait nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un trouble commercial constitutif de préjudice pour la société qui en était victime (v. arrêt attaqué, p. 14, 7ème et 8ème alinéas ; p. 15, 6ème alinéa) ; qu'il ne pouvait être contesté que la notoriété des produits de la société Groupe SEB Moulinex était bien établie, y compris en Egypte ; qu'il était par ailleurs indubitable que l'utilisation de moules et de techniques de fabrication qui résultaient d'investissements du Groupe SEB Moulinex avait été faite sans bourse délier par le groupe Bouri, les copies de moules étant selon les explications des parties peu onéreuses (jugement entrepris, p. 14, 3ème et 4ème alinéas) ;

ALORS QUE, en matière de concurrence déloyale, le juge est tenu de mettre en oeuvre, même d'office, la règle de conflit de lois ; que, lorsque les actes de concurrence déloyale ont un effet sur un marché déterminé, la loi applicable pour régir l'action est celle du lieu où le marché est affecté par l'activité litigieuse ; que, pour imputer à l'exposante des actes de concurrence parasitaire, l'arrêt attaqué a énoncé qu'elle avait profité tant de la notoriété que la marque de son concurrent avait acquise en Egypte que de son réseau de distribution égyptien ; qu'en statuant ainsi exclusivement au regard du droit français, sans vérifier si, compte tenu du marché affecté par l'activité prétendument litigieuse, la loi égyptienne était applicable à l'action diligentée l'encontre de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil, ensemble de l'article 12 du code de procédure civile et de l'article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 dit "Rome II".

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le sous-licencié d'une marque (la société Blendex Egypt, l'exposante), in solidum avec d'autres (les sociétés Mienta France et Misr Intercommerce), à payer à leurs concurrents (les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB) la somme de trois millions d'euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du chef d'une concurrence déloyale ;

AUX MOTIFS QUE, appuyées sur un rapport établi par le cabinet Ricol Lasteyrie, les sociétés appelantes, dont la société Blendex Egypt, demandaient à la cour d'écarter le rapport établi par le cabinet [R], celui-ci n'ayant pas permis de débattre contradictoirement des éléments repris en son sein, la plupart des données étant couvertes par le principe de confidentialité ; qu'il s'inférait nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un trouble commercial constitutif de préjudices pour la société qui en était victime ; que, pour calculer le préjudice subi par la société Groupe SEB Moulinex à la suite des actes de concurrence déloyale, le rapport [R] avait évalué la marge qu'aurait réalisée la société SEB sur les cinq produits faisant l'objet d'imitations, de juin 2012 à fin décembre 2016, en l'absence des pratiques ; qu'à cet effet, il avait déterminé les ventes de produits réalisées par Mienta, la part de ces ventes qui auraient pu être réalisées par SEB (taux de report), puis estimé la marge que SEB aurait pu dégager sur ces ventes ; que, ne disposant pas de données sur les ventes réalisées par Mienta sur les cinq produits copiés pendant la période, l'expert avait estimé que la baisse des ventes réalisées par SEB sur ces cinq produits à compter de juin 2012 était due aux pratiques de concurrence déloyale de Mienta et que toutes les quantités perdues avaient été prises par Mienta ; qu'il avait comparé les quantités normales annuelles qu'auraient dû générer les cinq produits copiés pendant la période (calculées sur la base de la moyenne annuelle des quantités vendues par SEB avant la mise en oeuvre des pratiques, soit entre 2009 et 2011 : 277 003 produits) aux quantités réelles vendues ; qu'il avait ensuite considéré que 80 % de ces ventes réalisées par Mienta auraient bénéficié à SEB, pour tenir compte de la circonstance que les prix de Mienta étaient plus faibles que ceux des produits copiés, ce qui expliquait que le taux de report fût inférieur à 100 %, les consommateurs étant sensibles aux prix ; que cet effet avait été compensé par la notoriété des produits Moulinex ; que les quantités perdues s'élevaient ainsi à 813 056 produits ; que le chiffre d'affaires perdu, calculé en valorisant les quantités perdues sur la base des prix de vente moyens correspondant aux années litigieuses, avait ensuite permis de calculer la marge sur coûts variables perdue, soit la somme de 4,3 millions d'euros ; que la cour validait le principe de ces calculs et estimait qu'il n'y avait pas lieu d'écarter a priori le rapport [R], celui-ci ayant été soumis au contradictoire ; que les chiffres n'étaient cependant étayés d'aucune pièce comptable, même si des tableaux de calcul figuraient en annexes, dont certains résultaient des chiffres de Blendex (quantités vendues par SEB entre 2009 et 2011) ; que les comptes de la société SEB n'étaient pas versés aux débats, ni les calculs permettant d'évaluer sa marge sur coûts variables ; qu'enfin, on pouvait penser qu'une partie des baisses de vente de la société SEB sur les cinq produits provenait également, en 2012 et une partie de l'année 2013, du non-renouvellement des contrats entre SEB et le groupe Bouri, de sorte que le chiffre calculé par le rapport [R] était surévalué ; que, pour ces raisons, la cour approuvait le tribunal d'avoir évalué à trois millions d'euros le préjudice résultant des pratiques de concurrence déloyale (v. arrêt attaqué, p. 15, 4ème alinéa, à p. 16, 4ème alinéa) ; que les sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB réclamaient la somme totale de 9 597 939 ? au titre de la perte subie et du gain manqué ; que ce montant comprenait la perte au titre de la rupture brutale alléguée et 3 600 000 ? au titre de l'atteinte à l'image et à la notoriété ; qu'il y avait lieu cependant de ne tenir compte que des préjudices liés aux actes de concurrence déloyale et de parasitisme ; que des pièces versées aux débats par les demanderesses à l'action il ressortait, pour l'exercice 2011/2012, que la marge brute réalisée par le groupe SEB avec le groupe Bouri sur les produits Moulinex était de 1 891 000 ? ; que le chiffre d'affaires réalisé par le groupe Bouri sur les produits incriminés n'était pas divulgué ; que, en conséquence, le tribunal, usant de son pouvoir d'appréciation, fixerait les dommages et intérêts au titre du préjudice commercial et de la perte d'image dus aux agissements déloyaux et parasitaires, à la somme de trois millions d'euros et condamnerait la seule société Mienta à verser aux sociétés Groupe SEB Moulinex et SEB la somme de trois millions d'euros à titre de dommages et intérêts tous préjudices confondus, outre les intérêts légaux calculés à compter du 8 octobre 2013 avec anatocisme, déboutant du surplus (v. jugement entrepris, p. 14, dernier alinéa, et p. 15, 1er et 2ème alinéas) ;

ALORS QUE, d'une part, si un rapport d'expertise amiable établi non contradictoirement peut, lorsqu'il a été soumis à la discussion des parties, être utilisé à titre de preuve, il ne saurait constituer l'unique fondement de la décision ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que l'évaluation du préjudice résultait d'un rapport d'expertise amiable établi de façon non contradictoire par le cabinet [R] qui n'était assorti d'aucun document comptable contemporain des actes reprochés à l'exposante ; qu'en se fondant néanmoins exclusivement sur ce document pour arbitrer le montant alloué aux concurrents, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, d'autre part, l'arrêt attaqué a présupposé qu'« on p(ouvait) penser qu'une partie des baisses de vente de la société SEB sur les cinq produits prov(enait) également, en 2012 et une partie de l'année 2013, du non-renouvellement des contrats entre SEB et le groupe Bouri, de sorte que le chiffre calculé par le rapport [R] (était) surévalué » ; qu'en fondant sa décision sur une simple supposition pour fixer le montant du préjudice subi par les concurrents, la cour d'appel a statué par un motif hypothétique en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir interdit au sous-licencié d'une marque (la société Blendex Egypt, l'exposante), in solidum avec d'autres (les sociétés Mienta France et Misr Intercommerce), de fabriquer et commercialiser les produits de cette marque ;

ALORS QUE, d'une part, tout jugement doit être motivé ; qu'en interdisant à l'exposante de fabriquer et commercialiser les produits de la marque dont elle était la sous-licenciée sans préciser ni analyser, même succinctement, les éléments sur lesquels elle se serait fondée pour justifier la solution retenue, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, d'autre part, la mesure d'interdiction doit être proportionnée à la nécessité de faire cesser les actes de concurrence déloyale et de prévenir leur renouvellement ; qu'en interdisant à l'exposante de fabriquer et commercialiser les produits de la marque dont elle était la sous-licenciée, quand cinq produits seulement étaient visés par l'action en concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

UNION EUROPEENNE - Principes de primauté et d'effectivité du droit de l'Union européenne - Règles d'ordre public issues du droit de l'Union européenne - Règle de conflit - Règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 - Article 6 - Texte non invoqué par les parties - Application d'office par le juge français

CONFLIT DE LOIS - Règles d'ordre public issues du droit de l'Union européenne - Règle de conflit - Règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 - Article 6 - Mise en oeuvre d'office - Loi applicable - Détermination ACTION EN JUSTICE - Fondement juridique - Changement - Office du juge - Etendue - Détermination - Portée

Il résulte de l'article 12 du code de procédure civile et des principes de primauté et d'effectivité du droit de l'Union européenne que si le juge n'a pas, sauf règles particulières, l'obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d'ordre public issues du droit de l'Union européenne, telle une règle de conflit de lois lorsqu'il est interdit d'y déroger, même si les parties ne les ont pas invoquées. Le juge doit ainsi mettre en oeuvre d'office les dispositions impératives de l'article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles («Rome II») pour déterminer la loi applicable au litige


Références :

Article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II)

article 12 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 mai 2018

Sur l'obligation pour le juge lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d'ordre public issues du droit de l'Union européenne même si le demandeur ne les a pas invoquées, à rapprocher : Ch. mixte., 7 juillet 2017, pourvoi n° 15-25651, Bull. 2017, Ch. mixte, n° 2 ( cassation et irrecevabilité).


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 1re, 26 mai. 2021, pourvoi n°19-15102, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Bénabent

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 1
Date de la décision : 26/05/2021
Date de l'import : 16/11/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19-15102
Numéro NOR : JURITEXT000043617950 ?
Numéro d'affaire : 19-15102
Numéro de décision : 12100421
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2021-05-26;19.15102 ?
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