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12/05/2021 | FRANCE | N°20-12265

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 mai 2021, 20-12265


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 404 F-D

Pourvoi n° V 20-12.265

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale

et d'allocations familiales (URSSAF) [Localité 1], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-12.265 contre l'arrêt n° RG 18/024...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 404 F-D

Pourvoi n° V 20-12.265

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) [Localité 1], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-12.265 contre l'arrêt n° RG 18/02449 rendu le 14 novembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à la société Lisotherme, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Taillandier-Thomas, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF [Localité 1], de Me Balat, avocat de la société Lisotherme, après débats en l'audience publique du 24 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Taillandier-Thomas, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 novembre 2019), l'URSSAF [Localité 1] (l'URSSAF) a notifié à la société Lisotherme (la société) une mise en demeure, puis lui a décerné, le 16 mars 2015, une contrainte, à laquelle la société a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre premières branches

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la mise en demeure et la contrainte, alors :

« 1°/ que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure qui précise la nature des cotisations réclamées en indiquant qu'elles sont dues au titre du régime général ; qu'en jugeant, en l'espèce, que la mise en demeure du 10 février 2015 qui indiquait « nature des cotisations : régime général », sans détailler la branche ou le risque concerné ne permettait pas à la société débitrice de connaître la nature de son obligation, le tribunal a violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure établie sur la base des déclarations de la cotisante qui précise que la dette correspond à des cotisations dues au titre d'une régularisation annuelle ; qu'en l'espèce, l'URSSAF soutenait, sans être contestée, que la mise en demeure du 10 février 2015 avait été établie sur la base d'éléments communiqués par la cotisante de sorte que la mention qui précisait que les sommes réclamées résultaient d'une régularisation annuelle de cotisations lui permettait nécessairement d'avoir connaissance de la cause, de la nature et de l'étendue de son obligation ; qu'en jugeant le contraire sans rechercher, comme elle y invitée par l'URSSAF, si cette connaissance ne résultait pas des éléments que la société cotisante avait elle-même transmis au cours de l'année 2014, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure qui précise le montant des cotisations réclamées et la période à laquelle elles se rapportent ; qu'en l'espèce la mise en demeure du 10 février 2015 mentionnait expressément un montant total de cotisations de 32 012 euros ainsi que les périodes concernées ; qu'en exigeant cependant de l'URSSAF qu'elle justifie avoir préalablement adressé des appels de cotisations détaillant, pour chaque risque, le montant réclamé et qu'elle fasse référence à ces appels de cotisations dans le document de recouvrement, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

4°/ que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure qui précise la cause, la nature, le montant et la période à laquelle se rapportent les cotisations réclamées ; qu'en l'espèce, la mise en demeure du 10 février 2015 indiquait expressément que les sommes réclamées concernaient des majorations de retard complémentaires relatives au 3e trimestre 2014 et des cotisations dues au titre d'une régularisation annuelle pour l'année 2014 ; qu'en retenant, pour annuler cette mise en demeure, qu'aucune mention ne permettait de savoir sur quels trimestres portait la régularisation, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1596 du 18 décembre 2009, applicable au litige :

4. Il résulte de ce texte que la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à celui-ci d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

5. Pour annuler la mise en demeure et la contrainte subséquente, l'arrêt retient que la mise en demeure relative à la période du 3e trimestre 2014 et à l'année 2014, établie le 10 février 2015 pour un montant de 33 441 euros, ne comporte, sur la nature des cotisations appelées, que la mention « régime général » sans aucune précision sur la branche ou le risque concerné, que l'URSSAF ne justifie pas avoir adressé préalablement à la société des appels de cotisations précisant pour chaque risque le montant réclamé, que la mise en demeure ne comporte, en tout état de cause, aucun renvoi à de tels appels, qu'aucune mention ne permet à la société de savoir, d'une part, si le complément de majorations de retard du 3e trimestre 2014 et la régularisation des cotisations de l'année 2014 portent sur des retards, des insuffisances ou des absences de paiement de cotisations relevant de l'assurance maladie, de l'assurance vieillesse, des allocations familiales et/ou des cotisations d'accidents du travail et, d'autre part, s'agissant de la régularisation de l'année 2014, sur quel(s) trimestre(s) porte(nt) l'absence ou l'insuffisance de paiement des cotisations provisionnelles.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que les mentions de la mise en demeure litigieuse permettaient à la société de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

7. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de condamnation à une amende civile, alors « que la cassation qui interviendra sur le deuxième moyen tiré de la régularité de la mise en demeure et de la contrainte émises respectivement le 10 février et le 16 mars 2015 entraînera la censure de l'arrêt en ce qu'il dit qu'il n'y avait pas lieu de prononcer une amende civile, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

9. La cassation, prononcée sur le deuxième moyen, du chef de dispositif annulant la mise en demeure et la contrainte, entraîne la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt en ce qu'il déboute l'URSSAF de sa demande de condamnation à une amende civile, ce chef de dispositif ayant un lien de dépendance nécessaire avec les dispositions de l'arrêt cassé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la mise en demeure du 10 février 2015 et la contrainte du 16 mars 2015 et déboute l'URSSAF de sa demande de condamnation à une amende civile, l'arrêt rendu le 14 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Lisotherme aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lisotherme et la condamne à payer à l'URSSAF [Localité 1] la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF [Localité 2]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement rendu le 18 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Eure et Loir en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par l'URSSAF [Localité 2] du chef de défaut de motivation du recours engagé par la société Lisotherme, d'AVOIR rejeté la demande de l'URSSAF formulée au titre de l'article 700 et de l'AVOIR condamnée à supporter pour moitié les dépens d'appel.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'URSSAF reproche à la société de ne pas avoir motivé son recours devant le tribunal relevant s'il lui était loisible de ne développer qu'un seul argumentaire pour l'ensemble des contraintes contestées, elle devait néanmoins expliquer pour chacune d'elle ce qui était reproché et ne pas se limiter à une contestation globale ; la société rétorque qu'elle a contesté les trois mises en demeure en même temps et que l'argumentation proposée s'appliquait nécessairement à toutes ; sur ce, aux termes de l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner la contrainte mentionnée à l'article L. 244-9 ou celle mentionnée à l'article L. 161-1-5. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la lettre recommandée mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine. L'huissier de justice avise dans les huit jours l'organisme créancier de la date de signification. Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la signification. L'opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l'organisme créancier dans les huit jours de la réception de l'opposition ; en l'espèce, la société a formé opposition à trois contraintes au moyen d'un argumentaire commun ; s'il apparaît qu'il est fait particulièrement référence à une mise en demeure (non concernée par la présente opposition), la société mentionne par ailleurs expressément qu'aucune d'elles ne lui permet d'avoir connaissance de l'étendue de sa dette ; il sera en outre rappelé que celui qui fait opposition à une contrainte n'a pas l'obligation, au moment du dépôt de son recours, de faire valoir l'ensemble des moyens qu'il entend développer, de sorte qu'un seul moyen suffit à établir la motivation de l'opposition ; en conséquence, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la fin de non recevoir soulevée par l'URSSAF ; le jugement sera confirmé sur ce point ; »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'URSSAF [Localité 2] reproche à la SAS Lisotherme de ne pas avoir motivé son recours au motif qu'elle ne précise pas l'objet de sa contestation et qu'elle invoquerait à l'appui de sa contestation des pièces étrangères au présent recours ; vu l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale ; en l'espèce, il ressort des écritures introductives d'instance que celles-ci correspondent effectivement à la contrainte du 16 mars 2015 signifiée le 10 juillet 2015 ; en outre, la SAS Lisotherme a formé le 21 juillet 2015, trois oppositions à trois contraintes différentes signifiées le même jour, pour lesquelles elle a déposé un argumentaire unique ; cet argumentaire vise ainsi l'ensemble des contraintes querellées ; il n'empêche que l'exposante y développe son moyen principal applicable à l'ensemble de ces recours, à savoir le défaut de capacité à agir de l'URSSAF [Localité 2] ; au vue de ces éléments, il ne peut être soutenu que la SAS Lisotherme n'a pas motivé son recours ; en conséquence, la fin de non recevoir soulevée par l'URSSAF [Localité 2] sera rejetée et le recours est recevable » ;

1. ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, dans son courrier daté du 21 juillet 2015, la société Lisotherme spécifiait s'opposer à trois contraintes qui lui avaient été signifiées le 10 juillet 2015 afin de lui réclamer le paiement des sommes de 2527,73 euros pour le premier trimestre 2014, 32 287,47 euros pour le 4ème trimestre 2014 et 7254,68 euros pour le premier trimestre 2015, la société indiquait que suite à son intervention l'URSSAF s'était désistée d'une instance qui concernait une nouvelle relance effectuée « le 21 janvier 2015 » et un avis émis « le 20 février », elle précisait par ailleurs « la mise en demeure de l'URSSAF comme son assignation ne donnent pas le détail des sommes et ne peuvent donc suffire à me permettre de vérifier le bien-fondé des montants réclamés (?) en l'espèce la mise en demeure adressée le 21 janvier à Lisotherme, puis l'avis du 20 février précisent bien le montant et la période du premier trimestre 2014 à laquelle ils se rapportent. En revanche, la seule mention ?insuffisance de versement' ou ?absence de versement' ou ?part patronale' ou ?part ouvrière' ne renseigne pas suffisamment sur l'origine de la dette », enfin la société cotisante énonçait « de même les trois assignations reçues le 10 juillet sont en contradiction avec la signification de contrainte reçue le 3 mars » ; qu'en affirmant, pour rejeter la fin de non recevoir soulevée par l'URSSAF à l'encontre de l'opposition formée contre la contrainte émise le 16 mars 2015 que le courrier du 21 juillet 2015 « mentionnait expressément » qu'aucune des trois contraintes signifiées le 10 juillet 2015 ne permettait à la cotisante d'avoir une connaissance de l'étendue de sa dette quand seuls étaient expressément visés par ce reproche « la mise en demeure du 21 janvier » et « l'avis du 20 février » et que l'unique argument soulevé à l'encontre de ces trois contraintes concernait une contradiction avec une contrainte reçue « le 3 mars » ayant fait l'objet d'un désistement de la part de l'URSSAF, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 21 juillet 2015 et violé le principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ;

2. ALORS de même QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en affirmant, que dans son courrier d'opposition du 21 juillet 2015 la société Lisotherme développait son moyen principal tiré du défaut de capacité à agir de l'URSSAF applicable à l'ensemble de ces recours (jugement p. 2) quand aucune référence à cette capacité n'était faite dans le document, la cour d'appel a dénaturé le courrier précité et violé le principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ;

3. ALORS en tout état de cause QUE l'opposition à contrainte doit être motivée ; que si le cotisant peut former opposition à plusieurs contraintes dans le même acte, il doit motiver son opposition pour chacune d'elles ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le courrier du 21 juillet 2015 faisait référence à une mise en demeure non visée par le présent recours ; qu'en retenant, pour juger recevable l'opposition formée contre la contrainte émise le 16 mars 2015, que dans ce courrier la cotisante « avait formé opposition à trois contraintes » et mentionné « qu'aucune d'elles » ne lui permettait d'avoir connaissance de l'étendue de sa dette, quand cette opposition ne mentionnait ni la date à laquelle avait été émise la contrainte contestée dans la cadre de l'instance, ni celle de la mise en demeure qui l'avait précédée et ne formulait aucun grief spécifique contre la contrainte émise le 16 mars 2015, la cour d'appel a violé l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé la mise en demeure établie le 10 février 2015 par l'URSSAF [Localité 2] pour obtenir paiement de la somme de 33 441 euros portant pour 73 euros sur les majorations de retard afférentes aux cotisations complémentaires dues au titre du 3ème trimestre 2014 et pour 33 716 euros au titre des cotisations et majorations de retard afférentes à la régularisation annuelle de l'année 2014, d'AVOIR annulé la contrainte émise le 16 mars 2015 pour un montant total de 32012 euros correspondant aux cotisations dues pour le 3ème trimestre 2014 et la régularisation annuelle de 2014 et signifiée à la SAS Lisotherme le 10 juillet 2015, d'AVOIR débouté l'URSSAF [Localité 2] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'AVOIR condamné à supporter pour moitié les dépens d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « La société Lisotherme plaide qu'elle est une entreprise récente qui du fait des sommes investies en recherche et développement et suite à des déménagements successifs pour accompagner sa croissance, se retrouve régulièrement avec des périodes de trésorerie fragiles ; en vérifiant le bien fondé des sommes réclamées par l'Urssaf, elle estime qu'il existe des incohérences dans les sommes sollicitées puisque dans la même mise en demeure on lui reconnaît un trop perçu de 275 euros en même temps qu'une dette de 33 441 euros ; la Société remet également en cause le formalisme de la mise en demeure établie par l'Urssaf ainsi que celle de la contrainte qui, selon elle, ne donnent pas le détail des sommes qui sont réclamées ; elle soutient que de ce fait, elle n'est pas en mesure de vérifier le bien fondé des montants réclamés ; ainsi, elle estime ainsi que les seules mentions « majorations de retard complémentaires » et « régularisation annuelle » ne renseignent pas suffisamment sur l'origine de la dette ; l'Urssaf rétorque que la mise en demeure et la contrainte querellées répondent aux exigences de l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elles précisent la nature, la cause et le montant de l'obligation ; sur ce, l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dispose toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois ; si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant ; le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; l'avertissement ou la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; en l'espèce, la cour ne peut que constater que la mise en demeure établie le 10 février 2015 pour un montant de 33 441 euros relative à la période du 3e trimestre 2014 et à l'année 2014, ne comporte qu'une seule mention sur la nature des cotisations appelées à savoir « régime général » sans qu'il ne soit indiqué la branche ou le risque concerné ; c'est à tort que l'Urssaf soutient que la Société avait eu préalablement connaissance de son obligation de s'acquitter des cotisations sociales et qu'en mentionnant que la dette correspondait à une régularisation des cotisations sociales elle avait nécessairement connaissance de la nature des cotisations appelées ; en effet, elle ne justifie pas que des appels à cotisations précisant, pour chaque risque, le montant réclamé avaient préalablement été adressés à la Société mais, en tout état de cause, aucun renvoi à ces appels à cotisations n'est porté sur la mise en demeure ; par ailleurs, aucune mention d'aucune sorte ne permet à la Société de savoir si le complément de majorations de retard du 3e trimestre 2014 et la régularisation des cotisations de l'année 2014 portent sur des retards, des insuffisances ou des absences de paiement de cotisations relevant de l'assurance maladie, de l'assurance vieillesse, des cotisations familiales, des allocations familiales et/ou des cotisations d'accidents du travail ; de même, aucune mention ne permet de savoir, s'agissant de la régularisation de l'année 2014, sur quel(s) trimestres porte(nt) l'absence ou l'insuffisance de paiement des cotisations provisionnelles ; la contrainte émise à la suite de cette mise en demeure restée impayée n'apporte pas plus de précisions, la cour relevant que même la référence aux cotisations du « régime général » n'apparaît plus ; en conséquence la cour estime que la mise en demeure et la contrainte émise ensuite ne sont pas de nature à permettre à la Société de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation ; il convient donc de faire droit à la demande de celle-ci et de prononcer la nullité de la mise en demeure émise le 10 février 2015 comme de la contrainte émise le 16 mars 2015 et signifiée le 10 juillet suivant ; le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens ; sur les dépens, l'article 700 du code de procédure civile et l'amende civile ; les parties succombant partiellement à l'instance, elles supporteront, pour moitié chacune, les dépens d'appel et seront déboutées de leur demande respective au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; de même, au regard de la décision intervenue, il n'y a pas lieu de prononcer une amende civile » ;

1. ALORS QUE la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure qui précise la nature des cotisations réclamées en indiquant qu'elles sont dues au titre du régime général ; qu'en jugeant, en l'espèce, que la mise en demeure du 10 février 2015 qui indiquait « nature des cotisations : régime général », sans détailler la branche ou le risque concerné ne permettait pas à la société débitrice de connaître la nature de son obligation, le tribunal a violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

2. ALORS QUE la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure établie sur la base des déclarations de la cotisante qui précise que la dette correspond à des cotisations dues au titre d'une régularisation annuelle ; qu'en l'espèce, l'URSSAF [Localité 2] soutenait, sans être contestée, que la mise en demeure du 10 février 2015 avait été établie sur la base d'éléments communiqués par la cotisante de sorte la mention qui précisait que les sommes réclamées résultaient d'une régularisation annuelle de cotisations lui permettait nécessairement d'avoir connaissance de la cause, de la nature et de l'étendue de son obligation ; qu'en jugeant le contraire sans rechercher, comme elle y invitée par l'URSSAF, si cette connaissance ne résultait pas des éléments que la société cotisante avait elle-même transmis au cours de l'année 2014, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

3. ALORS QUE la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure qui précise le montant des cotisations réclamées et la période à laquelle elles se rapportent ; qu'en l'espèce la mise en demeure du 10 février 2015 11 mentionnait expressément un montant total de cotisations de 32 012 euros ainsi que les périodes concernées ; qu'en exigeant cependant de l'URSSAF qu'elle justifie avoir préalablement adressé des appels de cotisations détaillant, pour chaque risque, le montant réclamé et qu'elle fasse référence à ces appels de cotisations dans le document de recouvrement, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

4. ALORS QUE la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure qui précise la cause, la nature, le montant et la période à laquelle se rapportent les cotisations réclamées ; qu'en l'espèce, la mise en demeure du 10 février 2015 indiquait expressément que les sommes réclamées concernaient des majorations de retard complémentaires relatives 3ème trimestre 2014 et des cotisations dues au titre d'une régularisation annuelle pour l'année 2014 ; qu'en retenant, pour annuler cette mise en demeure, qu'aucune mention ne permettait de savoir sur quels trimestres portait la régularisation, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

5. ALORS QUE la contrainte, comme la mise en demeure, doit permettre à son destinataire de connaître la nature la cause et l'étendue de son obligation ; que cette connaissance peut résulter des mentions de la mise en demeure à laquelle se réfère la contrainte ; qu'en retenant, pour juger que la société cotisante n'avait pas été en mesure de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation que la contrainte émise le 16 mars 2015, qui faisait expressément référence à la mise en demeure du 10 février 2015, n'avait pas reproduit la mention « régime général » qui figurait sur la mise en demeure qui l'avait précédée, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté l'URSSAF [Localité 2] de sa demande de condamnation à une amende civile et de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'AVOIR condamnée à supporter pour moitié les dépens d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « La société Lisotherme plaide qu'elle est une entreprise récente qui du fait des sommes investies en recherche et développement et suite à des déménagements successifs pour accompagner sa croissance, se retrouve régulièrement avec des périodes de trésorerie fragiles ; en vérifiant le bien fondé des sommes réclamées par l'Urssaf, elle estime qu'il existe des incohérences dans les sommes sollicitées puisque dans la même mise en demeure on lui reconnaît un trop perçu de 275 euros en même temps qu'une dette de 33 441 euros ; la Société remet également en cause le formalisme de la mise en demeure établie par l'Urssaf ainsi que celle de la contrainte qui, selon elle, ne donnent pas le détail des sommes qui sont réclamées ; elle soutient que de ce fait, elle n'est pas en mesure de vérifier le bien fondé des montants réclamés ; ainsi, elle estime ainsi que les seules mentions « majorations de retard complémentaires » et « régularisation annuelle » ne renseignent pas suffisamment sur l'origine de la dette ; l'Urssaf rétorque que la mise en demeure et la contrainte querellées répondent aux exigences de l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elles précisent la nature, la cause et le montant de l'obligation ; sur ce, l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dispose toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois ; si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant ; le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; l'avertissement ou la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; en l'espèce, la cour ne peut que constater que la mise en demeure établie le 10 février 2015 pour un montant de 33 441 euros relative à la période du 3e trimestre 2014 et à l'année 2014, ne comporte qu'une seule mention sur la nature des cotisations appelées à savoir « régime général » sans qu'il ne soit indiqué la branche ou le risque concerné ; c'est à tort que l'Urssaf soutient que la Société avait eu préalablement connaissance de son obligation de s'acquitter des cotisations sociales et qu'en mentionnant que la dette correspondait à une régularisation des cotisations sociales elle avait nécessairement connaissance de la nature des cotisations appelées ; en effet, elle ne justifie pas que des appels à cotisations précisant, pour chaque risque, le montant réclamé avaient préalablement été adressés à la Société mais, en tout état de cause, aucun renvoi à ces appels à cotisations n'est porté sur la mise en demeure ; par ailleurs, aucune mention d'aucune sorte ne permet à la Société de savoir si le complément de majorations de retard du 3e trimestre 2014 et la régularisation des cotisations de l'année 2014 portent sur des retards, des insuffisances ou des absences de paiement de cotisations relevant de l'assurance maladie, de l'assurance vieillesse, des cotisations familiales, des allocations familiales et/ou des cotisations d'accidents du travail ; de même, aucune mention ne permet de savoir, s'agissant de la régularisation de l'année 2014, sur quel(s) trimestres porte(nt) l'absence ou l'insuffisance de paiement des cotisations provisionnelles ; la contrainte émise à la suite de cette mise en demeure restée impayée n'apporte pas plus de précisions, la cour relevant que même la référence aux cotisations du « régime général » n'apparaît plus ; en conséquence la cour estime que la mise en demeure et la contrainte émise ensuite ne sont pas de nature à permettre à la Société de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation ; il convient donc de faire droit à la demande de celle-ci et de prononcer la nullité de la mise en demeure émise le 10 février 2015 comme de la contrainte émise le 16 mars 2015 et signifiée le 10 juillet suivant ; le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens ; sur les dépens, l'article 700 du code de procédure civile et l'amende civile ; les parties succombant partiellement à l'instance, elles supporteront, pour moitié chacune, les dépens d'appel et seront déboutées de leur demande respective au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; de même, au regard de la décision intervenue, il n'y a pas lieu de prononcer une amende civile » ;

ALORS QUE la cassation qui interviendra sur le deuxième moyen relatif à la régularité de la mise en demeure et de la contrainte émises respectivement le 10 février et le 16 mars 2015 entraînera la censure de l'arrêt en ce qu'il dit qu'il n'y avait pas lieu de prononcer une amende civile, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-12265
Date de la décision : 12/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 mai. 2021, pourvoi n°20-12265


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.12265
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